samedi 28 mai 2016

La politique sexuelle de la viande

"Quelles sont les tyrannies que vous avalez jour après jour et que vous essayez de faire vôtres, jusqu'à vous en rendre malade et à en crever, en silence encore ? " 
Audre Lorde - Citée dans La Politique sexuelle de la viande



Une théorie critique féministe végétarienne, par Carol J Adams vient de paraître en français, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Danielle Petitclerc chez L'âge d'Homme.
Préfaces d'Elise Desaulniers et de Nelly McKay
Je reproduis ici avec sa permission la préface d'Elise Desaulniers, Le sang des autres, puisque j'ai déjà écrit il y a 6 ans un précédent billet sur cet ouvrage, non traduit à l'époque.

" La première fois que j'ai vu La Politique sexuelle de la viande de Carol J Adams, je parcourais les rayons d'une librairie de livres d'occasion. La couverture mauve détonnait parmi les classiques de la question animale. Je l'ai pris pour le reposer aussitôt : n'y avait-il pas plus urgent et plus important à lire que les élucubrations d'une féministe ? Il faut dire que j'avais depuis longtemps rangé le féminisme aux côtés des théories marxistes, dans le tiroir des utopies qui avaient fait leur temps et perdu de leur pertinence en jaunissant. Quelques années plus tard, je regrettais mon geste irréfléchi. J'écrivais sur les vaches laitières inséminées de force, séparées de leurs veaux à la naissance, contraintes de donner leur lait à la trayeuse, elles sont envoyées à l'abattoir après avoir été utilisées comme de pures machines pendant quatre ou cinq ans. Je me souviens même d'avoir écrit la phrase "les vaches sont exploitées parce qu'elles sont des vaches". Le parallèle avec la situation des femmes devenait troublant. Je me suis rappelé ce livre à la couverture mauve et l'ai commandé. Neuf.

Carol J. Adams est née en 1951. Après avoir grandi dans une famille ouvertement féministe, elle a lu les grandes théories des années soixante et soixante-dix qui s’écrivaient sous ses yeux. Elle l’avoue, elle était féministe bien avant de réfléchir à la question animale. Ce n’est que durant sa maîtrise en théologie à Yale qu’elle est devenue végétarienne. Ce soir-là, elle pleurait la disparition de son cheval mort dans un accident de chasse en mangeant un hamburger. Elle eut alors une sorte de révélation: «je mange une vache morte. » Dans les semaines qui suivent, les choses se précipitent. «Je prenais conscience que mon féminisme et mon végétarisme étaient étroitement liés […] : le patriarcat qui rend possible la violence faite aux femmes perpétue aussi l’exception humaine qui rend possible l’exploitation des autres êtres 1

Adams mettra plus de quinze ans à écrire son premier essai La Politique sexuelle de la viande. Mais ce long processus aura porté ses fruits : l'ouvrage constitue un colossal travail de recherche où les références sociales et historiques se mêlent aux analyses littéraires (Mary Shelley, Brigid Brophy, Margaret Atwood, Colette...). Tant par sa rigueur que par l'originalité de son propos, La Politique sexuelle de la viande mérite amplement sa place parmi les classiques du féminisme et de l'animalisme. Depuis vingt-cinq ans, Carol J Adams a publié des dizaines de livres et d'articles, en plus de militer activement pour la justice sociale, contre la violence conjugale, le racisme et la violence faite aux animaux. Cette traduction de La Politique sexuelle de la viande comble donc une lacune éditoriale importante en la rendant accessible aux lectrices et aux lecteurs francophones. A ce jour, c'est aussi la première oeuvre de Carol J Adams à être publiée dans la langue de Simone de Beauvoir.


Lire Carol J Adams m'aura permis de confirmer mes intuitions et d'approfondir ma réflexion sur l'analogie entre la viande et l'identité masculine. Ce livre rapporte minutieusement comment le concept de masculinité s'est d'abord construit sur deux axes : la viande et le contrôle du corps des femmes. Ces deux formes de violence que sont la violence sexuelle et la consommation de viande ce retrouvent dans ce qu'Adams nomme le référent absent : pour que la viande puisse exister, les animaux doivent être absents. De la même manière, les femmes doivent disparaître pour qu'on puisse exploiter leur corps. Elle explique simplement : "La manière dont la pornographie nous renvoie un message sur l'identité des femmes correspond à la manière dont la culture de la consommation de viande parle de ce que sont les animaux -et non de qui ils sont." 2. La vie ou les préférences des animaux sacrifiés pour des merguez ou des hot dogs doivent être occultées pour ne pas se couper l'appétit. La vie et les préférences des filles qu'on regarde se faire humilier sur le web ou à qui on envoie des dick pics aussi.

FÉMINISME ET VÉGÉTARISME : UNE HISTOIRE COMMUNE

En lisant Adams, ce qui me paraissait jusqu'alors banal devenait soudainement saillant. Je voyais les signes de la politique sexuelle de la viande aux quatre coins de ma ville : dans le numéro "spécial hommes" d'un magazine de cuisine rempli de bacon et de barbecues, dans les grils où des serveuses juchées sur des talons hauts et portant micro jupes et
T-shirts moulants nous reçoivent, dans la bouche des humoristes qui aiment bien rappeler que la salade, c'est pour les madames. J'ai aussi été frappée du point auquel le rôle des femmes dans le mouvement animaliste avait été oublié, voire occulté. Tout au long de La Politique sexuelle de la viande, Carol J Adams montre comment le refus de la viande apparaît dans les écrits des femmes avec des personnages féminins qui s'émancipent du patriarcat et gagnent leur autonomie dans une reconquête de leur corps et de leurs rapports aux animaux. Mais on ne rencontre pas seulement ces héroïnes dans les romans : depuis le 19ème siècle au moins, l'histoire du mouvement animaliste se conjugue d'abord au féminin.

En effet, pour la plupart d'entre nous, l'histoire des animaux se résume aux réflexions de quelques Grecs, d'une poignée d'Européens au 18ème siècle, puis de perspicaces étudiants d'Oxford dans les années 1970. Combien de fois ai-je lu que Peter Singer était le père de la libération animale ? Pourtant de nombreuses femmes ont écrit et milité pour mettre fin à l'exploitation animale. Des femmes qui étaient aussi souvent des militantes féministes. Comme le remarque Carol J Adams, "les grands mouvements de l'histoire féministe et les figures majeures de la littérature des femmes ont uni le féminisme et le végétarisme de manière à marquer une continuité, non une discontinuité."3


Déjà en 1907, on écrit dans le journal de la Vegetarian Society qu'"il est intéressant de voir comment le végétarisme est lié aux mouvements progressistes. Un certain nombre de leaders du mouvement des suffragettes sont végétariennes".4 Une quinzaine d'années plus tard, la féministe anarchiste d'origine polonaise Sophie Zaïkowska fonde à Paris un premier foyer végétalien. Pendant ce temps, à Londres, c'est la Suédoise Lizzy Lind af Hageby qui s'inscrit dans une école de médecine pour mieux comprendre la vivisection. Après avoir assisté à une expérimentation, elle accuse, appuyée par une collègue, le chercheur d'avoir disséqué un chien sans anesthésie. Le médecin, outré, poursuit les deux femmes pour atteinte à sa réputation et gagne sa cause. Les militantes anti-vivisection répliquent en faisant ériger une statue à l'effigie du terrier sacrifié. L'affaire qui s'ensuit divise le pays -c'est ce qu'on appelle aujourd'hui la Brown Dog Affair. D'un côté, les suffragettes qui lient l'oppression des femmes à celles des animaux. De l'autre, les étudiants en médecine qui défendent leur droit à la vivisection et condamnent les animalistes pour leur sensiblerie et bien sûr... leur hystérie.

Pour Hageby, c'est De l'origine des Espèces de Darwin un demi-siècle plus tôt qui a donné son envol au mouvement pour le droit des animaux. Elle a "provoqué la désintégration de l'ancienne idée anthropocentrique de l'homme" en plus de montrer, par la parenté physique entre tous les êtres vivants, que "nous avons la responsabilité de protéger des abus de pouvoir, des mauvais traitements, de cruauté et d'abus toutes les créatures qui partagent nos nerfs, notre sang et notre chair". Elle ajoute que "le mouvement pour une plus grande liberté des femmes, pour leur affranchissement, leur accès aux études supérieures et aux professions, de même que pour l'élimination des incapacités juridiques sont l'application de cette prise de conscience de la solidarité et de la parenté entre tous les êtres vivants." 5 C'était il y a cent ans : Hageby avait tout compris.



NON, CE N'EST PAS MAL D'AVOIR DES ÉMOTIONS

Il ne fait aucun doute que le mouvement pour les droits des animaux s'est essentiellement construit grâce au militantisme de plusieurs générations de femmes qui reconnaissent leur propre sang dans celui qui coule des bêtes. Pourtant, c'est un mouvement qui trop souvent encore tourne le dos au féminisme pour chercher à valoriser des méthodes et une imagerie masculine. Combien de fois les activistes sont-elles accusées d'être trop émotives et anti-intellectuelles et invitées à utiliser des arguments "sérieux" ? Dans Women in the Animals Rights Movement d'Emily Gaarder, une femme raconte qu'elle s'est tournée vers l'utilitarisme pour donner une structure à ses propos et éviter de parler de ses émotions. Combien de fois m'a-t-on félicitée pour mes livres "argumentés de façon rationnelle et qui ne tombent pas dans le sentimentalisme" ? Dans notre société patriarcale, les émotions ne sont pas prises au sérieux. C'est bien ainsi que le système dominant fonctionne : en ridiculisant tout ce qui conteste son empire. La défense des animaux ne peut être qu'une affaire de raison.

Pourtant, nombreux sont celles et ceux qui sont devenus véganes après avoir été choqués par une vidéo d'abattoir, après avoir fait le rapprochement entre leur amour pour leur chat et la détresse des poules dans les élevages et encore, comme Carol J Adams il y a quarante ans, entre l'amour pour un cheval et la mort des vaches. Le système est maintenu en place en masquant une réalité qui ne peut qu'émouvoir. Le fond du problème, et Carol J Adams le montre bien, c'est la domination patriarcale. Parce que la viande est un symbole masculin, l'enlever de la table transforme les relations de pouvoir. Lorsqu'on refuse de servir de la viande aux hommes et qu'on en appelle à l'abolition de l'élevage, on défie les structures établies en insistant sur notre propre subjectivité et celles des autres animaux. Il ne suffit pas de promouvoir le véganisme : voilà ce que j'aurais appris en lisant Adams et ses consœurs -et je pense en particulier à ces auteures qui comme Lori Gruen, Breeze Harper, Marti Kheel ou Pattrice Jones, réfléchissent à l'intersectionnalité des oppressions. Les militantes et militants pour les droits des animaux ont besoin du féminisme pour mettre à plat les structures qui déterminent l'oppression des animaux.

Depuis toujours, les systèmes d'oppression tentent de nous faire taire. En nous reléguant aux fourneaux, en nous refusant le droit de vote, en nous mutilant, en nous enfermant, en remettant en cause notre parole lorsqu'on dénonce une agression ou en inondant le Web et nos boîtes de courriels de commentaires sexistes. Militer, que ce soit sur la place publique ou dans une cuisine, c'est refuser le silence qui nous est depuis toujours imposé. Le mouvement animaliste a été et doit continuer à être féministe. Plus que jamais, il a besoin du féminisme pour prendre sa place et s'épanouir. On en peut que remercier Carol J Adams de nous le montrer avec tant de rigueur et de compassion. "
Elise Desaulniers,
Montréal et Vancouver, avril 2016

1.Which came first, https://vimeo.com/152899198



Les images illustrant l'article sont toutes issues de compagnies ou de campagnes françaises de publicité : Poulets de Loué, CNIEL, Petit Basque, et deux publicités régionales de 2015 : un restaurant à Rennes et un 4X3 en région parisienne. Elles peuvent être agrandies en cliquant dessus. 

vendredi 20 mai 2016

Borsalino ou Fedora ? Une histoire de chapeau

En surfant sur des sites internet féministes je suis tombée sur une campagne "Fedora" sur le site Vegan Feminist Network et ça m'a donné envie de creuser. L'article renvoie vers le wiki d'un site de geek féminism où l'histoire est racontée en anglais. Je n'ai plus eu qu'à chercher. J'ai d'ailleurs eu beaucoup de mal à trouver des images, vu l'état d'oubli où notre herstoire est reléguée.


Le feutre mou, chapeau feutre, donc, avec gros grain contrasté en bas de coiffe, bord large, pourvu de trois creux, un sur le dessus et deux sur l'avant (*), appelé aussi Borsalino, marque déposée du fabricant italien dont le nom a phagocité le produit, est à l'origine appelé Fedora : j'ai visité une boutique de chapelier pour ma documentation, celui-ci m'a tout à fait confirmé ce nom générique. Mais il faut être un professionnel du chapeau pour le savoir. Voici l'histoire du Fedora : comment un chapeau d'homme peut-il porter un prénom de femme ? C'est encore une histoire d'effacement des femmes.

Pour tout le monde le feutre est l'emblème de la coiffure masculine : selon les montages photos ci-dessous le feutre (classy as fuck, hyper-classe) se porte impérativement avec le costume, comme le font Sinatra, James Stewart, Cary Grant et Humphrey Bogart, ces icônes par excellence de l'élégance masculine ! A moins que vous ne soyez Indiana Jones, puisque qu'on sait désormais que toute règle a ses exceptions ! Il garde aussi sa superbe porté par l'aventurier suant en débardeur et jean. Faites gaffe quand même à la faute de goût, tout le monde n'est pas gaulé, ni photographié et cadré, comme Harrison Ford !






Mais puisque je vous sent bouillir d'impatience, voici son origine, version HERstory, la bonne version :
En 1882, Victorien Sardou auteur de pièces de Théâtre propose une pièce de star à Sarah Bernhardt. Une pièce de star est comme un film de star (La Reine Christine pour Greta Garbo, typiquement) : une pièce écrite exprès, rien que pour la talentueuse Sarah Bernhardt ! La pièce, espèce de drame policier, s'appellera Fedora, elle sera même adaptée en 1898 en un opéra en trois actes. Pour le rôle, la très prescriptrice Sarah Bernhardt se coiffe d'un feutre mou qui fera fureur, et lui sera piqué par les élégantes de l'époque qui toutes veulent leur "Fédora"! L'histoire aurait pu s'arrêter là, et le chapeau disparaître comme plein d'accessoires de mode ont disparu, sauf que les suffragistes, ces féministes qui revendiquent l'égalité des droits civiques avec les hommes, vont adopter le fédora comme signe de ralliement. Toutes les féministes en fédoras !


Après, on a un blanc radio et image : ce qui a dû se passer à mon avis, c'est qu'un mec, Oscar Wilde (écrivain irlandais au moins aussi prescripteur que Sarah Bernhardt) qui me paraît être le principal suspect dans cette sombre affaire, a dû adopter le chapeau. Figurez-vous qu'on ne trouve plus sur Google une seule image de Sarah Bernhardt coiffée de son feutre fédora, en revanche Google vous ramène Oscar Wilde qu'on confondrait presque avec elle, tellement tous deux avaient un physique d'ange androgyne.

Ce chapeau ne garde plus de son origine que son nom, "fédora", pour prouver qu'il est un chapeau de femme, il n'y a d'ailleurs plus que les chapeliers pour s'en souvenir. Eh oui, les mauvais garçons en Borsalino, vous portez un chapeau de gonzesses ! Le génie primaire des hommes, c'est celui-ci : usurper les inventions des femmes. Je pense sérieusement que les femmes ont inventé tout ce qui est utile à l'humanité : la médecine et la pharmacie, les rites funéraires, les mathématiques et les statistiques, la sédentarisation donc les villes, l'agriculture (hors  élevage, cette domestication / exploitation des animaux par des bédouins nomades), les variétés cultivées de blé et des autres céréales, et le pain. Les hommes, trouvant que c'était bien, se sont emparés de ces découvertes, les ont industrialisées puis, au fil du temps, se les sont attribuées, effaçant les femmes à l'origine de l'invention. L'effacement des femmes de l'HIStoire, cette plaie affectant l'humanité, illustré par le fédora, le sujet n'est pas anodin, d'autant qu'il était devenu un symbole féministe. Peut-être leur fallait-il spolier de ce chapeau en l'adoptant pour eux, les féministes honnies ? Opération réussie, en tous cas.

Je n'ai pas encore trouvé mon fédora mais je vais le chercher. Il sera gris ou marron ou de couleur plus vive, il sera en laine bouillie (feutre) sans poils de lapins pour l'imperméabiliser (!). Dans tous les cas, on ne le porte pas sous une pluie battante ! Selon le chapelier que j'ai consulté, il se porte droit, un centimètre au-dessus des oreilles, et ses trois creux doivent être visibles, autrement, c'est signe qu'il est trop grand. (*) Enfin, ne pas le confondre avec le Trilby, qui est au fédora ce que le chien est au loup, selon les puristes.

Actualisation 6/11/17
Finalement j'ai acheté mon Fedora il y a quelques mois, et je le porte avec beaucoup de plaisir. Il est italien et rouge brique, gros grain ton sur ton. J'adore ! Il va avec toutes les couleurs de vêtements, y compris rose, c'est très vitaminé, comme dit la presse féminine.
J'ai trouvé un autre lien (en anglais) sur l'histoire du Fedora porté d'abord par les tough guys pour se faire remarquer des filles (!), puis il a glissé progressivement vers rien que l'élégance.


Respectivement porté ci-dessous par Yoko Ono et Michael Jackson 



vendredi 13 mai 2016

Harcèlement sexuel : Baupin et consorts


Revoici une "affaire" de harcèlement sexuel en milieu politique, et tout le monde tombe des nues ! Mais pourquoi ne parlent-elles pas ? Refrain habituel. Omerta, loi du silence, réellement ? Quand on fouille un peu dans les témoignages, on s'aperçoit que les victimes parlent : elles se font des confidences les unes aux autres, elles alertent la hiérarchie, une témoigne avoir balancé une baffe à l'agresseur, l'autre s'entend répondre "ah, il a recommencé !", des propositions de commissions pour examiner le sujet "au sein du parti" ont été faites... sans suite. Delphine Batho explique tranquillement sur un plateau télé que "Baupin n'étant plus dans le parti vert, ses soutiens le lâchent", donc si loi du silence il y a, c'est du côté des complaisants et des complices qu'elle est.
On est en fait dans une inertie de la société face à ce fléau : pays de la gaudriole, des blagues gauloises, où on met les rieurs de son côté en tournant en dérision celles qui n'ont jamais été harcelées, et qui auraient bien aimé l'être (Martine Aubry ou Angela Merkel, par exemple, cibles de Nicolas Canteloup sur Europe1, femmes repoussoirs masculinisées parce que fortes et puissantes), le paternalisme condescendant fait des ravages.

D'ailleurs les dinosaures patriarcaux arrivent à la rescousse de la forteresse assiégée : Pierre Lellouche UMP/LesRépublicains déclare à un journaliste de RTL dans les couloirs de l'assemblée :
"Je commente l'international, les choses sérieuses, pas les histoires de bonnes femmes" !
Inversion de la charge : c'est en réalité une affaire de bonshommes et de leurs soi-disant "pulsions sexuelles" en folie, selon la légende qui marche du feu de dieu et qui leur fournit leurs alibis pourris depuis toujours.
Bernard Pivot sur son compte Twitter (il a retiré le tweet depuis devant les réactions choquées de ses abonnés, et a présenté des excuses) y va de sa remarque voulue spirituelle dont on peut voir ici une capture d'écran (impitoyable Internet !), et enfin, Stéphane Le Foll, porte-parole du gouvernement, réagit à la remarque de Cécile Duflot : "Des Denis Baupin, il y en a pas mal à l'Assemblée" :
article à lire sur le site du Lab Europe1.

Jouer les innocents aux mains blanches injustement accusés par de supposées harpies revanchardes est supposé marcher bien sur l'opinion, même si Cécile Duflot a été secrétaire nationale des Verts et qu'il est difficile de croire qu'elle n'était au courant de rien.

Déposer des plaintes et des signalements n'est en général pas suivi d'effet : je l'ai fait moi-même une fois (hors les signalements aux DDTE -inspections du travail- de discriminations sexistes jamais suivis non plus) à la DASS de la Mayenne au sujet d'un directeur harceleur d'un de leurs établissements que j'ai quitté au bout de 7 jours et où je m'étais fourvoyée ; je n'ai rien à faire dans un établissement médico-social sauf à y gâcher mes talents commerciaux, mais quand on est au 36ème dessous on se signale ainsi aux prédateurs qui n'attaquent que les femmes réputées sans défense, ce que je ne suis pas, mauvaise pioche. Je n'ai même jamais reçu d'accusé de réception à mon signalement ! Pierre Lellouche est bien le porte-parole de toutes les administrations où on n'en a que faire des "histoires de bonnes femmes" ! Circulez, on a tant de dossiers autrement plus sérieux qui accaparent notre temps de travail ! Tout est normal, ce sont des jeux de séduction toutes ces mains au cul, ces plaquages au mur, ces pincements de seins, les insultes dans la rue, les claquements d'élastiques de slips : c'est juste parce que vous êtes belles et désirables ! Pensez à toutes celles qui n'ont jamais reçu ce genre "d'hommages" !

Trève de boniments et de justifications foireuses. La réalité est la
suivante : on n'est en aucun cas dans des jeux de séduction ni des jeux sexuels, ce sont des affirmations de la terreur machiste que les hommes imposent aux femmes, des jeux de pouvoir excluants qui réaffirment la suprématie masculine dans les lieux où ils estiment que les femmes ne sont pas légitimes, si elles veulent y être tolérées, elles doivent en accepter les "traditions" et "bizutages" mâle-traitants qu'ils croient être en droit de s'infliger et d'infliger aux autres. Je laisse la conclusion à Laurence Rossignol devant l'Assemblée ce mercredi 11 mai 2016, exprimant les ravages de leur comportement irresponsable :


Laurence Rossignol : "Le harcèlement pourrit la... par publicsenat
(Si la vidéo ne marche pas -merci Dailymotion et/ou PublicSénat-, cliquer sur le lien au-dessous pour la visionner)
Pétition à signer : Violences sexuelles en politique : Levons l'omerta !
Un rappel de l'affaire Jean-Michel Baylet, le troisième sur l'image en tête d'article.
Mise à jour 13/5/16 13H50
Décidément, ils ne comprennent rien !
"Se prendre une "Baupin" la nouvelle blague en vogue à l'Assemblée Nationale" 

samedi 7 mai 2016

Bitch Planet : les femmes NC -non conformes- en exil



Mais elles vont se rebeller. Je viens de lire cette BD que m'a envoyé l'éditeur *. Dans ce manga dystopique non situé dans le temps, un pouvoir dictatorial masculin règne sans partage sur la Terre. Les femmes jugées non conformes -NC- par les hommes sont parquées dans un bagne en orbite autour de la planète, en vue d'y être "rééduquées". Une société d'apartheid, en somme, qu'on trouve déjà, faut-il le préciser, dans pas mal de sociétés masculines ici et maintenant sur terre. La seule femme "conforme" est un hologramme rose qui assène aux prisonnières les éléments de leur rééducation. Société du spectacle oblige, des tournois meurtriers sont organisés et retransmis à la télévision. Mais une femme va se rebeller contre la dictature masculine et entraîner ses compagnes.




Il s'agit d'un manga, au magnifique graphisme et un scénario authentiquement féministe universel. Bien que je ne sois pas régulièrement lectrice de BD ni de mangas, je reconnais que celle-ci m'a bien plu. On y trouve ce genre de réplique féministe :



La scénariste est une femme Sue Deconnick et le dessin est d'un homme, Valentine De Landro. Une idée du graphisme de l'album avec cette planche :




Une bonne histoire dont l'héroïne est une femme noire (et la BD, c'est généralement des héros masculins blancs) dont on attend avec impatience la suite dans un ou plusieurs futurs albums, des bonus sous forme de fausses pubs hilarantes, une longue interview des deux auteurs, une liste de femmes non conformes, issues de l'HIStoire qui auraient été exilées à coup sûr sur Bitch Planet (la "salope" Simone de Beauvoir, l'"impudente" Olympe de Gouges, la "païenne" Hypatie, la "folle" Camille Claudel... avec leurs courtes notices biographiques), plus une histoire des héroïnes de la culture pop issues de la BD, des séries télé et du cinéma, et des "témoignages de meufs" en fin d'album, un vrai régal ! C'est un bel album empowering et qui fait du bien à la tête.











Quelques liens vers des critiques :
Le blog de France TV info
Le Point Pop
Interview de Sue Deconnick chez ComicsBlog
Le Facebook de Glénat Comics
En portugais, des femmes avec des tatouages NC empowering
Bitch Planet Vol 2 (à paraître en anglais)

* Il semble qu'en effet, mon blog me fasse percevoir comme influente, puisque l'éditeur Glénat m'a proposé spontanément l'envoi de sa BD en faisant, sans doute, des recherches sur Internet. L'album m'est donc parvenu gratuitement, mais je ne suis bien sûr pas payée pour en faire la critique. Je ne suis d'ailleurs pas critique littéraire, mais blogueuse. Je partage donc volontiers puisque ce manga m'a vraiment plu et qu'il est dans mon sujet. Je ne gagne pas d'argent avec mon blog -il n'y a pas de pub dessus- il me coûte généralement plutôt en achat de livres, c'est mieux de préciser. D'ailleurs, vu que mon sexismomètre est réglé sur zéro, je suis nettement NC, et en partance pour Bitch Planet, si une dictature patriarcale arrivait. Mais n'est-elle pas déjà advenue ?
Un clic sur les images pour mieux les voir ou les lire.