"Dans
le culte de la violence l'homme, le vrai, aime l'esthétique de
la violence. Le vrai guerrier, le vrai mâle n'aime pas la
violence laide et triviale. Celle là, il la laisse aux
besogneux de la violence ordinaire, aux garçons d'abattoir,
aux petits soldats au fond des tranchées... Pour l'homme,
le vrai, la violence se doit d'être belle, car elle est un culte. C'est ça la
tauromachie, c'est une violence esthétisée,
comme celle de la messe qui esthétise la crucifixion, comme la
pornographie esthétise le viol, comme les défilés
militaires esthétisent la guerre. Le vrai guerrier est beau
sur son cheval blanc, et le torero est magnifique dans son habit de
lumière ! L'esthétique est très importante
dans le culte viril de la violence/puissance. Le guerrier se doit d'être
beau, le torero se doit d'être beau. Le sacrificateur de
moutons se doit d'être beau, car tous remplissent un devoir
sacré, un culte, un sacrifice rituel nécessaire à
l'ordre du monde.
Dans
les ferias, dans la tauromachie, c'est l'esthétique de la
violence qui les fascine. Mais sans doute les mêmes qui
glorifient la tauromachie se scandaliseraient-ils de la violence
des abattoirs parce qu'elle n'est pas du tout esthétique, cette
violence-là. La tauromachie, avec tous ses rituels archaïques,
c'est un culte rendu aux Dieux de la virilité vraie, celle
qui a forgé le monde par la force totale. La tauromachie
est un culte, une religion et les massacres esthétisés
servent avant tout à nourrir les Dieux virils qui se
repaissent de chairs soumises, et de gloire, et de sabres, et de lances,
et de pénis et de phallus, brandis en éten-dards.
On retrouve aussi cette esthétisation de la violence et du
viol dans la pornographie et en cela, oui, il y a une forme de
pornographie collective, il y a une sorte de grande partouze
orgiaque dans la pratique de la tauromachie.
La
jouissance procurée par la violence, cette jouissance sadique, cette jouissance du pouvoir total trouve sans doute son
couronnement, son achèvement suprême dans l'exercice du
pouvoir politique. Le pouvoir politique est indissociable du
pouvoir sexuel violent et de toutes violences, je crois. Alors
pourquoi au fond les politiques condamneraient-ils tous ces meurtres
rituels collectifs ? Transformer le monde, c'est leur ambition,
et le meilleur outil pour cette transformation est la violence sous
toutes ses formes. Mais il y a dans la tauromachie tout un
culte archaïque de la violence qui les fascine sans doute encore
plus parce qu'elle leur rappelle que leur violence est éternelle, traditionnelle et donc "naturelle", glorieuse, et sans
doute voulue par leur DIEU en personne, depuis la création de
leur monde d'HOMMES.
La
violence est indispensable au fonctionnement des sociétés
patriarcales. Toutes les violences sont des instruments entre les
mains du patriarcat, depuis la nuit des temps, pour façonner le
monde à sa guise et à sa convenance. Mais LA VIOLENCE est laide, son visage
est horrible. C'est pourquoi le patriarcat a sacralisé et
esthétisé toutes ses indispensables violences par l'art."
Ce texte est issu de commentaires-réponses (j'ai seulement ajusté la ponctuation et ajouté un mot dans le premier §) laissés par une de mes lectrices, Stéphanie, sur mon billet précédent "Ferias : sexisme et spécisme main dans la main", et comme ils m'ont semblé plein d'intérêt et que j'y adhère, j'ai préféré les publier dans un billet "Invitée" plutôt que sous mon billet précédent, où ils auraient été moins en valeur.