" Le spécisme se fonde sur une appropriation directe, physique des autres animaux et tente de se légitimer par l'idée d'un ordre du monde naturellement hiérarchisé. Ce schéma présente de nombreux points communs avec d'autres systèmes d'oppression, notamment ceux du racisme, du capacitisme et du sexisme. En raison de cette matrice commune, l'antispécisme apporte des points de vue nouveaux aux autres luttes progressistes et à la pensée éthique et politique en général. "
On y trouve une critique de l'humanisme : qu'on se souvienne des derniers génocides du XXème siècle, les humains à supprimer étaient rejetés dans l'ordre animal, donc tuables. Rats, poux, pour les juifs pendant la seconde guerre mondiale, cancrelats pour le génocide au Rwanda, serpents lubriques pour le génocide khmer, quand on veut tuer, il suffit d'animaliser le groupe humain à éradiquer. Et c'est désormais démontré, l'humanisme n'arrête pas le bras ni la haine des tueurs. Puisqu'il a instauré une hiérarchie entre humains et animaux, l'humanisme sert aussi à hiérarchiser différents groupes humains déclarés "sauvages", commodément renvoyés à la nature, ou "pas assez entré(s) dans l'histoire": Discours de Dakar 2007.
Je vous propose cette semaine une vidéo sur un article de Christiane Bailey et Axelle Playoust-Braure paru dans la Revue Ballast qui reprend et synthétise les thématiques, toutes abordées par mon blog depuis dix ans. Oppression des femmes et oppression des autres animaux, tous-tes ont un commun dominant, le Patriarcat.
Axelle Playoust-Braure vient de faire paraître aux Editions La Découverte, en coécriture avec Yves Bonnardel, le livre Solidarité animale - Défaire la société spéciste. La thèse du livre est originale : les auteur-es s'inspirent des analyses des féministes matérialistes pour dénoncer le rejet de l'animal (forcément construction sociale puisqu'il est nommé et décrit par les humains) dans l'ordre de la nature, objettisé quand il s'agit de le vendre, viandisé quand il s'agit de l'élever pour le tuer et le manger, objet a-historique, et ça nous rappelle forcément des choses à nous les femmes.
Voici la critique que j'en ai fait sur mon Goodreads :
Cet ouvrage de philosophie accessible critique le dogme humaniste pour ce qu'il est : une idéologie servant à légitimer l'ordre du monde, fondée sur une mystique de l'espèce (l'espèce humaine), établissant une norme, une référence implicite, et finalement établissant une hiérarchie et un ordre social spéciste, validiste, masculin, rejetant les animaux dans l'ordre de la nature, du destin, d'objets a-historiques, sans possibilité d'agir sur le monde. Il s'inspire des analyses et épistémologies féministes matérialistes de Guillaumin, Delphy, Mathieu, et des écrits philosophiques d'auteurs tels, Bentham, Singer, Derrida, Pelluchon..., et de nombreuses articles des Cahiers Antispécistes.
Cet ouvrage propose en deuxième partie un vademecum pour en finir avec l'exploitation des bêtes, pour construire une solidarité avec les autres animaux, un monde plus inclusif, ainsi qu'une méthode pour y parvenir : agir sur la société par le militantisme politique pour aboutir au vote de lois. On retrouve tout cela dans la vidéo ci-dessus (tendez l'oreille, les femmes ne parlent hélas jamais très fort ;( en plus d'un historique -toujours à écrire- des mouvements féministes et pro-animaux qui sont nés simultanément il y a maintenant plus d'un siècle. La majorité des suffragistes britanniques étaient antivivisectionnistes, il est bon de le rappeler.
" De la même façon que Guillaumin définit le racisme non seulement comme une idéologie, mais comme une relation sociale, nous pensons également utile d'aborder le spécisme de cette manière. C'est ici qu'interviennent les analyses du spécisme (préjugé arbitraire pour l'espèce humaine s'exerçant au détriment des autres animaux) entendu comme mode particulier d'organisation politique, économique et historique, fondé sur un rapport social de pouvoir entre les humains et les autres animaux. "
Claude Lévi-Strauss - Anthropologie structurale 2 Plon 1973 cité par les auteur-es :
" Jamais mieux qu'au terme des quatre derniers siècles de son histoire, l'homme occidental ne pût-il comprendre qu'en s'arrogeant le droit de séparer radicalement l'humanité de l'animalité, en accordant à l'une tout ce qu'il retirait à l'autre, il ouvrait un cycle maudit, et que la même frontière, constamment reculée, servirait à écarter des hommes d'autres hommes ".
A lire donc.
oOo
Vous avez aimé les épidémies du SRAS en 2003, de la grippe porcine H1N1 partie d'un élevage industriel de La Jolla au Mexique en 2009 ? Vous avez eu peur, vous vous êtes morfondus pendant les confinements des deux époques de la COVID19 ? Vous l'avez peut-être même attrapée ? Ces épisodes n'étaient au mieux que des répétitions, le prochain superbug mijote sans doute quelque part. La dernière trouvaille du Complexe Agro-Industriel (comme on écrit Complexe Militaro-Industriel) contre les virus mutants franchissant la barrière des espèces, c'est la "biosécurité" ! Toujours plus d'animaux, toujours plus enfermés, confinés, entassés dans des atmosphères contrôlées, toujours plus de process pesants de désinfections avant de passer d'un bâtiment, d'un étage, d'un ascenseur, ou d'un "lot" à l'autre, MAIS toujours la même pauvreté génétique : trois espèces de porcs (Large White, Landrace, Duroc), une seule espèce de vaches laitières (Holstein), et une seule espèce de poulets, (Gallus Gallus souche INRA), plumes blanches pour les poulets dits de chair, et plumes marron pour les poules pondeuses. Le moral en berne, périssant d'ennui, en butte à l'agressivité de leurs congénères, dans l'impossibilité d'exercer leurs comportement dans leur biotope, déprimés et éteints, dans l'attente du prochain repas calculé et distribué par des machines, il est évident que ce sont des animaux malades qu'on abat au bout de quelques jours ou semaines, soignés aux antibiotiques curativement ou préventivement, voire administrés comme facteurs de croissance pour les viandes importées. 60 % des antibiotiques consommés dans le monde le sont par l'élevage.
Alors qu'on sait que la meilleure prévention contre les épidémies c'est la variété génétique, de multiples espèces faisant barrage aux virus, un biotope normal et sain dans lequel ils ont développé leurs comportements sociaux depuis des milliers d'années, et un bon moral pour ces animaux vivant en petites communautés ou troupeaux, jouant, explorant, et éduquant leur enfants.
Les virus utilisent les routes aériennes, maritimes, les voies ferrées et routières tracées par les humains. La progression de la COVID 19 en Europe nous l'a encore démontré. Toutes les semaines partent du port de Brest 70 à 80 conteneurs de volailles congelées INRA, élevées en 39 jours dans les tunnels à poulets du Finistère, abattus à raison de 340 000 PAR JOUR dans l'abattoir France Poultry Châteaulin (ex Doux racheté par son principal client) à destination du Proche-Orient, de l'Arabie Saoudite, du Qatar, du Koweit, de la Chine, du Mozambique, de Haïti et du Gabon. Quelle "bulle sanitaire" peut garantir que sur cette longue chaîne, aucun salarié ne s'abstiendra d'un seul geste contraignant de prévention "pour aller plus vite", ou que des lots ne seront pas mélangés et contaminés, entre autres "accidents" ? Personne. La peste porcine africaine rôde en Europe, l'influenza aviaire aussi. Pour l'instant ce sont les animaux d'élevage qu'on "euthanasie" puisqu'ils sont viandisables et qu'ils passent comptablement par profits et pertes : "aucune victime à déplorer" comme écrit la presse quand des millers d'animaux périssent ; ce sont aussi les petits producteurs qui trinquent mais "ça assainit le marché ", et comme l'espèce humaine a une mémoire d'amibe, après une crise, retour à l'immuable statu quo ante. Surtout pas touche aux pilons, aux nuggets de poulets, au jambon coquillette, ni à la côte de porc des ayant-droit des classes moyennes. " La viande est affirmation féroce de pouvoir ", écrit Martin Caparros dans La Faim. Nous userons donc ce pourvoir jusqu'au prochain superbug. Plus virulent ? Plus contagieux ?
PANDEMIES, une production industrielle par Lucille Leclair au Seuil et Reporterre.
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