L'idée de ce billet est partie d'une annonce du Président de la République, reprise par la presse et par les associations féministes.
La ménopause, arrêt de l'ovulation et disparition des règles selon le dictionnaire, est traitée comme une maladie, un inconvénient (que les hommes ne partagent pas) alors qu'objectivement c'est une délivrance. Travers typique du patriarcat éleveur : cette annonce sur la ménopause mal vécue par les femmes. De fait, les femmes âgées deviennent invisibles dans l'espace public et ailleurs. Valorisées auparavant dans le rôle de mères reproductrices de l'espèce, la ménopause arrête tout cela et rend le sujet tabou par excellence ! Pensez, vous devenez inutile à l'élevage et à la reproduction survalorisée par la société. Une femme n'a de valeur que parce qu'elle produit des enfants, c'est encore mieux quand elle produit au moins un garçon, les dégâts sociaux faits par ce sexe étant bien entendu largement passés sous silence ! Voici l'article en question : c'est le locataire de l'Elysée, qui d'ailleurs n'a lui-même pas d'enfant reconnu à quasiment cinquante ans (c'est sa seule qualité et originalité d'ailleurs), qui s'y colle : 'Emmanuel Macron souhaite que qu'une mission parlementaire se saisisse de la QUESTION de la ménopause'. La ménopause est une question. Ah ? Les hommes qui vieillissent aussi, ont eux, le destin des femelles des autres animaux : baisse continue de la fécondité et du désir sexuel, donc de la vitalité, mais possibilité dans leur cas d'avoir encore une descendance à condition expresse que la femme soit bien plus jeune. Haro donc sur la ménopause 'problème', puisqu'elle signale le début de la vieillesse dans une société de la performance, définitivement jeuniste, ménopause vécue aussi comme une injustice, par souci d'égalité avec les hommes.
Il n'y aurait dans le règne animal auquel nous appartenons (ordre des primates, sous-ordre mammifères) que deux espèces dont la femelle serait dotée de la ménopause, cet arrêt définitif de la période de fécondité, les femmes et les orques, alors que, en dehors de ces deux espèces, les femelles peuvent continuer avec moins de productivité avec l'avance en âge, à produire des petits. Pourquoi ces deux-là, et surtout pourquoi les femmes de l'espèce humaine, se demandent les scientifiques qui hasardent des hypothèses. Les femelles de l'espèce humaine se différencient des autres en ceci qu'elles n'ont pas d'œstrus (Françoise Héritier), cette période de rut limitée dans le temps, hors de laquelle les femelles animales deviennent indisponibles et refusent le mâle, les femmes sont disponibles sexuellement, hors ovulation. Et elles font une ménopause. Bien sûr, il n'en a pas toujours été ainsi, il y a forcément eu une pression de l'évolution pour que cela se produise.
Une thèse nous est présentée par le consensus scientifique sur le sujet : les grand-mères ! Ah la thèse des grands-mères, je l'adore. En gros, les femmes ménopauseraient pour se rendre disponible pour le rôle de grand-mère, sur-mère, aidante, éducatrice, notre espèce présentant aussi le défaut de la néoténie (nous naissons pas finis ou mal finis, sans tenir debout ni être capable d'échapper aux prédateurs et aux dangers de l'environnement), les femmes n'ayant que 9 mois de grossesse pour mener la chose à bien et à son terme. Si nous devions produire l'état d'un faon ou d'un chevreau tenant debout dans la demi-heure suivant sa naissance, il nous faudrait 24 mois de grossesse, qu'on terminerait grabataires, et le foetus serait tellement gros qu'il nous tuerait pendant la mise bas, pardon, l'accouchement. J'allais manquer à tous mes devoirs envers notre espèce tellement spécifique que les mots de vocabulaire que nous appliquons aux autres animaux en sont changés ! Sinon autrement, et ailleurs, on nous traite aussi bien et même pire que des femelles animales mais passons, ce n'est pas le sujet, mettons donc les formes : accouchement.
Comme elle est commode au patriarcat cette thèse des grands-mères ; après le premier arrimage à la reproduction, à peine le temps de souffler, voici le deuxième arrimage : jamais un moment à soi, vous êtes juste tirée des "joies" aha ah de la maternité, que voici que vos filles et garçons s'y adonnent aussi. Et les pauvres bouchons n'y arrivant pas seuls, vous seriez tout de même bien ingrate (une sale égoïste, oui !) de leur refuser le coup de main pour garder vos petits-enfants, par exemple à l'autre bout de la France, et pendant les vacances scolaires, leurs parents travaillant à leur carrière et n'ayant pas une minute à eux ! Evidemment, on ne vous le vend pas comme ça, brut de décoffrage avec des piquants partout, non, on met les formes (tout est dans les formes), on ébarbe, on vous l'emballe dans du papier de soie, avec des rubans et du bolduc : par exemple, "il faut tout un village pour élever un enfant", ou "les joies d'être grand-mère faisant des gâteaux et des confitures, avec la distance prise par l'expérience". Sans rire. J'ai assisté à des scènes pré-meurtres sur des parkings de musées où des grands-mères étaient tellement près de péter un plomb devant un môme insupportable, que je suis restée, histoire de voir évoluer la situation, prête à intervenir s'il le fallait pour empêcher le pire d'advenir. Le grand-père, quand il était là, planté comme un cierge, inutile, apathique.
Moi j'ai une autre théorie à proposer sur cette affaire de ménopause : ni plus ni moins que celle de la survie des femmes, donc de l'espèce. Pendant des millénaires, la moyenne d'âge de l'espèce humaine est restée en dessous de 30 ans. La cause ? La mortalité pré, pendant et post-natale : les femmes ont payé de leur vie ce douteux 'privilège' de porter les enfants. Ce qui a fait baisser la moyenne de survie de toute l'espèce. Imprudente l'espèce, d'ailleurs : cela ne l'a jamais conduite à la tempérance, à la prudence ni à l'abstention, au contraire. Je veux bien admettre qu'au début c'est lié à l'ignorance du comment et du pourquoi, mais au bout d'un temps pas très long, les causes et les effets ont bien dû apparaître aux yeux même des moins bien dotés en qualités intellectuelles, les hommes, au hasard ! Les forcenés sur-sélectionnés par l'évolution (violeurs, razzieurs, maîtres et possesseurs qui sont toujours bien présents et nuisibles, nocifs, encore aujourd'hui, voir l'actualité récente) de la reproduction forcée (sans cela vous allez rater votre vie, mes pauvres filles !) ont produit un système de défense. L'évolution s'en est mêlée et a fait pression ; à un moment, la prime à la survie a été octroyée aux moins tardivement fécondes, la mortalité précoce, donc la moindre transmission de leurs gènes, a condamné les plus fécondes tardives à la disparition, puis à la fixation de la ménopause comme caractéristique reproductive de l'espèce. Un sauvetage, merci Mère Nature. Au moins, le temps que les femmes prennent conscience de leur asservissement et commencent à se défendre. Pour les orques, je n'ai pas de théorie, je n'en ai jamais rencontré. Il n'est pas impossible qu'elles aient, elles aussi, un mâle insupportablement agressif et dominateur !
Ma théorie n'est pas scientifique, je n'ai d'ailleurs pas de prétention à cela, je n'ai aucune formation scientifique. Ce qui ne m'empêche pas de penser. Et je pense que cette théorie des grands-mères est une incitation à une seconde carrière maternelle, puisque les hommes et leur société patriarcale nous préfèrent dans ces fonctions, que cela limite la concurrence que nous leur faisons ailleurs, et qu'ils détestent. D'où le constat suivant : quand je marche ou me promène dans des endroits en ville où d'autres femmes marchent aussi, je ne surprends -à mon corps défendant- que des conversations à propos de gardes d'enfants, de vacances scolaires qui les obligent à modifier leur routine ; quand je me retrouve en société ou en famille avec des femmes, elles ne parlent que de leurs petits-enfants (ou arrières !) et des obligations qu'elles leur doivent. Cela rend leur compagnie assez ennuyeuse d'ailleurs, n'ayant pour ma part, pas ces injonctions au-dessus de ma tête. Je préfère parler des livres que je lis, des films ou des expositions que je vois, lors de mon temps libre qui est aussi rempli que le leur, mais où je me ménage aussi des moments d'oisiveté totale, loin de l'agitation sociale contemporaine où il faudrait toujours faire quelque chose, avoir des milliers de projets en cours ou à venir.
Aussi ma conclusion, Mesdames, ne marchez pas dans la combine tendue devant vos pas, ne gâchez pas le temps qu'il vous reste, ce temps de fin de pression qu'est la ménopause. Voyez vos petits-enfants évidemment tant que vous le voulez, mais imposez vos agendas et emplois du temps, cela les formera à l'assertivité par l'exemple. Il vous appartient de vivre aussi pour vous, égoïstement diront certain-es, et alors ? Les femmes n'auraient pas le droit à un moment d'être égoïstes, de penser d'abord à elles-mêmes, alors que la société leur a toujours enjoint d'être au service des autres, à commencer par leur famille, et ce, pire, en bénévolat, sans gagner un rond dans l'affaire, voire même en se fragilisant économiquement. Il me semble que la théorie des grands-mères sert ce dessein d'asservissement des femmes encore et toujours à la reproduction humaine et à la dévotion à rien d'autre qu'à leur famille. Et puis cette peur de l'inutilité ! On nous met au monde sans nous demander notre avis, et après il faut subir l'injonction d'être utile ! C'est quand même fou non ?