Hier comme il faisait beau et pas trop chaud, j'ai décidé d'aller passer l'après-midi à ma Ferme conservatoire de la Bintinais, surtout pour aller dire bonjour aux bêtes qui sont bien les seules à présenter un intérêt en matière d'interaction sociale, comme on va voir. Un de mes anciens collègues de travail avait l'habitude de me dire : "Tu sais, nous on n'a pas tant que cela besoin de socialiser !", cultivant un côté (complètement surjoué) d'asocial que lui et sa femme n'avaient pas.
J'aurais pu lui répondre avec un peu de répartie que socialiser pour moi, c'était aussi bien avec des bêtes qu'avec des humains, et que je ne voyais pas trop la différence en matière de bienfait.
Donc, direction La Bintinais. Une fois franchie l'entrée avec employée qui se contente de vous demander votre code postal depuis que (hélas) les musées sont gratuits, je n'avais pas plutôt fait dix mètres, que j'ai été rattrapée par un tracteur tirant une tonne à eau ! Tournée des champs et remplissage des abreuvoirs dans les pâtures, en balançant un nuage de poussière au nez des visiteuses sur les allées empierrées. Ah oui, j'ai oublié de préciser, mais est-ce bien nécessaire, que le tracteur est piloté par un mâle en combinaison Adolphe Lafont, mâle qui se la joue fermier éleveur, comme ceux de la FNSEA. Donc, ralentir pour épargner les passantes ne fait pas partie de son équipement de base. Brutalité, impolitesse, bruits de moteur et pétarades afférentes au "travail" masculin. Bref, il m'a suivie sur tout le circuit, je ne savais plus où me mettre, ni où me diriger !
Mais le pire est à venir. Ayant enfin trouvé un banc où me poser et sortir mon roman en cours, il ne s'était pas passé 10 minutes que des cris de Huns précèdent l'arrivée de quatre Attilas de sexe mâle, 5 ans à tout casser, dont l'un était équipé d'une épée Excalibur haute comme lui, qu'il n'a pas lâchée de tout le parcours, ne me demandez pas pourquoi, mais à la réflexion, certainement un indispensable attribut phallique, comme le tracteur précédemment cité. Deux cents mètres derrière, suivent deux mères de famille, sac à dos et smartphone en main. Il fallait tout de même se persuader que ces mômes étaient à elles pour ne pas courir avertir la réception que quatre enfants garçons abandonnés venaient d'être lâchés dans la ferme. Et comme, dans un timing parfait, un autre employé venait de sortir les cochons de leur soue pour les faire se désaltérer d'une boisson rafraîchissante en guise de quatre-heures, les quatre gars, toujours poussant des cris, ont escaladé les barrières de l'enclos, l'un proférant à tue-tête plusieurs "gros cochon", "gros porc" bien spécistes devant ses camarades. Diffamer pour mieux tuer et manger ensuite : la leçon est inculquée et assimilée jeune. Jambon coquillettes ce soir en guise de souper, ça ne va pas louper.
C'est là qu'on comprends l'utilité dans cette ferme des triples barrières (clôtures en bois et clôtures électriques haute et basse) séparant les bêtes des maltraitants spécistes sans pitié de l'espèce humaine. Sans ces clôtures, les bêtes seraient carrément en danger !
J'ai finalement réussi, malgré les obstacles, à rejoindre la pâture de l'ânesse Gris du Cotentin, et de la jument Trait breton qui me reconnaissent à la voix et répondent à mes salutations d'arrivée et de départ chacune dans sa langue, au grand étonnement des autres visiteurs, quand il y en a de présents. Quand je suis en forme, devant leurs airs estomaqués, j'explique que, vu que je ne mange pas de chair animale, je sens l'herbe comme elles, et qu'intelligentes comme elles sont, ça fait certainement la différence. Je suis également polie avec elles, je ne hurle pas des slogans péremptoires ni ne me méprends sur leur sexe (Oh le cheval, oh l'âne, couramment entendus, comme s'il y avait des mâles dans cette ferme !). Au moins moi, je ne fais pas de remarques style, 'c'est bon en rillettes aussi', ou 'Tiens, ça me fait penser qu'il y avait une boucherie chevaline en bas de la Rue Le Bastard, dans le temps !".
Tout ça pour en arriver à dire que si on continue à élever les garçons de la sorte sans rien changer, ce n'est carrément pas la peine de perdre son temps en combats segmentés, spécialisés : égalité des chances et des salaires, dénonciation du viol et de la prostitution, des violences faites aux femmes et à la nature, sans jamais remonter à la racine des choses. Ils sont clairement préparés à être des ayant-droit, à se comporter comme tels, à dominer toutes les espèces, même la moitié de la leur ; ils en parlent mal, et traitent idem. Ils passent les premiers, en écrasant, en émettant du potin, en faisant des fumées et des poussières asphyxiantes. Et il n'y a pas vraiment de résistance en face. Boyz are boyz, boyz will be boyz, slogans de résignées, révélant une absence de conscience de classe, une fascination pour leurs mauvais comportements, une impossibilité de nommer les choses, donc de les faire cesser. On sait pourtant de quoi ils sont capables dès douze ans : ravager, dégrader en violant, des filles de leur âge, en les traitant de "putes" pour des motifs misogynes, racistes, antisémites. Ou, footeux de 18 ans "espoir" au Stade rennais, de heurter une femme qui est décédée des blessures occasionnées, en roulant trop vite en trottinette sur le Mail François Mitterrand. Typique délinquance routière. Mais il semble que s'attaquer à la racine du problème n'est toujours pas d'actualité ; pourtant ce serait mieux que se battre les flancs en se lamentant sur la "violence de la société", en mode l'universalisme a des couilles, toutes dans le même sac. L'embrouille est parfaite.
PS - Je n'ai pas de certitude que c'était intentionnel, aussi je ne le mets pas dans le corps de mon billet, mais un raclement de gorge et un crachat, même discrets, balancés en passant à trois mètres de moi, au même endroit le même jour, je n'arrive pas à penser que c'est fortuit. Vu que c'est assez habituel, j'ai tendance à penser que c'est une façon de nous cracher leur mépris au passage.
Spéciale dédicace de ce billet aux garçons (même âge environ que les précédents) de mon quartier qui jouent au foot sous mes fenêtres durant des heures tous les soirs depuis des semaines, sans doute encouragés par le calamiteux Euro de foot 2024 et ses milliardaires poussifs en shorts et maillots laids, le tout en impunité, les gardiennes de sacristie patriarcale, employées de mon propriétaire, ne daignant ni me répondre ni sanctionner, alors qu'il y a préemption de l'espace public et de la tranquillité des locataires par les mâles. Couché les bréhaignes !
Les incivilités dans l'espace public sont désormais considérées comme normales. Tou le monde peut hurler et monopoliser l'espace sans que quiconque s 'y oppose. Les mâles occupent et les meufs ricanent. Misère!
RépondreSupprimerMerci de votre passage et de votre commentaire, et de votre soutien surtout. Pour l'instant, en protestant aux bons endroits, c'est pas de son et pas d'image comme d'habitude !
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