La lettre est signée par la Docteure Nicole Athéa, gynécologue et endocrinologue, ancienne interne et chef de clinique assistante des Hôpitaux de Paris.
" Monsieur Fogiel, la lecture attentive de votre ouvrage m'a donné matière à réfléchir sur mon expérience de vie de femme, de mère et de gynécologue qui, durant une pratique de plus de 40 ans a rencontré quotidiennement des femmes enceintes et qui a assuré la prise en charge de nombreux couples stériles. Si j'ai un regard critique sur votre livre, je précise qu'il ne repose pas sur ce que vous êtes, mais sur un certain nombre de positions que vous défendez dans votre ouvrage "Qu'est-ce qu'elle a ma famille ?" et que je voudrais discuter ici.
1) Le tsunami en Thaïlande : Vous débutez votre livre par une référence à cette catastrophe à laquelle vous avez assisté. Au milieu de ce drame humain, ce que vous voyez, c'est que des mères en train de se noyer étaient contraintes de lâcher leur enfant et vous en concluez que "l'instinct maternel n'est pas tout puissant et qu'il n'est pas toujours aussi fort que l'instinct de survie". Et c'est immédiatement après ce commentaire que vous envisagez d'en passer par une mère porteuse pour avoir un enfant : les mères, ces femmes qui lâchent les enfants... Est-ce de ce fait qu'elles ne vont plus être nommées mères ? Car il n'y aura plus de mères dans votre livre ; il y aura des femmes avec des fonctions morcelées, pour qu'elles soient peut-être le moins mères possible. Je ne tiens pas à faire ici une apologie unilatérale des mères, qui pourrait être comprise comme le refus d'une fonction parentale concernant les homosexuels, ce qui n'est en rien mon propos et contre quoi je m'élève. Mais je ne peux manquer de répondre à un déni affirmé des mères dans votre livre. Car il y aura surtout des pères, (en dehors de quelques couples hétérosexuels qui demandent une GPA que vous évoquez) dans votre livre. Si je pense qu'un couple d'hommes peut élever un enfant aussi bien et aussi mal que tout le monde, je pense aussi que les mères ne peuvent être effacées. On ne saurait oublier que les pères ont largement démontré de tout temps que l'enfant n'était pas le centre de leurs préoccupations pour une majorité d'entre eux ; le nombre de pères abandonnant leur famille, ne payant pas de pension alimentaire, ne revoyant plus leurs enfants sont encore légions aujourd'hui et ils n'ont pas besoin d'un tsunami pour ce faire. Vous constatez tout de même que les mères thaïlandaises qui ont vécu ce drame terrible vivaient ensuite une culpabilité atroce : mais cette leçon-là, vous ne l'avez pas retenue ; dans votre conception idyllique d'une GPA, vous semblez croire qu'aucune des mères qui ont porté un enfant 9 mois et qui l'ont mis au monde ne porte une culpabilité d'avoir abandonné un enfant. Je peux penser que certaines mères porteuses se sentent coupables d'avoir vendu celui qu'elles peuvent considérer comme leur enfant, comme les mères qui accouchent sous X se sentent très souvent coupables d'avoir abandonné leur enfant, j'en ai rencontré.
2) La conception et la gestation sont séparées ; c'est aussi ce qui vous autorise à penser que la femme qui porte un enfant n'est pas la mère ; mais dans votre histoire qui est la mère ? Ce n'est pas la femme qui a donné un ovule. Ce n'est pas le père biologique : même si vous décrivez comme père maternant ; vous ne délirez pas, vous ne vous considérez pas comme une mère ; alors, qui est la mère ? Il me semble essentiel de reconnaître cette femme comme la mère : une mère peut abandonner secondairement un enfant, comme le font les mères qui accouchent sous X, mais elles sont néanmoins désignées comme mères. Il est essentiel que soit reconnu son rôle et le rôle de chacun. L'abandon de cet enfant va permettre à une autre personne de devenir parent adoptif, père ou mère. Mais cela n'empêche pas de reconnaître que la mère, que chacun s'emploie à gommer dans la GPA, n'est pas une femme porteuse mais bien une mère porteuse parce qu'elle est porteuse d'enfant. Etre dans le déni de mère ne me paraît pas compatible avec la transparence dont vous voulez nous convaincre.
3) La biologisation de la reproduction : "j'ai toujours voulu être père, donner la vie, ne pas interrompre la chaîne des générations, transmettre des valeurs, un nom, continuer à exister...". La reproduction génétique est essentielle pour Mr Fogiel ; les exigences qu'il a de la "qualité" de l'ovule féminin le démontre également ; s'il commence par exprimer quelques scrupules vis à vis du choix de la donneuse d'ovule, réalisant bien par là la nature eugénique de ce projet, il balaie vite ces interrogations, qui de façon paradoxale, deviennent alors une légitimation de son choix. Il va même en rajouter sur les exigences faites à la donneuse d'ovule : "nous voulions privilégier les traits relevant de l'intelligence, de la réussite scolaire et sociale, nous voulions être fiers du patrimoine génétique que nous allions transmettre à nos enfants". C'est dire à quel point Mr Fogiel doit être fier de lui-même, de son patrimoine biologique, que l'on espère à la hauteur de celui de la donneuse d'ovule. La nature narcissique de son projet conceptif apparaît ainsi en toute clarté. Auparavant, les exigences des parents étaient plus modestes et plus réalistes : ils souhaitaient des enfants en bonne santé ; aujourd'hui les exigences des parents deviennent exorbitantes et les enfants en porteront le poids. Quant aux qualités qu'il pense ainsi transmettre par ce choix, elles seront loin d'être celles qu'il escompte et qu'il est prêt à payer près de 10 000 dollars pour les obtenir. La formation d'un embryon comporte de nombreux remaniements qui conduisent à ce que le patrimoine génétique d'un enfant soit bien différent de celui de ses parents, et les qualités acquises ne sont pas génétiquement transmises. Une sociologue canadienne, L Vandelac, disait à ce propos "you are not a xerox and baby is not just a copy". La biologisation de la reproduction, entendue comme la volonté de transmission de son patrimoine génétique, est le facteur majeur qui conduit aux PMA comme à la GPA aujourd'hui. Lutter contre cette représentation erronée de la génétique dans la reproduction est un facteur majeur pour lutter contre ces pratiques. Et des caractères transmissibles qui ne passent pas par les chromosomes ont été démontrés entre une mère "même porteuse" et non liée génétiquement à l'enfant porté, ce qui signifie qu'on ne peut pas séparer de façon radicale la transmission qui se fait par l'ovule et celle qui se fait par la gestation : l'enfant se verra transmis des caractères des deux origines, même si ce n'est pas à parts égales, ni sur les mêmes fonctions.
4) Il existerait des GPA éthiques et des GPA non éthiques...
Continuer la lecture en cliquant sur ce rétrolien (se caler environ au niveau du logo Facebook du CoRP, side bar à droite). Arguments de MOF réfutés un à un, le tout très argumenté.
" La militance gay qui défend aujourd'hui, à travers la GPA, des valeurs familiaristes et parentales les plus étroites et les plus conservatrices a bien changé depuis les années 70, époque où les positions anti-famille et la liberté sexuelle était revendiquées ".
La lettre interrompue - Johannes Wermeer - Vers 1665.
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