lundi 30 septembre 2019

Meurtres symboliques et résilience

Trois artistes peintres femmes : Artemisia Gentileschi, Elisabetta Sirani, Niki de Saint-Phalle. Trois œuvres. Trois meurtres symboliques.

Artemisia Gentileschi - 1593-1656
 Peintresse baroque post-caravagesque, Artemisia fille du peintre Orazio Gentileschi, dont l'atelier était réputé, réussit à se faire un prénom, à tel point qu'aujourd'hui elle est plus connue que son illustre (à l'époque) père. Seule femme apprentie de l'atelier d'Orazio Gentileschi, elle est placée sous la tutelle d'un autre peintre Agostino Tassi, qui la viole en réunion (ils seront deux peintres à commettre le crime). Il y aura procès, durant lequel Artemisia sera torturée par le tribunal pour tenter de prouver qu'elle ment ou dit bien la vérité, le violeur sera finalement condamné à l'exil. Et Artemisia trouvera la reconnaissance de ses pairs d'académie de peinture.
Œuvre :


Judith décapitant Holopherne (1614-1620), scène biblique, ici restituée de façon particulièrement réaliste, voire crue : deux cuisinières manches retroussées pour ne pas se salir, découpent ce pauvre Holopherne comme elles trancheraient la tête d'un poulet avant de le passer à la casserole. Artemisia Gentileschi se présente toujours dans ses tableaux en autoportraits : elle est ici la femme en bleu qui tient le tranchoir, tandis que sa servante immobilise la victime.

Elisabetta Sirani - 1638-1665
Elisabetta Sirani devient peintre à une époque où les femmes ne sont pas plus tolérées dans cet univers d'hommes : elle est évidemment autodidacte, pas le choix. A force de travail, elle s'impose par son talent dans un atelier de peintres, ouvre sa propre école admettant uniquement des femmes. Étoile filante de la peinture, elle meurt à 27 ans d'un ulcère à l'estomac.
Œuvre


Thimoclée jetant le capitaine Thrace dans le puits.
Après l'invasion de Thèbes par Alexandre Le Grand (-336), la ville est livrée au pillage et aux exactions de la soldatesque. Les femmes, comme toujours, sont violées, torturées et razziées selon une habitude délétère. Thimoclée n'échappe pas au malheur des femmes : après avoir été violée par le soldat thrace qui en veut aussi à son or, elle prétend que ses bijoux sont cachés au fond d'un puits, où le soldat se fait conduire. Elle profite de l'avidité du voleur/violeur pour se venger et le pousser dans le puits. Admirez la position grotesque du soldat, peinte par Elisabetta Sirani : pantin désarticulé, jambes ridiculement écartées, tombant dans l'abîme, tandis que Thimoclée, le regard dans le vide, à l'air de penser à son prochain dîner. Ça sent la revanche picturale. L'HIStoire raconte que Thimoclée est arrêtée, conduite devant Alexandre, qu'elle reconnaît le crime en plaidant la vengeance après les viols subis, Alexandre ému par son courage la fait libérer. Évidemment, l'HIStoire, toujours écrite par les vainqueurs, ne retiendra que la magnanimité d'Alexandre.

Niki de Saint-Phalle, 1930-2002 
Artiste française, peintre, sculptrice, metteuse en scène, est élevée aux USA dans une famille catholique bourgeoise dont le père est un aristocrate banquier abuseur et incestueux ; son frère et sa sœur se suicideront, et Niki finira par dire que son père l'avait violée durant plusieurs années, dès ses 11 ans. L’œuvre de Niki de Saint-Phalle, reconnue et consacrée de son vivant est une dénonciation du Père Tout-Puissant, des méfaits du Patriarcat, et une tentative de restauration de la confiance en soi des femmes à travers sa série de sculptures géantes en polyester intitulées "Nanas".
Oeuvres :


Niki de Saint-Phalle : affiche représentant un tableau performance de la série des Tirs, du Mouvement Action Painting, en 1961. Elle réalise plusieurs performances où elle tire à la carabine sur des toiles représentant le Pater Familias Tout-Puissant.



Artemisia Gentileschi utilise une allégorie biblique pour perpétrer une vengeance symbolique ; Elisabetta Sirani utilise également une scène de l'HIStoire antique pour régler un compte avec les hommes qui ont entravé sa vocation l'obligeant à redoubler d'efforts, quoiqu'on puisse parfaitement imaginer qu'elle ait été, elle aussi harcelée ou violentée sans jamais l'avoir révélé ; son pantin désarticulé dans une position peu propice à la chute dans un puits dénonce le ridicule masculin quand il n'est plus en situation de menacer. Proto-féministes elles sont, la notion de féminisme n'existait pas, leurs contemporaines étant anéanties par la violence sociales qu'elles subissaient. Elles, elles utilisent leur talent et leur art pour dénoncer, accomplissant ainsi leur mission d'artistes devant la société, en avance sur le temps et l'histoire, prévoyant ce qui va advenir : elles envoient un signal, les femmes sont fondées à témoigner et demander des comptes. Elles ouvrent la voie et inspirent les artistes contemporaines, elles précèdent Niki de Saint-Phalle. Elles envoient le signe de l'évènement à venir, qu'il faudra compter avec elles, avec nous.

lundi 23 septembre 2019

Location de ventres - Réponse à Marc-Olivier Fogiel et à son livre "Qu'est-ce qu'elle a ma famille ?"

Avec l'accord du CoRP, je publie sur mon blog leur lettre de réponse à Marc-Olivier Fogiel, homme puissant des médias, et à son livre "Qu'est-ce qu'elle a ma famille ?". Marc-Olivier Fogiel et son mari ont deux filles obtenues par GPA (gestation pour autrui) aux Etats-Unis. Son livre est à la fois une opération de justification et une opération de lobbying en faveur de la location de ventres par généralement des gays, et quelques hétérosexuels stériles, pour porter leur descendance. Nous ne sommes pas trop de deux blogueuses pour contrer cette marchandisation des corps, l'achat d'enfants, et l'accès au corps des femmes par les hommes, fussent-ils gays, alors que les féministes étaient leur compagnonnes de route dans leurs combats des années 70 pour la reconnaissance de leurs droits d'éros minoritaires, ainsi que les nommait Françoise d'Eaubonne, co-fondatrice du FHAR (Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire).
La lettre est signée par la Docteure Nicole Athéa, gynécologue et endocrinologue, ancienne interne et chef de clinique assistante des Hôpitaux de Paris.

" Monsieur Fogiel, la lecture attentive de votre ouvrage m'a donné matière à réfléchir sur mon expérience de vie de femme, de mère et de gynécologue qui, durant une pratique de plus de 40 ans a rencontré quotidiennement des femmes enceintes et qui a assuré la prise en charge de nombreux couples stériles. Si j'ai un regard critique sur votre livre, je précise qu'il ne repose pas sur ce que vous êtes, mais sur un certain nombre de positions que vous défendez dans votre ouvrage "Qu'est-ce qu'elle a ma famille ?" et que je voudrais discuter ici.

1) Le tsunami en Thaïlande : Vous débutez votre livre par une référence à cette catastrophe à laquelle vous avez assisté. Au milieu de ce drame humain, ce que vous voyez, c'est que des mères en train de se noyer étaient contraintes de lâcher leur enfant et vous en concluez que "l'instinct maternel n'est pas tout puissant et qu'il n'est pas toujours aussi fort que l'instinct de survie". Et c'est immédiatement après ce commentaire que vous envisagez d'en passer par une mère porteuse pour avoir un enfant : les mères, ces femmes qui lâchent les enfants... Est-ce de ce fait qu'elles ne vont plus être nommées mères ? Car il n'y aura plus de mères dans votre livre ; il y aura des femmes avec des fonctions morcelées, pour qu'elles soient peut-être le moins mères possible. Je ne tiens pas à faire ici une apologie unilatérale des mères, qui pourrait être comprise comme le refus d'une fonction parentale concernant les homosexuels, ce qui n'est en rien mon propos et contre quoi je m'élève. Mais je ne peux manquer de répondre à un déni affirmé des mères dans votre livre. Car il y aura surtout des pères, (en dehors de quelques couples hétérosexuels qui demandent une GPA que vous évoquez) dans votre livre. Si je pense qu'un couple d'hommes peut élever un enfant aussi bien et aussi mal que tout le monde, je pense aussi que les mères ne peuvent être effacées. On ne saurait oublier que les pères ont largement démontré de tout temps que l'enfant n'était pas le centre de leurs préoccupations pour une majorité d'entre eux ; le nombre de pères abandonnant leur famille, ne payant pas de pension alimentaire, ne revoyant plus leurs enfants sont encore légions aujourd'hui et ils n'ont pas besoin d'un tsunami pour ce faire. Vous constatez tout de même que les mères thaïlandaises qui ont vécu ce drame terrible vivaient ensuite une culpabilité atroce : mais cette leçon-là, vous ne l'avez pas retenue ; dans votre conception idyllique d'une GPA, vous semblez croire qu'aucune des mères qui ont porté un enfant 9 mois et qui l'ont mis au monde ne porte une culpabilité d'avoir abandonné un enfant. Je peux penser que certaines mères porteuses se sentent coupables d'avoir vendu celui qu'elles peuvent considérer comme leur enfant, comme les mères qui accouchent sous X se sentent très souvent coupables d'avoir abandonné leur enfant, j'en ai rencontré. 

2) La conception et la gestation sont séparées ; c'est aussi ce qui vous autorise à penser que la femme qui porte un enfant n'est pas la mère ; mais dans votre histoire qui est la mère ? Ce n'est pas la femme qui a donné un ovule. Ce n'est pas le père biologique : même si vous décrivez comme père maternant ; vous ne délirez pas, vous ne vous considérez pas comme une mère ; alors, qui est la mère ? Il me semble essentiel de reconnaître cette femme comme la mère : une mère peut abandonner secondairement un enfant, comme le font les mères qui accouchent sous X, mais elles sont néanmoins désignées comme mères. Il est essentiel que soit reconnu son rôle et le rôle de chacun. L'abandon de cet enfant va permettre à une autre personne de devenir parent adoptif, père ou mère. Mais cela n'empêche pas de reconnaître que la mère, que chacun s'emploie à gommer dans la GPA, n'est pas une femme porteuse mais bien une mère porteuse parce qu'elle est porteuse d'enfant. Etre dans le déni de mère ne me paraît pas compatible avec la transparence dont vous voulez nous convaincre.

3) La biologisation de la reproduction : "j'ai toujours voulu être père, donner la vie, ne pas interrompre la chaîne des générations, transmettre des valeurs, un nom, continuer à exister...". La reproduction génétique est essentielle pour Mr Fogiel ; les exigences qu'il a de la "qualité" de l'ovule féminin le démontre également ; s'il commence par exprimer quelques scrupules vis à vis du choix de la donneuse d'ovule, réalisant bien par là la nature eugénique de ce projet, il balaie vite ces interrogations, qui de façon paradoxale, deviennent alors une légitimation de son choix. Il va même en rajouter sur les exigences faites à la donneuse d'ovule : "nous voulions privilégier les traits relevant de l'intelligence, de la réussite scolaire et sociale, nous voulions être fiers du patrimoine génétique que nous allions transmettre à nos enfants". C'est dire à quel point Mr Fogiel doit être fier de lui-même, de son patrimoine biologique, que l'on espère à la hauteur de celui de la donneuse d'ovule. La nature narcissique de son projet conceptif apparaît ainsi en toute clarté. Auparavant, les exigences des parents étaient plus modestes et plus réalistes : ils souhaitaient des enfants en bonne santé ; aujourd'hui les exigences des parents deviennent exorbitantes et les enfants en porteront le poids. Quant aux qualités qu'il pense ainsi transmettre par ce choix, elles seront loin d'être celles qu'il escompte et qu'il est prêt à payer près de 10 000 dollars pour les obtenir. La formation d'un embryon comporte de nombreux remaniements qui conduisent à ce que le patrimoine génétique d'un enfant soit bien différent de celui de ses parents, et les qualités acquises ne sont pas génétiquement transmises. Une sociologue canadienne, L Vandelac, disait à ce propos "you are not a xerox and baby is not just a copy". La biologisation de la reproduction, entendue comme la volonté de transmission de son patrimoine génétique, est le facteur majeur qui conduit aux PMA comme à la GPA aujourd'hui. Lutter contre cette représentation erronée de la génétique dans la reproduction est un facteur majeur pour lutter contre ces pratiques. Et des caractères transmissibles qui ne passent pas par les chromosomes ont été démontrés entre une mère "même porteuse" et non liée génétiquement à l'enfant porté, ce qui signifie qu'on ne peut pas séparer de façon radicale la transmission qui se fait par l'ovule et celle qui se fait par la gestation : l'enfant se verra transmis des caractères des deux origines, même si ce n'est pas à parts égales, ni sur les mêmes fonctions. 

4) Il existerait des GPA éthiques et des GPA non éthiques...

Continuer la lecture en cliquant sur ce rétrolien (se caler environ au niveau du logo Facebook du CoRP, side bar à droite). Arguments de MOF réfutés un à un, le tout très argumenté.

" La militance gay qui défend aujourd'hui, à travers la GPA, des valeurs familiaristes et parentales les plus étroites et les plus conservatrices a bien changé depuis les années 70, époque où les positions anti-famille et la liberté sexuelle était revendiquées ".


La lettre interrompue - Johannes Wermeer - Vers 1665. 

mercredi 11 septembre 2019

La malédiction d'être fille - Dominique Sigaud

Edité par Albin Michel, l'ouvrage est sorti la semaine dernière dans toutes les bonnes librairies.


Journaliste, écrivaine, grand reporter, Dominique Sigaud s'attaque ici, après avoir enquêté sur la planète entière, dans les pays en voie de développement, mais aussi dans les pays riches de l'hémisphère Nord, sur le sort que l'espèce humaine réserve à ses filles à naître ou nées. " Les violences faites aux filles sont des désastres individuels et collectifs. Pour que nous y mettions fin, encore devons-nous les désigner."

Foeticide
Filiacide
Inceste
Mutilation sexuelle
Mariage d'enfants
Viol
Traite
Esclavage domestique
Esclavage sexuel
Prostitution
Meurtre dit "d'honneur"

c'est à quoi on expose une fille en la mettant au monde. En tous cas, celles qui échappent au foeticide. Mères obligées de tuer les filles qu'on leur colle dans le ventre (les patriarcaux ne se salissent jamais les mains) quand elles n'ont pas les moyens de faire l'échographie qui les délivrera par IVG du fardeau des filles qui ne valent rien (Inde, Chine), mais qui coûtent une dot lorsqu'elles se marient. Par quelle aberration historique l'humanité a-t-elle décidé que les filles valaient moins que les gars ? Elles servent de bonniches à leurs pères et frères, sont vendues dans le mariage à des adultes qui les exploiteront jusqu'au trognon, les asserviront dans des conditions parfois proches de l'esclavage à leur domesticité, dans les maternités multiples, les achèteront pour leur plaisir de pédophiles (tourisme sexuel, mariages saisonniers ou "de plaisir" des pays du Golfe, l'Islam le permet dans certaines théocraties / nécrocraties salafistes), les vendront à vil prix pour rembourser une dette, créer des alliances, ou solder un différend. C'est " un ordre symbolique dans lequel la femme n'est rien, l'homme est tout, la fille n'est rien, le garçon est tout ". Déjà, dans la Rome antique on constate la disparition forcée des cadettes, " le pater familias qui a droit de vie et de mort sur ses enfants, ne conserve en général que la fille aînée. La mention de deux filles dans une maison romaine est exceptionnelle ", écrit Dominique Sigaud.

L'autrice détaille, dans son livre, chiffres et statistiques à l'appui, tous les malheurs listés ci-dessus, et les régions du monde -aucune n'est épargnée- où ils se produisent en réduisant quasi à néant les potentialités des filles, asservies qu'elles sont au service de la reproduction masculine et de leurs "besoins" sexuels, leur vie dans une perpétuelle insécurité en cas de manquement à leurs lois de fer, au gré des crises économiques ou des guerres qu'ils se livrent perpétuellement, utilisées comme butin, putains, dans des bordels à soldats pour remotiver les troupes (souvenons nous des lycéennes de Chibok, mais elles ne sont pas les seules, elles ont juste été plus médiatisées), éventuellement même par les peace keepers qui arrivent ensuite pour réparer les dommages des conflits, sans jamais que les filles et femmes soient, d'ailleurs, associées aux processus de paix. Elles peuvent rentrer chez elles meurtries, avec le fruit des viols qu'elles ont subis, sans soins ou suivis psychologiques ni médicaux la plupart du temps. Il en résulte un problème de santé planétaire pour elles et leurs enfants. La crise climatique déjà là dans les pays pauvres, mais qui gagnera chez nous aussi n'en doutons pas, impacte déjà les filles, toujours de corvée d'eau, de bois et de nourriture, elles sont, seront en première ligne.

" Attaquer les filles est un invariant des communautés humaines "

Dans ses quatre derniers chapitres, Dominique Sigaud esquisse une géographie des violences : les cas de la France (où l'inceste est invisible, invisibilisé même, puisqu'il n'a pas d'existence dans notre droit, le pater familias y ressemble trop à son pendant romain, sans doute) pays d'agressions sexuelles en nombre non détectées -2 enfants par classe en moyenne seraient violenté-es ou incesté-es dans notre pays ; les Etats-Unis, pays occidental violent, ont le douteux privilège d'être classés à côté des pays ultra-violents Inde et Afghanistan pour les violences faites aux filles ; l'Inde, qu'on ne présente plus, est avec la Chine le pays du foeticide, il leur manque pour la dernière génération 18 millions de filles ! Ce seront encore elles qui trinqueront quand les hommes les attaqueront pour assouvir leurs "pulsions" sexuelles. Enfin, l'Egypte, avec ses 95 % de femmes excisées, même si elle est le berceau de l'excision (une femme de pharaon trouvée coupée dans une tombe en fournit une preuve historique), il faut bien dire que c'est une honte. Les filles et femmes qui se sont aventurées Place Tahrir au Caire lors du mouvement anti Moubarak payaient en attouchements, ou même viols collectifs, leur "effronterie". L'espace public appartient aux mâles absolument partout, les femmes qui s'y aventurent sont forcément des putes.

L'ouvrage, bien que passionnant et indispensable, écrit crûment, est douloureux à lire. Dominique Sigaud dénonce (à raison) et déplore le foeticide. Au vu du malheur de naître fille décrit tout du long du livre, je me demande si finalement ce n'est pas le moindre de leurs malheurs. Evidemment, les agents patriarcaux ne pensent pas ainsi, ils font dans l'utilitaire, ils se "désencombrent" d'un fardeau puisqu'ils l'appréhendent ainsi, mais après tout, si notre espèce est assez stupide pour privilégier les garçons et donc pour se suicider, qu'elle le fasse. Je n'y vois aucun inconvénient pour ma part. Je ne partage pas ce travers de l'espèce humaine, produit d'une incessante propagande, qui, tout en constatant que la cuisine est mauvaise, consiste à convier quand même, à marche forcée pour les femmes, de plus en plus d'invités à ses banquets empoisonnés. Je ne comprends pas plus l'absence des féministes sur ces questions de prévention et de mise en garde contre cet asservissement, mais passons.

Cet acharnement à vider les filles, dès le plus jeune âge, de leurs potentialités, de leur avenir, de leurs talents, de leur sécurité, pour mieux les remplir de bites et d'enfants, sans qu'elles aient voix au chapitre, au contraire en les silençant, afin de produire de façon industrielle des mâles qui n'auront de cesse, quand ils quittent leurs mères, que de se trouver une autre domestique à parasiter, est évidemment mortel. Laisser le pouvoir aux mâles, rien de pire ne pouvait arriver à notre espèce proliférante sans prédateurs, hormis ceux qui nous produisons ; même les animaux ne sont pas aussi stupides. Quand il n'y a plus assez de ressources, de nourriture, ils ne se reproduisent certainement pas, eux. Au contraire, quand il y a de la nourriture en abondance, ils en profitent pour faire deux nichées, ils ont ce discernement qui nous manque terriblement.

Il ne manque pourtant pas de couteaux, de chaudrons bouillants, de tisons brûlants, dans les cuisines où elles sont cantonnées, les filles et les femmes. Il faut vraiment avoir été annihilée dans toute l'histoire, pour ne pas même avoir le réflexe de sa propre sauvegarde, de sa propre sécurité, pour ne pas se révolter. Pourtant, une telle castration des filles, de leurs potentialités, dit assez la terreur que nous leur inspirons : meilleures à l'école, dans les entreprises, moins violentes et casse-cou, plus pacifiques et aptes au compromis, solidaires, aidantes, créatives et talentueuses, malgré les différentes déclarations des molosses du patriarcat, les psychanalystes, qui tiennent que la "pulsion de mort" est également partagée entre mâles et femelles dans l'espèce humaine, car ils tiennent à leur fond de commerce, une telle castration / négation du potentiel filles donc, ne peut que nous amener à reconnaître que les hommes ne veulent aucun progrès pour l'espèce. Leur pouvoir absolu, délétère, toxique, maintenu par leurs lois d'airain, par la contrainte et la force brute, sur les corps d'abord puis sur les esprits, nous conduit à une impasse mortelle. La Nature qu'ils ont tant violée et haïe elle aussi, où ils ont d'ailleurs commodément renvoyé les femmes, ces êtres de nature, sans l'usage de la Raison prétendent-ils, va leur rendre la monnaie de leur pièce et soigner leur hybris. Ils auront réussi cet exploit à force de contraintes sur les corps et la Nature : rendre la Terre inhabitable. 10 milliards d'humains à l'horizon 2050, plus le chaos climatique sans doute, mais leur priorité demeure : marions les filles dès 9 ans si possible (même des françaises, envoyées passer des vacances dans le pays d'origine, livrées par des parents naïfs à une grand-mère ou une tante exciseuse, ou mariées de force, soyons vigilantes), c'est effectivement leur priorité. Quelle stupidité abyssale.

La lecture de ce livre est indispensable à tous les personnels d'éducation, de police, de justice, aux ONG humanitaires, aux politiques qui prétendent vouloir changer les choses et les lois et remédier aux injustices, aux avocat-es, aux services académiques, aux professeurs d'éducation sexuelle, à toutes celles et ceux qui font les lois, rendent la justice ou militent pour qu'elle soit rendue. Et au grand public concerné par ce sujet. Restons vigilantes : défendons les filles. 

Les citations du livre sont en caractères gras et rouge.