Cinématographe : du grec Kinèma, mouvement, et gràphein, écrire. L'invention d'une écriture, d'une grammaire, d'un mode d'expression avec des images qui bougent et qui racontent une histoire. Le septième art emprunte à l'écriture, à la photographie, et au théâtre pour la mise en scène.
mardi 26 octobre 2021
Effacée de l'histoire : Alice Guy, premier réalisateur de cinéma
Cinématographe : du grec Kinèma, mouvement, et gràphein, écrire. L'invention d'une écriture, d'une grammaire, d'un mode d'expression avec des images qui bougent et qui racontent une histoire. Le septième art emprunte à l'écriture, à la photographie, et au théâtre pour la mise en scène.
lundi 4 octobre 2021
Sur les récentes appropriations des idées de Françoise d'Eaubonne
Quand j'ai commencé ce blog, il y a 11 ans, il devait être écoféministe en s'inspirant des idées développées par Françoise d'Eaubonne dans Le féminisme ou la mort publié en 1974. J'ai eu l'idée d'un blog en lisant ceux des autres, mais je ne voulais surtout pas qu'il soit réformiste ; il y avait assez de blogueuses comme cela qui écrivaient sur la parité, l'égalité, le plafond de verre. L'approche féministe par la segmentation ne me convenait pas : mon blog serait surplombant, il critiquerait un système global d'exploitation et de parasitisme, ou il ne serait pas. Evidemment, il comporte aussi des articles sur la parité et l'égalité, bien obligée, mais ses sujets sont plus larges et plus généraux. Et il devait s'appeler Blog écoféministe, c'était ma première idée. Sauf qu'en testant le mot "écoféministe" auprès de mon entourage, j'ai vite compris que le mot n'évoquait plus rien en France. Il m'a donc fallu trouver un autre titre : il est devenu "blog féministe et anti-spéciste". Il y a onze ans, les notions de spécisme et d'antispécisme n'étaient pas très connues non plus, mais c'était "moins pire" que la notion d'écoféminisme. Françoise d'Eaubonne et ses idées étaient bien oubliées, et même longtemps avant son décès en 2005.
Onze ans après la naissance de mon blog, nous y voilà ! Une biographie, la réédition de plusieurs de ses ouvrages écoféministes, et les femmes politiques qui se réclament des idées de Françoise d'Eaubonne, mais souvent en les déformant à la sauce "woke" et "décoloniale", ou en mode "sorcière", figure devenue pop, mais oublieuse du fait que les sorcières étaient des femmes qui ont été supprimées, éradiquées férocement, parce que femmes et qu'elles dérangeaient l'ordre social patriarcal et clérical. Les pratiques de "sorcellerie" n'étaient qu'un prétexte du clergé. L'histoire et les statistiques de cette épuration restent à écrire et à établir. Le féminisme ou la mort, ouvrage fondateur de l'écoféminisme, a été republié en 2020, mais hélas corrigé par un aggiornamento, une préface woke et décoloniale, une vraie mauvaise action. Jugez-en : "l'écoféminisme et la blanchité SIC de son histoire" ; Le féminisme ou la mort serait "problématique parce qu'il ignore la colonisation, donnée fondamentale" et qu'on y trouve des expressions comme "arriération économique et culturelle" ; est même invoquée une "histoire coloniale de la pilule" ! Vous pouvez constater tout cela en allant lire cette préface sur la page Amazon de l'ouvrage, en feuilletant le livre, puisque ce service est proposé. C'est hallucinant. Pauvre Françoise d'Eaubonne.
Se passer de l'intelligence de la moitié la plus intelligente de la population c'est se condamner à l'arriération et au sous-développement. Une habitude masculine.
Avec la reprise en main de l'Afghanistan par les Talibans qui vont faire le pays retourner 1700 ans en arrière (mais avec des smartphones quand même !), c'est un retour en arrière que les femmes, surtout, vont subir de plein fouet par la perte de leur autonomie économique, car ils sont en train de leur interdire de travailler pour les forcer à se marier et produire des enfants, -bizarre on n'entend pas trop les décoloniales sur le sujet. Il n'est pas exagéré de dire que vouloir se passer de l'intelligence de la moitié la plus intelligente et la plus calme de l'espèce humaine, c'est se condamner à "l'arriération et au sous-développement" et que c'est une habitude masculine universelle. On peut toujours compter sur eux pour de fantastiques bons en arrière. Ce serait raciste de le dire ? Ce n'est plus possible de dénoncer la mainmise viriarcale universelle sur les femmes ?
Donc rappelons qui est Françoise d'Eaubonne : née en 1920, donc la plus âgée des cofondatrices du MLF, cadette et amie de Simone de Beauvoir (née en 1908), universaliste, matérialiste, de formation marxiste, car militante quelques années au PCF où elle a été politiquement formée, elle fait émerger une conscience écologiste dans les années 70, fait la première le lien de l'exploitation des ressources terrestres avec l'exploitation des femmes : le slogan un peu simplificateur "on se sert on jette" de Sandrine Rousseau pour la Primaire écologiste. Elle est en plus dans la mouvance néo-malthusienne. C'est quoi le néo-malthusianisme ? Pas grand-chose à voir avec le malthusianisme, théorie nommée d'après l'économiste Malthus, et ce n'est pas accessoire, curé anglican, donc patriarcal, analyste des rapports entre population et production. En gros, on fait trop d'enfants (les femmes, air connu, font seules les enfants) pas vraiment une critique des grands livres et des injonctions du Patriarcat. Le néo-malthusianisme, au contraire, est une épistémologie féministe (une critique) du fait que les femmes sont tellement assujetties à la maternité, que certaines passaient leur vie enceintes et que cela avait un impact lourd sur leur santé. Le mouvement, qui comprend des femmes, commence au tout début du siècle dernier et est arrêté, devinez ? mais par la Grande Guerre, cette saignée de jeunes hommes envoyés mourir dans une guerre pour rien, puisque les mêmes remettront ça 20 ans plus tard. Donc, les filles, faites des enfants c'est un ordre : il nous faut de la chair à canon pour la prochaine. Et de la chair à usines pour fabriquer des sous-marins nucléaires et des Kalachnikov pour que les mecs puissent se dézinguer entre eux.
La pauvre Françoise se retournerait dans sa tombe en lisant le texte de la préface de la réédition de son Féminisme ou la mort. Reprises par opportunisme politique, parce que ses idées sont d'actualité dans un milieu politique qui n'a plus d'idées, mais reprises gauchies, tordues, pour servir les propos du féminisme réformiste, des décoloniales et du wokisme, il va de soi que c'est un mauvais coup.
Le matérialisme universaliste du MLF des seventies a évolué en la défense des mères (je ne dis pas qu'il ne faut pas les défendre, mais les défendre sans mettre en garde, sans prophylaxie, ça ressemble à une adhésion indiscutée aux injonctions patriarcales, ce que rejetait précisément le MLF), évacuées les féministes no kid, on ne parle plus que de femmes battues, des femmes appauvries dans la domesticité avec la nouveauté qu'elles élèvent désormais leurs enfants seules, la guerre livrée pour avoir "la garde" qui est en réalité la charge des enfants lors des divorces, la libération économique (partielle) des femmes est passée par là, la maternité brille au zénith, il n'y a qu'à voir les émissions hagiographiques sur la télé de service public, et que plus personne ne dénonce cette impérieuse injonction patriarcale, même les couples gays totalement normalisés la revendiquent, quitte à louer des ventres de femmes pour se perpétuer. Ce qui met une fois de plus en péril la santé et l'autonomie des femmes. Monique Wittig, Nicole-Claude Mathieu, Colette Guillaumin, Christine Delphy (muette sur le mariage et la PMA), Christiane Rochefort, Marie-Jo Bonnet (et sa Maternité symbolique)... toutes sont plus que méfiantes et s'abstiendront. Curieusement Françoise d'Eaubonne elle, a plusieurs enfants.
Misère de misère : en plus le débat actuel est pollué par les envoilées et leur entrisme, elles utilisent même, en les détournant, les slogans des combats collectifs du MLF pour imposer dans l'espace public leur vêture et leur adhésion à un vieux symbole patriarcal en lui donnant, miracle, un coup de jeune. Les religions, tellement accusées d'asservir les femmes après les avoir vilipendées et diffamées, dans Le féminisme ou la mort, font leur retour, sans critique des "néoféministes". Et, effet du libéralisme ravageur de l'époque, tous les choix se vaudraient, auraient la même "valence" selon le mot de Françoise Héritier, du moment qu'ils sont individuels et librement consentis. Oubliée la lutte collective des femmes, évacué le conditionnement social par la famille et le groupe, non mentionné le conflit de loyauté, niée la pression des hommes qui n'oublient jamais leur intérêt qui est la limitation des femmes et de leurs mouvements, la négation de leur qualité d'êtres humains entières sans avoir besoin de tutorat ou de mentorat. Retour à la domesticité "par choix". Si jamais vous insinuez qu'il pourrait en plus y avoir quelques activistes dans le lot, alors là vous êtes carrément ostracisée, effacée, taxée de racisme et de laïcarde intolérante.
Pour conclure cet article prophylactique et de défense des idées de Françoise d'Eaubonne, je mets cette vidéo où Caroline Fourest qui, invitée sur LCI, remet la rationalité et l'universalisme de Françoise d'Eaubonne au centre, l'essentialisme n'ayant jamais été dans sa pensée, puisque certaines écoféministes, 50 ans plus tard, tentent de nous revendre cette vieille lune patriarcale de la complémentarité et de la spécialisation des sexes. Non, nos caractéristiques biologiques sexuelles ne nous spécialisent pas : l'espèce humaine n'est plus dans la nature mais dans la culture, on peut avoir un utérus et ne pas s'en servir, les femmes ne sont pas au service reproductif, sexuel ou domestique des hommes, cette classe sociale qui s'est proclamée au-dessus des autres ; pas plus que la terre n'est un vaste supermarché où se servir sans réserve, la réserve n'étant pas inépuisable. Il faut en finir aussi avec ce révisionnisme permanent où les idées de maintenant éclaireraient les idées d'hier, forcément obscures puisqu'aujourd'hui serait forcément plus éclairé qu'hier. C'est simpliste, et on aimerait bien que l'humanité avance, toujours plus éclairée, mais c'est oublier ses rechutes dans les cavernes de l'obscurantisme quand les circonstances deviennent menaçantes et que l'autoritarisme redevient séduisant. On sait aujourd'hui des choses qu'on ne savait pas hier, mais aujourd'hui peut aussi ignorer ou avoir oublié les idées progressistes d'hier, et demain nous aurons fait des prises de conscience qui annuleront ce qu'on pense éclairé aujourd'hui. Alors un peu d'humilité. Et bien se rappeler que les droits chèrement des femmes sont toujours vus comme secondaires, subsidiaires à la lutte contre le capitalisme (par l'extrême-gauche notamment) et toujours menacés au moindre coup de Trafalgar. La vigilance et la fermeté sur les principes s'imposent.
▶️ #Presidentielle2022 – « Baser toute notre identité sur uniquement un organe sexuel c’est quand même très léger, ça le féminisme l’a démontré »@CarolineFourest#24hPujadas #LCI #La26 ⤵️ pic.twitter.com/Mc5BSbKFrK
— 24h Pujadas (@24hPujadas) September 21, 2021
Liens :
Féminisme et néo-malthusianisme sur l'Encyclopédie d'histoire numérique de l'Europe.
Sur mon blog : Le féminisme ou la mort 1 et 2 ; Illimitisme patriarcal et surpopulation ; L'appel des femmes du mouvement écologie-féminisme révolutionnaire publié dans les appendices d'Ecologie et féminisme réédité en 2018, et dans Charlie Hebdo en 1974 parce que les années 70, c'étaient les années de la prise de conscience populaire de l'écologie. Il semble que cela aussi ait été oublié.