jeudi 13 juin 2013

Compter pour rien

Compter pour du beurre, compter pour des cacahuètes, compter pour des clous, travailler pour la peau, counting for nothing !

Traduction du tableau : les femmes, 50 % de la population mondiale fournissent les DEUX-TIERS (75 %) des heures de travail (corvées domestiques, de soins au enfants, aux malades et aux vieux...), reçoivent 10 % du revenu, et détiennent 1 % de la propriété mondiale.
En ces temps de réforme des régimes de retraite, il est bon de rappeler que le travail des femmes ne compte pas. Les PIB masculins, c'est "l'annulation de la valeur du travail effectué par les femmes".

Marilyn Waring, économiste, plus jeune élue (à 23 ans) au parlement néo-zélandais de 1975 jusqu'en 1984, activiste pour l'environnement, le désarmement et le contrôle des armes, féministe, a écrit en 1988 "If women counted" (Si les femmes comptaient), une analyse démontrant que la contribution des femmes à l'économie et à la production de richesses est ignorée. 30 ans plus tard, nous en sommes au même point.

Produire des richesses, d'après Waring, c'est exploiter et détruire l'environnement, fabriquer des armes, les surveiller, comme à l'Île Longue au large de Brest, faire la guerre (bin oui, il faut bien qu'elles servent les armes fabriquées), forer en mer du Nord ou sous l'Alaska, ce qui provoque des accidents ou des marées noires qui tuent la biodiversité, et que les compagnies d'assurance et de réassurance  remboursent (mal) en sous-évaluant leur impact, puisque la nature ne vaut rien et que les services qu'elle nous rend ne comptent pas non plus. Il y a des pêcheurs de crevettes dans le coin ? Tant pis, qu'ils changent de métier, flexibilité ça s'appelle. Soigner des cancers du colon ou du poumon aussi, ça rapporte plein de pognon : il faut acheter à Siemens ou Philips Médical des scanners et des IRM pour en faire le diagnostic, puis des produits chimiques aux  industries du médicament pour les soigner. J'oubliais l'industrie nucléaire qui laisse derrière elle, après ses catastrophes (Tchernobyl, Fukushima...) des friches empoisonnées, à charge pour les compagnies d'assurance de (mal) indemniser les victimes.Et puis "rien ne vaut une bonne guerre" pour relancer ensuite l'industrie du bâtiment et des travaux publics pour réparer les infrastructures détruites.

Ne pas confondre : les mecs travaillent, les femmes font du bénévolat. Ce qui revient à ne rien faire. Même dans les associations défendant pourtant les vaches à traire (les vraies, celles qui ont fourni le modèle à leur corps défendant), on exploite les femmes ! Comment ça, vous n'êtes pas libre le prochain week-end ? Votre voiture est au garage et votre ordinateur n'est pas équipé de la dernière version Word pour Windows 7 : mais quelle emmerdeuse, celle-là ! Et quelle pauvre nouille en plus, qui travaille sur un logiciel libre, comme si on avait que ça à faire, des downgrade de nos documents pour elle ! Même quand ça se donne, ce n'est pas bien, pas à l'heure, il faut négocier, et si de surcroît, elle a des opinions politiques, la vache à traire, mais ouvaton ?


Woman, shut up ! Pendant que tu bavardes et récrimines, le temps passe et les corvées n'avancent pas !
Et puis ça sert bien, un réservoir de pauvres désespérées : ça fournit en main d’œuvre l'industrie de la prostitution, bien commode quand on a des "besoins irrépressibles à satisfaire", hors des liens du mariage.
C'est vrai qu'ils ont tous tellement l'habitude que la soupe soit prête, le linge lavé-repassé, la case propre, les enfants nourris et couchés, le chien promené ! Figurez-vous qu'en Grande-Bretagne, selon cet article du Guardian, le nombre d'âgés ou handicapés malades soignés par unE "bénévole" de la famille a augmenté de 11% (plus 600 000) durant la dernière décennie, et que toutes ces femmes (ce sont en majorité des femmes) gratuites dans la domesticité bénévole, font économiser au budget anglais 119 milliards de Livres sterling !  
119 MILLIARDS de £ ! 

Pour ensuite, comme en France, puisque c'est pareil, rejoindre les gros bataillons des pauvres retraitées, une sur deux avec moins de 900 € pour survivre, et en tout état de cause, percevoir une retraite de MOINS 48 % par rapport aux hommes, composer l'immense majorité des récipiendaires du minimum vieillesse, moins de 400 € par mois, le prix du mépris du patriarcat à ses "bénévoles". Marilyn Waring : "Si vous n'êtes pas visible en tant que producteur dans l'économie d'un pays, vous n'aurez pas de visibilité au moment de la répartition des avantages". Les femmes paient le prix pour les décisions prises par les hommes : ils ont le pouvoir partout, depuis les salles de marché des banques où ils font joujou avec notre argent (privé et public), jusqu'au Parlement où ils peuvent décider de nous couper les vivres pendant nos vieux jours ! Il est plus que temps de changer ces outils obsolètes de comptabilité des richesses mondiales ! Les femmes trinquent et les services rendus par la nature sont en voie d'épuisement. Un sursaut, avant qu'ils ne nous aient salopé la planète ? Car nous n'en avons pas de rechange.

Lien : "Who's counting" - Sexe, mensonge et mondialisation.

6 commentaires:

  1. En me replongeant dans mes souvenirs d'école, il me revient en mémoire un cours d'histoire-géographie pendant lequel le prof relevait que les femmes vivaient en moyenne plus longtemps que les hommes et demandait si quelqu'un savait pourquoi. Une fille a répété à plusieurs reprises que c'était parce que les hommes travaillaient plus sans que le prof ne la détrompe. Il a fini par lui dire que si c'était vrai il y a une siècle ça ne l'était plus aujourd'hui. Alors que partout et depuis toujours, les femmes travaillent au moins deux fois plus que les hommes. C'est une forme de révisionnisme que ce déni du travail féminin, enseigné même à l'école. D'un autre côté, tant les femmes accepteront de subir sans broncher, elles mériteront leur sort.

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    1. Cette anecdote est saisissante et montre l'invisibilité du travail des femmes qu'on trouve spécifié dans la phrase "ma mère ne travaille pas, elle reste à la maison" pour décrire les femmes au foyer, classées qu'elles sont par ailleurs par l'INSEE dans les "Inactifs". L'oppresseur écrit les définitions, ceci confirme. C'est vrai que les femmes ne bronchent pas trop, j'en ai encore eu la preuve dans mon car d'hier vers Paris. C'est trop douloureux de reconnaître qu'on fait partie des opprimés, elle préfèrent apercevoir plus opprimé-e-s qu'elles. Illusion.

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    2. Exact, et il n'y a pas que le travail domestique des femmes qui est invisibilisé : on oublie qu'en plus des taches effectuées au sein du foyer, les femmes des milieux ruraux travaillaient aussi aux champs. Et au XIX ème siècle, si les femmes de la bourgeoisie n'avaient pas accès à l'emploi, de nombreuses ouvrières trimaient à l'usine pour un salaire de misère.

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    3. Christine Delphy a écrit là-dessus dans L'ennemi Principal : seul compte le produit de la vente du surplus. Les femmes font pousser des poireaux pour la soupe de la famille, ce n'est pas du travail productif, mais si le surplus de poireaux est vendu sur un marché et rapporte de l'argent, c'est compté comme productif. Les ouvrières, elles, même si elles sont payées la moitié du salaire d'UN ouvriER, sont des productives, parce que leur travail posté est semblable à celui des hommes. Elles "gagnent" (mal) leur vie, accédant ainsi à l'autonomie et l'indépendance financière. L'indépendance chez les femmes a toujours un prix. Nous payons au prix fort le refus de l'asservissement au foyer assurant la domesticité d'un mâle.

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  2. ça fait quoi 119 milliards de livres sterling en euros ? En tout cas, beaucoup trop !

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    1. Environ 100, 105 Milliards, assez pour combler tous les déficits des caisses de la Grande-Bretagne ! Les mecs n'ont qu'à se serrer la ceinture, on a assez donné !

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