Récit par Jessica Stern aux Editions Des Femmes.
" Mon but en écrivant ce livre est d'aider non seulement les millions de femmes et d'hommes victimes de viol ou de torture mais aussi les soldats qui risquent leur vie et qui reviennent avec des blessures psychiques trop insoutenables pour que nous puissions, eux et nous, en admettre l'existence. "
ESPT (PTSD en anglais) : Etat de Syndrome Post-Traumatique. Trouble anxieux, réponse psychologique de personnes ayant été soumises à un violent traumatisme qui modifie durablement leur comportement ; état commun aux personnes violées, ou ayant vécu des situations de guerre au combat, ou victimes/témoins d'actes terroristes, voire ayant subi des maltraitances durant l'enfance.
L'auteure, Jessica Stern, spécialiste de la terreur et du terrorisme a été violée à 15 ans chez elle par un intrus violeur en série, en présence de sa sœur ; elle souffre à vie de ce syndrome dont elle décrit les manifestations. Tirant le fil de son histoire familiale, depuis la Shoah dont elle est la troisième génération, victime d'un grand-père incestueux, d'un père autoritaire et très dur, puis d'un viol, son enquête sur "son" violeur lui fait découvrir la cascade de maltraitances qu'ont subie tous les protagonistes, bourreaux comme victimes ! Son violeur a été lui victime des prêtres pédophiles du fameux diocèse de Boston, ce qui ne lui donne aucune excuse, bien entendu, tous les enfants abusés dans l'enfance ne devenant pas des pédophiles. Il n'y a pas de "cycle de l'abus" ; la majorité des victimes (les deux tiers) sont en effet les filles alors que la majorité des agresseurs sexuels sont des garçons. Ce qui se traduit dans les comportements respectifs des deux sexes par le fait que les garçons retournent la violence subie vers l'extérieur, les filles, elles, sont plus susceptibles de se blesser elles-mêmes ou d'être agressées à nouveau, tout un ensemble de comportements les signalant aux agresseurs potentiels. Ce que fait Jessica Stern d'ailleurs, dans son travail de rencontre et d'interview de terroristes et pas des moindres : elle se trouvera en effet à peu près au même endroit (Karachi) et au même moment que Daniel Pearl lors de son enlèvement et de sa mise à mort par des terroristes d'Al-Qaeda en 2002.
Même si la lecture du livre peut être accablante, (franchement vu les faits massifs, l'ampleur des violences infligées, notamment aux filles dans l'enfance, on se demande comment on a pu être épargnée soi-même), -récit que je trouve très dans la tradition des auteurs américains de romans Jonathan Franzen ou Philip Roth-, ce qui doit nous faire redoubler de vigilance auprès des enfants que l'on côtoie tous les jours, j'en recommande la lecture à toutes les personnes qui ont subi ce genre de violences et à tous les soignants et accompagnateurs/trices des victimes. Ces horreurs très répandues ne prolifèrent que sur le DÉNI :
- déni des victimes qui se réfugient dans l'ignorance et la négation des violences subies ;
- déni de la société qui refuse de voir le Pater Familias et ses autres représentations sociales pour ce qu'ils sont dans trop de cas, des tout-puissants qui ont nettement tendance à abuser de leur toute-puissance dans l'omerta et l'apathie générale ;
- déni des services de police et de justice qui représentent la société.
- déni des familles désireuses de maintenir l'ordre établi de la terreur patriarcale.
Déni des victimes : " J'attends, apaisée par le rôle familier, la certitude que mon puissant père va tout arranger. Les enfants et les chiens obéissent à ses ordres, qui sont en général proférés d'une voix apaisante de baryton. S'ils ne lui obéissent pas du premier coup, ils apprennent vite à le faire. Le monde matériel devient mieux ordonné entre les mains compétentes de mon père."
Déni de la société : " Elle a grandi à Milbridge, Massachussets, où les ivrognes et les pédophiles étaient nombreux et exposés à la vue de tous, où les filles apprenaient à admettre la violence sexuelle et à s'y préparer. J'ai grandi à Concord, où les ivrognes et les pédophiles sont discrets et de bonne famille, où les filles bien apprennent l'art subtil du déni. ".
Or le déni permet la perpétuation de ces violences et la perpétuité du malheur pour les victimes.
A quoi servent finalement toutes ces agressions, sinon à induire, instiller la perte d'estime de soi, notamment des filles et femmes, contre lesquelles s'est construite la virilité, cette fabrication masculine ? Voici ce qu'écrit Jessica Stern, spécialiste reconnue du terrorisme :
" Pendant des années, je n'ai pas compris comment quiconque pouvait me prendre au sérieux. Je ne comprenais pas comment j'avais réussi à entrer au MIT ou à Harvard, comment il avait pu venir à l'idée de quiconque après mon doctorat, de me proposer une bourse de recherche ou un poste. Je ne comprenais pas pourquoi les gens me sollicitaient au lendemain du 11 septembre. [...] Mon identité est restée coincée là pendant des années. "
Le récit de Jessica Stern aboutit à une réflexion philosophique sur le mal.
" Qu'en est-il du mal que représente le terrorisme ? Le mal de la guerre ? Livrées à elles-mêmes, des victimes de torture, de terreur ou de guerre peuvent élever des enfants traumatisé.e.s qui seront à leur tour plus susceptibles de causer du tort à leurs propres enfants. Les enfants de sexe masculin élevés dans une culture de violence seront plus susceptibles que d'autres de devenir délinquants ou criminels ".
A lire donc, pour tenter de faire de cette affreuse épreuve quelque chose, malgré tout. On peut, non pas en sortir, mais prévaloir, en portant les mêmes cicatrices que ces hommes qui reviennent de la guerre, dont la société nie tout autant les graves dommages psychiques qu'ils ont subis. Et de temps en temps, faire confiance aux autres :
" J'ai été violée une fois, il y a très longtemps. Voilà ce que je dis à l'un de mes contacts, appelons-là Mary Jane. J'ai choisi de divulguer mon secret à une femme. Une femme qui porte, dissimulée sur elle, une arme. Elle y a fait allusion un jour et, pour une raison quelconque, l'image de cette arme m'est restée. Mary Jane est une personne forte et pragmatique, le genre de personne qu'on est contente d'avoir dans son équipe quand on doit affronter une mission dangereuse ; pas le genre à vous regarder dans les yeux en débitant les platitudes réconfortantes qu'on adresse aux victimes et qui n'ont pour effet que d'aggraver leur état. ".
Déni : mémoire sur la terreur. - Jessica Stern - Des Femmes Antoinette Fouque Editeur. Traduction de l'anglais US par Anna Gibson.
Les textes en gras et rouge sont des citations du livre.
Liens : Puisque " le terrorisme a tout à voir avec l'humiliation " écrit Jessica Stern qui interviewe des terroristes : un phénomène jamais évoqué par la presse occidentale alors qu'il fait les titres de la presse pakistanaise et bangladeshi, la pédophilie dans le monde musulman, dans les madrasas, les viols du jeudi car le vendredi, jour de prière, toutes les fautes sont pardonnées. En anglais :
Islamic schools in Pakistan plagued by child sex abuse, investigation finds, Independant - Novembre 2017 ;
Bangladeshis speak up about "rampant" rapes in Islamic Schools Pakistan Today - Août 2019.
vendredi 1 novembre 2019
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