Pages

samedi 25 juin 2022

Suppression de l'arrêt Roe versus Wade - Ils l'ont fait !

Le cintre fait son grand retour ! On ne l'aurait pas cru possible. 

D'un trait de plume, la Cour suprême des Etats-Unis vient d'annuler le droit des citoyennes états-uniennes, éternelles sous citoyennes, mineures, interdites du gouvernement d'elles-mêmes et de leur corps, en les arrimant à la sacro-sainte reproduction, en autorisant un retour de 50 ans en arrière. Ce seront les différents états qui décideront s'ils permettent ou non le recours à l'IVG. Rappelons quand même que la Cour suprême états-unienne est le pouvoir judiciaire, le troisième pouvoir surveillant les deux autres, exécutif et législatif, troisième pilier des trois pouvoirs absolument séparés qui caractérisent le système démocratique, et c'est avec ce statut qu'elle vient d'attaquer les droits constitutionnels des citoyennes états-uniennes en annulant la jurisprudence, la garantie fédérale, l'arrêt Roe vs Wade qui instaurait un traitement fédéral unique des femmes pour les cinquante états.  

Clairement, il s'agit d'une mine, et ce ne sera sans doute pas la seule, laissée par le président Trump, agresseur de femmes et misogyne, populiste nationaliste, fomenteur de coup d'état, mâle frustré à psychologie de môme de neuf ans d'âge mental, viriliste, la plaie de l'époque. En outre, les trois juges nommés par Trump sont jeunes, environ cinquante ans, le mandat de la Cour suprême étant à vie, les américaines vont les avoir sur le dos pour une génération ou plus. C'est aussi un mauvais signal envoyé à tous les états du monde, notamment aux théocraties, haineuses de la liberté des femmes. Cela se passe la même semaine où cette même cour a décidé le droit de port d'arme dissimulée pour tous les citoyens y compris ceux de New-York, où cela était jusqu'à présent interdit. Deux semaines après la tuerie d'Uvalde où un mâle ayant-droit frustré, s'est rué, lourdement armé, dans une école où il a tué dix-neuf enfants et deux enseignantes après s'être fait la main sur sa grand-mère. Les patriarcaux repus de carnages, arrogants, obsolètes, rongeant des os dans leurs cavernes obscures. Trop plein ? Qu'à cela ne tienne, ils tuent : un bon carnage, une bonne guerre, un bon génocide, ça fait de la place. Tuer des êtres humains nés et ne demandant qu'à vivre en vaquant à leurs occupations, eux ont le droit, ils entretiennent ainsi la terreur, et même s'ils ne l'ont pas, la société est très tolérante à leurs mauvaises actions. Les femmes, éternellement esclavagisées et réduites à leur fonction reproductive depuis le Néolithique, ne sont tolérables que mères. La Mère définitivement annexée par son fruit, opposée à la femme et son désir incontrôlable de liberté et d'autonomie. 

Françoise d'Eaubonne écrivait en 1974 dans Le féminisme ou la mort : " Tant que subsistera le pouvoir mâle, il va de soi que rien ne peut changer sur ce plan, et que l'origine même des conditions de vie n'a aucune raison d'être réexaminée. La morale est condamnée en ces mains millénaires à conserver comme pulsions primordiales l'agressivité, l'instinct de destruction et de violence, l'empreinte laissée par force sur la chair et la nature. "

Il n'y a malheureusement rien à changer à cette phrase cinquante ans après. Quel backlash ! Juste au moment où Némésis (déesse antique de la vengeance et de la rétribution) frappe leur hybris d'hommes arrogants ayant ruiné le biotope Terre, la ruine se manifestant avec des températures invivables, des orages de gros grêlons semant la destruction sur les récoltes, avec des tornades et des ouragans, avec des inondations et des coulées de boues accentuées par l'artificialisation des sols due à l'incontinence humaine et ses besoins en béton et bitume, en champs de maïs pour nourrir des animaux, et ces misfits inadaptés veulent nous forcer à nous reproduire ? Plus andouilles bitocentrées, et au plus mauvais timing, c'est impossible à trouver. Les bêtes sont moins connes qu'eux, que nous. J'ai bien envie de mettre dans le lot tous les fanatiques de la reproduction, prosélytes de la natalité, que leurs problèmes de stérilité rendent dingues au point d'aller louer des ventres dans des pays sous-développés, profitant de législations défavorables aux femmes. Il n'en manque pas.

C'est vrai que ce serait dommage de rater la prochaine fournée des Poutine, Loukachenko, Kadyrov (le trio de crapules obscènes du moment), Erdogan, Ahmadinejad, Bolsonaro, Trump, Bush père et fils, Duterte, Kim Jong-Un, les dirigeants mâles de l'Emirat Islamique d'Afghanistan en train de renvoyer leur pays à l'âge de pierre après le retrait piteux du phare des Lumières, vecteur de démocratie (hin hin) chez les bouseux réputés incapables de la conquérir eux-mêmes, ainsi que la longue litanie des tyrans africains et asiatiques morts ou encore en exercice. Autant d'absolutisme perdu, ce serait un vrai gâchis.

Nous avons, pour l'instant, la chance d'être européennes, mais je me demande tout de même s'il ne serait pas prudent, en France, de graver dans le marbre de la constitution (quoique apparemment aux USA ça n'ait pas si bien marché) le droit des femmes à disposer d'elles-mêmes et de leur corps, vu les attaques auxquelles nos droits sont soumis. L'Europe devient l'endroit le plus favorable aux droits des femmes. Mais je me demande s'il ne serait pas prudent également d'insister et de remettre sur la table au niveau européen la clause de l'Européenne la plus favorisée sur laquelle la juriste féministe Gisèle Halimi avait travaillé de son vivant, clause rassemblant les dispositions les plus favorables aux femmes de l'ensemble des pays de l'Union européenne, et proposant une législation les généralisant aux 27 pays de l'Union. Les cas de Malte et de la Pologne sont emblématiques du combat qui reste à mener pour éviter le retour du cintre ! Plus que jamais le combat continue. Tous les fondamentalismes sont les ennemis de l'autonomie des femmes, qu'ils soient chrétiens ou islamistes. Nous ne devons tolérer aucune compromission avec ces systèmes délétères. 



Toutes les 9 minutes dans le monde une femme meurt d'un avortement fait dans des conditions déplorables puisqu'une femme qui ne veut pas d'enfant pour d'excellentes raisons qu'on n'a pas à discuter, tentera tout pour mettre fin à sa grossesse. Le droit à l'avortement est donc une question de santé publique en plus d'une question de droits des femmes à disposer de leur corps. Ce seront une fois de plus les femmes les plus défavorisées économiquement qui seront pénalisées : aux Etats-Unis, il est probable que seulement la moitié des états garderont dans leur législation le droit d'avorter, ce qui obligera les femmes des autres états à aller se faire avorter hors de chez elle, introduisant de fait une différence entre les citoyennes états-uniennes. Rappelons aussi que les Etats-Unis ont le taux de grossesses de teenagers le plus élevé des pays riches. Ca va faire un carnage sur les potentialités des femmes.  

#MyBodyMyChoice #NoUterusNoOpinion

mercredi 15 juin 2022

Les analogies hasardeuses de Cécile Duflot sur France Inter

Mardi 31 mai, Cécile Duflot, ancienne femme politique écologiste chez Les Verts, désormais Présidente d'Oxfam France, et chroniqueuse une fois par semaine à France Inter, en toute subjectivité, consacre sa chronique au documentaire de Mélanie Diams, "Salam" lancé au Festival de Cannes, et fait le parallèle entre deux destins malheureux de chanteuses en abordant le sujet par le petit commun dénominateur du voile et de la religion. Diams, devenue mère de famille envoilée, et Jeanine Deckers alias Sœur Sourire, chanteuse des années soixante, ex religieuse choisissant elle, de se dévoiler. Et ça fait une différence de taille.

Le podcast est à retrouver en cliquant sur ce lien

Cécile Duflot se livre à différents amalgames qui invalident sa démonstration, dont elle semble pourtant contente. 

La comparaison entre les destins des deux artistes est hasardeuse. Les époques sont diamétralement différentes : les années yéyés cherchaient la libération du vieux carcan patriarcal, de la vieille société gaulliste, Simone de Beauvoir avait publié le deuxième sexe, elles voyaient éclore des mouvements contestataires, dont le féminisme du MLF n'est pas le moindre. A contrario, les années 2000 - 2010 et suivantes sont des années de backlash patriarcal, de sérieuse remise au pas puisque chaque mouvement libérateur est suivi de digestion, puis de récupération de ses idées libératrices pour le plus grand bien du système, à son profit, quitte à inventer une nouvelle réalité, bien entendu.

La comparaison entre une religieuse contemplative dominicaine hors du siècle (un ordre cloitré), donc une femme qui porte le dress code professionnel de sa congrégation, et une fille normalement plus émancipée car née un demi-siècle plus tard, désormais mère de famille dans le siècle qui décide de s'envoiler n'est pas pertinente ; rappelons qu'une religieuse est une femme consacrée qui s'est retirée de la société pour passer sa vie dans l'abstinence et la dévotion. Cela ne concerne qu'une minorité de femmes qu'on ne voit pas, qui ne font aucun prosélytisme dans l'espace public. Pas grand chose à voir donc avec une mère de famille qui fait ses courses, emmène ses enfants à l'école, va au travail, exerce un métier parfois public, et qui est donc entièrement à la vue de la société. Il n'est pas mal aussi de rappeler, j'y tiens, que les religieuses se mettent les pieds sous la table après leur journée de boulot, que personne ne leur dit le soir en rentrant "qu'est-ce qu'on mange ?" leur "époux" étant, les veinardes, tout ce qu'il y a de plus virtuel. 

Les choix faits par les deux, Deckers et Diams, ne sont pas symétriques : une religieuse après son entrée en notoriété, Jeanine Deckers, jette son voile par dessus les moulins pour faire une autre carrière, finit dans la misère, spoliée par sa maison de disque, se met en couple avec une femme ce qui révèle que son choix de la clôture dans un couvent de femmes était sans doute inconsciemment un choix de lesbienne. Mélanie Diams, dépressive éprouvant un douloureux vide existentiel, arrête volontairement sa carrière de rappeuse au sommet, pour devenir mère de famille convertie et voilée, mais dans le siècle, dans une théocratie, les Emirats Arabes Unis, théocratie peuplée de milliardaires. A priori, je ne discute pas, tant qu'elle ne fait pas de prosélytisme en France. Rappelons qu'elle a arrêté sa carrière pour se consacrer à sa famille, ce qui lui procure paix et stabilité. On est contentes pour elle. Chacun ses choix. 

En revanche, je leur vois des points communs autrement plus parlants que le voile : maltraitance dans l'enfance, et à l'âge adulte, dépression et affrontement difficile avec le star système et la scène médiatique anthropophage, surtout pour les femmes, notamment celles qui ont été affaiblies par les maltraitances patriarcales, et quête spirituelle insatiable donc frustrante, pour les deux. Jeanine Deckers souffrait d'être en conflit avec sa mère, femme d'artisan au foyer normopathe, avec les hommes dirigeants de sa maison de production qui ont profité de sa candeur, avec son ordre religieux patriarcal maltraitant qui était contre toute forme d'émancipation et d'autodétermination ; Mélanie Diams s'est plainte dans ses textes des violences conjugales dont elle fut victime par un précédent mari. Elle est manifestement aussi en conflit avec son père. Le port du voile n'est donc, n'en déplaise à Cécile Duflot, que leur petit commun dénominateur. Il est accessoire et inopérant. Ce qu'elles ont bien en commun en revanche, c'est le mal-être infligé par des institutions patriarcales faisant système. La fuite qu'elles ont tenté, définitive par le suicide pour l'une, l'enfermement dans le mariage et le retrait de la vie artistique pour l'autre... Jeanine Deckers n'a plus, elle, la possibilité de revenir répondre, ni de donner de ses nouvelles à ses fans à travers un film. 

J'ai fait moins d'études et occupé des postes moins importants que Cécile Duflot, aussi je suis étonnée par sa naïveté et par les approximations de sa démonstration ; à moins que ce ne soit de la roublardise de mettre ainsi en symétrie deux carrières de femmes qui n'auraient en commun que leur voilement et la stigmatisation qu'elles en auraient subi. La preuve une fois de plus que des gens influents issus de la gauche écologiste sont les idiots utiles de l'islam politique. Qu'un seul travail auquel se consacrer corps et âme ne leur suffit pas. Et France Inter qui ouvre grand ses micros, sans mise au point ou contradictrice pour contrebalancer ce qui n'est que la promotion du choix individuel versus les combats et victoires collectives, du libéralisme du tout se vaut du moment que je l'aurais choisi. Vendant à l'encan les droits chèrement acquis des femmes à leur libération de toutes formes d'oppressions patriarcales. 

Pendant ce temps : un rapport du Service Central du Renseignement Territorial (SCRT, ex RG) recense les entorses à la laïcité et à la loi de 2004 en recrudescence nette dans les écoles, collèges et lycées. Des adolescent-es testent de différentes façons la capacité de résistance de l'école en se présentant, garçons et filles ensemble, dans des tenues "culturelles" ou "ethniques" kamis, sarouels, et autres tuniques enveloppant le corps, qui sont tout sauf actuelles et occidentales. Les occurrences, qui correspondent aux seuls signalements faits par l'institution, dont on sait qu'elle n'est pas très ferme sur les principes, selon le très en vigueur "pas de vague", seraient sous-évaluées.  Il y a une façon simple de contrer les ardeurs prosélytes téléguidées par les imams ou les familles sectaires, c'est l'uniforme. Comme à Londres ou dans les pays du Commonwealth où on peut voir couramment le matin et le soir sur le chemin de l'école, des écolières et écoliers en vêtements bicolores veste à blason, jupe, pantalon. Sans aller jusqu'au blason, on peut transposer en veste marine, bordeaux ou vert sapin, sur chemise ou polo blanc et pantalon ou jupe de flanelle indifférents pour les deux sexes. On efface ainsi les différences de classes sociales et on met un coup d'arrêt, au moins pendant quelques heures, aux velléités des fashion victims et des conformistes sectaires. 

Lien vers l'interview de Mélanie menée de façon très complaisante pour mon goût par Augustin Trapenard pour Brut à l'occasion de la présentation à Cannes de son documentaire. Mélanie y est très touchante. 

On perdrait moins de temps à faire des dépressions et à se mettre martel en tête si on admettait que la vie n'a absolument aucun sens. Mais c'est difficile pour les humains de renoncer à la finalité, et au projet qui fait sens. Malgré les désastres et malheurs subis, la maladie dépressive, le vide existentiel, il convient encore d'inviter de nouveau convives au banquet. Etonnant.