Nancy Holt est une artiste photographe et plasticienne américaine (1938-2014) qui a notamment produit des ouvrages de Land Art dans les années 60. Elle reste assez peu connue, normal, c'est une femme ! Elle a réalisé une œuvre appelée Sun tunnels dans un bassin désert de l'Utah en s'inspirant des monuments de pierres des peuples du Néolithique qui rendaient un culte au soleil, comme à Stonehenge dans le Sud de l'Angleterre, ou à Hovenweep Castle, un ancien palais solaire construit par les amérindiens, situé entre les états du Colorado et de l'Utah, pour ne citer que ces deux-là. Nos ancêtres n'avaient pas l'électricité, ni de livres, ni d'écrans, ils levaient donc la tête et voyaient, lisaient le ciel à livre ouvert, ciel que nous ne voyons plus, puisque nous sommes devenus des peuples citadins sédentaires penchés sur des écrans et des livres, aveuglés par la pollution électrique et lumineuse des villes !
Nancy Holt installe dans un morceau de désert, dont elle acquiert la propriété, quatre buses gigantesques, en X : elle se fait aider par un astrophysicien pour orienter les buses de façon à capter les rayons de l'astre solaire lors des solstices d'été et d'hiver. Le propos de son œuvre est de faire descendre le ciel vers la terre, et de faire du soleil le partenaire de sa création.
Voici ce qu'en dit Michel Onfray dans Cosmos :
" Nancy Holt (1938-2014), une artiste américaine de Land Art, permet d'effectuer la liaison entre le beau classique et le sublime contemporain avec son travail, notamment avec une œuvre de 22 tonnes intitulée Sun tunnels (1973-1976) -elle figure sur la couverture de ce livre. Après de longs voyages prospectifs qui constituent autant de méditations et d'expériences sur soi, elle choisit soigneusement un lieu. Ensuite, elle en prend intimement connaissance : géologie, géomorphologie, faune, flore, astronomie, astrophysique. Puis elle campe sur les lieux et se met dans la disposition d'esprit des hommes qui, des millions d'années avant elle, ont vécu dans cet endroit, dans une nature désertique presque inchangée. Dans son champ de vision se trouvent des montagnes et des humains qui ont habité des cavernes qu'on y trouve encore. L'artiste part à la quête ontologique de la spiritualité de ces premiers hommes.
Nancy Holt travaille ensuite avec les mouvements du soleil et particulièrement avec les solstices en produisant une œuvre qui permet au regardeur de se retrouver au centre du cosmos et de prendre conscience qu'il est petite partie d'un grand tout, infime morceau d'un univers infini, insignifiant fragment d'une totalité incommensurable. Dix jours en amont et dix jours en aval des dates de solstice d'hiver et d'été, mais pas seulement, l’œuvre permet au regardeur d'effectuer une expérience qui lui permet de faire coïncider le paysage extérieur dans sa configuration astronomique et le paysage intérieur dans sa conformation cosmologique.
L’œuvre installée dans le désert de l'Utah à 60 kilomètres de la première ville, à une quinzaine de kilomètres de la première route, non loin de Lucin, une ville fantôme, se compose de quatre buses orientées en fonction de l'arrivée des rayons du soleil au moment des solstices. Les pièces sont dans un matériau d'une couleur presque semblable à celle du sable du désert à cet endroit. Elles sont disposées en X, alignées par couples, placées dans l'axe de la direction des lumières verticales de l'été et horizontales de l'hiver. Chaque tunnel comporte des trous minutieusement percés qui permettent le dessin de motifs lumineux à l'intérieur des pièces dans lesquelles un humain peut entrer - elle font plus de cinq mètres de long, près de trois mètres de hauteur, le tout s'étalant sur vingt six mètres. Par ces orifices, on peut voir les constellations du Dragon, de Persée, de la Colombe et du Capricorne. Le projet esthétique de cette installation dans le désert ? Que chacun sente et découvre son appartenance au cosmos. "
Cosmos, ouvrage de philosophie (accessible, bien écrit, premier tome d'une trilogie) de plus de 500 pages de Michel Onfray, où il plaide pour une ontologie matérialiste affranchie des "fictions de papier des trois religions du Livre et de leurs altermondes", ne cite comme d'habitude, que des penseurs et philosophes masculins, puisque les hommes (mâles) ne voient qu'eux-mêmes et jamais les femmes, pourtant bien présentes à toutes les époques. Mais c'est vrai aussi que ce sont surtout les hommes qu'on publiait. Il cite toutefois les travaux d' une deuxième femme, après Nancy Holt, l'archéoastronome Chantal Jègues-Wolkiewiez qui fait l'hypothèse que les humains des cavernes (il y a 35 000 ans !) avaient non seulement une excellente connaissance des étoiles, mais qu'ils auraient peint leurs relevés astronomiques sur les murs de leurs grottes selon cette vidéo en anglais, filmée à Lascaux. J'ai trouvé ces deux femmes, l'une artiste, et l'autre scientifique, très inspirantes.
Femme regardant le soleil levant - Caspar David Friedrich - Vers 1818.
samedi 30 mai 2015
vendredi 22 mai 2015
Mad Max Fury Road : Féminisme cavernicole
Puisque tout le monde y va de sa critique dithyrambique sur Mad Max Fury Road, allons-y, j'apporte moi aussi ma contribution, discordante, je vous préviens.
L'humanité s'est crashée en 1979, aviez-vous appris en regardant le premier Mad Max, avec la fin du pétrole ? Bon débarras, vous étiez-vous dit, par devers vous, histoire de ne pas vous brouiller avec votre prochain et en n'allant surtout pas voir la fin pénible des derniers australiens parcourant le désert sur des grosses caisses à la recherche des dernières gouttes de pétrole. Je n'avais pour ma part, jamais tenu plus de 10 minutes montre en main devant les exploits de Mel Gibson et de sa milice de motards, lors des diffusions télé. La poésie dystopique de ce premier "opus", comme des deux autres, m'est toujours passée largement au-dessus de la tête. C'est donc la toute première fois que je vois un Mad Max en entier. Et comme j'ai le goût du risque, c'était aussi ma première expérience en 3D ! Tentée par les critiques qui nous annoncent un film "féministe" où des femmes luttent pour leurs droits reproductifs, et végétarien défenseur des animaux, j'ai payé ma place, plus un euro cinquante pour la 3D, et un euro de lunettes.
Le scénario tient sur un confetti. Ce pauvre Mad Max, joué par Thomas Hardy, passe au second plan : la tête engoncée dans une calandre de voiture, il sert de pare-choc aux autos-tamponneuses d'une horde de dégénérés qui rationnent l'eau d'un peuple des cavernes desséché. Sort terrible pour un héros viril, finir en pare-choc au quatrième opus ! Une femme nommée Furiosa, vraie héros du film, jouée par Charlize Theron, sorte d'Amazone au bras coupé (normalement, c'était le sein ?) convoie à travers le désert un groupe de femmes surtout jeunes, belles et très déshabillées, dont l'une est très enceinte. Comment "tombe-t-on enceinte" (enfer et damnation de la langue française qui associe enceinte avec chute) dans le désert alors qu'on vit entre femmes, ne me demandez pas, je n'ai pas l'info. Pour être tout à fait honnête, il y a parmi elles quelques vieilles sages qui transportent, en y veillant comme à la prunelle de leurs yeux, un sac de graines, message végétarien subliminal.
Tout ça est prétexte à un fracas de batailles entre autos augmentées, roadsters, gros camions à moteurs boostés -97 % du film. Je suis sortie sourde de la salle. Les trois seules phrases énoncées clairement sont dites par les femmes : "Nous ne sommes pas des choses", en est une. Féminisme très basique. En revanche, les mecs ne s'expriment que par des hon hon, grouarff et autres borborygmes attestant qu'effectivement, leurs trois neurones ont définitivement migré en dessous de la ceinture. D'autant qu'ils sont tous difformes, augmentés d'accessoires pathétiques, en un mot dégénérés. Ils se contentent de cogner sans même discuter après. Ce qui est mauvais signe. Dans les anciens westerns, ils défouraillaient d'abord et éventuellement négociaient après, s'il restait des survivants. En plan à la grue, ça donne ça :
On reconnaît aisément l'hybris masculine. Contrecarrée quand même par un geste énigmatique d'une des femmes
que je vous laisse interpréter à votre fantaisie.
Le pensum dure deux longues heures. La 3D est une catastrophe, de mon point de vue. Un truc pour vous faire raquer des euros supplémentaires. Mais d'après les information de quelqu'un de mon entourage, je n'avais pas les bonnes lunettes à piles intégrées donc chères, et du coup, c'est comme si je n'avais vu le film que d'un œil avec mes lunettes polarisées à un euro, selon l'explication technique ici entre lunettes passives et actives (SIC). Bon. Moi en fait, j'ai vu les très gros plans à 10 centimètres de mon visage, et au deuxième plan, des nabots genre figurines Kinder chocolat, pour la taille. J'en ai eu froid dans le dos en rétrospective pour Interstellar que j'avais bien aimé, proposé à l'époque au choix dans la même salle : j'avais prudemment vu la 2D. Tout ça confirme que les techniciens, au cinéma aussi, ont pris le pouvoir sur les metteurs en scène qui sont des artistes.
D'après ce que je lis ici ou là, Georges Miller, metteur en scène australien de la franchise Mad Max, serait végétarien. Plausible, car il est aussi le producteur-scénariste des Babe, Le cochon devenu berger 1, Dans la ville 2, et de Happy feet. Mais, croyez-moi, il est certainement atteint du syndrome Peta (qui célèbre sur son site l'amitié entre Thomas Hardy et son chien Woodstock), le végétalien tablettes de chocolat, qui surcompense son végétalisme par une hypervirilité, la nourriture des végétariens étant habituellement décriée par les hommes, "les vrais", comme "nourriture de femmelette". Ce qui contrarie le message soit disant féministe du film.
Liens vers les critiques déchaînés : Télérama (un pour et un contre les vrombissements), Les Inrocks, un mépris souverain des dialogues dans Le Monde, et Charlize Theron, une Mad Maxette polytraumatisée. Même Charlie n° 1191 y va de sa critique positive, en lui trouvant des allures de road movie, misère ! Mad Max est féministe dans un système cinématographique accro au principe de la "schtroumpfette" chez L'Actualité. Il ne passe pas le test de Bechdel.
Mad Max accusé de "propagande féministe" par un blogueur masculiniste au cerveau cramé qui, en plus, confond l'Amérique (USA) avec l'Australie.
Le film de Georges Miller a été tourné dans les dunes de sable de Namibie en Afrique australe, les australiens ont aussi un désert mais sans dunes. Le film aurait ravagé la flore et la faune dans des zones protégées, pendant le tournage et ensuite pendant la "remise du site en état ", selon cet article de Maxisciences. Le cinéma est une industrie comme les autres : en matière environnementale, après nous le déluge.
vendredi 15 mai 2015
Margot Wallström applique le féminisme
Photo : Kristian Pohl - Gouvernement de Suède
Margot Wallström est l'actuelle ministre des affaires étrangères du gouvernement social démocrate de Suède. Après avoir été Commissaire européenne deux fois, notamment à l'environnement de 1999 à 2004 (Commission Prodi), et vice-présidente de la Commission Barroso, puis de 2010 à 2014, la première représentante spéciale auprès du Secrétaire Général des Nations Unies, reportant sur la violence sexuelle dans les conflits. Lors de la formation en 2014 de la coalition gouvernementale au pouvoir en Suède, Margot Wallström promettait une "politique étrangère féministe". Elle a tenu parole : critiquant les manquements aux droits des femmes en Arabie Saoudite, théocratie monarchiste, (où rappelons-le, elles ne peuvent sortir que sous la surveillance d'un gardien mâle, n'ont pas le droit de conduire, entre autres droits humains bafoués...), Margot Wallström vient de révoquer un contrat d'exportation d'armes à destination de l'Arabie Saoudite, pour ces motifs. Du coup les saoudiens ont rompu leurs relations diplomatiques avec la Suède, les businessmen suédois ne décolèrent pas, leurs visas ont été révoqués, et pour faire bonne mesure, les saoudiens ont annulé le discours de Wallström devant la Ligue Arabe, et même un échange de quatre singes amazoniens du Zoo de Suède avec le leur. Bref, ils ne sont pas contents du tout. Les "hommes d'affaires" suédois non plus. Quoi, annuler de juteux contrats d'armement pour des histoires de bonnes femmes ?
Ce n'est pas François Hollande qui ferait pareil : au nom de la "realpolitik" et de l'emploi, il signe des contrats avec l'Inde, le Qatar et l'Egypte qui "se goinfrent des avions de papy Dassault, et préparent leurs petites guerres dans leur coin", comme écrit Charlie Hebdo dans son N° 1190. Et qui bafouent eux aussi allègrement les droits humains, et bien sûr, les droits des femmes. Après nous le déluge, le business avant tout, l'argent n'a pas d'odeur, les hommes n'ont aucune vista, ou ils estiment ne pas avoir les moyens d'en avoir une. Je penche pour la première proposition.
Margot Wallström a été, rappelez-vous, observatrice de la situation des femmes dans les conflits auprès des Nations Unies, et elle a constaté que la situation des femmes et des filles est largement ignorée dans la résolution de ces conflits, que les aides étrangères ne prennent jamais en compte leur besoins parce que les femmes participent rarement aux négociations de paix. Dix ans après la résolution 1325 du Conseil de Sécurité des Nations Unies qui parlait de la nécessité d'inclure les femmes dans les processus de paix, 97 % des peacekeepers sont toujours des hommes. Avec des conséquences dramatiques, comme le rappelait l'excellent documentaire de France 3 rediffusé par LCPan "Putains de guerre" : les bordels à soldats du temps de guerre sont remplacés par des bordels pour Casques Bleus, que l'ONU tolère pour des raisons de différentialisme culturel (les casques bleus viennent de tous les pays adhérents aux Nations Unies), ce racisme mou qui ne dit pas son nom. La situation et la sécurité des femmes sont rarement appréhendées comme issues-clés de sécurité globale, or une approche genrée de la résolution des conflits, et plus généralement de la situation des femmes et des filles, sont considérées comme pragmatiques et le fameux "clash des civilisations" n'est pas basé sur des différences politiques et ethniques, mais plutôt sur les croyances et pratiques en matière de genre. Les intérêts et droits humains des femmes doivent primer sur les intérêts de caste étroits des hommes, en d'autres termes, "les femmes doivent arracher le pouvoir aux hommes pour le rendre à l'humanité entière", c'est ainsi que s'exprimait François d'Eaubonne dans Le féminisme ou la mort. L'exemple de Margot Wallström est donc un exemple à suivre par les hommes et femmes politiques de tous les bords et de tous les gouvernements : le féminisme est surplombant, toutes les instances exécutives doivent fonctionner sous son étroite supervision. Dans tous les domaines : économie, environnement, gouvernance, éducation, résolution des conflits et maintien de la paix. Margot Wallström, issue d'une nouvelle classe de politiciennes, de femmes exécutives au pouvoir, affermies dans leurs convictions, ringardise la politique appliquée par les hommes depuis toujours et montre le chemin à suivre. Merci Madame la Ministre.
Mon billet a été inspiré par cet article du New-Yorker : Who's afraid of a feminist foreign policy ?
Le compte Twitter de Margot Wallström : @margotwallstrom
Mali : pour une approche holistique de la paix, les femmes marchent : Pas de paix sans les femmes !
jeudi 7 mai 2015
Le sexe des villes
Il y a 16 mois, ma vaillante 205, 450 000 km au compteur, 20 ans de bons et loyaux services, me lâche dans un (gigantesque) rond-point, de retour de mon club de lectrices : en rétrogradant, le levier de vitesse me reste quasiment dans la main ! Je suis rentrée en 3ème, redémarrages aux feux rouges inclus. Brave voiture : même subclaquante, elle a mis son point d'honneur à me ramener chez moi ! Les signes de fatigue étaient de fraîche date : jamais en panne, sauf quand Peugeot s'arrangeait pour me la rendre cassée après une révision, c'est arrivé deux fois. Je ne vous dis pas comme ça avait bardé !
Bref, je me retrouve piétonne, moi, l'embagnolée, mais ayant de solides excuses professionnelles. Après une heure d'affolement, j'ai décidé de le prendre avec philosophie. To-morrow is another day. Donc je l'ai laissée dans mon garage. Quatre mois exactement. Je trouvais que le garagiste m'avait assez vue, et surtout que moi je l'avais assez vu, lui aussi, avec sa tête de corporation que je déteste. Je suis allée, à pied, voir les loueurs de voiture, histoire de me faire peur avec leurs tarifs, au cas où je déciderai de louer au lieu d'acheter. Ou d'avoir à faire face à un déplacement intempestif. Et puis, j'ai sorti mon trolley pour aller faire les courses une fois par semaine.
Et là, j'ai compris : le malheur d'être mère de famille ou nounou à poussette, handicapée en fauteuil roulant, et ménagère de plus de 80 ans survivant dans un monde masculin hostile. Travaux, barrages, fondrières, panneaux (comme dans tomber dans le panneau), chausse-trappes, gros engins partout ! Emprise sur les trottoirs, les rues, vous passez sous des lests de grues, des tracto-pelles, des échafaudages (échafauds) branlants, des nacelles élévatrices avec un mec qui stimule le joystick sans vous regarder, d'ailleurs, ils vous ignorent, ils vous méprisent, poussez vos culs les dindes, nous on travaille. Les femmes, c'est connu, ne travaillent pas, elle se contentent de tenir la boutique bénévolement pendant que les mecs défoncent le plancher des vaches, violent la Terre, et construisent des grosses merdes de plus en plus hautes. Ou enterrent des métros de plus en plus profond. Avec un gros tunnelier, plus c'est gros, meilleur c'est, proverbe virilo-patriarcal. La moindre "dent creuse" est vidée de ses occupants : un vieux ou une vieille généralement, dans un pavillon avec jardin, pommier et cerisier, des merles, un hérisson, un chat ou un chien. La cage à lapins prolifère sur la biodiversité, on est une région d'élevage industriel en cages, l'urbanisme moderne empile les cages : collèges, boîtes à bac, boîtes de-technicIENS-une-seule-tête-un-seul-T-shirt, centres d'affaires (?), palais des congrès, maisons de retraites sur des parcs arborés qu'on abat pour entasser des vieux ensemble, maternités industrielles privées et publiques à 300 lits, j'espère qu'ils y mettent les mêmes barrières et parkings payants que dans les hôpitaux de façon à prévenir que la place est limitée et qu'il faudrait enfin le comprendre !
Là je vous parle de l'occupation corporatiste, dans les boîtes de BTP et "Génie" civil, où on ne voit jamais une femme, ce qui valide la sur-occupation masculine et la fait paraitre légitime. Mais comme dit ma voisine, en soupirant à déraciner un chêne "il faut bien que ça se fasse" ! Sans jamais questionner ni discuter les modalité du "comment" ça se fait et du "comment" on traite les riverain-es. Vous l'aurez compris, ma voisine et moi, nous n'avons pas le même positionnement face aux emmerdements auxquels les patriarcaux nous soumettent. Elle soupire, et rase les murs avec son panier à provisions, moi je m'énerve et je représaille.
L'occupation individuelle. Dans mon quartier, dans un rayon de 800 mètres, trois streetparks gratuits, avec rien que des mecs dessus. Si vous ne me croyez pas, je peux faire des photos. Quand il pleut, comme eux et leurs planches sont en sucre, ils se réfugient sous les auvents et les passages de tout le monde ; malgré des terrains de foot avec pelouse en plastique (ça salit moins les maillots) partout pour tenter de calmer la frustration masculine, en pure perte d'ailleurs, ils jouent brutalement au ballon dans les squares, jardins publics, allées et trottoirs. Ou au volley, ou aux boules. Ils occupent les débords dont les architectes parent leur monuments : une de mes bibliothèques a dû rajouter des obstacles pentus et pointus pour éviter que les abonnées, dont je suis, soient traitée de "putes" dans le passage où stationnent les mâles, étalant leur vacuité existentielle en soutenant les murs et en jouant, là aussi, au ballon. Quand ils partent (ouf), les canettes et bouteilles de coca, les papiers gras jonchent le passage, voilà ce que c'est que de les habituer à nettoyer bénévolement derrière eux.
Clairement, les municipalités, truffées d'élus prostatiques chauves (ou de femmes soucieuses de donner des gages pour chauffer, gagner et garder la place), bâtisseurs désireux de laisser une trace en béton dans l'HIStoire, trouvent que la place des femmes est à l'intérieur, mieux, à la cuisine. La soupe est prête quand ils rentrent, plus qu'à se mettre les pieds sous la table. Au contraire, moi quand je souhaite avoir accès aux bibliothèques de quartier pour trouver un livre que je veux lire, je dois payer une SURTAXE aux Champs Libres ! Deux poids, deux mesures, normal, moi je ne fais pas de boucan, mon travail est intellectuel et GRATUIT !
80 % des subventions vont aux garçons : même les maisons de quartiers sont sur-fréquentées par les garçons. Leurs loisirs coûtent plus cher que ceux des filles, et on leur en propose plus. Quand je vais marcher histoire de m'aérer les neurones et les poumons, au bout de 10 kilomètres, j'aimerais me trouver un banc pour m'asseoir, mais ceinture. Circulez, tout stationnement est suspect, sauf quand il s'agit des mecs. Une femme inoccupée dans la rue, faisant les cent pas, appuyée à un mur, c'est une prostituée, une péripatéticienne, les hommes sont fondés à lui demander "C'est combien ?". Les femmes, c'est OCCUPE, dans tous les sens du terme : busy, abeille ouvrière, pas une minute à soi, elles circulent de l'école au travail, du bureau au médecin, il n'y que des mecs pour glander dans les espaces publics ou les bars, en faisant le même boucan qu'au travail.
Des géographes ou des sociologues éminents abordent régulièrement le sujet, car on en parle à défaut d'agir. Mais les femmes se prennent en main. Des marches non mixtes s'organisent régulièrement pour "reprendre la rue", des campagnes contre le harcèlement voient le jour et sont relayées par les médias, et puis des femmes investissent les bars comme ce collectif de militantes féministes d'Aubervilliers "Place aux femmes" qui investit les bars une fois par quinze jours, et les labellisent après évaluation. Quand aux encombrants travaux conjoints de la corporation du BTP et des municipalités bâtisseuses qui auront bétonné toutes les terres cultivables qui les ceinturent, et au-delà, elles pourront toujours manger les briques et les parpaings des centres commerciaux et des palais de congrès qu'elles ont construit, il ne restera rien d'autre. Némésis aura son heure : l'hybris humaine provoque la colère des déesses et des éléments. L'orgueil et la démesure sont suicidaires sur une planète limitée où la mythique croissance reste l'alpha et l'oméga de la pensée économique.
Pendant tout le temps d'écriture de cet article, une nacelle élévatrice rouge, louée chez Loxam access, "l'érection en toute confiance", loueur d'engins phalliques, a émis un boucan insupportable de moteur, notamment pendant l'érection par action sur le joystick.
Les 2 premières illustrations sont des photos des dessins de Coco illustrant, dans Charlie Hebdo N° 1186 du 15 avril 2015, l'article "Le sexe des villes a deux boules".
Bref, je me retrouve piétonne, moi, l'embagnolée, mais ayant de solides excuses professionnelles. Après une heure d'affolement, j'ai décidé de le prendre avec philosophie. To-morrow is another day. Donc je l'ai laissée dans mon garage. Quatre mois exactement. Je trouvais que le garagiste m'avait assez vue, et surtout que moi je l'avais assez vu, lui aussi, avec sa tête de corporation que je déteste. Je suis allée, à pied, voir les loueurs de voiture, histoire de me faire peur avec leurs tarifs, au cas où je déciderai de louer au lieu d'acheter. Ou d'avoir à faire face à un déplacement intempestif. Et puis, j'ai sorti mon trolley pour aller faire les courses une fois par semaine.
Et là, j'ai compris : le malheur d'être mère de famille ou nounou à poussette, handicapée en fauteuil roulant, et ménagère de plus de 80 ans survivant dans un monde masculin hostile. Travaux, barrages, fondrières, panneaux (comme dans tomber dans le panneau), chausse-trappes, gros engins partout ! Emprise sur les trottoirs, les rues, vous passez sous des lests de grues, des tracto-pelles, des échafaudages (échafauds) branlants, des nacelles élévatrices avec un mec qui stimule le joystick sans vous regarder, d'ailleurs, ils vous ignorent, ils vous méprisent, poussez vos culs les dindes, nous on travaille. Les femmes, c'est connu, ne travaillent pas, elle se contentent de tenir la boutique bénévolement pendant que les mecs défoncent le plancher des vaches, violent la Terre, et construisent des grosses merdes de plus en plus hautes. Ou enterrent des métros de plus en plus profond. Avec un gros tunnelier, plus c'est gros, meilleur c'est, proverbe virilo-patriarcal. La moindre "dent creuse" est vidée de ses occupants : un vieux ou une vieille généralement, dans un pavillon avec jardin, pommier et cerisier, des merles, un hérisson, un chat ou un chien. La cage à lapins prolifère sur la biodiversité, on est une région d'élevage industriel en cages, l'urbanisme moderne empile les cages : collèges, boîtes à bac, boîtes de-technicIENS-une-seule-tête-un-seul-T-shirt, centres d'affaires (?), palais des congrès, maisons de retraites sur des parcs arborés qu'on abat pour entasser des vieux ensemble, maternités industrielles privées et publiques à 300 lits, j'espère qu'ils y mettent les mêmes barrières et parkings payants que dans les hôpitaux de façon à prévenir que la place est limitée et qu'il faudrait enfin le comprendre !
Là je vous parle de l'occupation corporatiste, dans les boîtes de BTP et "Génie" civil, où on ne voit jamais une femme, ce qui valide la sur-occupation masculine et la fait paraitre légitime. Mais comme dit ma voisine, en soupirant à déraciner un chêne "il faut bien que ça se fasse" ! Sans jamais questionner ni discuter les modalité du "comment" ça se fait et du "comment" on traite les riverain-es. Vous l'aurez compris, ma voisine et moi, nous n'avons pas le même positionnement face aux emmerdements auxquels les patriarcaux nous soumettent. Elle soupire, et rase les murs avec son panier à provisions, moi je m'énerve et je représaille.
L'occupation individuelle. Dans mon quartier, dans un rayon de 800 mètres, trois streetparks gratuits, avec rien que des mecs dessus. Si vous ne me croyez pas, je peux faire des photos. Quand il pleut, comme eux et leurs planches sont en sucre, ils se réfugient sous les auvents et les passages de tout le monde ; malgré des terrains de foot avec pelouse en plastique (ça salit moins les maillots) partout pour tenter de calmer la frustration masculine, en pure perte d'ailleurs, ils jouent brutalement au ballon dans les squares, jardins publics, allées et trottoirs. Ou au volley, ou aux boules. Ils occupent les débords dont les architectes parent leur monuments : une de mes bibliothèques a dû rajouter des obstacles pentus et pointus pour éviter que les abonnées, dont je suis, soient traitée de "putes" dans le passage où stationnent les mâles, étalant leur vacuité existentielle en soutenant les murs et en jouant, là aussi, au ballon. Quand ils partent (ouf), les canettes et bouteilles de coca, les papiers gras jonchent le passage, voilà ce que c'est que de les habituer à nettoyer bénévolement derrière eux.
Clairement, les municipalités, truffées d'élus prostatiques chauves (ou de femmes soucieuses de donner des gages pour chauffer, gagner et garder la place), bâtisseurs désireux de laisser une trace en béton dans l'HIStoire, trouvent que la place des femmes est à l'intérieur, mieux, à la cuisine. La soupe est prête quand ils rentrent, plus qu'à se mettre les pieds sous la table. Au contraire, moi quand je souhaite avoir accès aux bibliothèques de quartier pour trouver un livre que je veux lire, je dois payer une SURTAXE aux Champs Libres ! Deux poids, deux mesures, normal, moi je ne fais pas de boucan, mon travail est intellectuel et GRATUIT !
80 % des subventions vont aux garçons : même les maisons de quartiers sont sur-fréquentées par les garçons. Leurs loisirs coûtent plus cher que ceux des filles, et on leur en propose plus. Quand je vais marcher histoire de m'aérer les neurones et les poumons, au bout de 10 kilomètres, j'aimerais me trouver un banc pour m'asseoir, mais ceinture. Circulez, tout stationnement est suspect, sauf quand il s'agit des mecs. Une femme inoccupée dans la rue, faisant les cent pas, appuyée à un mur, c'est une prostituée, une péripatéticienne, les hommes sont fondés à lui demander "C'est combien ?". Les femmes, c'est OCCUPE, dans tous les sens du terme : busy, abeille ouvrière, pas une minute à soi, elles circulent de l'école au travail, du bureau au médecin, il n'y que des mecs pour glander dans les espaces publics ou les bars, en faisant le même boucan qu'au travail.
Des géographes ou des sociologues éminents abordent régulièrement le sujet, car on en parle à défaut d'agir. Mais les femmes se prennent en main. Des marches non mixtes s'organisent régulièrement pour "reprendre la rue", des campagnes contre le harcèlement voient le jour et sont relayées par les médias, et puis des femmes investissent les bars comme ce collectif de militantes féministes d'Aubervilliers "Place aux femmes" qui investit les bars une fois par quinze jours, et les labellisent après évaluation. Quand aux encombrants travaux conjoints de la corporation du BTP et des municipalités bâtisseuses qui auront bétonné toutes les terres cultivables qui les ceinturent, et au-delà, elles pourront toujours manger les briques et les parpaings des centres commerciaux et des palais de congrès qu'elles ont construit, il ne restera rien d'autre. Némésis aura son heure : l'hybris humaine provoque la colère des déesses et des éléments. L'orgueil et la démesure sont suicidaires sur une planète limitée où la mythique croissance reste l'alpha et l'oméga de la pensée économique.
Pendant tout le temps d'écriture de cet article, une nacelle élévatrice rouge, louée chez Loxam access, "l'érection en toute confiance", loueur d'engins phalliques, a émis un boucan insupportable de moteur, notamment pendant l'érection par action sur le joystick.
Les 2 premières illustrations sont des photos des dessins de Coco illustrant, dans Charlie Hebdo N° 1186 du 15 avril 2015, l'article "Le sexe des villes a deux boules".
vendredi 1 mai 2015
1er Mai : le retour des sorcières !
Après la Walpugisnacht (Nuit de Walpurgis) fêtée le 30 avril en Allemagne, les pays anglo-saxons et celtes (Beltaine),
on dirait que les sorcières sont de retour aussi en France. En tous cas, la chasse aux sorcières, elle, est de retour. Les Femen délogées d'une chambre d'hôtel à Paris par le service d'ordre du Front National, copieusement insultées par les nervis de ce parti, et mises en garde à vue pour "exhibition sexuelle", le fait émeut la twittosphère. Si les seins nus des Femen sont de l'exhibition sexuelle, que penser alors des hommes qui se baladent torse nu et les pâturons à l'air en ville ? Ou de celui qui se fout à loilpé devant la Ministre de la culture qui ne porte pas plainte ? Deux poids, deux mesures ? Double standard ?
Deux liens : Féministes, écologistes, anticapitalistes, les sorcières renaissent de leurs cendres
6 raisons pour lesquelles la nudité des femmes peut être puissante.
— AN Gaming (@winniethepoohly) 30 Avril 2015
on dirait que les sorcières sont de retour aussi en France. En tous cas, la chasse aux sorcières, elle, est de retour. Les Femen délogées d'une chambre d'hôtel à Paris par le service d'ordre du Front National, copieusement insultées par les nervis de ce parti, et mises en garde à vue pour "exhibition sexuelle", le fait émeut la twittosphère. Si les seins nus des Femen sont de l'exhibition sexuelle, que penser alors des hommes qui se baladent torse nu et les pâturons à l'air en ville ? Ou de celui qui se fout à loilpé devant la Ministre de la culture qui ne porte pas plainte ? Deux poids, deux mesures ? Double standard ?
Les activistes ayant attaqué frontalement MLP sont sorties de GAV avec un rappel à la loi pour "exhibition sexuelle". pic.twitter.com/sr4Ub7v5o6
— FEMEN France (@Femen_France) 1 Mai 2015
Je trouve parfaitement choquant que le Front National fasse tous les ans un hold up sur Jeanne d'Arc, dont on pense ce qu'on veut par ailleurs. Moi je l'ai toujours vue comme une héroïne proto-féministe. Le fait est qu'elle a été brûlée comme sorcière par les curés catholiques avec la complicité des curés anglicans. Non à la récupération, et du Front National, et des curés qui l'ont canonisée, mais 500 ans plus tard, tellement ils n'aiment pas les femmes combattantes.
30 mai 1431, le service d'ordre du Front National lui fait sa fête, à cette Femen. pic.twitter.com/4nfAN0cEbK
— WebHistoryPics (@WebHistoryPics) 1 Mai 2015
Alors, vivent les sorcières !
Notre violence à nous est et restera toujours symbolique. pic.twitter.com/9rmk7DM49X
— FEMEN France (@Femen_France) 1 Mai 2015
Fight till the end! #FEMEN pic.twitter.com/zMKZrA9kDk
— FEMEN France (@Femen_France) 1 Mai 2015
Deux liens : Féministes, écologistes, anticapitalistes, les sorcières renaissent de leurs cendres
6 raisons pour lesquelles la nudité des femmes peut être puissante.
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