Dans le sillage de l'affaire Jegou-Auradou, les deux rugbymen du XV de France accusés de viols aggravés après une rencontre en boîte de nuit, par une plaignante argentine, j'ai aperçu il y a une dizaine de jours dans un coin d'écran, la mère de l'un des violeurs présumés (puisqu'il est de bon ton de le préciser en attendant le jugement du tribunal), lors d'un sujet d'actualité. Leurs familles ont été admises à visiter les deux rugbymen incarcérés dans une prison de Mendoza (dont ils sont désormais sortis, assignés à résidence avec port de bracelet électronique) en Argentine, car selon toutes les apparences, la justice considère avoir des motifs suffisants pour cela.
J'ai vu une petite femme, cheveux blancs, solidement entourée de policiers en uniforme, filmée de loin, monter dans une voiture. J'en ai eu les larmes aux yeux de commisération pour elle. Alors qu'elle ne m'en demande pas tant sans doute, qu'elle doit croire son fils innocent, victime d'une menteuse. Toutefois, quand on entend dès le début l'avocate de la plaignante annoncer que "la preuve, c'est le corps de la victime", mordue, battue, portant des traces externes de coups constatés par un médecin légiste, des blessures internes nécessitant une hospitalisation, et quand on a vu les deux mis en examen dépassant de la tête et des épaules les policiers argentins (200 kg et 4 mètres à deux) qui les arrêtaient, on en déduit, si les faits s'avèrent, qu'il s'est agi d'un déferlement de haine virile sur une femme, livrée à deux hommes, ivres de violence, ne se contrôlant plus, la violant à tour de rôle et la cognant pour obtenir ce qu'ils voulaient. Je n'aimerais pas être la mère. Sans induire un seul instant qu'elle y serait pour quelque chose, bien sûr. Je me sens, même sans la connaître plutôt en sororité avec elle. Imaginez le conflit de loyauté ?
Devoir choisir d'être solidaire de fils violents, violeurs, en reniant sa propre classe sociale, faire l'impasse sur leurs comportements révulsifs, mais répétés à maintes occasions, s'ils jugent que les circonstances leurs sont favorables, à la classe sociale des femmes, obligées de prendre fait et cause pour des hommes qui, alcoolisés, cocaïnés, ce qui ne les excuse en rien, peuvent ainsi décharger leurs frustrations sur plus faible, y compris numériquement, qu'eux ? A moins de s'aveugler, je ne vois pas comment affronter ce conflit sans sombrer dans la schizophrénie. N'étant pas mère moi-même, ce que je considère être le bon choix, compte tenu de ce qui précède et de l'état des rapports sociaux de sexe, dans le cas contraire, je crois que j'aurais quand même du mal à choisir le côté des hommes. Mais la société commande aux familles d'être solidaires, et surtout aux femmes de soutenir leur garçons, ces petits sultans : devoir se tenir aux côtés des agresseurs, en se persuadant que ce n'est pas possible que cela se soit produit, contrairement à ce que nous démontrent les "faits divers" qui se produisent tous les jours.
Du Moyen-Orient, de l'Afghanistan ou de l'Iran, et du calvaire de leurs femmes prises dans les filets et les diktats de régimes religieux obscurantistes hyper virils, forteresses assiégées haineuses des femmes, aux foyers d'agresseurs sexuels, rencontres, "compagnons" possesseurs, propriétaires d'ici, le malheur insondable des femmes, c'est qu'elles produisent et élèvent (contraintes, pour les cas des pays à idéologie misogyne) elles-mêmes leurs propres oppresseurs, ou a minima, les oppresseurs de leurs sœurs de misère. Un jour, il va falloir apprendre à se défendre dans des modalités encore à définir et mettre en place, à mener le combat, à répondre à cette guerre qu'ils nous mènent depuis le fond des temps. Il ne manque pourtant pas dans "nos cuisines" d'armes par destination ; si "sa" cuisine est le lieu par excellence le plus dangereux pour une femme, elle peut le devenir pour un homme aussi bien. Je sais que les féministes réformistes cherchant recours et budgets auprès de l'état et de ses institutions patriarcales, police, justice, ne veulent pas en entendre parler, qu'elles ne sont même pas prêtes à bannir de leurs invites (comme je l'ai encore lu cette semaine sur Twitter, sous un post annonçant un féminicide) : "Choisissez bien vos maris, Mesdames !" Et si le salut c'était au contraire de choisir de ne pas en choisir ? De ne pas rendre de services ni perpétuer cette classe sociale tant que les choses seront ce qu'elles sont : à savoir que ce sont toujours les femmes qui vont à l'équarrissage ! Laisser ne serait-ce qu'une porte entrouverte, une alternative, l'option de ne pas s'en trouver un, serait déjà grandement libérateur.
" Si la vie doit se maintenir sur cette planète, il doit advenir une décontamination de la Terre. Je pense qu'elle sera accompagnée par un processus évolutif, par une pression de l'évolution, qui résultera dans une réduction drastique de la population des hommes. " Mary Daly.