samedi 4 avril 2015

Les "territoires masculins" selon les masculinistes

Je retranscris ci-dessous un texte d'Andrea Dworkin, féministe radicale américaine, tiré de Pouvoir et violence sexiste (Editions Sisyphe) : il est assez illustratif de mon billet précédent.

" Les différentes avancées du féminisme -pour lesquelles, soit dit en passant, on ne nous remercie pas souvent (ce pourquoi nous sommes si promptes à revendiquer tout ce que nous pouvons)- ont toujours été réalisées sinon avec la plus grande politesse, du moins avec une patience et une retenue extraordinaires, en ce sens que nous n'avons pas utilisé d'armes à feu. Nous avons utilisé des mots. Et nous nous voyons punies d'atteindre le peu que nous atteignons ; punies pour chaque phrase que nous disons ; punies pour chaque geste d'éventuelle autodétermination. Toute assertion de dignité de notre part est punie, soit au plan social par ces grands médias qui nous entourent -quand ils choisissent de tenir compte de notre existence, c'est habituellement par la dérision ou le mépris-, soit par les hommes qui nous entourent, soldats de cette guerre très réelle où la violence est presque exclusivement dans le même camp. Le message de la punition est très clair, qu'il s'agisse d'un acte sexuel imposé, ou de coups, ou de mots d'insulte ou de harcèlement dans la rue ou de harcèlement sexuel au travail : "Rentre à la maison. Ferme ta gueule. Fais ce que je te dis." Ce qui se résume d'habitude à "Nettoie la maison et écarte les jambes." Beaucoup d'entre nous avons dit non. Nous le disons de différentes façons. Nous le disons à des différents moments. Mais nous disons non, et nous l'avons dit suffisamment fort et de façon suffisamment collective pour que ce non ait commencé à résonner dans la sphère publique. Non, nous n'allons pas le faire. Non.
Il y a une réponse à notre non. Un fusil semi-automatique est une réponse. Il y a aussi des poignards. Ce que nous vivons n'est pas une conversation plaisante.
[...]
On nous dit fréquemment que chaque meurtrier vivait un stress terrible, que ses affaires allaient mal, que c'est vraiment pathétique et dommage -pour lui. On nous dit aussi que sa femme a provoqué son geste. Et lorsque des prostituées sont violées ou tuées, la police a longtemps eu pour politique, aux Etats-Unis*, de ne pas commencer à prendre ces meurtres au sérieux avant que les cadavres ne se chiffrent par dizaines. C'était la politique officielle.
[...]
Marc Lépine [auteur de la Tuerie de l'Ecole polytechnique de Montréal en 1989] a réagi de la même façon que les blancs du sud amérikain ont réagi quand ont commencé à tomber les panneaux "Réservé aux Blancs" -il a réagi par la violence. Et ce sont les féministes qui ont imposé ce changement. Nous sommes les gens responsables d'avoir pollué son environnement. Nous avons fait cela -en faisant entrer les femmes dans les professions, dans des emplois de classe ouvrière dont les femmes étaient exclues, en faisant entrer des femmes dans l'histoire. J'espère que vous avez lu la lettre de Marc Lépine **, qui vient juste d'être rendue publique. Il y disait que la guerre est un territoire masculin, un élément de l'héroïsme masculin, de l'identité masculine, et que la suggestion même que des femmes aient fait preuve d'héroïsme en temps de guerre était pour lui une grave insulte politique. Voilà une masculinité basée sur l'effacement des femmes, au sens métaphorique et littéral... "
Andrea Dworkin - 1990 - Traduit de l'anglais américain par Martin Dufresne

* C'est vrai partout, pas qu'aux Etats-Unis. Un exemple tiré de l'actualité récente au Canada : les disparitions et assassinats de femmes autochtones que le gouvernement Harper minimise et traite comme des "faits divers" regrettables, mais sans plus. 
** La lettre de Marc Lépine, meurtrier de 14 jeunes femmes élèves ingénieures à Polytechnique Montréal, en guise d'explication à son geste.


Illustration : affiche d'une lecture à Brest, en janvier 2013, des textes de Dworkin par la comédienne Morgane Le Rest.

2 commentaires:

  1. http://www.letribunaldunet.fr/photos-2/9-ans-cette-petite-fille-est-consideree-comme-la-plus-belle-enfant-du-monde.html
    Je t'indique ce truc immonde ..... La pédophilie banalisée par les média ............. Ils y ceux qui incitent , et ceux qui passent à l'acte ............. Le territoire masculin n'en finit plus de s'étendre sur le monde ........... Aucune surprise à constater cela , mais toujours la même sensation de dégoût ..............

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    1. Effectivement, c'est assez terrifiant, cette sexualisation précoce des fillettes. La société patriarcale est cannibale et elle aime la chair (de plus en plus) fraîche.

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