jeudi 20 juin 2013

Le casuel de la semaine

RACISME : Rencontre au bac à compost en bas de chez moi où je recycle mes épluchures de légumes. Une voisine entreprenante remue le bac et le débarrasse des morceaux de plastique qui n'ont rien à y faire. La conversation s'engage sur les pratiques des habitants du quartier quant au compostage qui a de plus en plus d'adhérents : elle y trouve des os, des ailes de poulets et même des "boyaux", c'est "la turque" qui les y met ! Et ça attire "les rats", elle en a vu un gros dans les parages, la semaine dernière, "un gros rat, vous vous rendez compte" ! Outre le fait qu'il n'est pas formellement interdit de mettre des restes de viandes dans le compost, sans que cela soit conseillé (j'ai assisté à une formation), comment sait-elle que c'est une turque ? En a-t-elle la certitude ? Où met-elle ses propres restes de viandes ? Lors d'une précédente conversation, elle m'a dit être omnivore "parce qu'elle a à la maison des garçons qui font du sport", selon la remarque habituelle qu'on me fait quand je dis que je suis végétarienne. D'autre part, je n'ai jamais compris ni adhéré à cette vision hiérarchique des animaux : ceux que nous aimons, ceux que nous haïssons, ceux qui nous mangeons. Les hiérarchies m'ennuient à cause de leur arbitraire, et j'en suis victime en tant que femme. J'ai, pour ma part, vu un chat sortir un soir du bac à compost, comme un diable à ressort : je n'en ai pas fait une pendule ! J'ai juste un peu engueulé le chat pour le coup de frousse qu'il m'a donné !


Je vous passe les autres arguments qu'elle m'a sortis, et mes réponses, qu'elle n'écoutait d'ailleurs pas : je ne me suis pas fait une copine !

SPECISME :




Samedi 15/6/2013 : Die-in Boulevard Saint-Michel pendant la Marche contre les abattoirs.

Nous sommes Boulevard Saint-Michel, au croisement d'une grande avenue, tous étendus par terre, faisant les morts. Je suis en position semi-fœtale, le dos cassé par deux heures de marche à bon pas, les cheveux sur les chaussures du mec au-dessus de moi. J'entends les voitures, motos, scooters d'en face qui klaxonnent d'exaspération, je vois un policier bras étendus, sifflet à la bouche, qui fait rempart face à l'avenue, et un mec du service d'ordre de la manif qui barre lui aussi le passage en allant d'un trottoir à l'autre ; également dans mon champ de vision une dame portant à bout de bras un énorme panneau montrant une atroce scène de vache abattue pendant à un crochet, et la présentant en mouvement de balancier aux automobilistes qui attendent, j'entends les dernières phrases de la Marche Funèbre de Chopin, j'expérimente un sentiment de vulnérabilité avec toutes ces voitures en face, quand, juste au-dessus de moi, j'entends une voix de femme "posh ", très germano-pratine (nous sommes dans le Paris littéraire, à quelques encablures du Dôme et de la Coupole où Simone de Beauvoir et Sartre allaient boire des mousses), qui dit d'un ton ennuyé "Mais qui sont ces gens ? Ce sont des extra-terrestres !". Oui, c'est nous les extra-terrestres, on arrive de la planète Mars en car, eux, ils sont juste "normaux", du quartier quoi !

Dans le car qui me ramène donc vers la planète Mars le soir, un indicateur numérique lumineux indique 22H38, j'en piaffe d'impatience, l'arrivée est prévue pour 23 H. Je dis à ma voisine d'à coté qui a encore plus d'une heure de route en voiture vers Nantes que ça va me faire du bien de me dégourdir les jambes pendant les 25 minutes de marche vers chez moi. "Tu rentres à pied SEULE dans le noir (dans le noir, n'exagérons rien, les rues sont éclairées), tu n'as pas peur ? -Je ne risque rien, je suis dans mon quartier, non, je n'ai pas peur, est ma réponse. -Moi, je ne tente pas le diable (bon sang, le diable serait dans le coup ?), je t'admire j'aurais peur, quelqu'un (Qui ?) de malintentionné... -Eh bien on serait DEUX malintentionnés, tant que je paie les mêmes impôts que les mecs (je n'imagine pas une seconde qu'elle pense que je pourrait être agressée par une femme), je passe aux mêmes endroits qu'eux à N'IMPORTE QUELLE HEURE ! Non, mais c'est quand même un monde. Je vous le donne en mille : c'est encore moi qui suis passée pour l'agressive, les potentiels agresseurs, eux, ne sont même pas nommés ! Habituel bœuf sur la langue des femmes, le terrorisme machiste est passé sous silence, tout est normal. SEXISME caractérisé.

10 commentaires:

  1. J'aime bien les récits de tranche de vie. Cela me rassure sur ma différence.
    Mais au-delà de cette remarque perso. et pour en revenir à la manif.. est-ce le fait de tuer pour rien ou de tuer tout court des animaux qui a été et est la cause de cette spectaculaire protestation ?

    Par ailleurs on peut noter que la notion d'animal domestique ( non comestible) était , paraît-il devenue improbable pendant les guerres, une période où la nourriture et les protéines animales étant rares, certains cuisinaient les chats.

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    1. C'était bien une manif contre tous les abattoirs, le refus radical de tuer des animaux. La guerre est une situation hors du commun, un phénomène total : s'il ne reste plus rien à manger, il faut penser à survivre. C'est hors contexte. Nous sommes en Europe, en temps de paix et nous tuons des milliards d'animaux par an (poissons inclus) pour... faire du gras. Il n'y a que 50 ans que nous mangeons autant de chair animale. Les végétariens n'en mangent pas et se portent très bien.

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  2. Le 9 juin à Berlin, il y avait une manif contre le transport des animaux de laboratoire par Air-France KLM
    http://tierrechte.blog.de/2013/06/06/sonntag-9-juni-2013-demos-transport-versuchstieren-air-france-klm-16097620/
    Je n'ai pas vu la manif contre les abattoirs, c'est bizarre...je croyais pourtant qu'elle était internationale !

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    1. C'est effectivement une des causes que relaient les défenseurs des animaux : le transport par les compagnies aériennes des animaux de laboratoire. La manif anti-abattoirs était bien internationale, mais j'ai peur qu'il n'y avait rien en Allemagne.

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  3. Pour ce qui est de la dangerosité la nuit. Je vis dans un coin sensible du 93 et il m'est déjà arrivé de rentrer de concert à 2/3h du matin sans problèmes, c'est plutôt en journée que j'ai droit aux remarques déplacées, je ne suis pas naïve je sais que des agressions arrivent mais je refuse de vivre dans la peur. Je suis partie en voyage à l'étranger seule (sans mon copain) et j'ai déjà eu droit à "Mais comment se fait-il qu'il te LAISSE partir toute seule et sortir la nuit ?", c'est vrai qu'à 30 ans passés je dois n'être qu'une extension de mon copain et ne pas bouger de la maison (je ne vivais pas avec en plus) sans l'autorisation et la "protection" de monsieur...
    Pour le végétarisme, curieusement c'est auprès de personnes âgées (plus de 65 ans) que ça passait le mieux en général. Le végétalisme par contre...

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    1. C'est du terrorisme machiste, l'espace public est à eux, tout est bon pour nous le rappeler. Rappel : l'endroit le plus dangereux statistiquement pour une femme, son domicile. Je ne dis pas qu'il faille être imprudente, mais très franchement, rue de la Soif à Rennes (Rue Saint Michel en plein centre ville), c'est bien plus dangereux le samedi soir, il y a plein de mecs alcoolisés et des couteaux peuvent sortir ! Mon quartier est bien plus calme. Pour le végéta*isme, à chaque fois, je pense à la "société du troupeau" de Nietzsche dans le Gai savoir. Le troupeau, il n'y aurait que cela de vrai, ceux qui s'éloignent ont tort.

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    2. "Je suis partie en voyage à l'étranger seule (sans mon copain) et j'ai déjà eu droit à "Mais comment se fait-il qu'il te LAISSE partir toute seule et sortir la nuit ?"
      Et ce sont les mêmes qui disent que les femmes ont tout acquis et que les féministes sont des hystériques qui mènent un combat d'arrière-garde. Le droit de circulation est le droit humain le plus fondamental à mon sens. Que ce droit ne puisse être réellement exercé que par la moitié de la population ne semble gêner personne. Cette anecdote d'Anonyme démontre qu'une femme est considérée d'une certaine manière comme un chien ne pouvant sortir sans son maitre (ou son autorisation) ! Que ne feraient les hommes si les femmes représentaient le même danger pour eux, qu'eux pour elles ! De tous les testo-terrorismes, celui-ci est l'un des plus insupportables.

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    3. Bien d'accord : le droit de circuler, comme celui d'opinion est un des droits humains fondamentaux. Tenir sous contrôle la liberté de circuler des femmes (comme de toute autre composante de la société) est un déni de démocratie. Il s'agit évidemment du droit de circuler sans menace pour sa sécurité. Que des femmes agitent ainsi leur peur en dit long sur l'intériorisation de l'oppression, notamment avec des expressions comme celle que j'ai entendue "Je ne tente pas le diable", sous-texte, s'il m'arrivait quelque chose, j'en serai bien entendu seule responsable.

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  4. Ton sitting, c'était pas boulevard Montparnasse?
    Au croisement du boulevard avec la rue de Rennes.
    Je reconnais le coin.

    Yis.

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    1. Il y a eu 7 die-in en tout, le dernier Place Saint Michel ; évidemment, quand je prends les photos, je ne participe pas au die-in, et quand je participe au die-in, je ne prends pas de photos :-)) Donc, tu as sans doute raison pour la photo, elle doit être prise Bd Montparnasse.

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