" Je veux ici plaider la cause d'une classe particulière de travailleurs et de salariés, classe nombreuse, car ses membres se comptent par millions ; classe misérable, car pour obtenir de quoi ne pas mourir de faim, ils sont assujettis au travail le plus dur, à la chaîne et sous le fouet ; classe qui a d'autant plus besoin de protection qu'elle est incapable de se défendre elle-même, n'ayant pas assez d'esprit pour se mettre en grève et ayant trop bonne âme pour faire une révolution ; je veux parler des animaux. "
Charles Gide - 1886
Charles Gide, 1847-1932, professeur d'économie, théoricien de la coopération, végétarien.
J'ai lu cette semaine cette anthologie de textes d'auteurs et de militants de la cause animale. Ils / elles étaient anarchistes, libertaires, féministes, néo-malthusiennes, suffragistes, antivivisectionnistes, socialistes défendant la cause ouvrière. Elles / ils connurent le bagne, l'exil, et tous firent le lien entre oppression des humains et celle multimillénaire des animaux, leurs frères en oppression. Dénonçant la chasse, les courses espagnoles (corridas), témoignant des abattoirs, et faisant leur révolution personnelle en renonçant à manger de la chair animale. Je vous ai sélectionné quelques-unes de leurs phrases parmi les plus percutantes, mais l'ouvrage est à lire pour ne plus nous laisser dire à nous, végéta*iens, que nous serions des illuminés, des djihadistes, des terroristes extrémistes ; nous venons de loin, nous avons une filiation multimillénaire, et pas des moindres. Depuis que l'humanité s'est dressée sur ses pattes de derrière, tuer pour manger n'est jamais allé de soi. Il y eut aussi bien des cueilleurs que des cannibales. Nous sommes les descendants de ces cueilleurs végétariens, de la tradition pythagoréenne antique, ainsi que d'un courant libertaire socialiste et féministe. " Les végétariens sont une utopie active, l'honneur de l'humanité " dit la philosophe Elizabeth de Fontenay.
" Parce que je ne suis 'qu'une' femme, parce que tu n'es 'qu'un' chien, parce qu'à des degrés différents sur l'échelle sociale des êtres, nous représentons des espèces inférieures au sexe masculin -si pétri de perfections !- le sentiment de notre mutuelle minorité a créé en nous plus de solidarité encore, un compréhension davantage parfaite. " Séverine (Caroline Rémy), 1855-1929, anarchiste, féministe, pionnière du journalisme, co-créatrice de La Fronde journal féministe, antispéciste.
" Au fond de ma révolte contre les forts, je trouve du plus loin qu'il le souvienne l'horreur des tortures infligées aux bêtes... Et plus l'homme est féroce envers la bête, plus il est rampant devant les hommes qui le dominent. " Louise Michel, 1830-1905, anarchiste, féministe, institutrice, communarde condamnée au bagne de 1873 à 1880.
" Matador, bourreau, tueur de bêtes, assassin d'amour, assemblage d'os, de muscles et de sang qu'on revêt de broderies d'argent et d'or ! Je ne te parlerai pas de sensibilité, de cruauté, de l'univers, des rapports des êtres entre eux, des droits de l'homme et de ceux de l'animal, du principe de ton existence et de la sienne. Tu ne sais rien de tout cela ; ton métier est de détruire pour vivre. " La corrida de toros en Espagne - Jours d'exil. Ernest Coeurderoy, 1825-1862 - Médecin, révolutionnaire socialiste de 1848, libertaire, condamné à l'exil, il séjourne dans plusieurs villes européennes, il écrit Jours d'exil, un long poème en prose ; refusant toute amnistie, il finit ses jours à Genève, où il se suicide à 37 ans.
" Tout concourt, tout conspire à faire de l'animal une chair taillable et torturable à merci : ... la curiosité scientifique et l'égoïsme à le transformer dans les laboratoires en chair à scalpel et en réactif, lorsqu'il s'agit d'expérimenter les poisons qui convulsent et qui tuent. " Marie Huot, 1846-1930, journaliste, féministe représentante du courant néo-malthusien, anarchiste et antivivisectionniste, elle est contre l'utilisation des animaux à des fins médicales ou ludiques.
" Si nous devions réaliser le bonheur de tous ceux qui portent figure humaine et destiner à la mort tous nos semblables qui portent museau et ne diffèrent de nous que par un angle facial moins ouvert, nous n'aurions certainement pas réalisé notre idéal. Pour ma part, j'embrasse aussi les animaux dans mon affection de solidarité socialiste. " Elisée Reclus, 1830-1905, géographe, libertaire, communard, exilé pour soutien à la Révolution de 1848, confronté dans son exil à l'esclavage en Louisiane. Il devient végétarien et prône une "grande confédération des égaux".
" Les chiens qui ne savent rien, comprennent tout ce que nous disons... Et nous qui savons tout, nous ne sommes pas encore parvenus en dépit de tant d'expériences, de tant de travaux, à comprendre ce qu'ils disent. Et ils sont polyglottes. Sans les avoir jamais appris, ils parlent le français, l'anglais, l'allemand, l'arabe, le cafre... tous les argots et tous les patois... " Octave Mirbeau, 1848-1917. Journaliste puis romancier, immortel auteur de l'implacable Journal d'une femme de chambre, critique sociale féroce, les animaux traversent toute son oeuvre littéraire. Sympathisant anarchiste, il perçoit une communauté de destin entre tous les êtres.
" Le régime végétalien est séduisant, éthique, esthétique, même socialement incontestablement libérateur par ses conséquences, car il permet à l'individu de vivre en Robinson à l'écart de la vie des civilisés ou soutenir la lutte avec le capitalisme plus longtemps. " Sophie Zaïkowska, 1874-1939, anarchiste et féministe, fondatrice avec Georges Butaud de deux foyers végétaliens à Paris puis à Nice. Ils partagent avec Louis Rimbault, autre libertaire, la conviction que le végétalisme " c'est la révolution immédiate contre tous les parasitismes, sans effusion de sang, sans haine, sans violence, sans dictature, sans maîtres, sans faux espoirs et sans désillusions. ". Conférenciers, elle et lui parlent de socialisme, proposent des repas végétaliens aux sans abris, militent contre la chasse et pour la libération des animaux de la domination des humains. " Le végétalien ne reconnaît pas à l'homme le droit de dominer, d'abuser de sa force sur des êtres sensibles. "
Vous découvrirez également des écrits de Léon Tolstoï 1828-1910, le grand romancier russe né entre deux révolutions, élevé en aristocrate dans une campagne où règne le servage, chasseur repenti et ayant connu les horreurs de la guerre. A partir de 54 ans, il place la morale au centre de ses actes, il lie les meurtres des animaux aux guerres humaines, devient végétalien. Puis enfin, de l'écrivain britannique Henry Salt 1851-1939, cofondateur du Parti Travailliste et fondateur de la Humanitarian League en 1891, articulant les luttes sociales et celles en faveur des animaux.
Un ouvrage à mettre entre toutes les mains et à consulter régulièrement.
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