vendredi 16 juillet 2021

Zone SCM

Je vis comme toutes les femmes, même si ça n'arrive pas toujours à leur conscience, dans une zone SCM (Sale Cons de Mecs) ; je me déplace dans des zones SCM, zones industrielles, ZUP, campagnes, exemple le Centre Bretagne et son exposition L'Art dans les Chapelles dont les oeuvres sonores sont à chaque fois ravagées par un mec qui un besoin irrépressible de faire des travaux dans sa grange ou de tondre sa pelouse situées juste à côté, le fin fond de la campagne n'existant plus, bien sûr personne ne leur dit jamais rien, surtout pas les filles qui reçoivent dans les chapelles, très tolérantes à l'outrecuidance masculine, et les mecs, quand il y en a, sont solidaires de la toxicité bruyante masculine, solidarité de classe je suppose... Les zones SCM sont partout. 

Hier, j'ai eu besoin de sortir en voiture de mon parking souterrain qui malheureusement débouche sur une ruelle où sévissent des travaux de raccordement d'un nouveau logement en construction : non seulement ils bétonnent le moindre jardin à hérisson, mais il faut en plus faire passer des tuyaux, donc travaux de creusement et de terrassement dans mon allée de sortie. Je vous décris la situation : deux mecs, un dans un tractopelle, l'autre dans un camion à côté ramassent l'un les gravats provenant de la destruction du bitume, l'autre pianote sur son smartphone dans son camion le temps que sa benne se remplisse, tandis que trois autres gars regardent les deux autres travailler. J'arrive derrière le chantier avec ma petite voiture, et j'attends disons une minute, d'autant que les trois mecs les mains dans les poches me voient. Au bout d'une minute je fais un appel de phares. RIEN. Alors là j'ai deux solutions : "attendre que ça se fasse" comme disant mes voisines en soupirant et prenant leur mal en patience, cas le plus courant, ou sortir de ma voiture et aller leur décrire oralement la situation pourtant claire visuellement. N'ayant pas à ménager la Firme, et n'étant pas plombée par un irréfragable syndrome de Stockholm, je choisis la seconde et longe dans un boucan infernal en risquant ma vie, le camion qui reçoit les charges du tractopelle et j'arrive droit sur les mecs en précisant que "je veux sortir, que je n'ai pas la matinée, qu'il n'y a que les bonhommes pour se sentir ainsi dans leur droit à suroccuper l'espace public", SIC. 

Réponse du chef, pardon, du Chef des oisifs : "j'ai un arrêté municipal d'occupation et je peux bloquer la rue si je veux". L'outrecuidance des hommes qui se croient en droit de sortir leur bite en tous lieux, bite réelle ou symbolique comme dans ce cas. Pas un mot d'excuse, rien. J'ai tort parce que femelle, lui a raison parce que mâle. M'étonne pas dans cette ville de mâles où les femmes sont malmenées et abreuvées de mépris, je réponds aussi sec. Immédiatement, (piqué ? sait-on jamais ? personne ne lui a jamais parlé comme ça ?) il fait un signe au chauffeur de camion et les deux engins dégagent promptement les lieux sans demander leur reste. Ce qui prouve que ce qu'il vient de m'asséner est faux, est juste de la mâle-traitance. Il doit me laisser passer, c'est écrit dans son arrêté municipal. 

J'ai apprécié la sobriété du geste, les hommes c'est tout en concision, en brièveté, en sécheresse : un signe de tête et deux engins de travaux publics décanillent, un geste du pouce et deux types sont transpercés de flèches ou poignardés, un geste vers l'oreille et le tableau à 10 millions de dollars est à eux, ils se mettent les pieds sous la table et la soupe arrive immédiatement. Efficacité. C'est d'ailleurs leur seule efficacité, pour le reste, il convient de couper les cheveux en 16, de décrire des process imbitables et inapplicables en hachant menu, de faire la guerre pendant 20 ans et 100 000 morts, pour se retirer piteusement en laissant la place à l'ennemi en prétextant qu'ils ont assez dépensé l'argent du contribuable comme ça !  

Deuxième illustration : il se trouve que les mômes du quartier envahissent squares et rues piétonnes vers 17H ou 18 H jusqu'à pas d'heure les soirs où il fait beau. Les manmans surveillent, je suppose, de leur cuisine leurs gars qui tapent dans des ballons, jouant au foot dans les passages communs, les interdisant ipso facto aux autres ; évidemment tous les jeux de ballons ne se valent pas, les plages horaires non plus, occupées selon une organisation mystérieuse (pour moi en tous cas). Les filles sortent en premier, une demi-heure à tout casser, chahutent, parlent, profitent des jeux disposés dans le lieu, les gars les remplacent ensuite avec des "ballons durs", et tapent en faisant un maximum de bruit, tant que ça finit par casser la tête. Dans la première tranche vous passez, dans la seconde vous évitez en faisant un détour. "Stratégie d'évitement"  ça s'appelle. Le tout dans une passivité ménagère que je ne m'explique pas. Aucune conscience de classe. Pas une once de culture politique. Il se trouve qu'il y a une quinzaine, j'ai eu besoin de traverser, et que j'ai pris le chemin le plus droit, traverser l'endroit en diagonale. Devinez ? Un garçon (10 ans maximum, même si j'ai du mal à donner un âge aux mômes) est venu tourner autour de moi sur son vélo en faisant des roues arrière. Bof, ai-je dit, pas terrible ça ! Il m'a traitée de raciste, a appelé ses acolytes mâles à la rescousse, dont une partie m'a escortée avec un ton mal sonnant, même si je n'ai rien compris à ce qu'ils se disaient, les autres jouant sans se déranger tandis que je passais. Délicatesse, courtoisie, comportements d'enfants rois qui donnent des leçons aux adultes, surtout aux femmes d'ailleurs, sommées de rentrer dans leurs cuisines, laissant ainsi la place aux mâles. J'ai l'habitude ici de donner l'explication de la fabrication sociale de cette déviance qu'est la virilité, mais franchement, je me demande si chez eux, la goujaterie, l'outrecuidance, ne sont pas ontologiques, dues à un chromosome qui foire salement. C'et évident, ils sont rebelles à toute empathie ou forme de sociabilité. 

Le monde est leur vaste terrain de jeux, une immense zone SCM : ils en ont bien profité, ils ont extrait à coups de pelles, puis de foreuses de plus en plus puissantes, de plus en plus profond, des minéraux rares ou pas rares d'ailleurs comme le nickel dont il ne reste plus rien, ils ont tué tout ce qui bouge et n'appartient pas à leur désastreuse espèce / classe sociale, ils ont asséché des fleuves aussi puissants que le Colorado ou le Nil, des mers comme la mer d'Aral, ils ont mis le feu à des forêts et brûlé l'Amazonie, ils ont pollué partout, océans, montagnes les plus hautes et les plus inaccessibles, les lacs les plus profonds, les déserts les plus féroces, mais rien n'égale leur férocité ; ils ont même salopé l'espace où les millions de débris de leurs stations orbitales ou satellites tournent indéfiniment en dégradant leur orbite. Ils ont peuplé tous les coins du monde, même les plus hostiles, à un point inimaginable en domestiquant les femmes à leur service sexuel, reproductif et ménager. Pour l'instant ils ont encore du mal à réaliser qu'ils ont salopé le climat donc notre biotope à telle aune que leur irresponsabilité est en train de leur faire un backfire dans la figure, mais le progrès teknik va leur permettre de tirer leur épingle du jeu. Croient-ils. On verra bien, pour le moment leurs affaires se présentent mal. 


J'avais relaté sur un autre réseau social mes tribulations avec une voisine, en pleine affaire de Mérignac où un terrible féminicide s'était produit, les sanglots d'une locataire et les engueulades interminables par son Valentin devant la porte de mon appartement ce qui m'avait fait craindre le pire, mon intervention auprès de l'association qui la loge en tant que "jeune adulte en précarité", en majorité des filles et femmes, souvent lorgnées par des garçons proxénètes qui flairent la femme affaiblie par toutes sortes de circonstances provoquées en général. A l'occasion, je la voyais passer voilée, genre fashionista, mais voilée tout de même. Je m'étais même confrontée en sa présence avec le maltraitant qui m'avait accusée de racisme aussi, décidément le nouvel argument quand on n'en a plus. Désormais, je ne vois plus le Valentin en question, ni son scooter garé dans l'entrée (décidément, tout leur est permis), mais je vois passer la locataire, désormais habillée en jeune active citadine, guillerette et souriante, totalement détendue. Il semble que la détermination, la fermeté sur les principes, la réassurance des femmes en leur potentiel et autonomie soient payants. C'est une bonne nouvelle. Et c'est facile à appliquer, aussi on se demande pourquoi s'en priver ? Si je rapporte la situation, c'est parce que je pense qu'il n'est plus temps d'être timorée devant leurs comportements destructeurs et avilissants.