Conflit de loyauté : se dit des enfants qui sont pris dans le conflit entre deux parents, par exemple au cours d'une séparation. La société leur a prescrit d'aimer également leur père et leur mère, leurs frères et sœurs, leurs grands-parents, leur famille élargie. Quand surviennent une séparation, une agression, ils se retrouvent dans une situation psychique qui leur interdit de prendre parti pour l'un ou l'autre si on leur demande de choisir, ou de prendre le parti d'eux-mêmes si un parent devient agresseur. Ce qui caractérise un enfant c'est la relation de dépendance qu'il entretient avec son entourage : il en dépend pour sa nourriture, son abri, sa sécurité et son éducation. Il ne peut pas les assurer seul. Evidemment, la situation de dépendance est caractéristique de la très petite enfance, ou de l'enfance, elle ne devrait pas caractériser l'adulte normalement majeur et émancipé.
Au contraire de l'enfant, un-e adulte majeur-e devrait relativiser les conflits entre ses parents, sa famille élargie, sa communauté, son groupe social, en adoptant une position critique conférée par une éducation, un apprentissage, les deux donnés typiquement par l'école qui est destinée à ça, en plus des savoirs de base ou académiques qu'on attend d'une personne adulte, émancipée, autonome. L'autonomie, c'est aussi penser par soi-même hors des croyances, légendes, et formatages familiaux. Or, les filles et femmes, souvent considérées comme mineures, vivent en hétéronomie en certains endroits, prennent leurs directives de tuteurs, incapables qu'elles seraient de se diriger elles-mêmes, de prendre leurs propres décisions en autonomie. Elles auraient besoin d'un tutorat ou d'un mentorat pour se diriger dans l'existence. Les femmes sont auto-mobiles écrivait Nicole-Claude Mathieu : elles se déplacent seules à condition qu'il y ait quelqu'un au volant ! Tout ceci aboutit à un manque de confiance en elles et à la sensation de devoir rendre des comptes, demander conseil ou à accepter les directives des autres, sans discussion.
Aussi, quand survient une difficulté, les femmes entrent dans un conflit de loyauté avec la classe sociale adverse, les hommes de la famille : pères, frères, oncles, voire fils, dont elles restent affectivement dépendantes et auxquelles elles sont soumises. Toutes les femmes expérimentent ce conflit quand elles revendiquent pour elles-mêmes des droits ou des choix particuliers. La classe sociale femmes (selon l'analyse théorique matérialiste, marxiste, des rapports sociaux de sexes) a cette caractéristique qu'elle a la classe opprimante à la maison, qu'elle entretient des liens affectifs avec. L'oppresseur est dans son lit, dans la chambre ou le bureau d'à côté, pire même, elle l'a mis au monde elle-même ! Bien sûr, la situation est totalement schizophrène. Tétanisante aussi. Imaginez un ouvrier ayant à faire face à ce type de circonstances avec son patron : la lutte pour un meilleur salaire et de meilleures conditions de travail deviendrait impossible. Ceci explique sans doute la stagnation des femmes dans les basses zones de l'économie, les postes mal payés, ou dédiés généralement en bénévolat au service des mâles de la maisonnée, conditions qui façonnent leur psyché. Leur situation de perpétuelles asservies présente toutes les caractéristiques de la normalité, au point qu'elles ne la perçoivent même plus. Les femmes " ont été convaincues qu'elles veulent ce qu'elles sont contraintes à faire et qu'elles participent au contrat social qui les exclut " écrit très justement Monique Wittig. On voit aussi s'accentuer de façon préoccupante, dans les quartiers abandonnés de la République, la pression des frères, des hommes en général, sur les filles, le contrôle de leur vêture et de leur comportement dans l'espace public, et vis à vis des garçons extérieurs au clan.
En conséquence, on ne peut plus rien dire : le nombre de fois où je me suis fait renvoyer dans les cordes, en disant tout le mal que je pensais des insupportables comportements masculins, et où j'ai été rendue muette par obligation pour ne pas en rajouter devant certaines situations tragiques où les avaient conduites l'aveuglement de l'aaaamourrr, du mariage, renforçant leur aliénation, car si on ne peut plus rien dire, rien analyser, je ne vois pas comment cela pourrait s'arrêter, ou même changer ! C'est à tel point qu'après avoir fait l'expérience d'une association féministe, quand j'en suis partie au bout de quatre ans, je me suis juré de ne plus jamais y remettre un pied. Vive le free-lance. Au moins je peux l'ouvrir, tant pis si on me traite de misandre, d'anti-hommes, je n'en ai plus rien à faire. Je n'ai et n'ai jamais eu aucun conflit de loyauté avec quiconque : j'ai eu un père (décent, ce qui n'est pas le cas de tous, malgré ses défauts), des oncles ; j'ai des cousins, un frère, et alors ? Ils sont ma famille, et je suis une personne différente avec un vécu différent. J'ai eu des collègues de travail aussi, de très sympathiques même, ce qui ne m'a jamais empêchée de dire ce que je pense.
Et dans le camp d'en face, comment ça se passe ? Très bien, merci pour eux. Ils vous laissent toujours leurs tours de vaisselle, ils trouvent normal d'avoir une larbine à la maison pour pas un rond. Ils arrivent même à dire du mal des "bonnes femmes", de leur belle-mère, à vous faire croire que le mariage c'est vous qui en auriez besoin, mais pas eux, alors que c'est l'inverse, nous on n'a pas besoin de ces boulets, mais eux ont besoin d'une bonne à la maison, mère, sœur, épouse, que leur linge soit propre, le ménage fait, les repas prêts, leurs enfants pris en charge; Ils ont aussi besoin de soutien émotionnel. Les féministes argentines disent sans plaisanter que sans leurs femmes, les argentins mâles crèveraient de faim. Adultes, ils ne souffrent d'aucun conflit de loyauté vis à vis de leurs mères ou sœurs. Ils ne voient même pas l'injustice et expriment leur misogynie sans pudeur ni honte. Dans ces conditions, si vous voulez reprendre votre liberté hors d'un système étouffant, il peut vous en cuire. Ces ayant-droit ne vous feront alors pas de cadeau, leur frustration s'exprimera dans le sang, Infanticide, féminicide, animalicide (ils se vengent sur les animaux de leurs compagnes, promettant l'escalade), voire meurtre des beaux-parents, de l'amant, ou même tuerie de masse (à partir de 2 mort-es), forcenés mobilisant le GIGN ou le RAID. Ils sont dan-ge-reux. Dans le silence, le mutisme, l'atonie de la société. Ah si, j'oubliais, marches blanches et cellules psychologiques, la société y est à son maximum : consensus mou, T-shirts blanc immaculé, pas un slogan. Ne pas nommer le problème. Jusqu'à la prochaine.
Il faut en finir avec tout cela. Cultiver l'autonomie des filles, l'autodétermination des femmes, arrêter de leur pourrir la tête avec l'obligation de s'en trouver un et de le garder contre vents et marées. Nous valons mieux que tous ces statuts inférieurs, que ces contraintes se transmettant, inamendables, de génération en génération. Nous n'y pouvons rien, c'est ainsi, la vie nous éloigne, nous détache, chacun-e fait des expériences différentes de celles de la famille et de ses membres, expériences qui modifient notre façon de voir. Au contraire, c'est un enrichissement, un vent frais qui souffle, qui efface les miasmes familiaux, les traditions recuites, obsolètes, les croyances des vieux-pères. Sans renier notre histoire, le lieu d'où nous venons, nos liens et nos attachements, la liberté est possible. Avec une prise de conscience et de la volonté. Nous en sommes capables. Les filles sont bonnes à l'école, elles réussissent, elles font des carrières enviables, il n'y a aucune raison de faire des complexes. Cultivons, chérissons notre quant-à soi, notre domaine intime. Libérons-nous. Soyons fermes et défendons nos convictions sans avoir besoin de l'approbation des autres.