dimanche 12 avril 2020

Le jour d'après

Fête de la saucisse en une du Parisien, le 5 avril 2020 : le monde d'après promet de ressembler furieusement à celui d'avant !


Une fois encore, pendant que les femmes sont en première ligne, assurant les soins (femmes médecins, infirmières y compris libérales, aides-soignantes, y compris de HAD et d'EHPAD, anesthésistes-réanimatrices, Infirmières générales coordinatrices des hôpitaux et des cliniques, pharmaciennes hospitalières et d'officine, biologistes des laboratoires, bio-nettoyeuses (agentes des services hospitaliers, en charge du nettoyage), et en deuxième ligne, les caissières de supermarchés, les professeures devant assurer la scolarité des enfants des premières lignes soignantes, psychologues soutenant le moral de toutes ces troupes..., les mecs eux, comme à leur habitude, pérorent et préparent le monde d'après ! Notez qu'ils ont le temps : sur les plateaux de télé, les toutologues -experts en tout, ce qui est contradictoire dans les termes, mais au masculin tout est possible, et les médecins de plateau sont en majorité des hommes. On peut donc craindre que le jour d'après ressemblera furieusement au jour d'avant. Voici pourquoi je ne suis pas optimiste.

On entend déjà de plus en plus de "spécialistes" mettre en doute l'origine animale de la contamination  planétaire par le COVID19, et on en entendra d'autres, la "scène de crime", à savoir le wet market de Wuhan d'où est partie l'épidémie, ayant été détruite par les chinois. On n'a plus aucun espoir de travailler dessus. Evidemment que pendant la crise il faut traiter l'urgence, les patients, et tenter d'endiguer l'épidémie, mais durant ce temps, on perd de vue les principales raisons à l'origine de ce désastre. A savoir, la destruction de la biodiversité et des espèces sauvages, l'envahissement des espaces des autres espèces par l'humanité toujours plus nombreuse avec de plus en plus de besoins, la déforestation qui s'ensuit, l'élevage et son appauvrissement génétique et donc immunitaire des animaux qui ne tiennent contre les épizooties et zoonoses qu'entassés en bâtiment, pendant que nos terres cultivables sont dédiées à leur fournir leurs protéines végétales que nous pourrions manger nous-mêmes, le tout en absorbant des quantités astronomiques d'eau, ressource en cours de raréfaction au fur et à mesure de la désertification provoquée par nos besoins en terres cultivables et donc en déforestation. Un cercle vicieux. Parlons aussi de la pandémie d'obésité mondiale, non traitée comme une urgence, dont les mal portants diabétiques et faisant de l'hypertension artérielle sont les premières victimes du COVID19 si l'on en croit les statistiques. Ca va mal finir, les végétariens et les défenseurs des animaux le disent depuis des années, en pure perte. Cette catastrophe du coronavirus était prévue. Le coronavirus du SRAS de 2003 était un avertissement, celui de la grippe porcine H1N1, plus bénigne, de 2009 aussi.

La puissance de la viande et l'impuissance des militantes de la cause animale et des défenseurs de l'environnement.
La viande est puissante, le lobby (masculin) des éleveurs est puissant, ils tiennent les politiques sous leur influence. C'est la définition même du lobby : plus il est petit, plus il est influent et toxique. Les militantes de la cause animale, les végétariennes sont des nobodys à côté, ce d'autant plus qu'elles sont des femmes en majorité, et que ceux que nous défendons, les animaux, sont des nobodys aussi. Leur état non amendable de quasi non-êtres définitivement établi par la philosophie, rejaillit sur leurs défenseurs. Nos voix ne portent pas. Les militants hommes qui sont avec nous, dans le même combat, sont féminisés, renvoyés au statut de "femmelettes" à émotivité et sensiblerie à fleur de peau, provoquant chez certains d'entre eux des réactions ultra-viriles telles ces images de sportifs véganes aux corps sculptés, et aux pectoraux en "tablettes de chocolat". Comme s'il fallait en permanence donner le change, faire montre d'hyper puissance et d'antagonisme face aux éléments terrestres déchaînés contre nous.

Car la crise du COVID19 est bel et bien une crise écologique, un sinistre craquement, un avertissement de plus de notre écosystème. Saurons-nous l'entendre ? Depuis deux mois, nous avons su collectivement arrêter l'économie marchande mondiale pour nous donner le temps de soigner nos malades, contenir l'épidémie et préserver la capacité de notre système de santé ; la moitié de l'humanité, soit plus de 3 milliards d'humains sont à l'arrêt, confinés chez eux : saurons-nous prendre ce temps pour réfléchir au jour d'après ? Reconnaître que les super-héros qui "sauvent le monde" sont en fait des héroïnes qui font ce qu'elles peuvent avec les pauvres moyens qui leur ont été laissés par les ultras du libéralisme, du "marché", censé tout réguler pour le bien de tous dans son immense sagesse ? Qui nous dit que les intégristes libéraux, ces évangélistes de malheur, "there is no alternative", ne sont pas en train de polir de nouveau arguments pour mieux revenir après le désastre ?

Vraisemblablement, quelques usines seront rapatriées d'Asie pour être relocalisées, au moins celles de production de molécules médicamenteuses, et de fournitures de santé pour éviter les pénuries en cas de crises appelées à se répéter : il reste juste à espérer qu'elles seront restaurées sur des friches industrielles pour éviter la vitrification de nouvelles terres cultivables, mais ce n'est même pas sûr. Il faudra être vigilantes. Les grands rassemblements humains où on s'échange des bactéries, prétextes à salir l'environnement, seront sans doute revus aussi à la baisse : pour moi cela ne changera rien, je n'y mettais jamais les pieds, je n'ai jamais compris ce goût pour les multitudes de notre espèce coloniale envahissante. La distance sociale deviendra aussi la norme, je ne m'en plaindrai pas non plus. La société de la surveillance, n'en doutons pas, tirera elle aussi quelques avantages de la situation, elle ne se privera pas de pousser ses pions, en tous cas. Les régimes autoritaires de mâles pères fouettards, rognant sur nos libertés individuelles et collectives engrangeront eux aussi, comme après tous les désordres provoqués par eux (et nous, c'est nous qui sommes le problème sur cette planète) de bons scores électoraux. La surchauffe économique nous est promise pour résorber le chômage de masse de l'après-crise, puisque nous ne savons décidément pas faire autrement que croître et nous multiplier en ravageant notre maison commune ! La consommation de viande reprendra de plus belle, alors que les végétariens se portent bien et que rien ne démontre qu'ils ont des carences, qu'ils ne consomment que peu d'espace terrestre et d'eau pour se nourrir, qu'ils n'émettent pas, par l'élevage très émetteur lui, de gaz à effet de serre, qu'ils ne provoquent pas de tueries d'animaux d'élevage ni sauvages, peu ou pas du tout de catastrophes sanitaires. Le carnisme est irrationnel, il est une superstition irresponsable, personne ne peut plus l'ignorer.

Aussi la couverture du Parisien est tout à fait prédictive de leurs agendas de toujours : ces 4 hommes issus du sérail, qui y ont fait carrière et prospéré, ne lutteront pas contre la doxa, ni n'émettront pas une idée en rupture avec elle, ils n'y ont pas intérêt ; un Thierry Breton, ingénieur Supélec, chef d'entreprises Thomson, France Télécom (j'ai bien connu et travaillé avec quelques Supélec, gris, plutôt phobiques sociaux, incapables d'expliquer leur prises de décisions à leur personnel, consensuels mous, pas de quoi se relever la nuit, franchement) peut-il avoir des idées "disruptives" d'avec la doxa d'avant, croissantiste et illimitiste ? Idem pour Axel Kahn, expert en bioéthique, classé à gauche, dont j'ai un souvenir cuisant à la radio de sa haine d'une femme et de ses décisions reproductives. Les hommes débordés sur leur droite par des femmes fanatiques de la natalité, utilisant les pires techniques d'élevage pour arriver à leurs fins, ont toujours des réactions de haine : pas touche à leurs prérogatives et antériorité prescriptive en matière de reproduction, c'est leur pré carré depuis le néolithique : ils me fatiguent. Les femmes font ce qu'elles veulent de leurs ovaires, qu'ils se le tiennent pour dit. La seule attitude qu'on tolérera désormais des hommes est celle de l'humilité. Ils nous ont assez jugées, asservies et colonisées comme ça, avec les résultats qu'on sait. Quand aux "experts" environnementaux qui nous expliquent qu'il va "falloir croître autrement", "mieux répartir la pénurie des ressources et mieux les gérer", la limitation des besoins humains, la frugalité ne sont jamais à leur programme parce que ce n'est pas vendeur politiquement. Nos voisins de planète, les autres animaux, ne sont toujours pas non plus inclus ou à peine évoqués, dans leurs programmes politiques, alors que nos destins sont liés. L'espèce humaine est et reste pour eux, l'alpha et l'oméga de toute Création. A la fin, c'est de l'obscurantisme et de la superstition.

On doit aussi souhaiter et agir pour que LES FEMMES COMPTENT, ENFIN, vu qu'elles auront largement prouvé durant cette crise, que sans leurs soins et leur travail (emplois marchands ou non), on ne s'en sortirait pas ou plus mal, car elles sont sur le front, aux avant-postes, de ce que les mecs appellent une guerre, oublieux qu'ils sont que les guerres, c'est toujours eux qui les déclarent : à la nature, aux autres espèces ensuite, aux femmes enfin... Mais là non plus, je ne suis pas optimiste, nous avons un tel atavisme culturel à valoriser ce qui est parasitaire et toxique, et à nier, trivialiser tout ce qui nous est tellement utile. Je laisse le dernier mot à Françoise d'Eaubonne :

" Comment donc le problème du profit maximal qui sacrifie l'intérêt collectif à l'intérêt privé, ou de la course au pouvoir qui se substitue à cet intérêt collectif en cas de révolution, comment donc ce problème pourrait-il être résolu tant que les structures mentales resteront ce qu'elles sont, à savoir informées par 50 siècles de domination masculine planétaire, surexploitatrice et destructrice des ressources ?
Françoise d'Eaubonne - Le féminisme ou la mort - 1973 

Et à Jane Goodall, primatologue, défenseure des animaux, et végane :