L'agriculture argentine (qui occupe 7 % de la population et 5 % du PIB) est constituée d'élevages extensifs qui couvrent presque la moitié de son territoire (c'est ce que veut dire extensif : ça prend de la place sans être très rentable), mais c'est le soja, le maïs et le blé qui comptent en majorité dans sa production, notamment à l'export. Alors pourquoi pas un morceau de tofu ? Quand aux allemands, je sais qu'ils exportent plutôt des machines-outils et non pas des couteaux et des fourchettes ! Si la machine-outil est totalement virile (allez au Salon de la Machine-Outil, si vous ne me croyez pas), le tofu (fait avec du soja, légumineuse très protéinée) lui, l'est moins. Et puis, les hommes veulent du bacon enroulé dans du bacon !
"Un vrai gars, ça a tout le temps faim, ça mange un ours avec la peau et les poils, et pas de salade. Et un gars, ça mange du gras, si vous aimez les légumes, enlevez 5 points" -à votre virilité. Vous pouvez vous amuser à aller sur ce lien Êtes-vous un VRAI gars, faites le test ! Et gaffe à ne pas faire de réponses de chochottes : vous débutez avec un capital de 100 points et à chaque mauvaise réponse, vous perdez des points, je vous aurais assez prévenus en vous donnant tous ces indices. La viande, c'est viril, se tue à vous dire le Guide (québécois) des Restaus 2014
tandis que le melon, lui est nettement plus féminin :
Ces illustrations sont furieusement dans la tendance Foodporn qui fait un tabac sur Internet et les réseaux sociaux en ce moment. Foodporn : photos consistant à glorifier de la nourriture comme substitut du sexe selon ce lien Wikipedia en anglais.
Tout ça pour vous introduire l'excellent billet d'Elise Desaulniers sur le Site québécois Françoise Stéréo :
Les vrais mâles préfèrent la viande – Convergences du féminisme et de l’antispécisme
(Antispécisme : lutte contre les préjugés liés à l'espèce, ou spécisme)
"Sur la couverture de son numéro « spécial hommes » présentement en kiosque, Ricardo s’est entouré de six semblables pour nous offrir des côtes levées, du poulet frit et des trucs technos. Entre les fumoirs et les meilleures coupes de bœuf pour le BBQ trône une section sur le bacon – où quelqu’un a trouvé le moyen d’ajouter quatre tranches de fesses de cochon à une tarte aux pacanes. Certains y verront un florilège de clichés, mais le magazine défend son manque d’imagination : si on patauge dans les stéréotypes, c’est que le client en redemande. « Lorsqu’on a fait un appel à tous auprès de nos lecteurs pour savoir quel genre de plat ils aimeraient avoir dans notre numéro spécial gars, le message qu’ils nous ont envoyé était clair : “On veut du bacon au bacon enroulé dans du bacon.” C’est donc à leur demande que nous avons décidé d’ajouter ce dossier 100 % cochon. »
Dans le monde de Ricardo, tous les hommes sont blancs, plutôt riches,
plutôt forts, plutôt d’âge moyen. Et assurément hétérosexuels et
carnivores. Seul Ricardo peut se permettre un peu de sensibilité avec
des framboises et des poivrons en nous faisant visiter son jardin. Les
autres gars, les vrais, maintiennent la ligne dure : « Les filles
seraient étonnées de voir qu’on mange de la salade quand elles ne sont
pas là… c’est parce qu’elle contient du steak », affirme Hugo dans le
reportage sur le « party de gars 100 % bœuf ». Il serait sans doute
d’accord avec l’analyse du rapport des hommes à la viande que fait le
publicitaire Jimmy Berthelet, sur le site Web du magazine : « Le
barbecue nous connecte avec nos origines les plus primaires. Des
flammes, une pièce de viande, l’odeur de la fumée… c’est une expérience
imprégnée en nous. C’est une cuisson d’instinct et de toucher. »"Sur la couverture de son numéro « spécial hommes » présentement en kiosque, Ricardo s’est entouré de six semblables pour nous offrir des côtes levées, du poulet frit et des trucs technos. Entre les fumoirs et les meilleures coupes de bœuf pour le BBQ trône une section sur le bacon – où quelqu’un a trouvé le moyen d’ajouter quatre tranches de fesses de cochon à une tarte aux pacanes. Certains y verront un florilège de clichés, mais le magazine défend son manque d’imagination : si on patauge dans les stéréotypes, c’est que le client en redemande. « Lorsqu’on a fait un appel à tous auprès de nos lecteurs pour savoir quel genre de plat ils aimeraient avoir dans notre numéro spécial gars, le message qu’ils nous ont envoyé était clair : “On veut du bacon au bacon enroulé dans du bacon.” C’est donc à leur demande que nous avons décidé d’ajouter ce dossier 100 % cochon. »
Les vrais mâles préfèrent la viande. Cette idée simpliste est bien ancrée dans notre culture. La viande est associée à la force physique : les hommes sont forts, les hommes doivent être forts; les hommes ont besoin de viande. Dans la grande dichotomie patriarcale, la symbolique de la viande résonne avec des qualités typiquement masculines : le courage, la puissance sexuelle, la richesse et le prestige. L’entrecôte, c’est la nourriture de ceux qui ont atteint le penthouse de la chaîne alimentaire. À l’opposé, les légumes inspirent l’ennui, la passivité. Végéter, c’est vivre de façon inerte, sans volonté.
Si l’identité masculine est associée aux côtes levées, les femmes, elles, sont du côté des légumes en papillote. Au 19e siècle, Hegel écrivait d’ailleurs que « la différence qu’il y a entre l’homme et la femme est celle qu’il y a entre l’animal et la plante. L’animal correspond davantage au tempérament masculin, la plante davantage à celui de la femme. Car la femme a davantage un développement paisible, dont le principe est l’unité indéterminée de la sensibilité[2] ». On l’aura deviné, Hegel n’était pas très queer."
Pour lire la suite, dans la même verve passionnante et argumentée, citant Sexual politics of meat de Carol J Adams dont j'ai parlé sur ce blog, comparant le sort fait aux femmes, aux colonisés, aux animaux dans nos sociétés patriarcales, et établissant une convergence entre féminisme et antispécisme. C'est par ici : paragraphe