Le cintre fait son grand retour ! On ne l'aurait pas cru possible.
D'un trait de plume, la Cour suprême des Etats-Unis vient d'annuler le droit des citoyennes états-uniennes, éternelles sous citoyennes, mineures, interdites du gouvernement d'elles-mêmes et de leur corps, en les arrimant à la sacro-sainte reproduction, en autorisant un retour de 50 ans en arrière. Ce seront les différents états qui décideront s'ils permettent ou non le recours à l'IVG. Rappelons quand même que la Cour suprême états-unienne est le pouvoir judiciaire, le troisième pouvoir surveillant les deux autres, exécutif et législatif, troisième pilier des trois pouvoirs absolument séparés qui caractérisent le système démocratique, et c'est avec ce statut qu'elle vient d'attaquer les droits constitutionnels des citoyennes états-uniennes en annulant la jurisprudence, la garantie fédérale, l'arrêt Roe vs Wade qui instaurait un traitement fédéral unique des femmes pour les cinquante états.
Clairement, il s'agit d'une mine, et ce ne sera sans doute pas la seule, laissée par le président Trump, agresseur de femmes et misogyne, populiste nationaliste, fomenteur de coup d'état, mâle frustré à psychologie de môme de neuf ans d'âge mental, viriliste, la plaie de l'époque. En outre, les trois juges nommés par Trump sont jeunes, environ cinquante ans, le mandat de la Cour suprême étant à vie, les américaines vont les avoir sur le dos pour une génération ou plus. C'est aussi un mauvais signal envoyé à tous les états du monde, notamment aux théocraties, haineuses de la liberté des femmes. Cela se passe la même semaine où cette même cour a décidé le droit de port d'arme dissimulée pour tous les citoyens y compris ceux de New-York, où cela était jusqu'à présent interdit. Deux semaines après la tuerie d'Uvalde où un mâle ayant-droit frustré, s'est rué, lourdement armé, dans une école où il a tué dix-neuf enfants et deux enseignantes après s'être fait la main sur sa grand-mère. Les patriarcaux repus de carnages, arrogants, obsolètes, rongeant des os dans leurs cavernes obscures. Trop plein ? Qu'à cela ne tienne, ils tuent : un bon carnage, une bonne guerre, un bon génocide, ça fait de la place. Tuer des êtres humains nés et ne demandant qu'à vivre en vaquant à leurs occupations, eux ont le droit, ils entretiennent ainsi la terreur, et même s'ils ne l'ont pas, la société est très tolérante à leurs mauvaises actions. Les femmes, éternellement esclavagisées et réduites à leur fonction reproductive depuis le Néolithique, ne sont tolérables que mères. La Mère définitivement annexée par son fruit, opposée à la femme et son désir incontrôlable de liberté et d'autonomie.
Françoise d'Eaubonne écrivait en 1974 dans Le féminisme ou la mort : " Tant que subsistera le pouvoir mâle, il va de soi que rien ne peut changer sur ce plan, et que l'origine même des conditions de vie n'a aucune raison d'être réexaminée. La morale est condamnée en ces mains millénaires à conserver comme pulsions primordiales l'agressivité, l'instinct de destruction et de violence, l'empreinte laissée par force sur la chair et la nature. "
Il n'y a malheureusement rien à changer à cette phrase cinquante ans après. Quel backlash ! Juste au moment où Némésis (déesse antique de la vengeance et de la rétribution) frappe leur hybris d'hommes arrogants ayant ruiné le biotope Terre, la ruine se manifestant avec des températures invivables, des orages de gros grêlons semant la destruction sur les récoltes, avec des tornades et des ouragans, avec des inondations et des coulées de boues accentuées par l'artificialisation des sols due à l'incontinence humaine et ses besoins en béton et bitume, en champs de maïs pour nourrir des animaux, et ces misfits inadaptés veulent nous forcer à nous reproduire ? Plus andouilles bitocentrées, et au plus mauvais timing, c'est impossible à trouver. Les bêtes sont moins connes qu'eux, que nous. J'ai bien envie de mettre dans le lot tous les fanatiques de la reproduction, prosélytes de la natalité, que leurs problèmes de stérilité rendent dingues au point d'aller louer des ventres dans des pays sous-développés, profitant de législations défavorables aux femmes. Il n'en manque pas.
C'est vrai que ce serait dommage de rater la prochaine fournée des Poutine, Loukachenko, Kadyrov (le trio de crapules obscènes du moment), Erdogan, Ahmadinejad, Bolsonaro, Trump, Bush père et fils, Duterte, Kim Jong-Un, les dirigeants mâles de l'Emirat Islamique d'Afghanistan en train de renvoyer leur pays à l'âge de pierre après le retrait piteux du phare des Lumières, vecteur de démocratie (hin hin) chez les bouseux réputés incapables de la conquérir eux-mêmes, ainsi que la longue litanie des tyrans africains et asiatiques morts ou encore en exercice. Autant d'absolutisme perdu, ce serait un vrai gâchis.
Nous avons, pour l'instant, la chance d'être européennes, mais je me demande tout de même s'il ne serait pas prudent, en France, de graver dans le marbre de la constitution (quoique apparemment aux USA ça n'ait pas si bien marché) le droit des femmes à disposer d'elles-mêmes et de leur corps, vu les attaques auxquelles nos droits sont soumis. L'Europe devient l'endroit le plus favorable aux droits des femmes. Mais je me demande s'il ne serait pas prudent également d'insister et de remettre sur la table au niveau européen la clause de l'Européenne la plus favorisée sur laquelle la juriste féministe Gisèle Halimi avait travaillé de son vivant, clause rassemblant les dispositions les plus favorables aux femmes de l'ensemble des pays de l'Union européenne, et proposant une législation les généralisant aux 27 pays de l'Union. Les cas de Malte et de la Pologne sont emblématiques du combat qui reste à mener pour éviter le retour du cintre ! Plus que jamais le combat continue. Tous les fondamentalismes sont les ennemis de l'autonomie des femmes, qu'ils soient chrétiens ou islamistes. Nous ne devons tolérer aucune compromission avec ces systèmes délétères.
Toutes les 9 minutes dans le monde une femme meurt d'un avortement fait dans des conditions déplorables puisqu'une femme qui ne veut pas d'enfant pour d'excellentes raisons qu'on n'a pas à discuter, tentera tout pour mettre fin à sa grossesse. Le droit à l'avortement est donc une question de santé publique en plus d'une question de droits des femmes à disposer de leur corps. Ce seront une fois de plus les femmes les plus défavorisées économiquement qui seront pénalisées : aux Etats-Unis, il est probable que seulement la moitié des états garderont dans leur législation le droit d'avorter, ce qui obligera les femmes des autres états à aller se faire avorter hors de chez elle, introduisant de fait une différence entre les citoyennes états-uniennes. Rappelons aussi que les Etats-Unis ont le taux de grossesses de teenagers le plus élevé des pays riches. Ca va faire un carnage sur les potentialités des femmes.
#MyBodyMyChoice #NoUterusNoOpinion