dimanche 15 mars 2020

La revanche du pangolin

Mon titre pourrait aussi bien être la revanche de la chauve-souris, mais le pangolin est plus emblématique et plus populaire, donc va pour le pangolin, représentant dans cette crise de tous les animaux sauvages qui finissent dans les charniers de l'humanité. Le pangolin est un petit mammifère africain braconné jusqu'à l'extinction par croyance obscurantiste, et pour le caprice humain. Il est représentatif du sort que nous faisons aux animaux et des malheurs à répétition qui en découlent. Sa viande et ses écailles étaient vendues parmi celles d'autres animaux sauvages sur le wet market de Wuhan, épicentre de l'épidémie de coronavirus qui balaie actuellement la planète.
Les coups de semonce se succèdent et l'humanité n'entend pas. Le sort et la santé de l'humanité et des animaux sauvages comme d'élevage sont liés, comme le spécifie ci-dessous l'affiche de l'OiE dont le nom s'épelait en français, mais qui est devenue l'Organisation Mondiale de la Santé Animale  -dans l'optique de l'élevage, naturellement. C'est, comme aurait dit De Gaulle "un machin" international rigoureusement inconnu du grand public, abondé par nos impôts sans doute.


Il y a 21 ans, soit une éternité, il y eut la crise de la vache dite "folle" : c'était la vache qui était devenue folle, pas l'industrie de l'élevage qui a fait de bovins herbivores des granivores (maïs, soja, toutes graines légumineuses hyper protéinées), puis graduellement, des carnivores, par le nourrissement par des farines animales, résidus d'abattoirs dont les abatteurs ne savaient trop que faire, mais du coup bourrées de protéines animales, le top du top en matière de protéines, nous serine-t-on encore. Sauf que rendues cannibales, les vaches développèrent un prion qui détruit le cerveau. Ou comment se défausser de sa propre folie sur l'animal le plus exploité, le plus maltraité, le plus asservi par l'humanité pour ses besoins, pour ses caprices, depuis le Néolithique. Mesure prophylactique, pendant des mois, des élevages d'animaux sains (j'insiste, l'immense majorité étaient sains) voyaient arriver un escadron de gendarmerie en costume de cosmonaute, généralement survolé par un hélicoptère, installant un cordon sanitaire autour de la ferme ou même du village, qui chargeaient des camions de troupeaux de 80 à 120 vaches, ou moins, et les emmenaient vers l'abattoir réquisitionné et dédié, ou dans des centres d'équarrissages où elles étaient abattues puis jetées, brûlées sur des bûchers ! Rigoureusement SIC. Je me souviens un soir d'un journal télévisé de France 2 filmant un éleveur, un mec dans les 40 ans, qui venait de voir partir ses 80 montbéliardes saines, dont la voix s'est étranglée et qui s'est mis à sangloter à l'entrée de son champ. Impossible de ne pas sangloter avec lui : je suis restée trois semaines sans regarder les JT, tellement c'était terrible. Premier coup de semonce pour moi. Il faut dire qu'à l'époque j'allais travailler en CDD dans la zone industrielle Nord du Mans, en suivant sur l'autoroute A11 des cochons qui allaient faire des rillettes chez SOCOPA, à Connéré, entre le Mans et La Ferté Bernard. Il n'était pas rare d'ailleurs de voir des remorques garées sur la bande d'arrêt d'urgence, chargées de porcs, appuyées sur le bec d'attelage, chargement en pente à 45° de dénivellement entre le haut et le bas ; j'ai même appelé la gendarmerie plusieurs fois en arrivant au bureau, doublant par un autre appel au transporteur ou à l'industriel, quand je réussissais à lire leur nom sur la remorque, en les menaçant d'un signalement à une grosse méchante association de protection animale, généralement la FBB, L214 n'existant pas à l'époque ! Grosse avoinée au standard, suivie par la connection avec le directeur himself, à qui je faisais comprendre que ça pouvait vraiment barder pour son matricule. Puis un matin, levée à 5H, partie à 6H30, arrivée à 7H15 devant la barrière de péage de la Gravelle, barrage de camions/traquenard organisé par Interbev, il a fallu faire demi tour, je vous la fait courte, j'ai mis (on a tous mis) 7H pour faire un trajet de normalement 1H30 : c'est ce jour-là que je suis devenue végétarienne. Ces gens maltraitent tout le monde : animaux et humains. Aucun égard pour personne. Si leurs intérêts corporatistes de viandards sont menacés, ils usent de violence.

Il y eut l'épidémie de SRAS en 2003 qui paralysa toute l'Asie et l'Amérique du Nord, avions cloués au sol, virus provenant vraisemblablement d'une chauve-souris : environ 400 morts et l'économie paralysée pendant 8 mois pour un coût de 30 milliards de dollars. Il faudrait aussi parler du SIDA dont le virus a fait des millions de morts dans les années 80 et 90, qui provient sans doute d'un singe africain qui a été en contact avec un braconnier de viande de brousse.
Ces infections arrivent d'animaux pour deux raisons : par le braconnage pour la consommation généralement illégale de viande d'animaux sauvages (c'était le cas à Wuhan pour le COVID_19), et la prolifération humaine, envahissant les territoires des animaux sauvages qui sont porteurs de leurs propres maladies et virus. Il faut rappeler que l'élevage a permis l'avènement des épizooties par ses concentrations d'animaux pour exploiter leur lait et leur viande, puis des épidémies, les virus et bactéries trouvant à leur goût les rapprochements entre espèces, ce qui leur permet de s'adapter et de muter.

Nous leur offrons littéralement un boulevard par nos comportements : invasion / COLONISATION sans frein des espaces des autres, consommation avide de viande, puis transports aériens, routiers, marchés couverts ou de plein air, ces animaux étant revendus partout.
L'anagramme de PETA Coronavirus / carnivorous est tout à fait pertinent même s'il permet juste un jeu de mots en anglais, contrairement à ce qu'ont prétendu les carnistes invétérés, disant qu'il s'agissait d'une théorie complotiste. Diversion, déni.

Depuis la vache dite folle, hormis l'épisode du SRAS en 2003, et celui du H1N1 en 2009, ce sont surtout les animaux qui ont payé le prix fort de notre inconséquence : notamment lors de la peste aviaire de 2016-2017, où des millions de canards et d'oies élevés pour leur foie, ont été abattus en Europe pour éviter la contamination des élevages sains ( la psychose était telle qu'au Conservatoire de la Bintinais à Rennes, ils avaient grillagé les parcs à poules et oies sur le dessus, pour éviter que les oiseaux sauvages s'y posent !) ; là encore, ce n'était pas notre faute, les oiseaux sauvages migrateurs furent accusés d'être vecteurs de la maladie Bird flu, eux dont les espaces de repos et de nourrissage sont bétonnés par l'invasive espèce humaine, les fragilisant lors de leurs longs voyages entre deux continents. Puis, récemment, fin 2019, l'épizootie de peste porcine africaine (African Swine Flu), provenant elle de sangliers sauvages infectés, qui rôde toujours en Europe, a provoqué l'abattage de millions de porcs dans des conditions souvent sordides en Asie (Chine et Vietnam notamment) provoquant une crise du porc, viande prisée des chinois de la classe moyenne, durant les fêtes de commémoration des 70 ans de la Révolution communiste. Du coup, les éleveurs bretons, toujours entre deux baisses des cours, reprennent des couleurs, le malheur des uns (surtout des animaux) fait le bonheur des autres. En route pour la prochaine crise de surproduction. Qui sera réglée par une autre épizootie : car bien entendu, personne ne le dira, mais toutes ces épizooties induisant des abattages massifs d'animaux sains sous prétexte d'enrayer la maladie servent un propos économique : assainir le marché, tuer les petits éleveurs, les petits producteurs qui ne se plient pas aux règles de l'élevage industriel hors-sol, ses investissements, ses bâtiments, son univers concentrationnaire, son air irrespirable, ses entassement d'animaux avec des bonshommes au milieu. C'est ce qu'ils veulent, des animaux incarcérés, élevés loin des regards des consommateurs (malheur aux lanceurs d'alerte qui sont criminalisés dans le même temps en inventant un néologisme "l'agribashing", et la cellule de gendarmerie dédiée : DEMETER), rationalisés à mort, à hyper productivité en éliminant toustes celles et ceux qui veulent faire de l'artisanat. Hors de l'industrie, point de salut, c'est le mantra de la FNSEA, vraie ministre de l'agriculture de notre pays depuis 60 ans.

Pendant que j'écris ce billet, la France (l'Europe même !) est confinée, à l'arrêt : plus d'écoles, plus de bars, plus de restaurants ouverts, les élections municipales 2020 se déroulent dans la psychose, les salariés sont priés de télétravailler, sans aucune préparation, alors même que ce mode de travail devrait depuis longtemps être la norme pour toustes celles/ceux à qui c'est possible, rien que pour éviter la pollution des voitures entassées sur les routes, les rocades et les périphériques. L'économie va le payer très cher, mais c'est le prix pour que notre système de santé résiste et fasse face à un éventuel afflux de malades en détresse, et pour continuer à soigner les autres pathologies. Les sectateurs du libéralisme du toujours trop cher quand il s'agit de services publics sont déjà en train de tourner casaque et à demander le soutien de l'état. La santé est une richesse ai-je entendu un médecin dire hier, elle induit la productivité, la créativité, une économie florissante, au contraire de la maladie qui coûte cher, en soins d'abord, puis en pertes économiques qui chiffrent en milliards. Cette crise due au COVID_19 va nous coûter très cher, d'autant plus cher que rien n'a été anticipé, que les économies drastiques des dernières années font que les lits et les fournitures manquent : masques, gel hydro-alcoolique, même les matières premières pour les fabriquer. Rappelons que les pharmaciens sont AUSSI des préparateurs de médicaments, ils se sont laissés réduire au statut de distributeurs tributaires des industriels et des grossistes.

Tirons-en les conséquences : il va nous falloir changer nos rapports aux animaux ; il est temps d'arrêter les massacres, les charniers de bêtes dans un premier temps, de remettre en ordre nos façons de nous nourrir, en deuxième lieu ; car voir des gens qui se nourrissent principalement de charcuterie, de hamburgers de bœuf, de viande à tous les repas, se ruer sur les pâtes premier prix et le riz anticipant une pénurie, c'est quand même énorme quand on est végétarienne depuis plus de 20 ans ! Que cela leur serve de leçon, qu'ils s'y tiennent quand la crise sera passée. Cette alerte planétaire est une avertissement sans frais, après d'autres, moins sévères. Nous devons arrêter ces charniers, il faut stopper l'holocauste d'animaux d'élevages, il faut stopper l'envahissement des espaces sauvages et leur braconnage, leur chasse même, par l'espèce humaine. Nous sommes tous interdépendants, humains, animaux, nous foulons tous la même Terre, la même planète, certains depuis plus longtemps que nous, elle ne nous appartient pas plus à nous qu'aux autres. Les territoires des animaux sauvages doivent être déclarés inviolables, tels des états souverains. Nous devons végétaliser notre alimentation. L'élevage doit être progressivement abandonné, mais en conservant ces merveilleuses espèces qui nous ont accompagnés depuis le Néolithique, nous le leur devons pour services rendus, par pure gratitude. Sinon la prochaine pandémie nous pend au nez, plus grave encore peut-être. A 8 milliards, certains penseront que de toutes façons on est peinards, qu'on ne peut pas disparaître d'un coup, mais c'est une pensée de comptables, c'est faire l'impasse sur le malheur individuel. Je ne pense pas comme ça. Il est temps de tout changer.

Et même si le sujet de ce billet ce sont les animaux, à qui il est dédié, le changement passe aussi par :
Relocaliser notre production, y compris les matières premières, par ne pas faire que de l'assemblage ;
Arrêter la gestion à l'économie des services publics et de la santé ; indemniser le chômage dont les salariés ne sont pas responsables ;
Arrêter d'entasser les gens dans des villes en vidant les campagnes alentour ; développer le télétravail ;
Arrêter l'économie casino, adopter une autre façon de compter les PIB en y intégrant les externalités positives et négatives ;
Ralentir et stopper toutes les activités toxiques et destructrices de l'environnement, dont fait partie l'élevage industriel.

Actualisation 16/3/20
Lien : Robin des Bois 
Suivez le pangolin, vous comprendrez le monde !
Reuters - Wuhan Outbreak : genetics of the new virus
Maladie infectieuses, des animaux aux humains : communiqué de presse du Parti animaliste.

2 commentaires:

  1. Merci pour la découverte du pangolin et je souscris aux préconisations en fin d'article Relocalisons l'économie et respectons nos services publics qui sont le ciment de nos communautés bariolées.

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    1. Espérons la prise de conscience. Ca ne mange pas de pain. Bon courage.

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