jeudi 17 décembre 2020

Hayat Boumeddiene, icône ménagère

 "Bijou" du Califat, "Princesse de l'Etat Islamique",  Hayat Boumeddiene vient d'être condamnée en absence à 30 ans de prison par la Cour de Justice de Paris pour "association de malfaiteurs terroriste" et "financement du terrorisme". Epouse selon la loi coranique (mariée religieusement) d'Amedy Coulibaly, elle a apporté comme il se doit à toute femme mariée, en toutes circonstances, mariage religieux ou civil, son soutien domestique, psychologique, sexuel, reproductif -éternelle veuve, elle aurait été remariée à un chahid (martyr) tunisien décédé lui aussi ; bref, une bonne petite ménagère aux service des projets de Califat. 

Notez qu'elle n'a tué personne : il y a bien une photo d'elle qui circule où on la voit empaquetée dans des kilomètres de tissu en train de manier une arbalète, engin de chasse plutôt dangereux, mais peu productif. Les hommes, eux, se gardent les vrais outils qui permettent de vrais gains de productivité : les kalachnikovs et les lance-roquettes phalliques, qui font plus de blessés et de morts. Les femmes sont de tous temps interdites d'outils et d'armes, selon les anthropologues, les hommes se les gardant pour eux : les outils leur permettent des gains de productivité qui dégagent du temps libre pour faire autre chose, et la possession des armes (c'est la même chose, le premier outil ayant sans doute été une arme) qui leur permettent de contrôler les femmes par la violence. On n'est jamais trop prudent, nous castrer psychiquement et psychologiquement, nous contraindre au service de leur reproduction n'a pas été une sinécure et ça ne suffit pas, la contrainte reste de mise, ils ne sont pas à l'abri d'une dissidence, qu'on attend toujours, mais possible. Eux la craignent en tous cas. Si seulement ! 

" Ce ne sont pas la chasse ou la guerre qui sont interdites aux femmes, mais bien la possession des armes ", écrit Paola Tabet dans des Outils et des corps, La Construction sociale de l'inégalité des sexes.

Mais pour le moment, elles arrivent surtout à épouser et s'engager pour les causes patriarcales toxiques (enrôlement pour la pub des chasseurs qui les tolèrent surtout à la cuisine, mais quand on manque d'effectifs, on ne fait pas la fine bouche), ou elles font kibboutz avec les "autonomes" en portant les pioches, les masques de plongée et les sacs à dos dans les manifestations, et bien sûr, en assurant la confection des sandwichs ! Ca, c'est chez nous. L'état Islamique, pas fou, ne se risque pas à leur confier d'armes, invoquant leur droit canonique : ses femmes sont cantonnées au gynécée, dédiées à la ponte de soldats pour le Califat. Vu la dureté de l'EI, il vaut mieux, une pourrait être tentée de retourner la kalach contre son berger éleveur. Et puis on n'est pas chez les Kurdes ! Toutes ces guerrières, motivées par l'égalité, qui mènent des opérations où tombent sous les balles de femmes les valeureux soldats du Califat, les privant ainsi du Paradis d'Allah, ce serait la fin du monde tel qu'ils l'ont connu. 

Tuer, c'est ce qu'ont fait les quelques femmes que nous avons en prison : elles ont en général occis Valentin, le Prince Cogneur, pour se soustraire elles, leurs enfants, leurs animaux, à la violence d'un "compagnon". Ou aussi elles tuent les enfants qu'on leur a mis dans le ventre à leur corps défendant, en profitant soit de leur crédulité, soit de leur manque de conscience sociale et politique. On les enferme ensuite dans un lieu adapté aux hommes, premiers et principaux occupants, pour lesquels les prisons sont conçues, et quand elles sortent, elles ne récidivent pas. La prison "fabrique de la récidive" : cet aphorisme n'est valable que pour les hommes. 

un petit bout de femme, relativement discrète, mais qui était efficace et présente. Ce qui est une certitude, c'est qu'ils étaient fou amoureux " !

Exactement ce que les patriarcaux adorent : l'aaamourrr, toujours l'aaaamourrr ; une femme amoureuse, au point de perdre tout discernement, d'adhérer aux pires idéologies et comportements de leurs hommes, une femme sous influence, visiteuse de prison pour soutenir psychologiquement son mec en détention, une épouse modèle, assurant l'intendance y compris, chez Hayat Boumeddiene, en préparant un attentat, puisque le tribunal considère qu'elle ne pouvait ignorer le but terroriste de l'entreprise. Abnégation, renoncement à soi, bénévolat. Et être traitée comme une merde après, en remerciement. 

D'ailleurs, d'après l'article cité en note, et avec de telles dispositions, on peut se demander si elle est vraiment recherchée : deux coups de fil à ses amis et sa famille pour donner de ses nouvelles passent sous les radars de la DGSI et de la DGSE. Elle est dans le rôle social dévolu aux femmes qu'elle ne conteste pas, au contraire, pas grand chose à redire semblent penser les services extérieurs. Tant qu'elle joue la veuve, la servante du Saigneur, totalement dévolue au gynécée et au service de la reproduction humaine, de préférence des garçons bien sûr, les mecs font la guerre, cette primordiale occupation masculine, Madame Hayat Boumeddiene ne fait montre d'AUCUNE contestation de l'ordre social. 

Une bonne petite ménagère du Califat, forme de patriarcat violent, un peu outrancière pour nos sociétés, mais ne contestant pas son ordre social immuable. 

Si au contraire, elle refusait ces rôles, qu'elle jouait les rebelles, si à la tête d'un groupe d'Amazones, elle investissait les murs sans s'excuser comme font certaines réformistes, pour exprimer sa détestation du système patriarcal, proposant de le combattre, proposant aux femmes la grève de la reproduction, refusant de leur fournir leurs miliciens, de produire de l'oppresseur, de l'ennemi de classe par 70 kg, on mettrait, j'en suis absolument sûre, plus de résolution et de vigueur en face, pour traquer ces "viragos", les empêcher de nuire à l'Espèce (sachant que l'Espèce c'est EUX) en voulant faire dissidence. C'est à ce double standard qu'on reconnaît le bon vieux système patriarcal. Heureusement, nous sommes quelques-unes à voir la Matrice, quelques-unes à qui elle crève littéralement les yeux, quelques-unes à avoir une conscience politique. Et quelques-unes qui ne supportons plus. 

Citation tirée de cet article de France Info du 17 décembre 2020.

Pour retrouver les références anthropologiques citées dans ce billet

L'anatomie politique de Nicole-Claude Mathieu, tomes I et II 

Paola Tabet : La construction sociale de l'inégalité des sexes - La grande arnaque : sexualité des femmes et échange économico-sexuel.