vendredi 27 mars 2020

Le regret d'être mère



Etre mère
La Maternité, construction sociale issue de la division des tâches entre femmes et hommes consacrée au XIXème siècle, qui nous gouverne toujours, pousse les femmes à engendrer, à la production d'enfants et à leur élevage à l'intérieur du foyer : le vocable maternité, loin d'être innocent, s'assure que ce sont les seules femmes qui en auront la charge. Les hommes, eux, travaillent au dehors du foyer, rapportant l'argent à la maison, en produisant autre chose : des objets marchandises, inutiles la plupart du temps, voire toxiques, comme des chars d'assaut ou des sous-marins nucléaires. Le fait que les femmes désormais dans les pays de l'hémisphère nord travaillent à l'extérieur du foyer n'a rien changé au fait que ce sont toujours les femmes qui s'y collent, pire même, elles sont souvent seules à élever leurs enfants, c'est la rançon de leur nouvelle indépendance économique. Impensé de la société, la maternité est considérée comme un déterminisme biologique, "naturel" et a-historique. Vous avez un utérus, c'est pour être mère. Ainsi endoctrinées socialement, l'imagination des femmes est colonisée. C'est leur seul scénario envisageable, il est si intériorisé dans la conscience des femmes, qu'elles n'envisagent même plus d'autre possibilités. Voire elles se trouvent des sensations, des appels de la nature et autres billevesées, y compris invoquant leurs hormones ! Les hormones peuvent être en effet tyranniques, poussant au désir sexuel, mais comme dans l'espèce humaine, les femmes n'ont pas d’œstrus, contrairement à la plupart des autres espèces animales, les deux, désir sexuel et reproduction y sont parfaitement découplés. On peut obéir à ses hormones en se trouvant un-e partenaire de jeux sexuels sans pour autant produire des enfants. Il est plus que temps de se décoloniser le cerveau des bobards de la propagande nataliste, cela nous éviterait bien des malheurs comme on va le voir.

Le regret
Regretter ses actions est généralement vu par la société comme un acte vain et négatif : l'origine en serait la femme de Loth quittant Babylone, à qui les anges interdisent de se retourner, de regarder en arrière, sous peine d'être transformée en statue de sel, ce qui lui arrive bien entendu, les femmes sont tellement sottes aussi. Le regret, c'est tenter de défaire l'irréversible. Aux refusantes de la maternité, la société promet l'enfer du regret : tu vas le regretter, car tu finiras vieille, seule et dans le dénuement affectif voire pire, matériel, les enfants étant abusivement utilisables comme bâtons de vieillesse. Dans ce cas, le regret est le chien de garde de l'hégémonie, un mécanisme de normalisation destiné à nous ramener dans le giron de la société. Tout autre est prohibé, surtout celui d'avoir eu des enfants. Tout au plus peut-on avouer regretter d'avoir bu comme un trou, ou fumé comme une cheminée pendant 20 ans, à l’extrême limite une mère peut regretter d'avoir mis au monde un fils, en prison pour avoir tué un convoyeur de fonds et une directrice de banque, parce que là, quand même, elle aura été une "mauvaise mère", mais on le voit, ce sont des regrets qui renforcent la norme sociale régnante : se conduire bien, être mère et une "bonne" mère. Pas de pardon si vous ratez votre coup, vous serez jugée et vouée sans pitié à la réprobation sociale.

L'étude sociologique d'Orna Donath, sociologue chercheuse, elle même femme sans enfant par choix (généralement les livres sur les no kids sont écrits par des femmes ayant obéi scrupuleusement aux normes sociales en pondant à la chaîne trois enfants minimum) porte donc sur le regret d'être mère, tabou majeur. Son échantillon est de 23 femmes, recrutées par annonces dans la presse ou par bouche à oreille, plusieurs candidates possibles ayant renoncé au moment des propositions de rendez-vous, la norme jouant à plein son rôle de gendarme. Elle est basée sur des entretiens en vue de recueillir un verbatim, c'est ce qu'on appelle une étude qualitative par opposition aux études quantitatives. La plupart de ses interviewées ont entre un, deux ou même quatre enfants, sont grand-mères, certaines sont enceintes de leur 2ème ou 3ème enfant, redoutant par avance la dépression post-partum, qui pour certaines se transformera en dépression pour de longues années. Certains entretiens sont déchirants, prouvant qu'il est difficile voire impossible de refuser de vouer un culte à cette vache sacrée, la maternité. Court échantillon  : 

Trois journées en une : " la troisième journée, le travail titanesque sur les émotions pour tenter de réparer les dégâts causés par la collision entre les exigences de la première journée et celles de la deuxième. "
" La maternité à fermé mes espaces, mes horizons, mon développement, j'affirme qu'une femme une fois qu'elle a un enfant renonce à beaucoup de choses auxquelles un homme n'a pas à renoncer ".
Et aussi : " mes deux grossesses je les ai eues avec des traitements contre l'infertilité. Juste parce que je ne pouvais pas être enceinte. Parce qu'en fait je ne voulais pas ! C'est aussi simple que ça. Et c'est incroyable. En fait, je ne voulais pas." Clash entre la prescription/pression sociale intériorisée et le cerveau, notre premier organe sexuel, qui ne veut pas. Ecoutez votre cerveau mesdames, il vous parle, il refuse.
Parce que les injonctions sont contradictoires et paradoxales : être mère, c'est aussi vivre dans une inconfortable schizoïdie. Madone asexuelle, pure, sacrée ET depuis les années 80, objet sexuel érotique, MILF (mother i'd like to fuck), hot mamas, yummy moms, mères baisables. " Je suis une salope, je suis une amoureuse, je suis une enfant, je suis une mère, je suis une pécheresse, je suis une sainte, voilà comment Meredith Brooks fait tenir ensemble l'incompatible." En effet, ça marche par paires inversées, noir et blanc ensemble, de quoi devenir folle à lier. On comprend le malaise, la souffrance. Mais taisez-vous surtout, fermez-là, ce que vous avez à dire nous ne voulons pas l'entendre, la maternité est sacrée, alpha et omega de tout épanouissement féminin, de toute vie de femme réussie. Sinon vous êtes une ratée, une inutile, une merde, indigne d'attention et d'écoute, indigne de compassion.

Où sont les féministes dans tout cela ?
Voilà, la question que je me suis bien posée toutes ces années de blogueuse, lisant les blogs des autres, de twitta recevant tous les jours dans mon fil Twitter les plaintes et dénonciations allant du plus bénin au plus lourd, notamment lors des divorces où elles mènent une bataille forcenée pour ne pas partager la charge -dénommée fort à propos la "garde"- des enfants, souvent c'est vrai aussi avec un père maltraitant, alors que jamais elles n'ont un mot dénonçant le mariage, elles comptent les mortes et dénoncent les manœuvres des pères promouvant le "syndrome d'aliénation parentale" inventé par les masculinistes ; vie des mères seules vouée à la pauvreté, la misère, la détresse économique, exercice de la profession entravé, univers borné par les enfants, jamais je ne lis un mot de prévention contre ces deux boulets que sont apparemment la conjugalité et la maternité / reproduction ! Eh bien, la réponse claire est dans cet ouvrage : ainsi qu'écrit Orna Donath " il semble que même dans les théorisations féministes sur la question, la possibilité de voir a posteriori les choses autrement, sans même parler de les regretter ne soit pas envisagée ". De plus, " le langage postféministe, capitaliste et néo-libéral énonce que les femmes ayant plus de choix aujourd'hui, si les femmes sont si nombreuses à devenir mères, cela signifie qu'elles ont toutes choisi de l'être". Exit les analyses féministes sur le conditionnement social et culturel.

L'intérêt des féministes pour la maternité écrit Bell Hooks, repose sur des stéréotypes sexistes, elles ont une vision romantique de la maternité ; mais surtout, comme elles se battent pour l'amélioration du statut des femmes en tendant vers l'égalité avec les hommes (féminisme réformiste), elles sont persuadées que c'est une question de conditions : si les conditions économiques et sociales des mères s'améliorent, deviennent optimales, alors le problème est réglé. De fait, elles adhèrent à l'idéologie capitaliste et néo-libérale qui vénère la réussite, la culture du progrès qui nous pousse à nous développer en permanence, elles sacralisent l'enfantement et l'éducation des enfants, en objectivant les femmes dans un rôle, celui mère.

Or les femmes sont des sujets, pas des personnages jouant un rôle, elles font des choix indépendamment de leur classe sociale. Riches ou pauvres, faisant carrière ou pas, elles peuvent ne pas vouloir des contraintes de la maternité. Tout bien considéré, elles peuvent préférer rester non mères quelles que soient les conditions. Qu'elles n'aient pas d'enfant du tout, ou que en ayant, et tout en les aimant, elles regrettent et disent que si c'était à refaire, elles ne le referaient pas. Pour rien au monde. Nous devons les écouter et les entendre alors même que ce faisant, elles constatent l'écart entre la réalité fantasmée, souhaitée, et la réalité telle qu'elle est. Surtout, et la société n'aime pas ça, elles défient les tabous, elles ébranlent l'ordre du monde. 
Un grand livre féministe car questionnant les injonctions et servitudes qui pèsent sur les femmes, au final, un livre libérateur.

Lien : Le regret d'être mère chez Odile Jacob éditeur 

Je dédicace ce billet à ma mère qui, mariée, mère de quatre enfants, à l'usage n'a pas du tout aimé ça non plus. Mais elle n'avait pas les possibilités ni les opportunités, ni l'agentivité des femmes d'aujourd'hui. Mariée parce que c'était la seule carrière qui s'offrait à elle, mettant au monde quatre enfants sans les avoir réellement voulus car sans moyens de contraception, enfants qu'elle a élevés (bien, très bien même, nous n'avons jamais manqué de rien, ni souffert d'aucune violence ou traumatismes) en se plaignant que si elle avait su, eu le choix, elle non plus ne l'aurait pas fait. Elle n'a pas eu elle, contrairement à moi, accès à ce privilège de pouvoir ébranler l'ordre du monde.

Les citations du livre sont en caractère gras et rouge.

dimanche 15 mars 2020

La revanche du pangolin

Mon titre pourrait aussi bien être la revanche de la chauve-souris, mais le pangolin est plus emblématique et plus populaire, donc va pour le pangolin, représentant dans cette crise de tous les animaux sauvages qui finissent dans les charniers de l'humanité. Le pangolin est un petit mammifère africain braconné jusqu'à l'extinction par croyance obscurantiste, et pour le caprice humain. Il est représentatif du sort que nous faisons aux animaux et des malheurs à répétition qui en découlent. Sa viande et ses écailles étaient vendues parmi celles d'autres animaux sauvages sur le wet market de Wuhan, épicentre de l'épidémie de coronavirus qui balaie actuellement la planète.
Les coups de semonce se succèdent et l'humanité n'entend pas. Le sort et la santé de l'humanité et des animaux sauvages comme d'élevage sont liés, comme le spécifie ci-dessous l'affiche de l'OiE dont le nom s'épelait en français, mais qui est devenue l'Organisation Mondiale de la Santé Animale  -dans l'optique de l'élevage, naturellement. C'est, comme aurait dit De Gaulle "un machin" international rigoureusement inconnu du grand public, abondé par nos impôts sans doute.


Il y a 21 ans, soit une éternité, il y eut la crise de la vache dite "folle" : c'était la vache qui était devenue folle, pas l'industrie de l'élevage qui a fait de bovins herbivores des granivores (maïs, soja, toutes graines légumineuses hyper protéinées), puis graduellement, des carnivores, par le nourrissement par des farines animales, résidus d'abattoirs dont les abatteurs ne savaient trop que faire, mais du coup bourrées de protéines animales, le top du top en matière de protéines, nous serine-t-on encore. Sauf que rendues cannibales, les vaches développèrent un prion qui détruit le cerveau. Ou comment se défausser de sa propre folie sur l'animal le plus exploité, le plus maltraité, le plus asservi par l'humanité pour ses besoins, pour ses caprices, depuis le Néolithique. Mesure prophylactique, pendant des mois, des élevages d'animaux sains (j'insiste, l'immense majorité étaient sains) voyaient arriver un escadron de gendarmerie en costume de cosmonaute, généralement survolé par un hélicoptère, installant un cordon sanitaire autour de la ferme ou même du village, qui chargeaient des camions de troupeaux de 80 à 120 vaches, ou moins, et les emmenaient vers l'abattoir réquisitionné et dédié, ou dans des centres d'équarrissages où elles étaient abattues puis jetées, brûlées sur des bûchers ! Rigoureusement SIC. Je me souviens un soir d'un journal télévisé de France 2 filmant un éleveur, un mec dans les 40 ans, qui venait de voir partir ses 80 montbéliardes saines, dont la voix s'est étranglée et qui s'est mis à sangloter à l'entrée de son champ. Impossible de ne pas sangloter avec lui : je suis restée trois semaines sans regarder les JT, tellement c'était terrible. Premier coup de semonce pour moi. Il faut dire qu'à l'époque j'allais travailler en CDD dans la zone industrielle Nord du Mans, en suivant sur l'autoroute A11 des cochons qui allaient faire des rillettes chez SOCOPA, à Connéré, entre le Mans et La Ferté Bernard. Il n'était pas rare d'ailleurs de voir des remorques garées sur la bande d'arrêt d'urgence, chargées de porcs, appuyées sur le bec d'attelage, chargement en pente à 45° de dénivellement entre le haut et le bas ; j'ai même appelé la gendarmerie plusieurs fois en arrivant au bureau, doublant par un autre appel au transporteur ou à l'industriel, quand je réussissais à lire leur nom sur la remorque, en les menaçant d'un signalement à une grosse méchante association de protection animale, généralement la FBB, L214 n'existant pas à l'époque ! Grosse avoinée au standard, suivie par la connection avec le directeur himself, à qui je faisais comprendre que ça pouvait vraiment barder pour son matricule. Puis un matin, levée à 5H, partie à 6H30, arrivée à 7H15 devant la barrière de péage de la Gravelle, barrage de camions/traquenard organisé par Interbev, il a fallu faire demi tour, je vous la fait courte, j'ai mis (on a tous mis) 7H pour faire un trajet de normalement 1H30 : c'est ce jour-là que je suis devenue végétarienne. Ces gens maltraitent tout le monde : animaux et humains. Aucun égard pour personne. Si leurs intérêts corporatistes de viandards sont menacés, ils usent de violence.

Il y eut l'épidémie de SRAS en 2003 qui paralysa toute l'Asie et l'Amérique du Nord, avions cloués au sol, virus provenant vraisemblablement d'une chauve-souris : environ 400 morts et l'économie paralysée pendant 8 mois pour un coût de 30 milliards de dollars. Il faudrait aussi parler du SIDA dont le virus a fait des millions de morts dans les années 80 et 90, qui provient sans doute d'un singe africain qui a été en contact avec un braconnier de viande de brousse.
Ces infections arrivent d'animaux pour deux raisons : par le braconnage pour la consommation généralement illégale de viande d'animaux sauvages (c'était le cas à Wuhan pour le COVID_19), et la prolifération humaine, envahissant les territoires des animaux sauvages qui sont porteurs de leurs propres maladies et virus. Il faut rappeler que l'élevage a permis l'avènement des épizooties par ses concentrations d'animaux pour exploiter leur lait et leur viande, puis des épidémies, les virus et bactéries trouvant à leur goût les rapprochements entre espèces, ce qui leur permet de s'adapter et de muter.

Nous leur offrons littéralement un boulevard par nos comportements : invasion / COLONISATION sans frein des espaces des autres, consommation avide de viande, puis transports aériens, routiers, marchés couverts ou de plein air, ces animaux étant revendus partout.
L'anagramme de PETA Coronavirus / carnivorous est tout à fait pertinent même s'il permet juste un jeu de mots en anglais, contrairement à ce qu'ont prétendu les carnistes invétérés, disant qu'il s'agissait d'une théorie complotiste. Diversion, déni.

Depuis la vache dite folle, hormis l'épisode du SRAS en 2003, et celui du H1N1 en 2009, ce sont surtout les animaux qui ont payé le prix fort de notre inconséquence : notamment lors de la peste aviaire de 2016-2017, où des millions de canards et d'oies élevés pour leur foie, ont été abattus en Europe pour éviter la contamination des élevages sains ( la psychose était telle qu'au Conservatoire de la Bintinais à Rennes, ils avaient grillagé les parcs à poules et oies sur le dessus, pour éviter que les oiseaux sauvages s'y posent !) ; là encore, ce n'était pas notre faute, les oiseaux sauvages migrateurs furent accusés d'être vecteurs de la maladie Bird flu, eux dont les espaces de repos et de nourrissage sont bétonnés par l'invasive espèce humaine, les fragilisant lors de leurs longs voyages entre deux continents. Puis, récemment, fin 2019, l'épizootie de peste porcine africaine (African Swine Flu), provenant elle de sangliers sauvages infectés, qui rôde toujours en Europe, a provoqué l'abattage de millions de porcs dans des conditions souvent sordides en Asie (Chine et Vietnam notamment) provoquant une crise du porc, viande prisée des chinois de la classe moyenne, durant les fêtes de commémoration des 70 ans de la Révolution communiste. Du coup, les éleveurs bretons, toujours entre deux baisses des cours, reprennent des couleurs, le malheur des uns (surtout des animaux) fait le bonheur des autres. En route pour la prochaine crise de surproduction. Qui sera réglée par une autre épizootie : car bien entendu, personne ne le dira, mais toutes ces épizooties induisant des abattages massifs d'animaux sains sous prétexte d'enrayer la maladie servent un propos économique : assainir le marché, tuer les petits éleveurs, les petits producteurs qui ne se plient pas aux règles de l'élevage industriel hors-sol, ses investissements, ses bâtiments, son univers concentrationnaire, son air irrespirable, ses entassement d'animaux avec des bonshommes au milieu. C'est ce qu'ils veulent, des animaux incarcérés, élevés loin des regards des consommateurs (malheur aux lanceurs d'alerte qui sont criminalisés dans le même temps en inventant un néologisme "l'agribashing", et la cellule de gendarmerie dédiée : DEMETER), rationalisés à mort, à hyper productivité en éliminant toustes celles et ceux qui veulent faire de l'artisanat. Hors de l'industrie, point de salut, c'est le mantra de la FNSEA, vraie ministre de l'agriculture de notre pays depuis 60 ans.

Pendant que j'écris ce billet, la France (l'Europe même !) est confinée, à l'arrêt : plus d'écoles, plus de bars, plus de restaurants ouverts, les élections municipales 2020 se déroulent dans la psychose, les salariés sont priés de télétravailler, sans aucune préparation, alors même que ce mode de travail devrait depuis longtemps être la norme pour toustes celles/ceux à qui c'est possible, rien que pour éviter la pollution des voitures entassées sur les routes, les rocades et les périphériques. L'économie va le payer très cher, mais c'est le prix pour que notre système de santé résiste et fasse face à un éventuel afflux de malades en détresse, et pour continuer à soigner les autres pathologies. Les sectateurs du libéralisme du toujours trop cher quand il s'agit de services publics sont déjà en train de tourner casaque et à demander le soutien de l'état. La santé est une richesse ai-je entendu un médecin dire hier, elle induit la productivité, la créativité, une économie florissante, au contraire de la maladie qui coûte cher, en soins d'abord, puis en pertes économiques qui chiffrent en milliards. Cette crise due au COVID_19 va nous coûter très cher, d'autant plus cher que rien n'a été anticipé, que les économies drastiques des dernières années font que les lits et les fournitures manquent : masques, gel hydro-alcoolique, même les matières premières pour les fabriquer. Rappelons que les pharmaciens sont AUSSI des préparateurs de médicaments, ils se sont laissés réduire au statut de distributeurs tributaires des industriels et des grossistes.

Tirons-en les conséquences : il va nous falloir changer nos rapports aux animaux ; il est temps d'arrêter les massacres, les charniers de bêtes dans un premier temps, de remettre en ordre nos façons de nous nourrir, en deuxième lieu ; car voir des gens qui se nourrissent principalement de charcuterie, de hamburgers de bœuf, de viande à tous les repas, se ruer sur les pâtes premier prix et le riz anticipant une pénurie, c'est quand même énorme quand on est végétarienne depuis plus de 20 ans ! Que cela leur serve de leçon, qu'ils s'y tiennent quand la crise sera passée. Cette alerte planétaire est une avertissement sans frais, après d'autres, moins sévères. Nous devons arrêter ces charniers, il faut stopper l'holocauste d'animaux d'élevages, il faut stopper l'envahissement des espaces sauvages et leur braconnage, leur chasse même, par l'espèce humaine. Nous sommes tous interdépendants, humains, animaux, nous foulons tous la même Terre, la même planète, certains depuis plus longtemps que nous, elle ne nous appartient pas plus à nous qu'aux autres. Les territoires des animaux sauvages doivent être déclarés inviolables, tels des états souverains. Nous devons végétaliser notre alimentation. L'élevage doit être progressivement abandonné, mais en conservant ces merveilleuses espèces qui nous ont accompagnés depuis le Néolithique, nous le leur devons pour services rendus, par pure gratitude. Sinon la prochaine pandémie nous pend au nez, plus grave encore peut-être. A 8 milliards, certains penseront que de toutes façons on est peinards, qu'on ne peut pas disparaître d'un coup, mais c'est une pensée de comptables, c'est faire l'impasse sur le malheur individuel. Je ne pense pas comme ça. Il est temps de tout changer.

Et même si le sujet de ce billet ce sont les animaux, à qui il est dédié, le changement passe aussi par :
Relocaliser notre production, y compris les matières premières, par ne pas faire que de l'assemblage ;
Arrêter la gestion à l'économie des services publics et de la santé ; indemniser le chômage dont les salariés ne sont pas responsables ;
Arrêter d'entasser les gens dans des villes en vidant les campagnes alentour ; développer le télétravail ;
Arrêter l'économie casino, adopter une autre façon de compter les PIB en y intégrant les externalités positives et négatives ;
Ralentir et stopper toutes les activités toxiques et destructrices de l'environnement, dont fait partie l'élevage industriel.

Actualisation 16/3/20
Lien : Robin des Bois 
Suivez le pangolin, vous comprendrez le monde !
Reuters - Wuhan Outbreak : genetics of the new virus
Maladie infectieuses, des animaux aux humains : communiqué de presse du Parti animaliste.

vendredi 6 mars 2020

Kate Millett, Catharine MacKinnon, Angela Davis :Trois classiques féministes en poche

Les Editions des Femmes ont la bonne idée de publier en poche, trois classiques de la littérature féministe sous couverture ROUGE révolutionnaire. Excellente idée, l'occasion de les lire ou relire, de constituer, ou refaire son fond de bibliothèque.



Sexual politics, la thèse de Kate Millett dont j'ai publié sur ce blog plusieurs extraits, est une analyse de la politique du mâle (son titre initial en français) à travers les grands textes de la littérature anglo-saxonne : Henri Miller, DH Lawrence, Norman Mailer, Charlotte Brontë) et française (Jean Genet). C'est un livre à la thématique socio-politique incontournable. C'est aussi grâce à elle que j'ai lu Villette, roman moins connu que Jane Eyre mais plus autobiographique, un chef d'oeuvre en fait, et Jean Genêt, Miracle de la rose et Notre-Dame des fleurs.

Catharine MacKinnon est une juriste féministe américaine qui a travaillé sur le harcèlement, la pornographie et la prostitution, toutes manifestations du pouvoir masculin sur les femmes. Le féminisme irréductible est un recueil de conférences prononcées dans les années 80, axées sur le juridique, on peut dire qu'il sert de soubassement, involontaire mais annonciateur, puisqu'il lui est antérieur, du Mouvement #MeToo actuel.

Angela Davis

Femmes, race, et classe par Angela Davis, militante marxiste des droits des noirs américains, historienne féministe : son ouvrage fonde ce qu'on appelle aujourd'hui le mouvement intersectionnel, croisant les oppressions de race, classe sociale, et sexe, sur fond historique de l'Amérique du Nord : traite des africains aux fins de mise en esclavage, travail et reproduction forcés, révolte d'une partie de la population noire fuyant les plantations via l'underground railroad ; guerre civile entre le Nord et le Sud (que les français appelle guerre de Sécession), suivie par la politique ségrégationniste et les lynchages dans le Sud, par le cynisme du Nord ; le combat pour la sortie de l'esclavage est suivi par celui pour les droits civiques des afro-américains, lequel est concomitant avec le suffragisme des femmes étatsuniennes qui, de fait, se disent qu'elles non plus n'ont aucun droit citoyen. Les deux mouvements vont s'inspirer l'un de l'autre, alternativement être solidaires souvent, puis de temps en temps concurrents.


Les intérêts des unes et des autres vont sans arrêt respectivement s'inspirer, s'accompagner (lors du vote pour les 14ème, 15ème amendements, droit à la citoyenneté et au vote des anciens esclaves, 19ème amendement : droit de vote des femmes, puis devenir concurrents pour des causes d'agenda, et de real politique (fracture entre le Nord et le Sud), notamment au moment de l'arrêt Roe Vs Wade (avortement 1973) vécu douloureusement par les femmes noires pour des raisons historiques. Le féminisme est bien entendu au début propulsé par des femmes blanches de la classe moyenne éduquée : Angela Davis rend hommage aux quakeresses qui apprendront à lire aux noir-es, les quakers croient en effet à l'égalité et à l'éducation, puis ces dernières, éduquées, excellentes, rejoindront le mouvement, et toutes s'accompagneront solidairement en d'autres circonstances. Les femmes de chambre et domestiques noires (postes toujours massivement tenus par les femmes noires aux USA, c'est un reliquat de l'esclavage) sont d'ailleurs plus proches du combat de la classe des femmes blanches ouvrières travaillant en usine, que des féministes de la classe moyenne haute. On voit bien que toutes les femmes blanches ne sont pas non plus logées à même enseigne.

L'outil d'analyse socio-politique intersectionnel est surtout valable aux USA : la France qui a connu la colonisation n'a jamais été un pays esclavagiste, et si la constitution américaine est une déclaration des droits, le Bill of rights, ses 10 premier amendements, écrits, d'après mes calculs, quelques mois avant la Déclaration universelle des droits de l'homme de la Révolution de 1789, inspirée des philosophes français des Lumières et d'Alexis de Tocqueville, la comparaison s'arrête là. Il me paraît hasardeux de l'appliquer politiquement chez nous, sans adaptation. Il n'y a jamais eu chez nous de racisme d'état. On peut même dire que la Première Guerre mondiale a permis une prise de conscience des noirs américains venus se battre en Europe dans la Somme, qui demandaient en arrivant à leurs alliés, soldats belges et français étonnés "où sont les toilettes pour noirs ?", à quoi ceux-ci répondaient on imagine devant l'étrangeté de la question, que franchement tout le monde va dans les mêmes chiottes, c'est quoi ce truc ? Ils ont ainsi pris conscience que le ségrégationnisme ne faisait système que chez eux, qu'il n'était ni universel, ni donc inéluctable.
L'analyse intersectionnelle est certainement utile sociologiquement, mais politiquement c'est plus douteux. Elle est facteure de divisions et de concurrence des causes. Angela Davis est une féministe matérialiste universaliste, dont le combat est solidaire de toutes les femmes, quelles soient noires, blanches, ouvrières, femmes de ménage ou de classe sociale plus aisée.

Trois ouvrages à lire ou relire pour mettre en perspective historique les mouvements d'aujourd'hui. C'est pas mal de savoir que le féminisme n'a pas commencé en 2010 :)