samedi 3 septembre 2016

Amazones : la résistance au patriarcat


Amazone se préparant pour la bataille - 1860 - Par Pierre-Eugène-Emile Hebert.

Après le billet précédent sur la contrainte des femmes à la reproduction par le patriarcat, contrainte qui a fait que notre espèce soit florissante en nombre au delà de toute espérance (en espérant que cela ne nous condamne pas à la destruction, le patriarcat préférant toujours à la qualité frugale, la production en quantité industrielle, cela lui fait de la réserve pour ses guerres), cette semaine, je vous propose un texte de Ty Grace Atkinson, féministe radicale, sur le mythe des Amazones, mythe qui doit bien traduire une réalité : les femmes auraient résisté avant d'être défaites et laminées par un système destructeur, parasite, vampire, et pour tout dire, inhumain. Le texte ci-dessous termine une conférence de mars 1970 donnée à l'Université de Rhode Island.

" J'en suis venue à connaître plus ou moins en détail la légende des Amazones lors de mes efforts pour trouver un précédent aux théories de Valerie Solanas. C'était à l'époque de son arrestation. L'argument le plus solide pour prouver la folie de Mademoiselle Solanas était que les femmes ne peuvent pas se séparer des hommes. Je me suis alors souvenue qu'un groupe de femmes avait déjà dans le passé formulé une sorte de nationalisme féminin. 
J'ai cherché à remonter le cours de cette histoire. Nombreuses étaient les variantes, nombreuses les localisations géographiques de ces groupes féminins, mais toutes avaient des éléments communs. 
Une des légendes les plus persistantes de toute la mythologie grecque est celle des Amazones. Un groupe de femmes vivait sans hommes en Phrygie. Ces femmes vivaient de l'agriculture et ne sortaient de leur pacifisme que pour défendre leur terre. Elles pratiquaient le culte de la déesse Athéna, déesse de la connaissance, de l'industrie et de la guerre. On disait qu'Athéna elle aussi avait été jadis une Amazone.
A la même époque, Thésée cherchait à réaliser l'unification nationale des cités de la Grèce continentale. Il avait déjà conquis tous les autres état, les ajoutant ainsi à son butin. Thésée et son peuple vénéraient le dieu Dionysos, dieu du vin et de l'intempérance.
Les Amazones étaient le dernier bastion opposé à la nation grecque. Thésée et ses guerriers envahirent la Phrygie et enlevèrent la reine Antiope. Les historiens racontent que pour soumettre et asservir Antiope, Thésée l'épousa de force. Tous les historiens concordent sur le fait que les Amazones considéraient le mariage, et non l'acte sexuel, comme la plus grande violation. 
Les Amazones firent leurs préparatifs de guerre contre les Grecs. Jusqu'alors, toutes leurs guerres avaient été défensives et faites sur leur territoire ; elles connaissaient mal l'art de la navigation, et arrivèrent en Grèce continentale affaiblies par le voyage. 
Les Amazones assiégèrent Athènes pendant des mois. Antiope, corrompue par l'esclavage, lutta aux côtés de son mari et de son fils. Accidentellement, une flèche tirée par les Amazones tua Antiope aux côtés de son époux. 
Les Amazones battirent en retraite. Mais les Grecs commémorèrent cette bataille dans la poésie, la sculpture, l'architecture, en somme dans toute leur culture. Certains historiens certifient la réalité historique des Amazones. Je ne peux me prononcer à ce sujet, mais il me semble raisonnable de penser que la légende traduit une résistance historique des femmes à l'oppression des hommes. Cette légende pourrait aussi trahir une sorte d'ambivalence ou culpabilité des hommes envers l'oppression qu'ils exercent sur les femmes. 
En tous cas, cette légende hante toutes les mémoires, et l'on peut dire qu'elle contient plus d'une leçon. " Ty Grace Atkinson

* Valerie Solanas rédigea The S.C.U.M. Manifesto, la déclaration féministe la plus importante qu'on ait écrite jusqu'à présent en langue anglaise. Solanas blessa avec une arme à feu l'artiste pop Andy Warhol et fut arrêtée au mois de juin 1968 pour cela. 

Dans Odyssée d'une amazone - Des femmes édition - Recueil des textes et discours féministes radicaux prononcés par Ty Grace Atkinson entre 1967 et 1972.

Les hommes ont tenté de récupérer en le corrompant le mythe des Amazones dans différents essais pour se l'approprier et le détruire : notamment avec les "amazones du Dahomey", ces femmes guerrières qui donnèrent du fil à retordre à Lyautey, colonisateur de l'Afrique pour le compte de la France (c'étaient plus des groupes armés féminins palliatifs du manque de recrues hommes, ce qui ne diminue pas leur courage évidemment), et le commando d' "amazones" de feu Mouammar Khadafi, ci-devant dictateur lybien, et agresseur sexuel notoire qui a mal fini. Ces deux cas n'ont rien a voir avec une quelconque résistance des femmes au pouvoir masculin.

4 commentaires:

  1. Les amazones auraient bel et bien existé :)

    https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Sarmates

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    1. Le mythes sont centrifuges : ils ont vraisemblablement un fondement réel, un fait a été transmis, embelli et amplifié, déformé, par la tradition orale. Plus on s'éloigne de l'origine, plus il devient nébuleux et étrange.

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  2. Bonjour,
    Permettez quelques mots sur les Amazones. Merci.
    La paix avait partout disparu. L'homme subissait la réaction terrible de l'amour, il devenait injuste, violent, sanguinaire, et semait partout la discorde.
    C'est alors que les Femmes, renonçant à se défendre par des raisonnements qu'on n'écoutait pas, par des arguments qui donnaient à leurs revendications la sanction de la science, se virent obligées de se défendre les armes à la main. Elles se firent guerrières pour soutenir leurs droits et défendre leurs domaines menacés, envahis.
    La lutte avait commencé sous une forme morale, on avait vu les vices lutter contre les vertus ; peu à peu, elle changea de caractère, elle devint une bataille ouverte, une armée contre une armée, pour savoir qui imposerait sa volonté. C'est alors que l'on vit les femmes former des bataillons d'amazones.
    On dit que le mot amazone vient de a privatif, et mazos, mamelle, parce que les Amazones se brûlaient le sein droit, et c'est par là qu'elles indiquaient qu'elles ne voulaient plus de relations sexuelles avec l'homme. Le mot amazone signifie, dès lors, celles qui n'ont pas de mâles.
    Mais cette étymologie est inexacte. D'abord il faut penser que la lettre A est un article ; la ; il reste mazone, qui me semble signifier disciple de Mazda. Ce serait donc le nom général des Mazdéennes. Et, Mazda signifiant Grande, les A-mazones seraient les Grandes.
    Ces femmes guerrières parurent en Perse, aux Indes, en Grèce, partout. Elles étaient constituées en gouvernement régulier et avaient des Reines qui se rendirent célèbres. Le nom de plusieurs d'entre elles est parvenu jusqu'à nous.
    Les Amazones de Scythie n'étaient pas moins célèbres. Diodore de Sicile nous parle aussi des Amazones d'Afrique et nous dit qu'elles étaient plus anciennes que celles d'Asie qui subsistaient encore au temps du Siège de Troie.
    Ces anciennes Amazones régnaient dans une île appelée Hespérie, parce qu'elle est située au couchant du lac Tritonide. Ce lac était voisin de la montagne d'Atlas.
    On peut nommer encore les Amazones de la Baltique, de Biskaï, de Bohême, et bien d'autres encore. Elles formaient un gouvernement monarchique qui dura longtemps encore après leur première défaite.
    Leurs persécuteurs étaient les échappés du régime régulier. Les attaques qu'ils dirigèrent contre elles eurent des succès divers. En Asie, ils avaient deux grands chefs (deux ministres) ; l'un d'eux se dirigea vers le nord où il combattit les Amazones avec fureur et renversa complètement leur domination. Elles furent obligées de se soumettre ou de quitter le continent de l'Asie. C'est ce dernier parti qu'elles adoptèrent. Elles se réfugièrent dans l'île de Chypre, dans celle de Lesbos et dans quelques autres de l'archipel grec.
    C'est cette circonstance qui fut l'origine de la calomnieuse légende des femmes lesbiennes, qui ne veulent pas de mâles.
    Le fait de n'avoir pas voulu se soumettre aux hommes suscita contre Elles des vengeances, et les hommes se vengent toujours des femmes en les déshonorant, c'est-à-dire en leur renvoyant les accusations qu'elles avaient portées contre leurs agresseurs. C'est que, en effet, les hommes avaient pris les femmes en haine, les mœurs de Sodome et de Gomorrhe en sont le témoignage.
    Lien : https://livresdefemmeslivresdeverites.blogspot.com/
    Cordialement.

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    1. La "calamiteuse légende des femmes lesbiennes" ? Je ne vois pas où il est calamiteux de ne pas vouloir de mâle, ne pas vouloir des mâles ! La misogynie est un programme politique meurtrier dans pas mal de cas ; la misandrie n'a aucune conséquence sociale. Donc, moi je n'ai aucun problème avec la misandrie, ni la mienne ni celle des autres. Merci de votre passage et de votre commentaire. D'ailleurs, si je réussis à l'écrire, j'ai un projet de billet sur les femmes qui se defendent et celles qui ne se défendent pas :) Stay tuned !

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