Petit thread sur la progression du voile en Europe avec pensée pour le Québec qui est déjà bien empêtré dans ce marqueur ultra-sexiste.— Euterpe (@Euterpeaventure) 23 mai 2019
L'autre, j'apprends que ma nouvelle collègue prof d'allemand langue étrangère (on est en Allemagne donc on fait la
Ce thread (cliquer sur la date en bas pour dérouler) donne à réfléchir sur le genre d'accueil qu'on réserve à ces femmes déracinées qui ont fui la guerre en laissant tout derrière elle, encore heureux si elles sont venues avec leur famille. Il faut rappeler qu'on ne quitte pas le pays où on est né-e par caprice, il y faut une urgence et une détresse absolues. Elles sont musulmanes du moyen-Orient, donc voilées pour la plupart, pas d'objection à ça. Ces cours d'intégration contiennent l'enseignement de l'allemand, mais aussi les us et coutumes, les lois qui s'appliquent, tout ce qu'il faut connaître pour s'installer durablement et vivre en Allemagne comme des allemands avec tous les avantages d'être allemand-e (et les inconvénients aussi, une forme de solitude urbaine et individuelle qui existe moins dans les pays du Moyen-Orient, sans doute). Leur présenter des professeures d'allemand première langue voilées ou portant le foulard, est-ce bien un signe qu'on veut qu'elles s'intègrent ? Il est présupposé qu'elles sont musulmanes (alors qu'en Europe on voit le retour à la pratique religieuse des deuxièmes et troisièmes générations d'immigré-es, issues de parents qui l'avaient abandonnée, rappelons que bien que la plupart du temps tus, l'athéisme et le sécularisme font des progrès dans les pays arabes) et que donc, elles s'attendent à ce qu'on "respecte" leurs croyances et leur vêture. Mais en est-on sûres ? Qu'elles soient habillées selon ce qu'on leur prescrit dans leur pays d'origine et arrivent ainsi en Europe, c'est certainement normal, mais qui nous dit qu'elles ne verraient pas comme une opportunité de se libérer de ces prescriptions justement parce qu'elles vivront désormais en Europe ? Qu'elles pourraient changer leur destin si elles le souhaitent en profitant des acquis des occidentales ? Qu'elles en rêvent sans se le permettre, et n'attendraient qu'une occasion, un exemple, une stimulation de notre part pour jeter leurs voiles et l'oppression par dessus les moulins ?
Pourquoi sommes-nous si frileux à défendre notre propre culture faite d'égalité femmes / hommes, au moins dans les textes, à tenir fermement à nos principes, et à les défendre ? Par quelle perversion devrions-nous nier ce que nous sommes, nous les pays hôtes, à avoir honte des combats menés et gagnés par des légions de femmes et d'hommes dans l'histoire et même l'herstoire ?
Par dénigrement de nous-mêmes, par timidité, pire, par condescendance ? Le relativisme, ou différentialisme culturel, est pour moi une condescendance, avec le sous-texte suivant des protestations de tolérance : elles ne sont pas arrivées au même stade de développement culturel et social que le nôtre, faisons avec et attendons. Ces pauvres sous-développées, on ne va quand même pas les contraindre ! De plus, le différentialisme culturel fait l'impasse sur les mouvements de révolte des femmes iraniennes qui, prenant tous les risques, se dévoilent les mercredis dans les rues de Téhéran, sous les mots-clés #WhiteWednesdays ou #MyCameraMyWeapon, #MyStealthyFreedom, #NousSommesLeursVoix. Et de celui des saoudiennes qui courent en mixité dans un pays d'une bigoterie effroyable. De celui des afghanes qui font du vélo à Kaboul. Toutes se battent contre les injonctions patriarcales et religieuses. Qu'on ne contraigne pas, c'est évident, mais on peut inciter, stimuler, être solidaires de leur émancipation et de leur autonomisation. C'est cela pour moi la sororité : une solidarité stimulante. Refuser les complexes, être fière de nos acquis, être ferme sur nos principes, revendiquer nos valeurs de démocratie, d'égalité entre tous et entre femmes et hommes, filles et garçons, à l'école, dans la rue, sur nos lieux de travail. J'imagine qu'on leur donne des cours d'éducation sociale et civique, puisque notre vie en société impose qu'on respecte certains principes. Pour certaines d'entre elles, cela peut être un empowerment (empouvoirement) bienvenu. Je me tiens donc aux côtés d'Euterpe dans son indignation : qu'on leur propose des professeures d'allemand première langue voilées n'est pas la meilleure façon d'y parvenir. Arriver en Europe et se retrouver en face d'une femme voilée, j'imagine que cela peut même leur faire un certain choc. D'autant que toutes les syriennes et autres nationalités ne sont pas voilées, n'oublions pas que ces pays étaient dans les années 70 dirigés par le Parti Baas, donc un parti socialiste, avant les perversions qu'il a subies à cause de dirigeants corrompus devenus dictateurs. Il faut sortir de la torpeur et de la sidération vis à vis de l'activisme politique islamiste qui instrumentalise les femmes, et ne pas oublier ce qu'écrit Salman Rushdie :
" Une des choses qui est un prisme classique des fanatiques religieux, c'est que pendant qu'ils nient leurs droits à leurs peuple, ils proclament que ce sont leurs droits à eux qui sont niés. Pendant qu'ils persécutent leur peuples, ils se prétendent persécutés. Pendant qu'ils se comportent colossalement de façon offensante, ils se proclament la partie offensée. C'est le monde à l'envers."
Evidemment que dans le processus d'autonomisation de ces femmes, leurs hommes ont tout à perdre, -comme chez nous-, d'où les résistances parfois féroces, mais il s'agit de montrer de qui nous sommes solidaires ; les femmes elles, ont tout à gagner, si l'on s'en réfère à nos principes démocratiques et d'égalité. Donc, soyons solidaires sans concessions de ces femmes, soyons sororales !