En relation avec mes précédents billets évoquant les nombreuses conséquences de la virilité et de la masculinité dans une grande solitude et sans vrai écho, j'ai lu avec intérêt Le coût de la virilité, essai écrit par l'historienne Lucile Peytavin. Enfin, on avance, une historienne aborde le sujet.
jeudi 27 mai 2021
Le coût de la virilité
vendredi 14 mai 2021
Syndrome de Stockholm
Quelle quinzaine abominable avons-nous vécue ! Après le féminicide de Chahinez, brûlée vive à Mérignac par son ex mari dont elle divorçait, un récidiviste déjà condamné et remis en liberté sans que la justice ait prévenu personne malgré les plaintes déposées et les témoins des violences, surgissement d'un meurtre violent et moyenâgeux qu'on ne pense jamais possible chez nous, une administrative accueil Police Stéphanie Montfermé égorgée par un terroriste islamiste dans l'entrée du commissariat de Rambouillet, des frustrés enragés s'acharnent sur une banale intervention de police sur un point de deal de cocaïne, un policier, Eric Masson, est tué, enfin, une fusillade dans les Cévennes par un survivaliste, chasseur, collectionneur d'armes qui règle ses différends patron-salarié au fusil ! J'apprends que l'homme en question (en fuite au moment où j'écris) est marié et a une fille !
Je sais que les medias, les pouvoirs publics et la police / gendarmerie ne font jamais le lien entre ces meurtres et assassinats, la compartimentation des manifestations de la terreur masculine arrange tout le monde, mais il me semble pourtant que tout cela ressort de l'incapacité des hommes, et seulement eux, à régler leurs différends, leur frustration, autrement qu'au couteau ou au fusil, voire à l'arme lourde. Il y a trois fois plus de risque de mort violente chez les possesseurs d'armes, ai-je lu dans un roman policier d'Olivier Norek, comme il est ancien capitaine de la PJ de Seine Saint Denis, je pense que sa documentation est bonne. Le dernier assassin présumé, Valentin Marcone était chasseur : il se faisait donc la main sur des animaux innocents, activité très bien tolérée par la société. Le lien qui va de de la violence faite aux animaux à celle infligée aux humains, n'est toujours pas reconnu. C'est que des bêtes, refrain habituel.
Au même moment où le meurtre de Chahinez arrive dans l'actualité, il se trouve qu'une nouvelle locataire envoyée par une association prend possession du logement de l'étage au-dessus, dans mon immeuble : le studio est loué par une association qui, avais-je compris, y met à l'abri des femmes mineures ou jeunes adultes (jusqu'à présent on n'a eu que des femmes) de la précarité sociale et économique, de l'itinérance ou de la violence. Sauf que dans ce dernier cas, au bruit émis, les meubles volent, les admonestations et les engueulades d'un mec qui accompagne Madame tous les soirs pleuvent, les sanglots de Madame qui le poursuit dans l'escalier et l'agonit d'injures en chemise dès qu'il dégare son scoot du rez de chaussée ; l'évolution vestimentaire de Madame est allée de la mini-jupe très mini à la tenue longue et au voile sur la tête (sauf quand elle poursuit Valentin en chemise dans la rue) : tenue islamique, mais pop, fashionista, robe travaillée avec empiècements colorés, et mousselines sur la tête et les épaules, snickers dernière mode, chic et chères aux pieds. Son mec est banalement le mec en scooter garé devant la porte (jurisprudence masculine) casque et snicker aussi, mais plus communs. Bref, tout ça fait que secouée par l'assassinat atroce de Chahinez, je suis intervenue, et auprès de l'association et auprès des gêneurs. L'association m'a assurée que la bénéficiaire c'est la dame, et que leur règlement interdit d'y recevoir pour la nuit. J'ai insisté sur le parasitisme masculin forcené des espaces des femmes, notamment quand elles sont menacées : tête de l'employée, elle me regardait avec méfiance comme si j'avais la rage ou la gale, mondieu, mais elle dit du mal des mâles, celle-ci ! Je l'entendais penser. Quand au couple, elle, rimmel coulant et me tenant par le bras s'est excusée tout du long, pendant que son Valentin menaçant, avançait sur moi et m'a traitée de raciste en me montrant la peau de son bras. Ils s'engueulent en farsi ou en ourdou (ce n'est pas de l'arabe, j'en mettrais ma main à couper !) mais parlent un excellent français. Raciste ? Je ne me démonte jamais ; d'habitude c'est plutôt "grosse pute", aussi j'ai de l'entraînement ! Je réponds comme à chaque fois sur le même ton "sexiste, misogyne, haineux des femmes". Ca marche plutôt bien. Je peux même développer "les mecs nous haïssent depuis le début des temps jusqu'à la fin des temps,c'est documenté". Et je suis remontée chez moi. Envoi d'un mail à l'asso, qui ne m'a pas répondu, sinistre sale habitude de "la ville où il fait teeellement bon vivre !". Les coups d'éclats continuent, mais il vaut mieux qu'ils s'engueulent ailleurs que sur mon palier, les amoureux. L'aaaamourr, cette grande affaire humaine entre les sexes. Si c'était son frère, je ne pense pas qu'elle courrait derrière en chemise et en hurlant quand il se casse après lui avoir remonté les bretelles : il lui parle d'un ton impérieux c'est la seule chose que je comprends, ensuite elle remonte tous les étages en sanglotant.
Ce qui dépasse mon entendement, c'est cette incapacité des femmes et filles à vivre en auto-détermination même quand leur relation avec un homme est toxique. Notez que les précédentes bénéficiaires du même studio étaient, elles, cornaquées par leur smartphone tendu devant elles à un point invraisemblable. "Les femmes sont automobiles" ironisait Nicole-Claude Mathieu, anthropologue à propos du traitement des femmes chez les peuples premiers qu'elle étudiait : elles se meuvent seules à condition qu'il y ait quelqu'un au volant ! Il vaut tout de même mieux être seule que mal accompagnée non ? On dirait que non. Ils "leur chient dans les bottes" (je cite Nicolas Mathieu dans Leurs enfants après eux, si si) à toutes les étapes de leur vie mais bon, elles en veulent quand même, quitte à les produire elles-mêmes ! Je vais tenter une explication :
Les femmes ont de tous temps été : niées, tuées avant d'être nées (fœticide) ou juste nées (infanticide) jamais désirées, en tous cas deuxième choix, traitée en butin, razziées (les razzias sont de retour au Nigeria perpétrées par Boko Haram, voir leurs enlèvements collectifs de collégiennes), enlevées, mariées précocement ou de force, voilées, invisibilisées, violées, violentées, battues par un mari tout puissant, incestuées par les mâles de la famille, maintenues dans la faiblesse économique et sociale à dessein pour leur fournir un cheptel de prostituées, domestiquées depuis des millénaires pour leur service sexuel, reproductif et domestique. Esclavagisées en somme, captivité et colonisation psychologique génétique des femmes. Ca laisse des traces durables dans la psyché, ça s'inscrit dans le cerveau reptilien et sans doute même dans la mémoire des gènes et franchit les générations. A tel point qu'elles ont développé des stratégies de survie : l'amour, faire cause commune avec l'agresseur, être amoureuse de lui, stratégie masochiste pour SURVIVRE ! En espérant diminuer les coups, leur produire des garçons leur choix du roi, pour avoir à peu près la paix, cet autre syndrome de Stockholm, celui des mères pour les fils qu'elles ont engendrés qui les préserverait des hommes qu'elles n'ont pas engendrés. Combien de fois avez-vous entendu une femme bafouée dans le conjugo venir vous expliquer qu'elle n'a pas tiré le trop mauvais numéro finalement, qu'elle n'a pas été si malheureuse après tout, toujours comptant en creux ses maigres gains. Finalement, il ne m'a pas tuée, Et si ça se trouve, il a empêché les autres hommes de me tuer, j'ai de la chance. La stratégie multimillénaire des femmes pour survivre. L'amour.
A force de temps, on développe un solide et incurable syndrome de Stockholm. Le syndrome de Stockholm se développe d'autant plus et durablement quand le rapt, l'empêchement de circuler, la captivité, durent longtemps. Tous les otages, quand ils ne sont pas tués ni trop blessés, finissent par adhérer à la cause de leurs agresseurs. La dernière libérée en date du 8 octobre 2020, Sophie Pétronin, 75 ans, malade, séquestrée 4 ans au Mali, a réapparu voilée, défendant quasiment ses ravisseurs, convertie à l'Islam, prête à repartir "aider les pauvres". Bon, comme elle était catho avant, il n'y a avait qu'un petit pas à franchir, et elle était entraînée à pardonner. La deuxième composante de ce syndrome, c'est que c'est le séquestreur qui vous abrite -c'est ce qu'il prétend-, garantit votre sécurité, pas la police ni la justice, ni les associations, présentés par lui comme menaçants. Et vous le croyez. Chez les femmes et les enfants maltraités dans le foyer familial, c'est frappant, cela les incite à refuser toute aide venant de l'extérieur.
Il est évident qu'avec une histoire multimillénaire pareille c'est difficile de se penser autonome, assurant soi-même sa sauvegarde. Et pourtant, quand on sait que les meurtres de femmes se produisent majoritairement dans leur foyer, il vaudrait mieux être son propre défenseur, ne jamais en confier la dévolution à un homme, fût-il le compagnon, le mari, l'amant, et être solidaires entre femmes. Elles ont peur des chiens, peur de se faire vacciner à l'Astra Zeneca, mais PAS de laisser le volant à Valentin, alors que 85 % des accidents graves de la route, ce sont les mecs qui en sont responsables. Violence routière et violence routinière. Il faut apprendre à se méfier des hommes et les tenir EUX pour responsables de leurs propres violences.
Il est temps d'apprendre l'autonomie et l'auto-détermination aux femmes, arrêter la propagande hétéro-patriarcale, l'hétéronormativité du conjugo et de la maternité comme alpha et omega d'une vie réussie. Qu'on arrête de nous casser les oreilles avec les papas et les mamans, les papys et les mamies, les tontons et les taties, vocabulaire régressif ! Le COVID nous en a remis une couche. Il faut apprendre aux garçons dès le berceau que les femmes ne leur doivent RIEN, qu'elles n'ont pas été crées pour eux. Il n'y a pas de droit au sexe, ni à l'enfant d'ailleurs dans les droits humains, ils ne sont pas des ayant-droit, qu'ils se démerdent seuls ou qu'ils restent chez leurs mères si elle veut d'eux, ce qui ne leur est pas garanti. Et il faut en finir avec la romance qui leur fournit de la chair à canon, pour évacuer leur trop plein de frustrations et leur soif de domination. Leur apprendre aussi à résister à la frustration au lieu de d'accourir au moindre bobo à leur rescousse comme le font les femmes de leur entourage, éternelles béquilles, infirmières, assistantes sociales et secrétaires comptables, trésorières, visiteuses de prison, en finir avec cette féminité patriarcale qui les rend solidaires de leurs hommes alors que c'est la solidarité entre femmes qui leur serait profitable. Eux ne pratiquent que cette solidarité entre pairs de même sexe. L'autonomie c'est pour tout le monde : pour les hommes comme pour les femmes. Et l'autonomie c'est le contraire des niaiseries de Prince et Princesse Charmante. L'autonomie c'est faire mentir l'idée que "avoir son propre point de vue c'est haïr les hommes, mais que tuer et violer des femmes, ce ne serait pas haïr les femmes", idée fausse destinée à perpétuer la colonisation psychique génétique des femmes. L'autodétermination, c'est se choisir un chemin aussi bien hors du troupeau, et défendre sa position face aux injonctions, aux anathèmes, en promouvant les avantages qu'elle vous a apportés. Il n'y a pas de fatalité à marcher trois pas derrière un homme. Ni à lui laisser le volant.
Pour approfondir le sujet du syndrome de Stockholm et des stratégies de survie des femmes, allez lire " Aimer pour survivre : l'emprise et la colonisation psychique des femmes " excellent article de Martin Dufresne chez Tradfem qui a inspiré ce billet.
Actualisation 15/5/21 : Finalement le fugitif du Gard s'est rendu "hagard" aux gendarmes en "s'excusant" après une sorte de battue aux sangliers appliquée à un humain, qui a duré 3 jours et demi ; ça permet à la Gendarmerie de mettre en avant ses compétences, le patriarcat c'est quand même bien foutu. Deux personnes ne sont pas rentrées le soir après être allées au travail le matin mais bon, les victimes, ce n'est pas le propos. Je me doute qu'on va lui trouver plein d'excuses à ce garçon. Le Président de la Fédération de Chasse du Gard a fermement démenti que Valentin Marcone ait été d'une manière ou d'une autre un chasseur, c'était un "tireur sportif", nuance. Le club des sanglants, victime collatérale, obligé de défendre sa réputation -qui n'est pourtant plus à faire !
Une jeune femme de 17 ans a été poignardée à mort à Ivry sur Seine hier vendredi par un mec ado de 14 ans pour avoir voulu s'intermédier entre un harceleur sur les réseaux sociaux et sa petite sœur ; il semble que s'interposer et vouloir arranger les choses ne soit finalement pas une bonne idée face à ces enragés couteau entre les dents. L'affaire ne sera pas considérée comme féminicide puisque le féminicide c'est quand c'est Roméo qui tue.