Mardi 31 mai, Cécile Duflot, ancienne femme politique écologiste chez Les Verts, désormais Présidente d'Oxfam France, et chroniqueuse une fois par semaine à France Inter, en toute subjectivité, consacre sa chronique au documentaire de Mélanie Diams, "Salam" lancé au Festival de Cannes, et fait le parallèle entre deux destins malheureux de chanteuses en abordant le sujet par le petit commun dénominateur du voile et de la religion. Diams, devenue mère de famille envoilée, et Jeanine Deckers alias Sœur Sourire, chanteuse des années soixante, ex religieuse choisissant elle, de se dévoiler. Et ça fait une différence de taille.
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Cécile Duflot se livre à différents amalgames qui invalident sa démonstration, dont elle semble pourtant contente.
La comparaison entre les destins des deux artistes est hasardeuse. Les époques sont diamétralement différentes : les années yéyés cherchaient la libération du vieux carcan patriarcal, de la vieille société gaulliste, Simone de Beauvoir avait publié le deuxième sexe, elles voyaient éclore des mouvements contestataires, dont le féminisme du MLF n'est pas le moindre. A contrario, les années 2000 - 2010 et suivantes sont des années de backlash patriarcal, de sérieuse remise au pas puisque chaque mouvement libérateur est suivi de digestion, puis de récupération de ses idées libératrices pour le plus grand bien du système, à son profit, quitte à inventer une nouvelle réalité, bien entendu.
La comparaison entre une religieuse contemplative dominicaine hors du siècle (un ordre cloitré), donc une femme qui porte le dress code professionnel de sa congrégation, et une fille normalement plus émancipée car née un demi-siècle plus tard, désormais mère de famille dans le siècle qui décide de s'envoiler n'est pas pertinente ; rappelons qu'une religieuse est une femme consacrée qui s'est retirée de la société pour passer sa vie dans l'abstinence et la dévotion. Cela ne concerne qu'une minorité de femmes qu'on ne voit pas, qui ne font aucun prosélytisme dans l'espace public. Pas grand chose à voir donc avec une mère de famille qui fait ses courses, emmène ses enfants à l'école, va au travail, exerce un métier parfois public, et qui est donc entièrement à la vue de la société. Il n'est pas mal aussi de rappeler, j'y tiens, que les religieuses se mettent les pieds sous la table après leur journée de boulot, que personne ne leur dit le soir en rentrant "qu'est-ce qu'on mange ?" leur "époux" étant, les veinardes, tout ce qu'il y a de plus virtuel.
Les choix faits par les deux, Deckers et Diams, ne sont pas symétriques : une religieuse après son entrée en notoriété, Jeanine Deckers, jette son voile par dessus les moulins pour faire une autre carrière, finit dans la misère, spoliée par sa maison de disque, se met en couple avec une femme ce qui révèle que son choix de la clôture dans un couvent de femmes était sans doute inconsciemment un choix de lesbienne. Mélanie Diams, dépressive éprouvant un douloureux vide existentiel, arrête volontairement sa carrière de rappeuse au sommet, pour devenir mère de famille convertie et voilée, mais dans le siècle, dans une théocratie, les Emirats Arabes Unis, théocratie peuplée de milliardaires. A priori, je ne discute pas, tant qu'elle ne fait pas de prosélytisme en France. Rappelons qu'elle a arrêté sa carrière pour se consacrer à sa famille, ce qui lui procure paix et stabilité. On est contentes pour elle. Chacun ses choix.
En revanche, je leur vois des points communs autrement plus parlants que le voile : maltraitance dans l'enfance, et à l'âge adulte, dépression et affrontement difficile avec le star système et la scène médiatique anthropophage, surtout pour les femmes, notamment celles qui ont été affaiblies par les maltraitances patriarcales, et quête spirituelle insatiable donc frustrante, pour les deux. Jeanine Deckers souffrait d'être en conflit avec sa mère, femme d'artisan au foyer normopathe, avec les hommes dirigeants de sa maison de production qui ont profité de sa candeur, avec son ordre religieux patriarcal maltraitant qui était contre toute forme d'émancipation et d'autodétermination ; Mélanie Diams s'est plainte dans ses textes des violences conjugales dont elle fut victime par un précédent mari. Elle est manifestement aussi en conflit avec son père. Le port du voile n'est donc, n'en déplaise à Cécile Duflot, que leur petit commun dénominateur. Il est accessoire et inopérant. Ce qu'elles ont bien en commun en revanche, c'est le mal-être infligé par des institutions patriarcales faisant système. La fuite qu'elles ont tenté, définitive par le suicide pour l'une, l'enfermement dans le mariage et le retrait de la vie artistique pour l'autre... Jeanine Deckers n'a plus, elle, la possibilité de revenir répondre, ni de donner de ses nouvelles à ses fans à travers un film.
J'ai fait moins d'études et occupé des postes moins importants que Cécile Duflot, aussi je suis étonnée par sa naïveté et par les approximations de sa démonstration ; à moins que ce ne soit de la roublardise de mettre ainsi en symétrie deux carrières de femmes qui n'auraient en commun que leur voilement et la stigmatisation qu'elles en auraient subi. La preuve une fois de plus que des gens influents issus de la gauche écologiste sont les idiots utiles de l'islam politique. Qu'un seul travail auquel se consacrer corps et âme ne leur suffit pas. Et France Inter qui ouvre grand ses micros, sans mise au point ou contradictrice pour contrebalancer ce qui n'est que la promotion du choix individuel versus les combats et victoires collectives, du libéralisme du tout se vaut du moment que je l'aurais choisi. Vendant à l'encan les droits chèrement acquis des femmes à leur libération de toutes formes d'oppressions patriarcales.
Pendant ce temps : un rapport du Service Central du Renseignement Territorial (SCRT, ex RG) recense les entorses à la laïcité et à la loi de 2004 en recrudescence nette dans les écoles, collèges et lycées. Des adolescent-es testent de différentes façons la capacité de résistance de l'école en se présentant, garçons et filles ensemble, dans des tenues "culturelles" ou "ethniques" kamis, sarouels, et autres tuniques enveloppant le corps, qui sont tout sauf actuelles et occidentales. Les occurrences, qui correspondent aux seuls signalements faits par l'institution, dont on sait qu'elle n'est pas très ferme sur les principes, selon le très en vigueur "pas de vague", seraient sous-évaluées. Il y a une façon simple de contrer les ardeurs prosélytes téléguidées par les imams ou les familles sectaires, c'est l'uniforme. Comme à Londres ou dans les pays du Commonwealth où on peut voir couramment le matin et le soir sur le chemin de l'école, des écolières et écoliers en vêtements bicolores veste à blason, jupe, pantalon. Sans aller jusqu'au blason, on peut transposer en veste marine, bordeaux ou vert sapin, sur chemise ou polo blanc et pantalon ou jupe de flanelle indifférents pour les deux sexes. On efface ainsi les différences de classes sociales et on met un coup d'arrêt, au moins pendant quelques heures, aux velléités des fashion victims et des conformistes sectaires.
Lien vers l'interview de Mélanie menée de façon très complaisante pour mon goût par Augustin Trapenard pour Brut à l'occasion de la présentation à Cannes de son documentaire. Mélanie y est très touchante.
On perdrait moins de temps à faire des dépressions et à se mettre martel en tête si on admettait que la vie n'a absolument aucun sens. Mais c'est difficile pour les humains de renoncer à la finalité, et au projet qui fait sens. Malgré les désastres et malheurs subis, la maladie dépressive, le vide existentiel, il convient encore d'inviter de nouveau convives au banquet. Etonnant.
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