samedi 27 juillet 2024

Punching ball, sac de frappe, ring de boxe

Dans le sillage de l'affaire Jegou-Auradou, les deux rugbymen du XV de France accusés de viols aggravés après une rencontre en boîte de nuit, par une plaignante argentine, j'ai aperçu il y a une dizaine de jours dans un coin d'écran, la mère de l'un des violeurs présumés (puisqu'il est de bon ton de le préciser en attendant le jugement du tribunal), lors d'un sujet d'actualité. Leurs familles ont été admises à visiter les deux rugbymen incarcérés dans une prison de Mendoza (dont ils sont désormais sortis, assignés à résidence avec port de bracelet électronique) en Argentine, car selon toutes les apparences, la justice considère avoir des motifs suffisants pour cela.

J'ai vu une petite femme, cheveux blancs, solidement entourée de policiers en uniforme, filmée de loin, monter dans une voiture. J'en ai eu les larmes aux yeux de commisération pour elle. Alors qu'elle ne m'en demande pas tant sans doute, qu'elle doit croire son fils innocent, victime d'une menteuse. Toutefois, quand on entend dès le début l'avocate de la plaignante annoncer que "la preuve, c'est le corps de la victime", mordue, battue, portant des traces externes de coups constatés par un médecin légiste, des blessures internes nécessitant une hospitalisation, et quand on a vu les deux mis en examen dépassant de la tête et des épaules les policiers argentins (200 kg et 4 mètres à deux) qui les arrêtaient, on en déduit, si les faits s'avèrent, qu'il s'est agi d'un déferlement de haine virile sur une femme, livrée à deux hommes, ivres de violence, ne se contrôlant plus, la violant à tour de rôle et la cognant pour obtenir ce qu'ils voulaient. Je n'aimerais pas être la mère. Sans induire un seul instant qu'elle y serait pour quelque chose, bien sûr. Je me sens, même sans la connaître plutôt en sororité avec elle. Imaginez le conflit de loyauté ? 

Devoir choisir d'être solidaire de fils violents, violeurs, en reniant sa propre classe sociale, faire l'impasse sur leurs comportements révulsifs, mais répétés à maintes occasions, s'ils jugent que les circonstances leurs sont favorables, à la classe sociale des femmes, obligées de prendre fait et cause pour des hommes qui, alcoolisés, cocaïnés, ce qui ne les excuse en rien, peuvent ainsi décharger leurs frustrations sur plus faible, y compris numériquement, qu'eux ? A moins de s'aveugler, je ne vois pas comment affronter ce conflit sans sombrer dans la schizophrénie. N'étant pas mère moi-même, ce que je considère être le bon choix, compte tenu de ce qui précède et de l'état des rapports sociaux de sexe, dans le cas contraire, je crois que j'aurais quand même du mal à choisir le côté des hommes. Mais la société commande aux familles d'être solidaires, et surtout aux femmes de soutenir leur garçons, ces petits sultans : devoir se tenir aux côtés des agresseurs, en se persuadant que ce n'est pas possible que cela se soit produit, contrairement à ce que nous démontrent les "faits divers" qui se produisent tous les jours. 

Du Moyen-Orient, de l'Afghanistan ou de l'Iran, et du calvaire de leurs femmes prises dans les filets et les diktats de régimes religieux obscurantistes hyper virils, forteresses assiégées haineuses des femmes, aux foyers d'agresseurs sexuels, rencontres, "compagnons" possesseurs, propriétaires d'ici, le malheur insondable des femmes, c'est qu'elles produisent et élèvent (contraintes, pour les cas des pays à idéologie misogyne) elles-mêmes leurs propres oppresseurs, ou a minima, les oppresseurs de leurs sœurs de misère. Un jour, il va falloir apprendre à se défendre dans des modalités encore à définir et mettre en place, à mener le combat, à répondre à cette guerre qu'ils nous mènent depuis le fond des temps. Il ne manque pourtant pas dans "nos cuisines" d'armes par destination ; si "sa" cuisine est le lieu par excellence le plus dangereux pour une femme, elle peut le devenir pour un homme aussi bien. Je sais que les féministes réformistes cherchant recours et budgets auprès de l'état et de ses institutions patriarcales, police, justice, ne veulent pas en entendre parler, qu'elles ne sont même pas prêtes à bannir de leurs invites (comme je l'ai encore lu cette semaine sur Twitter, sous un post annonçant un féminicide) : "Choisissez bien vos maris, Mesdames !" Et si le salut c'était au contraire de choisir de ne pas en choisir ? De ne pas rendre de services ni perpétuer cette classe sociale tant que les choses seront ce qu'elles sont  : à savoir que ce sont toujours les femmes qui vont à l'équarrissage ! Laisser ne serait-ce qu'une porte entrouverte, une alternative, l'option de ne pas s'en trouver un, serait déjà grandement libérateur. 


" Si la vie doit se maintenir sur cette planète, il doit advenir une décontamination de la Terre. Je pense qu'elle sera accompagnée par un processus évolutif,  par une pression de l'évolution, qui résultera dans une réduction drastique de la population des hommes. " Mary Daly.

7 commentaires:

  1. Chère Hypathie, moi, j'ai choisi d'avoir des enfants. Je dis choisi parce que je m'y suis prise tard et j'ai délibérément décidé. J'ai un garçon et une fille. Ce sont deux belles personnes, mais mon fils a beaucoup souffert de sa non "virilité". Il est hétéro mais peu porté sur tout ce qui manifeste soi-disant la virilité, notamment l'agressivité. Au collège, les petits crétins le harcelaient , au lycée, ça s'est calmé et il a maintenant 40 ans et c'est un être apprécié pour sa gentillesse et sa sensibilité. Mais il avait le soutien de ses parents. Je plains en effet la mère, mais elle a sans doute encouragé son petit d'homme dans un sport qui est loin d'être dénué de violence.

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  2. Effectivement, j'aurais pu le rajouter, car j'en suis bien consciente, les autres victimes de tout cela, ce sont les garçons et les hommes qui ne se targuent pas d'une virilité exacerbée et qui n'obéissent pas, eux non plus, aux injonctions patriarcales parce qu'ils résistent, ou ne s'en sentent tout simplement pas l'envie. Mon sujet étant les femmes, je parle surtout des femmes, mais évidemment, tout est lié. Le malheur des unes rejaillit forcément sur les autres. ll faut voir la 'big picture'. Merci de votre passage et de votre commentaire.

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  3. On peut supposer que, très vraisemblablement, les garçons qui deviennent des hommes violents ont été élevés par leurs parents comme des petits rois à qui tout est dû. Sont en partie responsables de ces crimes, les mères qui encouragent les comportements virilistes chez leurs fils et les élèvent comme s'ils étaient le centre du monde, sans jamais les blâmer chaque fois qu'ils instrumentalisent et violentent autrui.

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  4. Bien sûr que les mères y sont aussi pour quelque chose, mais les enfants, même de mères féministes échappent tellement à leurs parents ! Crèche, école, clubs de sports, colonies de vacances, activités diverses où sont très présents les rôles sociaux de sexe qui cassent la tête de leurs enfants. La télévision, jamais en retard d'un dressage social notamment dans les émissions d'après-midi spéciales femmes et filles, tant d'autres occasions de formatage social. C'est très difficile de lutter contre cette société patriarcale à cœur. Et d'échapper à ses injonctions, de lutter contre le grégarisme. L'instinct du troupeau, écrivait Nietzsche dans Le gai savoir.

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    1. Merci au fait pour votre passage et votre commentaire ;)) !

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    2. Oui vous avez raison concernant les différents lieux de socialisation en dehors du contexte familial. Concernant la télévision, je me rappelle du temps de mon adolescence où je la regardais et à quel point les émissions étaient toxiques pour les femmes en raison de leur sexisme outrancier. Je crois maintenant qu'il faut ne pas avoir de télévision chez soi pour éduquer correctement ses enfants. Mais pour le reste c'est difficile de lutter, surtout qu'à l'école les garçons qui ne se conforment pas aux normes de la virilité sont souvent mis sur la touche, brimés, comme l'a écrit Zoé.

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    3. Voilà ! Plus la pornographie sur Internet et les plateformes sociales, qui sont des lieux d'initiation au sexe et donc à la dégradation des femmes, puisque la pornographie c'est la vision dégradante des hommes sur le sexe. Quasi mission impossible, donc. Mais je ne veux pas décourager celles / ceux qui malgré tout, veulent tenter l'aventure ;))

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