mercredi 23 octobre 2019

Quelle quinzaine !

D'abord, elle a commencé avec la réception dans ma boîte mail d'une livraison des Glorieuses Newsletter avec le titre " Les femmes blanches sont complices du système patriarcal et il faut que ça cesse " (évidemment, je ne mets pas le rétrolien, ça me ferait mal) ; abonnée, sans doute dans un moment d'égarement, quand elles ont lancé leur newsletter, soit je lisais en fonction du titre, soit c'était direct corbeille à papier, plus souvent cette dernière option, les sujets libéraux rebattus bien qu'invitant à "la révolution féministe" me donnant des envies de bailler. Comme j'ai réellement lu, moi, quelques féministes révolutionnaires (Eaubonne, Wittig, Delphy, dans sa première période, Rochefort, MJ Bonnet..., les historiques matérialistes avec une solide formation marxiste), vous pensez si j'adore les nouvelles féministes qui n'ont rien lu, ou qui réinventent les concepts que d'autres ont admirablement décrits, mais en les édulcorant et en les rendant moins offensifs pour les gars qu'elles ont à la maison. C'est moi la complice ? Un exemple, un seul : "charge mentale" ! Qu'est-ce ? Si j'ai bien compris, les femmes mariées et mères doivent toujours s'occuper de tout, le père se foutant, comme il y a 60 ans, les pieds sous la table, en rentrant après avoir dit la fameuse et indestructible phrase de leur père "Qu'est-ce qu'on mange ?" Delphy dans L'ennemi Principal écrit, en ricanant à peine, "double journée pour un demi-salaire". Je rajoute (parce que j'ai mauvais fond) "et une demi-retraite". C'est autrement plus parlant, non ? Sauf que, trop frontal, ça froisse : balancez ça dans une conversation le dimanche devant la famille (hétérosexuelle forcément) attablée, et on vous regarde noir. Pareil avec les copines de boulot. Ca ne rend pas populaire du tout. La première qui dit la vérité sera ostracisée.

Mais je m'égare : donc, je suis une "féministe bourgeoise blanche" (désolée pour ma couleur de peau mais je n'ai pas choisi, ceci dit, je ne remercie pas ma mère et mon père de m'avoir fait naître dans un monde pareil franchement), forcément collabo du patriarcat, parce que blanche ! Comme j'ai twitté mon indignation, avec des arguments : je n'ai pas besoin de nounou noire ou arabe, (elles sont forcément noires ou arabes dans le monde des féministes réformistes), puisque je suis nullipare -mais ça peut aussi m'être reproché, motif, "sale égoïste", par exemple, je l'ai eu dans mes notifications ; je n'ai pas de femme de ménage, je nettoie moi-même, en évitant de salir tellement ça m'insupporte. En pure perte : ça m'est revenu en boomerang. Je suis une bourge blanche, accessoirement féministe, ce qui est aggravant. C'est l'extrême gauche qui le dit, donc ça doit être vrai. Je me suis désabonnée immédiatement des Glorieuses, de leurs courriers, de leur compte Twitter et de celui de leur rédactrice, Rebecca Amsellem.

Dix jours plus tard, je commence à voir apparaître sur Twitter des posts indignés sur une réunion du Conseil régional de Bourgogne-Franche Comté ; je décide d'ignorer. Marre de ces tweets inflammatoires très petite classe de cancres bloqués auprès du radiateur. Sauf que, malheur, la vieille télé attrape l'inflammation très contagieuse apparemment, huit jours plus tard. Une "maman voilée" (oui, c'est l'appellation contemporaine dédiée ; moi, j'ai dit mon père et ma mère depuis l'âge de 5 ans, mais aujourd'hui on a un papa, une maman, un tonton jusqu'à la tombe, c'est à dire environ 90 balais, que voulez-vous l'époque est régressive). Comme ça commence à monter en puissance, les rédactions prennent feu (franchement les incendies de la forêt amazonienne ont fait moins couler de salive), mes abonnées, mes abonnements, tout le monde s'y met. Genre bêlant quand même. Résumé : une femme, accompagnatrice scolaire, en tenue salafiste, est apostrophée par un conseiller du RN qui tente de faire croire qu'il mène le combat féministe et laïque en dénonçant une tenue contraire à l'esprit du lieu. Ou comment instrumentaliser le féminisme côté RN, et servir objectivement le jeu de l'extrême-droite côté "maman". Je décide de soutenir quelques blogueuses et influent-es qui défendent les principes de la loi de 1905 et qui produisent de bonnes analyses politiques : Christine Le Doaré, Françoise Laborde, Céline Pina, Mohamed Sifaoui, Waleed Al Husseini, dont j'ai chroniqué ici le premier livre. Je me contente de partager des liens. Devinez ? Je perds des abonné-es à chaque salve de trois ou quatre posts, et pire, un twittos qui a 11k abonné-es, dont moi, et 11k abonnements, ce qui, je vous promets ne permet plus de voir quoi que ce soit, commence à m'envoyer des réfutations, prouvant ainsi que ces gens scrutent ce qui se publie sur le sujet et plutôt deux fois qu'une. Des végéta*iennes réformistes aussi se désabonnent : le sujet du voile, comme celui des abattages rituels, sont pour elles tétanisants, inabordables, parce qu'il seraient néocolonialistes, vu ce que "ces gens" ont subi, sujets tabou, trop clivants pour les différentialistes culturel-les. Qu'illes soient nés en France depuis deux ou trois générations, inutile de le leur rappeler, la faute coloniale ne s'efface pas, on dirait. Ce qui prouve qu'il y a bien un enjeu politique. L'extrême-gauche qui a oublié que la religion est l'opium du peuple, s'est fourvoyée dans la défense de l'obscurantisme, et tente de mélanger les notions de musulmans et d'islam politique à dessein. Illes sont prêts à vendre nos frêles acquis féministes collectifs au nom de choix individuels de servitude volontaire : mon choix, mon droit, mon voile. Nos lois imprécises et truffées de mesures dérogatoires ne pourront pas résister longtemps à l'activisme politique de ces extrémistes de droite : en effet, le rassemblement national et les tenants d'un Islam rigoriste sont à ranger dans le même camp, ils veulent que les femmes retournent aux lieux qui leur sont destinés selon eux de toute éternité : la cuisine et le gynécée. La défense des "Mamans voilées" ne laisse aucun doute : la vocation des femmes c'est de faire maman, dans les chemins balisés par l'hétérosexualité, il ne peut pas y avoir d'alternative. Il n'y a pas de "papa à kippa" à l'école hors les murs, les "papas" font carrière, eux, et se mettent les pieds sous la table en rentrant. Super. Back to the sixties !

N'en déplaise à toutes les réformistes, les libérales, les décoloniales, les intersectionnelles, les #HeForShe, celles qui n'y arriveront pas sans les mecs, celles qui revendiquent une forme d'asservissement et veulent l'imposer en tant que choix individuel sans en assumer les conséquences, celles qui veulent tout tout tout, les féministes universalistes qui ont mené le combat à partir de 1968 contestaient l'hétérosexualité imposée, la sacro-sainte maternité, elles défilaient avec les gays et les lesbiennes, elles contestaient l'ordre patriarcal, elles étaient révolutionnaires. Nous assistons à un ressac d'ampleur, ressac qui utilise en les détournant les slogans féministes, c'est grave. Celles et ceux qui refusent de le voir au nom de je ne sais quelle générosité et solidarité avec les "gueux" se comportent en idiots utiles de cette idéologie patriarcale liberticide.

Le différentialisme culturel, qu'il concerne le voile ou toutes les mesures dérogatoires aux lois de la République (la corrida et les abattages rituels en font partie), est une imposture, un mensonge et un racisme. Il postule que tout les humains ne seraient pas arrivés au même moment de l'histoire, il est donc condescendant ; les gens qui revendiquent des croyances ou des "traditions" médiévales ou préhistoriques utilisent tous des voitures, des avions, des tablettes, des ordinateurs ou des téléphones portables, et bien sûr, les medias sociaux dont ils savent user pour promouvoir leurs idées. Ce sont des activistes politiques, c'est leur faire injure que les prendre pour des arriérés.

Liens :

Pour lire une bonne analyse des arrière-pensées des prétendues féministes qui défendent les "mamans voilées" et le différentialisme culturel, c'est chez Révolution féministe : Féminismes adjectivés, touche pas à mon patriarcattrès complet.

Secularism is a women's issue : agrégateur d'articles sur la laïcité (sécularisme en anglais) et les droits des femmes.

L'offensive Islamiste par Céline Pina.

2 commentaires:

  1. Martin Scriblerus24 octobre 2019 à 10:11

    Ne vous chagrinez pas de vos abonnés perdus.

    Dans mon dernier commentaire sous un de vos posts de blog, je déplorais votre islamophobie... c'était il y a 7 ans, 8 peut être?

    Depuis, je m'étais abstenu.

    Aujourd'hui, je peux vous féliciter de votre constance, et de la taille des oeillères que vous semblez occupée à vous façonner - ainsi ce "différentialisme culturel" épouvantablement européocentré, dominant et paternaliste, oserai-je le dire? blanc et bourgeois, désormais visiblement provincial, que vous mettez ici en scène.

    Tant il est vrai que prétendre penser le fait du "pluralisme culturel" tout en ménageant en même temps la primauté de son propre paradigme universaliste, et sa position dominante, ne peut aboutir qu'à des aberrations.
    Tenez, ça me rappelle un vieux texte de Bakounine, sur le matérialisme mal compris, et l'idée absurde et plus crassement idéaliste encore que leur propre idéalisme, que parvenaient à s'en faire ses adversaires idéalistes, incapables qu'ils étaient de sortir, ne serait ce que le temps d'une expérience de pensée, de leur paradigme habituel (j'ai actualisé ici quelque peu son propos, ce bon Michel ne parlait évidemment pas en termes d'expérience de pensée)...
    Et si vous essayiez d'imaginer un instant que qui ne pense pas comme vous n'est peut être pas aussi bête et incohérent que vous semblez vous plaire à le penser? Qu'un foulard sur les cheveux d'une femme musulmane n'est pas toujours "une tenue salafiste"? Et si vous essayiez d'avoir le désaccord un petit peu moins confortable, un petit peu simpliste, un petit peu moins à votre avantage? (Ce sont des questions rhétoriques).

    Je conçois que la proximité de vos préoccupations avec celles du RN, du chef d'Etat ou de son ministre de l'intérieur du moment, ou d'Eric Zemmour puisse vous pousser à ressentir une colère contre qui ne les partage pas, colère dont la violence soit plus ou moins proportionnelle à votre propre malaise de vous retrouver en pareille compagnie (mais je fais ici une hypothèse). Dans ce contexte, il faut que les musulmanes à foulard soient salafistes, et que la religion ne doive être pensée qu'en seuls et uniques termes de drogue aliénante et de soumission - ah, Marx, "l'opium du peuple", c'est remarquable cette propension à ne jamais citer le reste de ce paragraphe, qui n'invite pas à conclure abruptement, mais au contraire à penser la question en l'articulant à minima avec quelques autres...
    Articuler? mais cela mènerait tout droit à l'intersectionalité, vade retro satanas! Et puis, ça serait témoigner paternellement de "la solidarité avec les gueux", puisque s'abaisser à prendre en considération leur point de vue ne saurait se faire que depuis ce point de vue surplombant déjà perçu quant à la question du pluriculturalisme?

    Je conçois que ne pas partager vos jugements doive trahir à vos yeux une idiotie utile, un islamogauchisme, enfin, une confusion intellectuelle définitive, un égarement radicalement repoussant. A proportion, encore une fois, de votre gène bien compréhensible à vous retrouver depuis tant d'années en compagnie de l'extrême droite, du patriarcat républicain, ou d'un pamphlétaire médiatique notoirement raciste et masculiniste.

    Tout ça pour vous dire qu'on peut ne pas être abonné et venir quand même de temps en temps prendre des nouvelles de vos déclarations de sympathie envers certaines pestes émotionnelles très actuelles.

    Vos propos et vos préoccupations m'évoquent celles d'une autre de nos contemporaines que vous devez bien connaître... celles de Jocelyne Porcher, qui affiche si complaisamment sa peur du projet de grand remplacement des animaux par les robots qu'elle se plaît depuis des années à imputer aux terrifiants antispécistes - incapable qu'elle semble être de penser des relations interespèces en dehors du paradigme de l'appropriation.

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  2. Je publie comme ça on ne pourra pas m'accuser de censurer (quoique ici je suis chez moi, j'ai la clé, mon blog n'est pas un forum) le scribe ci-dessus. Mecsplicteur, mecsplication. Les hommes défendant les femmes envoilées : on ne peut s'empêcher de penser qu'ils défendent leurs sacrés privilèges de classe :) Maman à la cuisine et au gynécée.

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