Oksana Chatchko, l'une des trois fondatrices historiques de Femen en Ukraine, vient de se suicider à 31 ans dans son petit appartement de la région parisienne. Réfugiée politique en France, car sa vie était menacée par le pouvoir politique ukrainien, elle était en rupture avec le groupe qu'elle avait fondé, après l'OPA faite par Inna Shevchenko -dernière activiste à rejoindre le groupe des trois d'origine, selon la biographie que lui avait consacré Caroline Fourest en 2014, mais qui prend le leadership du mouvement en le faisant migrer à Paris en 2012. C'est l'aventure parisienne de Femen2 au Lavoir Moderne que raconte Fourest.
Oksana Chatchko est peintre d"icônes : elle a appris la technique et vit de son art en Ukraine. C'est ce qui va la faire entrer en dissidence, au vu de la corruption et de la détestation des femmes portée par l'Eglise orthodoxe. Elle se radicalise et devient anarcho-féministe : avec deux autres étudiantes, Anna Hutsol et Alexandra Chevtchenko (presque homonyme de Inna, mais orthographe différente), elle fonde FEMEN première version en 2008. En galère à Paris désormais, peinant à faire renouveler ses titres de séjour, en rupture avec le nouveau groupe FEMEN, elle a fini par jeter l'éponge. La vie est impitoyable aux femmes. No country for women. La video ci-dessous rend hommage à son travail d'artiste. Elle y conciliait une technique ancestrale de moniale, et une expression artistique révolutionnaire. Ecoutez-là.
Elle avait réussi à sortir de la rigidité technique codifiée, "canonique", pour casser littéralement les icônes et trouver son expression. De peintresse d'icônes, elle était devenue iconoclaste, en trouvant sa façon d'exprimer une vision personnelle du monde. Nous avons perdu une artiste. Nous avons perdu une alliée féministe. RIP Oksana Chatchko.
mardi 31 juillet 2018
vendredi 20 juillet 2018
Craignez-les !
Du 25 au 29 juillet se dérouleront, comme tous les ans, les "fêtes" de Bayonne. Après les fêtes de San Fermin à Pampelune, en Navarre espagnole, presque à chaque fois entachées d'agressions sexuelles, voire de viols. Le jugement clément de 5 violeurs de la Meute à la San Fermin 2016 (La Manada en espagnol, ainsi qu'ils s'étaient nommés) a suscité des manifestations dans toute l'Espagne au mois d'avril dernier.
Je crois illusoire de vouloir revendiquer en tant que femme, une participation apaisée à ces joutes masculines. Elles sont par définition des compétitions entre hommes, compétitions entre hommes et bêtes, et dans ce dernier cas, il y a des morts, et ces morts, ce sont les bêtes. Quand je lis la revendication de fêtes de San Fermin sans violences de la part des féministes, je constate qu'il n'y a que les ONG de protection animale pour rappeler que la revendication de non violence doit aussi inclure les animaux, victimes qu'aucune autre voix ne défend !
Il est temps de sortir de la sidération et de la résignation devant les mauvaises actions des hommes ; le déni ne mène nulle part, pas plus que la revendication d'avoir une part apaisée en tant que femme dans ces lieux où se jouent des guerres rituelles et symboliques. La torture et la mise en pièces d'un animal -y compris devant des enfants- ne sont pas des actes sociaux anodins. La mort d'un animal dans l'arène ou dans les espaces dits sauvages par des chasseurs témoignent qu'ils font régner la terreur. Et c'est bien le message envoyé. Nous sommes entre nous, nous sommes cruels et méchants : animaux, femmes, garçons doux ou garçons gays, vous n'êtes pas les bienvenus dans nos lieux d'entresoi viril, où nous confisquons par ailleurs les espaces publics et médiatiques, les espaces de nature à notre seul profit. Vous pouvez en être les victimes collatérales. Celles et ceux qui s'y aventurent prennent leurs risques. Toutes vos marches blanches sans slogans ni inscriptions, tous vos polluants lâchers de ballons n'y pourront jamais rien.
La seule réponse possible est le refus obstiné de ces méfaits virils, se mettre en travers de ces exactions contre des animaux qui ne font plus le poids, la réponse est le renvoi dans les poubelles de l'HIStoire de ces traditions viriles d'un autre âge. Les femmes y ont déjà gagné leur place. En face des chasseurs, les défenseurs des animaux sont en majorité des refusantes et des défenseuses. C'est en ces lieux-là que les femmes ont toute leur place à prendre.
" Les pratiques de la virilité sont incompatibles avec le maintien de la vie sur la planète ".
Kate Millett - La politique du mâle.
— Hypathie (@HypathieBlog) 18 juillet 2018Lâchers de bouvillons et de vachettes affolées dans les rues, que les hommes défient en courant parmi elles et affrontent au besoin pour montrer qu'ils sont les plus forts : toutes ces fêtes se terminent par des "spectacles" de corridas, pour qu'on sache urbi et orbi que l'homme terrasse la bête. C'est pathétique. Pour l'instant, silence du côté des féministes, qui ne dénoncent que les affaires d'agressions sexuelles de ces rassemblements masculins, la dénonciation de la violence étant laissée aux associations anti-corrida et de protection animales actives des deux côtés des Pyrénées. On se demande bien pourquoi : ces faits sont le fait d'hommes -et de jeunes garçons qu'on dépouille de leur empathie pour leur apprendre la cruauté vis à vis de jeunes veaux, pratiques connues sous le nom de novilladas et de becerradas. Il faut que ça saigne, il faut qu'on les craigne ! Et il n'y a pas que dans le Sud de la France : déterrage de blaireaux et de renardeaux, comme ci-dessous dans une autre région française, les renards et blaireaux étant déclarés "nuisibles" par le Top Model de la Création pour justifier le massacre, pendant que la biodiversité disparaît. Pour que nul n'en ignore, ils publient leurs exploits et s'affichent avec leurs trophées comme tout serial killer qui se respecte, enfin, selon la légende dont regorge la littérature policière.
Besoin d'affirmer ta virilité toujours à prouver, de montrer que tu es un homme un "vrai", disséminant l'effroi et la terreur partout ? Deviens chasseur ! #terrorismeviril -Image via @gaftarnik pic.twitter.com/XQWoTnEEzY— Hypathie (@HypathieBlog) 13 juillet 2018
Ces fêtes où les femmes sont spectatrices plus qu'actrices, sont truffées et imprégnées d'exploits masculins (beuveries et incivilités en majorité) : elles sont évidemment des manifestations de virilité. Les femmes qui se croient bienvenues (c'est le discours officiel) sont évidemment juste tolérées dans ces espaces, où il peut à tout moment leur être signifié par une main au cul, une bite à l'air, voire plus, une agression sexuelle ou un viol, que la rue appartient aux mecs, que le bain dans le sang animal est leur occasion à eux. Lacrymogènes, incendies de voiture et agressions sexuelles, les incidents de la "fête des bleus" sur les Champs Elysées, qui ont été dévoilés plusieurs jours après, et bien à contre cœur par une presse unanime dans le consensus sur la grande fête footballistique, relèvent des mêmes pratiques : les filles, vous êtes tolérées dans un rituel masculin, ne venez pas vous plaindre après, si vous aviez une jupe trop courte, ou une jupe d'ailleurs, si vous aviez un coup dans le nez, ou même si vous traversiez la place au mauvais moment !
Je crois illusoire de vouloir revendiquer en tant que femme, une participation apaisée à ces joutes masculines. Elles sont par définition des compétitions entre hommes, compétitions entre hommes et bêtes, et dans ce dernier cas, il y a des morts, et ces morts, ce sont les bêtes. Quand je lis la revendication de fêtes de San Fermin sans violences de la part des féministes, je constate qu'il n'y a que les ONG de protection animale pour rappeler que la revendication de non violence doit aussi inclure les animaux, victimes qu'aucune autre voix ne défend !
Corps de femmes consommables dans la prostitution et le viol, corps de bêtes pièces bouchères envoyées à l'équarrissage pour les jeux masculins, violence et torture aux animaux, violence aux femmes dans la prostitution et le viol : San Fermin, fête patriarcale de la mort, banquet masculin empoisonné. Je ne vois pas comment on peut croire que ces lieux seraient des lieux de sécurité pour les femmes et tout ce qui n'est pas EUX, comme EUX. Je ne vois pas comment on peut tolérer des effusions de sang et de violence sans frein sur des bovins et demander la sécurité pour soi. Il est temps de voir le continuum de la violence masculine. Et assez de formules d'ancillaires que les femmes s'échangent en elles : "vous savez bien comment sont les garçons", "boys are boys" qui essentialisent les hommes et noient le poisson ; si nous sommes plus calmes, ils peuvent l'être aussi, c'est une question de volonté et d'éducation. Il est temps d'être et de rester ferme sur les principes.¡En #Sanfermines2018 también mueren toros! Así terminan los animales tras correr el encierro de San Fermín. 😥 #SanferminesSinViolencia— PACMA (@PartidoPACMA) 10 juillet 2018
📸 @Tras_los_Muros pic.twitter.com/OAchWb6Iph
Il est temps de sortir de la sidération et de la résignation devant les mauvaises actions des hommes ; le déni ne mène nulle part, pas plus que la revendication d'avoir une part apaisée en tant que femme dans ces lieux où se jouent des guerres rituelles et symboliques. La torture et la mise en pièces d'un animal -y compris devant des enfants- ne sont pas des actes sociaux anodins. La mort d'un animal dans l'arène ou dans les espaces dits sauvages par des chasseurs témoignent qu'ils font régner la terreur. Et c'est bien le message envoyé. Nous sommes entre nous, nous sommes cruels et méchants : animaux, femmes, garçons doux ou garçons gays, vous n'êtes pas les bienvenus dans nos lieux d'entresoi viril, où nous confisquons par ailleurs les espaces publics et médiatiques, les espaces de nature à notre seul profit. Vous pouvez en être les victimes collatérales. Celles et ceux qui s'y aventurent prennent leurs risques. Toutes vos marches blanches sans slogans ni inscriptions, tous vos polluants lâchers de ballons n'y pourront jamais rien.
La seule réponse possible est le refus obstiné de ces méfaits virils, se mettre en travers de ces exactions contre des animaux qui ne font plus le poids, la réponse est le renvoi dans les poubelles de l'HIStoire de ces traditions viriles d'un autre âge. Les femmes y ont déjà gagné leur place. En face des chasseurs, les défenseurs des animaux sont en majorité des refusantes et des défenseuses. C'est en ces lieux-là que les femmes ont toute leur place à prendre.
" Les pratiques de la virilité sont incompatibles avec le maintien de la vie sur la planète ".
Kate Millett - La politique du mâle.
mardi 10 juillet 2018
Se défendre ou ne pas se défendre quand on est une femme ? Le tabou des armes
" Nous avons vu que dans les sociétés de chasseurs-collecteurs, le monopole de l'arme a une importance décisive dans les rapports entre hommes et femmes ; c'est en effet dans la technologie qui crée les armes et dans les armes mêmes que se produisent les progrès les plus importants, ceux qui marquent la distance entre outils masculins et féminins, puisque les armes sont en même temps des outils de production privilégiés. Mais l'aspect qui prévaut est celui du contrôle de la force ; d'où le rigoureux interdit imposé aux femmes quant à l'emploi des armes : le jeu se joue entre qui a les armes et qui ne les a pas. Le pouvoir des hommes sur les femmes est assuré par le monopole des armes-outils. " Paola Tabet, anthropologue - La construction sociale de l'inégalité des sexes.
L'anthropologie et l'ethnographie qui étudient les tribus premières des sociétés humaines relèvent une constante et nous enseignent que les outils et les armes sont taboues pour les femmes : elles vont à la chasse avec les hommes, mais elles se contentent de taper avec des bâtons sur le sol, pour effrayer ou rabattre les animaux, elles peuvent aboyer (SIC) aussi pour les mêmes raisons, mais elles n'utilisent pas d'armes, qui restent un monopole masculin, même dans nos sociétés modernes. " Ce n'est pas la chasse qui est interdite aux femmes, ce sont bien les armes ; c'est bien l'accès aux armes, en tant que telles et en tant que concrétisation d'un développement technologique qui leur est refusé " insiste Paola Tabet.
Du coup, ce tabou venu du fond des temps reste ancré et vivace dans les comportements d'aujourd'hui. Exemples, crescendo :
- les filles harcelées, quand elles font un jogging se contentent généralement, comme je l'ai constaté la semaine dernière, d'un tweet ou d'un post sur les medias sociaux pour dire aux mecs qu'ils sont "relous" alors qu'elles ont eu peur, et que c'était destiné à ça, faire peur. Je me suis personnellement équipée d'un spray au poivre que je balade partout avec moi depuis qu'il y a quelques années j'étais victime d'agresseurs sexuels qui exhibaient leur bite quand je marchais sur les quais de la Vilaine : il y avait un mauvais passage à l'écluse du Moulin du Comte. J'ai décidé d'arrêter de me plaindre : "mais où tu va comme ça aussi pour voir des gens pareils ?" : une de ma famille. "Je vais où je veux puisque mes impôts sont aussi bons que ceux des mecs et qu'on ne m'a jamais refusé mon chèque au motif que c'était de l'argent de bonne femme" fut ma sèche réponse. Comme s'il y avait des quartiers réservés aux agresseurs sexuels ! Après quelques essais infructueux, j'ai aussi arrêté d'appeler la Cavalerie qui a tant d'autres chats à fouetter : braquages de banques, trucidages divers de mecs entre eux, et bien sûr, violences sur enfants et conjointes, où ils ne brillent pas non plus par leur motivation à soustraire les victimes à leurs bourreaux. Donc, mon cas étant apparemment dérisoire, je me suis équipée et je fais face, dans l'adversité. PARCE QUE C'EST MAL VU. Sur les réseaux sociaux, où quand une se plaint et que je lui suggère un spray, silence de mort. On entend très bien les silences de mort et la désapprobation sur les réseaux sociaux. Pas de partage, rien, alors que les statistiques de Twitter vous montrent que vous avez de l'audience. Et puis dans les dîners en ville, c'est mal vu aussi : un jour, dans mon restaurant d'entreprise, une consultante (de l'APEC, je balance, il y a prescription, et puis ça me fait plaisir) raconte que rentrant chez elle, en plein jour, dans une rue de Paris, un mec tousse, elle se tourne vers la caisse auprès de laquelle elle passe, et voit... un type en train de se palucher, l'engin sorti du short. Ça m'est arrivé aussi ce genre d'histoire. A Tours pour moi. Je lui demande ce qu'elle a fait ? Réponse : Bin, qu'est-ce que tu voulais que je fasse ? Tu fais ce que tu veux, mais moi, j'ai un spray au poivre toujours sur moi, je le sors prestement, et j'enfume le type par le haut de la vitre qu'il a forcément baissée pour qu'on l'entende tousser ! Je lui donne un motif de tousser, mais vraiment ! Je vous le donne en mille : c'est moi qui suis passée pour l'agressive, la sauvage, qui veut la mort du Prince Charmant, ce sale type.
Et pourtant ça marche ! Je ne m'en suis jamais servie, mais il fait reculer les agresseurs potentiels, quand ils le voient, ils reconsidèrent le (sale) coup. Et il rend assertive, sûre de soi. Je marche avec, je circule en voiture avec, et je descends ma poubelle avec. J'ai déjà été agressée plusieurs fois dans mon sous-sol par des mecs alcoolisés agressifs. Et puis ça sert aussi à "se dégager de son agresseur" comme dans cette affaire récente de viols en récidive à Brest.
- L'affaire Jacqueline Sauvage, vous vous souvenez ? Battue comme plâtre, maltraitée pendant 43 ans par le Prince Cogneur, Père abuseur, un jour elle règle son compte par trois coups de fusil dans le dos de son agresseur et celui de ses enfants, puisqu'elle est chasseuse*, bonne tireuse, et qu'il y a un fusil à la maison. Jamais je n'ai pu m'ôter de l'idée que si elle avait utilisé des médicaments ou un poison, ces armes par destination tellement féminines, ces armes des faibles, qu'elle aurait été moins lourdement condamnée : 10 ans ! Sortie de prison par la grâce présidentielle, et surtout par l'activisme féministe, Jacqueline Sauvage ne m'est pas sympathique, mais franchement, ne pas reconnaître la légitime défense à une femme battue, torturée avec ses enfants, pendant 43 ans, c'est refuser aux femmes le droit de se défendre. Plus récemment, le jugement de l'affaire Tobie, où de la même manière une femme abat d'un coup de carabine son conjoint maltraitant, retrouvé tout desséché trois ans plus tard dans l'appartement dont elle ne payait plus le loyer : 12 ans d'emprisonnement, plus que les réquisitions du Procureur, pas de reconnaissance de la légitime défense non plus. Et je parle bien de légitime défense, pas d'auto-défense, comme j'ai entendu me répondre un soi-disant pro-féministe, sur Twitter, pro-féministe, mais pas débarrassé lui non plus des injonctions patriarcales ni des tabous qui frappent les femmes.
Pour une femme, c'est bien porté d'aller à l'équarrissage. Le fusil ? Pas féminin pour deux sous (2 % de chasseuses* reconnues par les associations de chasse, on est en plein dans l'injonction aux femmes décrite par Paola Tabet ci-dessus) : pas glamour, pas plus que le spray au poivre. La féminité c'est l'impuissance : échasses sur quoi marcher, jupes étroites et courtes, gros sacs avec contenu en vrac en bandoulière, l'oreille collée à leur téléphone portable déchargé, elles préviennent les agresseurs qu'elles ont appelé leur petit ami (le preux chevalier des contes de leur enfance) qui va venir à leur secours. Bouh, ils ont peur ! Pas moyen de courir, pas question de brandir une arme. Alors vous pensez, quand une montre qu'elle a du répondant, ou en tous cas, peut en avoir, c'est forcément une virago hommasse avec du poil aux pattes. Qui veut la mort des mecs agresseurs (OUI) et qui va finir seule entourée de 15 chats mités (NON).
Pendant que la société enseigne aux filles l'impuissance, sachez quand même que tout est fait pour dépouiller les garçons de leur empathie : une juge vient de retoquer une association de protection animale niçoise qui poursuivait la ville de Tarascon pour l'autorisation d'une novillada et d'une bercerrada les 7 et 8 juillet. Novillada ? Bercerrada ? Il s'agit d'apprendre à de jeunes garçons apprentis bouchers/toreros à torturer, puis tuer à l'arme blanche, de jeunes veaux de maximum deux ans. Oui, vous avez bien lu. Il y a deux standards admis par la justice : pas touche aux couilles des mecs, et aux femmes, la férule patriarcale. Impitoyablement. Jusqu'à la mort.
Mesdames vous avez le droit de vous défendre, au moins de montrer qu'on ne peut pas vous emmerder impunément, en tous cas. Vous avez aussi le droit et le devoir de défendre les autres en cas d'attaque. Y compris un mec, si le cas se présente. L'attitude de la biche effarée dans les phares de voiture, c'est bien dans les romans à l'eau de rose, mais dans la vraie vie, c'est contre-productif. Les agresseurs sont des lâches. Dans 95 % des cas, s'ils rencontrent une résistance, ils détaleront sans demander leur reste. Evidemment, soyez prudentes : il faut impérativement avoir une possibilité de fuite. J'avais traduit un billet il y a quelques temps sur comment réagir en cas de harcèlement : il reste totalement valable. La terreur doit changer de camp. Ou au moins, il s'agit de rétablir un équilibre.
* Je n'aime pas les chasseurs, ni les chasseuses, ni la chasse. Mais ce n'est pas le sujet. On peut apprendre à se défendre sans tuer, et sans se faire la main d'abord sur des animaux. Nous ne sommes plus au Néolithique.
L'anthropologie et l'ethnographie qui étudient les tribus premières des sociétés humaines relèvent une constante et nous enseignent que les outils et les armes sont taboues pour les femmes : elles vont à la chasse avec les hommes, mais elles se contentent de taper avec des bâtons sur le sol, pour effrayer ou rabattre les animaux, elles peuvent aboyer (SIC) aussi pour les mêmes raisons, mais elles n'utilisent pas d'armes, qui restent un monopole masculin, même dans nos sociétés modernes. " Ce n'est pas la chasse qui est interdite aux femmes, ce sont bien les armes ; c'est bien l'accès aux armes, en tant que telles et en tant que concrétisation d'un développement technologique qui leur est refusé " insiste Paola Tabet.
Du coup, ce tabou venu du fond des temps reste ancré et vivace dans les comportements d'aujourd'hui. Exemples, crescendo :
- les filles harcelées, quand elles font un jogging se contentent généralement, comme je l'ai constaté la semaine dernière, d'un tweet ou d'un post sur les medias sociaux pour dire aux mecs qu'ils sont "relous" alors qu'elles ont eu peur, et que c'était destiné à ça, faire peur. Je me suis personnellement équipée d'un spray au poivre que je balade partout avec moi depuis qu'il y a quelques années j'étais victime d'agresseurs sexuels qui exhibaient leur bite quand je marchais sur les quais de la Vilaine : il y avait un mauvais passage à l'écluse du Moulin du Comte. J'ai décidé d'arrêter de me plaindre : "mais où tu va comme ça aussi pour voir des gens pareils ?" : une de ma famille. "Je vais où je veux puisque mes impôts sont aussi bons que ceux des mecs et qu'on ne m'a jamais refusé mon chèque au motif que c'était de l'argent de bonne femme" fut ma sèche réponse. Comme s'il y avait des quartiers réservés aux agresseurs sexuels ! Après quelques essais infructueux, j'ai aussi arrêté d'appeler la Cavalerie qui a tant d'autres chats à fouetter : braquages de banques, trucidages divers de mecs entre eux, et bien sûr, violences sur enfants et conjointes, où ils ne brillent pas non plus par leur motivation à soustraire les victimes à leurs bourreaux. Donc, mon cas étant apparemment dérisoire, je me suis équipée et je fais face, dans l'adversité. PARCE QUE C'EST MAL VU. Sur les réseaux sociaux, où quand une se plaint et que je lui suggère un spray, silence de mort. On entend très bien les silences de mort et la désapprobation sur les réseaux sociaux. Pas de partage, rien, alors que les statistiques de Twitter vous montrent que vous avez de l'audience. Et puis dans les dîners en ville, c'est mal vu aussi : un jour, dans mon restaurant d'entreprise, une consultante (de l'APEC, je balance, il y a prescription, et puis ça me fait plaisir) raconte que rentrant chez elle, en plein jour, dans une rue de Paris, un mec tousse, elle se tourne vers la caisse auprès de laquelle elle passe, et voit... un type en train de se palucher, l'engin sorti du short. Ça m'est arrivé aussi ce genre d'histoire. A Tours pour moi. Je lui demande ce qu'elle a fait ? Réponse : Bin, qu'est-ce que tu voulais que je fasse ? Tu fais ce que tu veux, mais moi, j'ai un spray au poivre toujours sur moi, je le sors prestement, et j'enfume le type par le haut de la vitre qu'il a forcément baissée pour qu'on l'entende tousser ! Je lui donne un motif de tousser, mais vraiment ! Je vous le donne en mille : c'est moi qui suis passée pour l'agressive, la sauvage, qui veut la mort du Prince Charmant, ce sale type.
Et pourtant ça marche ! Je ne m'en suis jamais servie, mais il fait reculer les agresseurs potentiels, quand ils le voient, ils reconsidèrent le (sale) coup. Et il rend assertive, sûre de soi. Je marche avec, je circule en voiture avec, et je descends ma poubelle avec. J'ai déjà été agressée plusieurs fois dans mon sous-sol par des mecs alcoolisés agressifs. Et puis ça sert aussi à "se dégager de son agresseur" comme dans cette affaire récente de viols en récidive à Brest.
- L'affaire Jacqueline Sauvage, vous vous souvenez ? Battue comme plâtre, maltraitée pendant 43 ans par le Prince Cogneur, Père abuseur, un jour elle règle son compte par trois coups de fusil dans le dos de son agresseur et celui de ses enfants, puisqu'elle est chasseuse*, bonne tireuse, et qu'il y a un fusil à la maison. Jamais je n'ai pu m'ôter de l'idée que si elle avait utilisé des médicaments ou un poison, ces armes par destination tellement féminines, ces armes des faibles, qu'elle aurait été moins lourdement condamnée : 10 ans ! Sortie de prison par la grâce présidentielle, et surtout par l'activisme féministe, Jacqueline Sauvage ne m'est pas sympathique, mais franchement, ne pas reconnaître la légitime défense à une femme battue, torturée avec ses enfants, pendant 43 ans, c'est refuser aux femmes le droit de se défendre. Plus récemment, le jugement de l'affaire Tobie, où de la même manière une femme abat d'un coup de carabine son conjoint maltraitant, retrouvé tout desséché trois ans plus tard dans l'appartement dont elle ne payait plus le loyer : 12 ans d'emprisonnement, plus que les réquisitions du Procureur, pas de reconnaissance de la légitime défense non plus. Et je parle bien de légitime défense, pas d'auto-défense, comme j'ai entendu me répondre un soi-disant pro-féministe, sur Twitter, pro-féministe, mais pas débarrassé lui non plus des injonctions patriarcales ni des tabous qui frappent les femmes.
Pour une femme, c'est bien porté d'aller à l'équarrissage. Le fusil ? Pas féminin pour deux sous (2 % de chasseuses* reconnues par les associations de chasse, on est en plein dans l'injonction aux femmes décrite par Paola Tabet ci-dessus) : pas glamour, pas plus que le spray au poivre. La féminité c'est l'impuissance : échasses sur quoi marcher, jupes étroites et courtes, gros sacs avec contenu en vrac en bandoulière, l'oreille collée à leur téléphone portable déchargé, elles préviennent les agresseurs qu'elles ont appelé leur petit ami (le preux chevalier des contes de leur enfance) qui va venir à leur secours. Bouh, ils ont peur ! Pas moyen de courir, pas question de brandir une arme. Alors vous pensez, quand une montre qu'elle a du répondant, ou en tous cas, peut en avoir, c'est forcément une virago hommasse avec du poil aux pattes. Qui veut la mort des mecs agresseurs (OUI) et qui va finir seule entourée de 15 chats mités (NON).
Pendant que la société enseigne aux filles l'impuissance, sachez quand même que tout est fait pour dépouiller les garçons de leur empathie : une juge vient de retoquer une association de protection animale niçoise qui poursuivait la ville de Tarascon pour l'autorisation d'une novillada et d'une bercerrada les 7 et 8 juillet. Novillada ? Bercerrada ? Il s'agit d'apprendre à de jeunes garçons apprentis bouchers/toreros à torturer, puis tuer à l'arme blanche, de jeunes veaux de maximum deux ans. Oui, vous avez bien lu. Il y a deux standards admis par la justice : pas touche aux couilles des mecs, et aux femmes, la férule patriarcale. Impitoyablement. Jusqu'à la mort.
Mesdames vous avez le droit de vous défendre, au moins de montrer qu'on ne peut pas vous emmerder impunément, en tous cas. Vous avez aussi le droit et le devoir de défendre les autres en cas d'attaque. Y compris un mec, si le cas se présente. L'attitude de la biche effarée dans les phares de voiture, c'est bien dans les romans à l'eau de rose, mais dans la vraie vie, c'est contre-productif. Les agresseurs sont des lâches. Dans 95 % des cas, s'ils rencontrent une résistance, ils détaleront sans demander leur reste. Evidemment, soyez prudentes : il faut impérativement avoir une possibilité de fuite. J'avais traduit un billet il y a quelques temps sur comment réagir en cas de harcèlement : il reste totalement valable. La terreur doit changer de camp. Ou au moins, il s'agit de rétablir un équilibre.
* Je n'aime pas les chasseurs, ni les chasseuses, ni la chasse. Mais ce n'est pas le sujet. On peut apprendre à se défendre sans tuer, et sans se faire la main d'abord sur des animaux. Nous ne sommes plus au Néolithique.
lundi 2 juillet 2018
Intersectionnalité ou Communauté de l'aliénation féminine ?
Françoise d'Eaubonne, féministe matérialiste, inventrice de l'écoféminisme et cofondatrice du MLF avec d'autres, fut aussi un temps une militante du PCF (Parti Communiste Français), donc nourrie des thèses de Marx et de la lutte des classes. Dans son ouvrage de 1978 qui vient d'être opportunément réédité, Ecologie et féminisme, Révolution ou mutation, elle explicite ses idées écoféministes déjà exposées dans Le féminisme ou la mort paru en 1974, à savoir la mise en parallèle de l'exploitation illimitée des ressources naturelles (la nature) et du travail reproductif des femmes qui fournissent travailleurs et soldats aux usines et aux guerres des agents mâles du patriarcat. Sa thèse est que Marx "aussi puissamment barbu que Dieu" n'a pas vu l'oppression exercée par la classe sociale hommes sur la classe sociale femme. L'ouvrage, dont je citerai sur ce blog quelques passages remarquables, est évidemment à lire de toute urgence (climatique et démographique).
En ces temps de féminisme(s !) intersectionnel dont on ne parlait pas du temps de Françoise d'Eaubonne, je vous propose cet extrait :
" Quand on parle de "mentalité", de "réaction" à tel ou tel stimulus social (par exemple vis à vis du travail, problème que tout le monde sait public, ou du couple, qu'on s'obstine encore à croire privé), il faut bien se garder d'en faire une affaire de sexe : quelle est l'attitude, mettons, des hommes, ou des femmes ? On ne peut que répondre : quels hommes, quelles femmes ? Ici l'attitude générale est définie par la classe. Les marxistes le savent bien, et croient que cette vérité détermine toutes les autres. Alors qu'il s'agit, à un autre niveau, d'une autre vérité : T.W. Adorno a dit que l'inconscience d'une oppression commune ne change rien à la communauté de cette oppression. Là aussi, l'oppression n'est nullement uniforme et ne s'exerce pas de la même sorte à travers des classes différentes ; la femme du PDG participe à l'oppression des prolétaires (encore qu'il lui soit fort difficile de faire autrement, de même que pour le prolétaire occidental ou américain, de ne pas participer au pillage du tiers-monde) et la prolétaire est doublement écrasée, comme femme et comme travailleuse. C'est en vertu de cette évidence que les "pétroleuses", issues du Cercle Dimitriev, les gauchistes du MLF, au lieu de travailler à l'union des femmes à travers les classes, élargissent le fossé déterminé par l'idéologie révolutionnaire mâle en rappelant à chaque instant : "Elles ne sont pas nos sœurs, les fascistes chiliennes qui frappaient leurs casseroles contre les partisans d'Allende." (Comme si une telle lapalissade méritait d'être soutenue, et comme si l'Oncle Tom était le frère des Panthères Noires, ou le Juif Rosenberg, encenseur d'Hitler, le frère des déportés de Dachau ?) Ce qui crée une communauté d'aliénation qui va de l'oppression à la manipulation chez les femmes en système mâle, et non pas une romantique et absurde "sororité de naissance", c'est que de la bourgeoise à l'ouvrière (et non seulement selon ces catégories), mais à travers les régimes, les pays, les cultures les plus diverses, les femmes ont en naissant une destination ; contrairement à l'homme qui, bien ou mal accueilli, aura un destin indifférencié à l'intérieur des déterminantes sociales et historiques. Son sexe ne lui sera jamais qu'une activité, heureuse ou non parmi les autres ; elle ne fondera pas son avenir, elle ne s'identifiera pas à lui-même, à son être propre, à sa vie. Ce qui déborde, largement, autant la lutte des classes que "la malchance de devoir faire seule la vaisselle". Car chez l'homme la destinée dépendra simplement de sa place économique et sociale à l'intérieur de ces contingences ; son sexe, la façon de s'en servir, sa procréation, son statut d'époux, de célibataire ou de divorcé, ses goûts amoureux et ses déboires ou ses triomphes sentimentaux resteront de purs évènements personnels qui ne modifieront en rien ou presque rien ses rapports au monde, à son monde, et le chemin qu'il se tracera dans une telle société. Pour lui, l'aspect physique peut être coloris du destin ; il n'est jamais destin ; sauf s'il appartient à une culture homosexuelle (Antinoüs, favori d'Hadrian ou Lord Buckingham).
Pour les femmes au contraire, non seulement la fonction sexuelle oriente tout le destin et toute la place dans le monde, mais ce qu'elles ont de plus intime, de plus privé, fait l'objet de la préocupation la plus officielle du pouvoir ; on fixe l'âge de leur "détournement" (les affaires de mineurs restent exceptionnelles quand il s'agit de garçons, et la plupart du temps homosexuelles), on leur accorde ou refuse le droit de procréer ou avorter, certains pays vont jusqu'à leur fixer des normes de maternité (quatre enfants minimum à Bucarest, trois enfants maximum à Tokyo) ; on exhorte la femme, on la flatte, on lui fait honte, on la manipule. Beaucoup plus générale encore, pratiquement universelle est l'obligation quasi fatale, constituée par l'attente de la société, de n'être née que pour accompagner le destin d'un autre être, autonome celui-là n'ayant pas pâti de cet "accident de naissance". C'est le point commun entre la fille du tourneur de Billancourt, du cadre de multinationale et la rejetonne des hippies ou la fillette du Bangladesh ! Exister par intermédiaire, ou à la rigueur choisir la solitude. "Je ne peux à la fois me consacrer à la sociologie et élever quatre enfants" m'écrit une roumaine sociologue obligée d'adopter le célibat, comme l'eût fait une intellectuelle française des années trente. C'est dire que le pouvoir ne se contente pas de faire pression sur la vie sexuelle féminine : il la légifère dans ce qu'elle a de plus soi-disant personnel. Bien plus : la société a inventé pour cette catégorie humaine des secteurs d'abjection et d'humiliation qui n'appartiennent qu'à ce que la condition féminine comporte d'involontaire : le viol, la prostitution n'ont pas d'équivalent dans les domaines de la dégradation mâle.
A vouloir se trouver des oppresseurs partout, dans différentes classes sociales, il y le risque d'oublier que l'"ennemi principal" c'est le patriarcat et ses agents, et que son oppression est universelle.
Lien supplémentaire sur le même thème :
La dialectique du sexe - Sulamith Firestone
En ces temps de féminisme(s !) intersectionnel dont on ne parlait pas du temps de Françoise d'Eaubonne, je vous propose cet extrait :
Communauté de l'aliénation féminine
" Quand on parle de "mentalité", de "réaction" à tel ou tel stimulus social (par exemple vis à vis du travail, problème que tout le monde sait public, ou du couple, qu'on s'obstine encore à croire privé), il faut bien se garder d'en faire une affaire de sexe : quelle est l'attitude, mettons, des hommes, ou des femmes ? On ne peut que répondre : quels hommes, quelles femmes ? Ici l'attitude générale est définie par la classe. Les marxistes le savent bien, et croient que cette vérité détermine toutes les autres. Alors qu'il s'agit, à un autre niveau, d'une autre vérité : T.W. Adorno a dit que l'inconscience d'une oppression commune ne change rien à la communauté de cette oppression. Là aussi, l'oppression n'est nullement uniforme et ne s'exerce pas de la même sorte à travers des classes différentes ; la femme du PDG participe à l'oppression des prolétaires (encore qu'il lui soit fort difficile de faire autrement, de même que pour le prolétaire occidental ou américain, de ne pas participer au pillage du tiers-monde) et la prolétaire est doublement écrasée, comme femme et comme travailleuse. C'est en vertu de cette évidence que les "pétroleuses", issues du Cercle Dimitriev, les gauchistes du MLF, au lieu de travailler à l'union des femmes à travers les classes, élargissent le fossé déterminé par l'idéologie révolutionnaire mâle en rappelant à chaque instant : "Elles ne sont pas nos sœurs, les fascistes chiliennes qui frappaient leurs casseroles contre les partisans d'Allende." (Comme si une telle lapalissade méritait d'être soutenue, et comme si l'Oncle Tom était le frère des Panthères Noires, ou le Juif Rosenberg, encenseur d'Hitler, le frère des déportés de Dachau ?) Ce qui crée une communauté d'aliénation qui va de l'oppression à la manipulation chez les femmes en système mâle, et non pas une romantique et absurde "sororité de naissance", c'est que de la bourgeoise à l'ouvrière (et non seulement selon ces catégories), mais à travers les régimes, les pays, les cultures les plus diverses, les femmes ont en naissant une destination ; contrairement à l'homme qui, bien ou mal accueilli, aura un destin indifférencié à l'intérieur des déterminantes sociales et historiques. Son sexe ne lui sera jamais qu'une activité, heureuse ou non parmi les autres ; elle ne fondera pas son avenir, elle ne s'identifiera pas à lui-même, à son être propre, à sa vie. Ce qui déborde, largement, autant la lutte des classes que "la malchance de devoir faire seule la vaisselle". Car chez l'homme la destinée dépendra simplement de sa place économique et sociale à l'intérieur de ces contingences ; son sexe, la façon de s'en servir, sa procréation, son statut d'époux, de célibataire ou de divorcé, ses goûts amoureux et ses déboires ou ses triomphes sentimentaux resteront de purs évènements personnels qui ne modifieront en rien ou presque rien ses rapports au monde, à son monde, et le chemin qu'il se tracera dans une telle société. Pour lui, l'aspect physique peut être coloris du destin ; il n'est jamais destin ; sauf s'il appartient à une culture homosexuelle (Antinoüs, favori d'Hadrian ou Lord Buckingham).
Pour les femmes au contraire, non seulement la fonction sexuelle oriente tout le destin et toute la place dans le monde, mais ce qu'elles ont de plus intime, de plus privé, fait l'objet de la préocupation la plus officielle du pouvoir ; on fixe l'âge de leur "détournement" (les affaires de mineurs restent exceptionnelles quand il s'agit de garçons, et la plupart du temps homosexuelles), on leur accorde ou refuse le droit de procréer ou avorter, certains pays vont jusqu'à leur fixer des normes de maternité (quatre enfants minimum à Bucarest, trois enfants maximum à Tokyo) ; on exhorte la femme, on la flatte, on lui fait honte, on la manipule. Beaucoup plus générale encore, pratiquement universelle est l'obligation quasi fatale, constituée par l'attente de la société, de n'être née que pour accompagner le destin d'un autre être, autonome celui-là n'ayant pas pâti de cet "accident de naissance". C'est le point commun entre la fille du tourneur de Billancourt, du cadre de multinationale et la rejetonne des hippies ou la fillette du Bangladesh ! Exister par intermédiaire, ou à la rigueur choisir la solitude. "Je ne peux à la fois me consacrer à la sociologie et élever quatre enfants" m'écrit une roumaine sociologue obligée d'adopter le célibat, comme l'eût fait une intellectuelle française des années trente. C'est dire que le pouvoir ne se contente pas de faire pression sur la vie sexuelle féminine : il la légifère dans ce qu'elle a de plus soi-disant personnel. Bien plus : la société a inventé pour cette catégorie humaine des secteurs d'abjection et d'humiliation qui n'appartiennent qu'à ce que la condition féminine comporte d'involontaire : le viol, la prostitution n'ont pas d'équivalent dans les domaines de la dégradation mâle.
Ce que les femmes ont en commun, c'est leur sexe et le rôle qui s'y rattache avec des variantes dues à la classe (sociale) ; ce que les hommes ont en commun, c'est leur classe, avec des variantes dues à leur activité sexuelle ; le rôle en est toujours celui de sujet. Qu'un patron engrosse domestique ou secrétaire et l'abandonne, c'est classique ; que la patronne s'éprenne du chauffeur ou du prolo, c'est encore elle qui sera engrossée et abandonnée ; les conséquences en seront moins graves aujourd'hui qu'autrefois, mais elles demeureront du même sens ; il n'y a pas inversion des rôles. L'oppression de classe exercée ou subie, trouve dans la biologie sa limite. "
A vouloir se trouver des oppresseurs partout, dans différentes classes sociales, il y le risque d'oublier que l'"ennemi principal" c'est le patriarcat et ses agents, et que son oppression est universelle.
Lien supplémentaire sur le même thème :
La dialectique du sexe - Sulamith Firestone
Inscription à :
Articles (Atom)