mardi 20 octobre 2020

Billet sur la culture de l'effacement et des petites compromissions politiques

Tandis que la France en état de sidération pleure la mort d'un de ses professeurs assassiné par le fanatisme religieux obscurantiste, que l'enquête révèle une chaîne d'événements, et dans doute de complicités, de corruption même (donner 300 € à des mômes de 12 à 14 ans pour qu'ils désignent une victime !), se catalysant pour aboutir à cet acte horrible, la mise à mort d'un professeur de collège attaqué puis décapité sur le chemin de retour de son travail, on découvre le pouvoir de nuisance des medias sociaux quand ils sont utilisés par une secte de fanatiques (je parle de l'Islamisme et de son projet politique totalitaire) prétendant par la censure et le meurtre faire régner l'ignorance, tenter d'instaurer le fascisme, d'éteindre les lumières en France, mais aussi partout dans le monde. 

Depuis quelques mois ou années, certains medias sociaux arrivés à maturité (ayant fait le plein d'adhérents) se transforment sous nos yeux en déversoirs de torrents de haine, où les mêmes perpétuelles victimes de différentes "offenses" jettent l'anathème sur leurs prétendus oppresseurs, chacun défendant sa petite ou grande cause, obligeant les plus modérés d'entre nous soit à prendre parti sous peine d'être "annulé-es" -cancel culture ou culture de l'annulation en français- si on n'est pas d'accord avec eux/elles. Leur poids est tel que ces medias tendent à censurer tout propos non conforme à la grande plainte des perpétuels offensés. Ils sont de tous ordres, s'estimant offensés en tant que groupe sociaux. Rajoutez le puritanisme étasunien d'où viennent ces plates-forme, cela donne les errances et bourdes que l'on sait désormais : sur Facebook, on ne peut pas publier l'Origine du Monde, le tableau de Gustave Courbet, ni sans doute non plus la réponse de l'artiste performeuse Orlan au même Courbet un siècle plus tard, L'Origine de la Guerre, les deux oeuvres représentant respectivement un sexe féminin et un sexe masculin en premier plan dans les deux tableaux. J'ai moi-même fait les frais de la publication de ces oeuvres "blasphématrices" durant les 4 mois où j'ai été sur ce réseau. De même, rapporte Alice Coffin dans Le génie lesbien, le mot "lesbienne" qui a toujours été stigmatisant et mal porté de tous temps, est très mal vu sur Twitter. Que Twitter ait mis pas loin de 24 heures à suspendre définitivement le compte de l'assaillant de Samuel Paty le professeur assassiné, où était publiée l'image de sa tête coupée, en dit long sur leur définition de l'obscénité : deux sexes humains sont obscènes MAIS PAS les images d'un homme supplicié. Pas plus que ne l'étaient les simulacres ou réelles décapitations propagandistes de L'Etat Islamique. Habituelle inversion patriarcale. Pendant que chez les mêmes on nous restreint ou suspend définitivement des comptes peut-être un peu énervés, mais certainement pas appelant au meurtre. Je pense à deux abonnées dont une blogueuse qui en ont fait les frais, mais c'est tous les jours. 

Sur mon compte Twitter, le seul emploi du mot voile, pour ne citer que celui-là, me vaut d'être mise à l'index par les féministes libérales adeptes du choix de l'aliénation par consentement individuel : mon corps, mon choix, mon voile. Emettez-vous la moindre objection ou contestation au choix individuel de certaines à s'envelopper de kilomètres de tissu ? Elles se désabonnent, voire vous bloquent. Ce qui ne les empêche pas de venir lire ce que vous écrivez après, ou même à vous faire des emprunts non crédités : je retrouve régulièrement mes phrases, mots valises et jeux de mots que j'ai inventés, repris dans des tweets, des textes, voire des livres, sans être citée ou créditée, par des internautes qui n'ont même jamais été abonnées ou qui m'ont bloquée ! 

Les "féministes véganes" et antispécistes sont les plus rapides à dégainer leur aversion pour quelques-uns de mes tweets. Jamais un mot de solidarité avec eux ou leurs avocates, au nom d'une solidarité avec des opprimé-es fantasmé-es, pour les animaux abattus dérogatoirement dans les abattoirs de la République selon les deux rites juif mais surtout halal, puisque désormais les "musulmans" ou fantasmés tels sont les "persécutés" qui concentrent toute l'attention. Les plus hardies, à leur maximum, se contentent d'un favori de temps en temps. On se dit antispéciste, mais le racisme mou du différentialisme culturel l'emporte : le sujet étant accaparé par la seule extrême-droite, les autres sont donc assimilé-es à cette idéologie délétère. Les animaux ? Mais what the fuck, c'est que des bêtes. Un comble.

Revenons au voile : c'est un linceul, un stigmate, puisqu'il est imposé aux seules femmes. Il permet le contrôle des femmes dans l'espace public, parce que c'est dans l'espace public qu'il est obligatoire. Ainsi habillées, les hommes peuvent exercer leur contrôle sur les déplacements des femmes, plus facilement repérables puisque l'uniforme est de rigueur. Eux, par tous les temps, et surtout les temps chauds d'été, sont en polos, shorts, chemisettes et nu-pieds, personne n'objecte. L'espace public est le lieu des hommes, eux seuls y ont accès ; les femmes peuvent toutefois l'emprunter mais à des heures décentes, dans la journée, les heures ouvrables de préférence, ce qui rétrécit encore les plages horaires, et pour de bonnes raisons utilitaires : aller conduire et chercher les mômes à l'école, les conduire chez le médecin, faire les courses ; bien entendu, pas question d'aller se détendre dans un bar ou un café, mule étant quand même la principale utilisation des femmes par les hommes, leur reproduction perpétuation venant immédiatement après. Bonniche et mule : le destin promis par les patriarcaux. 

Que des femmes dans des régimes religieux totalitaires se battent collectivement pour sortir de l'ensevelissement imposé par des barbus haineux de tout ce qui est féminin et surtout de notre autodétermination, luttent en prenant tous les risques, de l'embastillement pendant des années jusqu'à la peine de mort, n'émeut pas nos censeures adeptes du choix individuel aliénant ; elles mettent même en parallèle les deux situations : dans ces pays, des femmes prennent collectivement tous les risques pour se dévoiler, ici dans nos pays démocratiques très tolérants à toutes les inepties présentées sous le label "mon choix", elles ne prennent aucun risque ou tellement minimal que leur seule option est de se poser en victimes offensées quand on émet une (faible) protestation. 

Oui mesdames, vous avez le droit de vous empaqueter dans des kilomètres de tissus, vous avez le droit de vous laisser mettre des menottes et des boulets au pieds dans le mariage et la maternité, vous avez même le droit de vous faire tatouer, puisque vous aimez les choix indélébiles et définitifs, "Dieu est mon droit" sur le décolleté, et il y a même des chances que cette bonne fille qu'est la Sécurité Sociale vous remboursera le détatouage quand vous voudrez balancer par dessus les moulins vos choix faits à une époque, choix que vous renierez à une autre, une fois redevenues lucides. Mais, par pitié, ne venez pas nous expliquer que vos choix sont incontestables et doivent être incontestés. Assumez, comme nous les férales assumons les nôtres, en les payant cher et sans nous plaindre, puisque responsables nous estimons être de nos choix. 

J'ai eu à une époque un collègue de travail catholique pratiquant qui allait à la messe tous les dimanches, qui avait 4 enfants dont des filles, et qui, très lucide et prouvant que les Lumières sont accessibles aux croyants, me disait "nos filles, on les enseigne de façon à ce qu'elles s'autodéterminent quand elles seront adultes, mais si elles choisissent après tout d'être esclaves, elles feront comme elles voudront, nous n'aurons rien à nous reprocher. Voilà, faites vos choix et ne venez rien reprocher aux autres. 

"Le féminisme est une épistémologie", ( disait Catharine MacKinnon qui rajoutait : "à chaque fois que je dis cette phrase, on me taxe de pédanterie, mais pourtant c'est vrai !"), pas une adhésion, ni un compromis aux dogmes patriarcaux.

Donc, en conclusion, vous n'êtes pas obligées de suivre aveuglément les suggestions d'abonnements de Twitter ou Facebook, lisez mon profil, je me casse le derrière à en écrire un c'est pour qu'il soit lu. Personnellement, je ne suis pas offensée et je ne me désabonne pas quand je vois passer un tweet excessif du genre "Macron dictateur", ou "racisme d'état" en parlant de l'administration française, excès de langage avec lesquels je ne suis pas d'accord. Essayez l'Iran ou le Corée du Nord en point de comparaison. Je sais que nous serons d'accord sur d'autres sujets à d'autres moments. Et surtout je ne suis pas susceptible ni adepte de cette culture de l'effacement de l'autre dès qu'on n'est pas d'accord avec elle ou lui. C'est pathétique ces caprices de sauteuses annulatrices de ce qui ne leur convient pas. 

Je suis blogueuse depuis dix ans, je me souviens parfaitement sur quelle idée initiale j'ai décidé de le devenir, alors que je lisais les blogs des autres depuis 2003 : "j'ai moi aussi des choses à dire, je vais les dire à ma façon, je ne me censurerai pas. Pas question d'édulcorer ni de tenter de plaire". J'espère avoir tenu ma promesse. En qualité de blogueuse, je soutiens la liberté d'expression, je suis professeure, je suis Samuel Paty, je suis toujours Charlie ! La liberté d'expression ne s'use que si l'on ne s'en sert pas. Vive les blasphématrices, vive toutes celles qui ne se soumettent pas. 



dimanche 4 octobre 2020

La misandrie n'existe pas

Cette semaine la sortie d'un livre a bien excité les medias main stream et sociaux : une blogueuse autrice a fait le buzz (bzzzz, les abeilles crèvent, l'humanité prend la relève) : je ne cite pas de nom, je ne fais pas la publicité des libérales, elles n'ont pas besoin de moi pour ça. Si vous avez loupé le truc c'est que vous vivez dans une chambre anéchoïque, heureuse que vous êtes. Je résume le début de l'action : la petite maison d'édition de Martin Page, tire l'ouvrage à 500 exemplaires, un obscur fonctionnaire du Secrétariat aux droits des femmes fait une ruade en voyant le titre, menace de porter plainte pour incitation à la haine (les mecs ne doutent de rien), scandale sur les medias sociaux, gros bzzzz donc. Le Seuil se dit qu'il y a un coup éditorial à faire, rachète les droits à Monstrograph et tire à 30 000 ! En réalité, l'autrice dite misandre, qui écrit moi les hommes, je les déteste, vit en couple avec un homme. Elle le disait en tous cas dans l'article que j'ai lu dans Libération cette semaine, journal jamais en retard quand il s'agit de promouvoir le libéralisme. Et puis, comment dire, le stigmate infamant de la "vieille fille" plane toujours. Normalement dans ma rationalité, quand on se prétend misandre, qu'on pond un livre pour expliquer que "men are trash", on applique. Sinon, c'est de la schizophrénie. On nous a fait le même coup avec l'autrice de No Kids qui a fait en son temps un tabac en librairie sur la non maternité tout en ayant mis au monde ses quatre enfants ! La protestation contre une injonction à laquelle on s'est empressée d'obéir, sujet gagnant en librairies.

Du coup, on se déchire de plus belle sur Twitter : "La misandrie n'existerait pas s'il n'y avait pas le patriarcat" ai-je lu dans un tweet de supportrice. Mais la misandrie n'existe pas ! Le patriarcat brille de mille feux, il reçoit même le secours, inattendu il y a encore quelques années, des religions. Les femmes continuent d'être blessées ou meurent sous les coups dans le conjugo ou dans les faits divers. La misandrie, elle, n'a jamais tué personne. Les femmes subissent tout sans moufter ou presque, pavé sur la langue, la chappe de silence est en béton renforcé, possiblement résistant à une charge nucléaire. Même quand il se produit un "crime imprévu" -Le Parisien-, mais comment peut-on écrire des biteries pareilles, c'est à se cogner la tête contre les murs, 'tiens je n'avais pas prévu de crime ce soir, mais comme l'occasion se présente, euh allons-y' ? Quelqu'un les relit ou bien ? On organise des marches blanches qui n'ont jamais rien arrêté, protestations consensuelles sans jamais dénoncer l'agresseur, déni sociétal, consensus mou, zéro affichage de conscience politique ! 

Juste la même semaine, la préfecture des Vosges faisait tirer sur un loup "particulièrement agressif" (Sud-Ouest) qui s'attaquait aux sacrées vaches à traire des éleveurs, il serait même rentré dans les étables (toujours Sud-Ouest). Même remarque : qui relit leurs articles ? Non parce qu'un loup qui ouvre la porte d'une étable quand même, c'est un surdoué. Ou alors il est porteur d'une mutation génétique ! Je ne peux pas m'empêcher de faire la comparaison tant c'est frappant : le loup leur sert de défausse, toujours décrit comme méchant, toujours calomnié, toujours persécuté, exécuté sans états d'âme par des préfets alors qu'il est une espèce protégée ; du "loup solitaire" djihadiste, au loup dévoreur de brebis qui "entre dans les étables", non mais ils se sont bien regardés les mecs ? Les vaches patriarcales symboliques sont bien gardées, les autres restent dans les champs, non gardées la nuit sauf par des clôtures, écornées, sans défense, ainsi fonctionne l'élevage, métaphorique de ce qu'ils font à toutes les exploitables qui passent.  

Pour l'instant le loup "solitaire" fantasmatique, c'est ZERO enfant et ZERO femme tuées. Pour les hommes, suivez le décompte de Féminicidespar compagnons ou ex

La misogynie elle, infeste partout la vie des femmes. Elle est universelle. Même les femmes s'y mettent : "mon dieu qu'elle horreur" lit-on chez une twitteuse généralement mieux inspirée, commentant le livre scandaleux, ou "nous on les aime, nos bonhommes" SIC. Notez que j'espère pour elle, car, tant qu'à en avoir un en résidence permanente à la maison, autant que ce ne soit pas le pensum intégral. C'est peut-être aussi le syndrome "moi, j'ai tiré le bon numéro à la loterie"? Quoique, quand même. C'est dingue de se précipiter cornes en avant pour défendre la classe sociale opprimante. D'autant que, sur mes medias sociaux, les mecs restent de marbre, aucune protestation. A moins qu'ils sont assurés que la sous-traitance va fonctionner, et de fait, elle fonctionne. Même pas besoin d'appuyer sur un bouton. 

Tout ça, c'est noyage de poisson. Tant qu'on parle de fantasmes, on n'aborde par les vrais sujets. Oui sujets, vous avez remarqué, il y a fort longtemps, on disait problème, puis on a glissé insensiblement vers souci (pas de souci à toutes les fins de phrases), puis enfin on est arrivées à "sujet", complètement neutre, zéro malveillance ou réputée telle. Le sujet donc, c'est la misogynie rarement dénoncée, bien portée dans tous les milieux ; destinée à nous couper les jarrets, à freiner nos élans, à nous tenir dans leurs rets et sous leurs plafonds de verre. Message reçu, le terrorisme masculine fonctionne bien, chaque femme massacrée est un message pour toutes les autres. Tenez-vous à carreau ; après la découverte du cadavre de Victorine, les femmes de la région évitent de sortir la nuit. C'est le but, nous forcer à rester au gynécée, la place qui nous serait assignée de toute éternité. 

Et pourquoi on laisserait ses "semelles de vent" à ce "vagabond" mauvais garçon fugueur de Rimbaud ? Tout de même, quand il lui arrivait des crosses, pas fou, il rentrait à la ferme, chez sa mère et sa sœur, à Charleville-Mézières. J'ai certainement moins de talent que Rimbaud, je ne vais par me comparer, mais je ne rentre pas chez ma mère et mes sœurs quand il m'arrive un fort coup de vent, je fais face. Ainsi se perpétuent les légendes urbaines masculines. Nous aussi, les femmes, nous pouvons refuser la lourdeur matrimoniale pour adopter des semelles de vent, on peut choisir l'autodétermination, choisir de vivre une vie non pas "par procuration" comme le dit faussement Jean-Jacques Goldman (la pop culture distille aussi très bien les diktats patriarcaux), mais une vie de décisions et de choix en autonomie ; moi je prends mes décisions et fais mes choix seule sans en référer à Valentin, debout, devant, pas trois pas derrière. La société peut aussi bien me traiter de misandre si ça lui chante. Le conformisme hétérocentré, reproductif, grégaire, m'a toujours gonflée. J'ai toujours préféré les minorités aux majorités. Au fond, dé-domestiquons-nous, devenons des férales* ! 


* Un animal dit féral a été domestiqué puis est retourné à l'état sauvage.