dimanche 4 octobre 2020

La misandrie n'existe pas

Cette semaine la sortie d'un livre a bien excité les medias main stream et sociaux : une blogueuse autrice a fait le buzz (bzzzz, les abeilles crèvent, l'humanité prend la relève) : je ne cite pas de nom, je ne fais pas la publicité des libérales, elles n'ont pas besoin de moi pour ça. Si vous avez loupé le truc c'est que vous vivez dans une chambre anéchoïque, heureuse que vous êtes. Je résume le début de l'action : la petite maison d'édition de Martin Page, tire l'ouvrage à 500 exemplaires, un obscur fonctionnaire du Secrétariat aux droits des femmes fait une ruade en voyant le titre, menace de porter plainte pour incitation à la haine (les mecs ne doutent de rien), scandale sur les medias sociaux, gros bzzzz donc. Le Seuil se dit qu'il y a un coup éditorial à faire, rachète les droits à Monstrograph et tire à 30 000 ! En réalité, l'autrice dite misandre, qui écrit moi les hommes, je les déteste, vit en couple avec un homme. Elle le disait en tous cas dans l'article que j'ai lu dans Libération cette semaine, journal jamais en retard quand il s'agit de promouvoir le libéralisme. Et puis, comment dire, le stigmate infamant de la "vieille fille" plane toujours. Normalement dans ma rationalité, quand on se prétend misandre, qu'on pond un livre pour expliquer que "men are trash", on applique. Sinon, c'est de la schizophrénie. On nous a fait le même coup avec l'autrice de No Kids qui a fait en son temps un tabac en librairie sur la non maternité tout en ayant mis au monde ses quatre enfants ! La protestation contre une injonction à laquelle on s'est empressée d'obéir, sujet gagnant en librairies.

Du coup, on se déchire de plus belle sur Twitter : "La misandrie n'existerait pas s'il n'y avait pas le patriarcat" ai-je lu dans un tweet de supportrice. Mais la misandrie n'existe pas ! Le patriarcat brille de mille feux, il reçoit même le secours, inattendu il y a encore quelques années, des religions. Les femmes continuent d'être blessées ou meurent sous les coups dans le conjugo ou dans les faits divers. La misandrie, elle, n'a jamais tué personne. Les femmes subissent tout sans moufter ou presque, pavé sur la langue, la chappe de silence est en béton renforcé, possiblement résistant à une charge nucléaire. Même quand il se produit un "crime imprévu" -Le Parisien-, mais comment peut-on écrire des biteries pareilles, c'est à se cogner la tête contre les murs, 'tiens je n'avais pas prévu de crime ce soir, mais comme l'occasion se présente, euh allons-y' ? Quelqu'un les relit ou bien ? On organise des marches blanches qui n'ont jamais rien arrêté, protestations consensuelles sans jamais dénoncer l'agresseur, déni sociétal, consensus mou, zéro affichage de conscience politique ! 

Juste la même semaine, la préfecture des Vosges faisait tirer sur un loup "particulièrement agressif" (Sud-Ouest) qui s'attaquait aux sacrées vaches à traire des éleveurs, il serait même rentré dans les étables (toujours Sud-Ouest). Même remarque : qui relit leurs articles ? Non parce qu'un loup qui ouvre la porte d'une étable quand même, c'est un surdoué. Ou alors il est porteur d'une mutation génétique ! Je ne peux pas m'empêcher de faire la comparaison tant c'est frappant : le loup leur sert de défausse, toujours décrit comme méchant, toujours calomnié, toujours persécuté, exécuté sans états d'âme par des préfets alors qu'il est une espèce protégée ; du "loup solitaire" djihadiste, au loup dévoreur de brebis qui "entre dans les étables", non mais ils se sont bien regardés les mecs ? Les vaches patriarcales symboliques sont bien gardées, les autres restent dans les champs, non gardées la nuit sauf par des clôtures, écornées, sans défense, ainsi fonctionne l'élevage, métaphorique de ce qu'ils font à toutes les exploitables qui passent.  

Pour l'instant le loup "solitaire" fantasmatique, c'est ZERO enfant et ZERO femme tuées. Pour les hommes, suivez le décompte de Féminicidespar compagnons ou ex

La misogynie elle, infeste partout la vie des femmes. Elle est universelle. Même les femmes s'y mettent : "mon dieu qu'elle horreur" lit-on chez une twitteuse généralement mieux inspirée, commentant le livre scandaleux, ou "nous on les aime, nos bonhommes" SIC. Notez que j'espère pour elle, car, tant qu'à en avoir un en résidence permanente à la maison, autant que ce ne soit pas le pensum intégral. C'est peut-être aussi le syndrome "moi, j'ai tiré le bon numéro à la loterie"? Quoique, quand même. C'est dingue de se précipiter cornes en avant pour défendre la classe sociale opprimante. D'autant que, sur mes medias sociaux, les mecs restent de marbre, aucune protestation. A moins qu'ils sont assurés que la sous-traitance va fonctionner, et de fait, elle fonctionne. Même pas besoin d'appuyer sur un bouton. 

Tout ça, c'est noyage de poisson. Tant qu'on parle de fantasmes, on n'aborde par les vrais sujets. Oui sujets, vous avez remarqué, il y a fort longtemps, on disait problème, puis on a glissé insensiblement vers souci (pas de souci à toutes les fins de phrases), puis enfin on est arrivées à "sujet", complètement neutre, zéro malveillance ou réputée telle. Le sujet donc, c'est la misogynie rarement dénoncée, bien portée dans tous les milieux ; destinée à nous couper les jarrets, à freiner nos élans, à nous tenir dans leurs rets et sous leurs plafonds de verre. Message reçu, le terrorisme masculine fonctionne bien, chaque femme massacrée est un message pour toutes les autres. Tenez-vous à carreau ; après la découverte du cadavre de Victorine, les femmes de la région évitent de sortir la nuit. C'est le but, nous forcer à rester au gynécée, la place qui nous serait assignée de toute éternité. 

Et pourquoi on laisserait ses "semelles de vent" à ce "vagabond" mauvais garçon fugueur de Rimbaud ? Tout de même, quand il lui arrivait des crosses, pas fou, il rentrait à la ferme, chez sa mère et sa sœur, à Charleville-Mézières. J'ai certainement moins de talent que Rimbaud, je ne vais par me comparer, mais je ne rentre pas chez ma mère et mes sœurs quand il m'arrive un fort coup de vent, je fais face. Ainsi se perpétuent les légendes urbaines masculines. Nous aussi, les femmes, nous pouvons refuser la lourdeur matrimoniale pour adopter des semelles de vent, on peut choisir l'autodétermination, choisir de vivre une vie non pas "par procuration" comme le dit faussement Jean-Jacques Goldman (la pop culture distille aussi très bien les diktats patriarcaux), mais une vie de décisions et de choix en autonomie ; moi je prends mes décisions et fais mes choix seule sans en référer à Valentin, debout, devant, pas trois pas derrière. La société peut aussi bien me traiter de misandre si ça lui chante. Le conformisme hétérocentré, reproductif, grégaire, m'a toujours gonflée. J'ai toujours préféré les minorités aux majorités. Au fond, dé-domestiquons-nous, devenons des férales* ! 


* Un animal dit féral a été domestiqué puis est retourné à l'état sauvage. 

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