mercredi 13 février 2013

Genèse et psychologie du tueur (actualisé)


Sur les voutes céramiques du métro parisien, une militante féministe a pris ce cliché après l'avoir placardé de slogans féministes.
Ainsi, l'agence de vente d'espaces publicitaires de la RATP trouve plaisant et humoristique de rigoler sur le meurtre en série des femmes pour faire la promotion d'un film débile juste sorti sur vos écrans "7 psychopathes", dont le scénario tient sur 1 ticket de métro : un scénariste en panne d'inspiration est aidé par un ami qui va mettre sur sa route des fêlés psychopathes dont un gangster qui a perdu son ShiTzu adoré. Critique de Télérama ici. Les productions "culturelles" hollywoodiennes, les séries françaises, les polars noirs en littérature sont littéralement infestés de cadavres de femmes équarries par les couteaux de bouchers de psychopathes et de tueurs en série mâles. D'après mes calculs, le mythe du tueur en série nous les brise depuis 25 - 30 ans environ. Et on n'en peut plus. Les scénaristes non plus apparemment.
D'où sans doute l'intérêt de mettre un chien dans le film, chien qui sera bien sûr épargné, les âmes sensibles pourraient s'en émouvoir. Tuer une femme, passe encore, mais un chien, ce n'est pas acceptable !

Ce qui est doublement dérangeant dans cette histoire, c'est qu'on oppose les animaux et les femmes : le meurtre des uns est permis, pas celui des autre(e)s -quoique, quand on lit certains articles de journaux et annonces de procureurs de la république !-, et comme on est dans la veine comique (!), les rôles sont inversés. Sauf que ce n'est pas du tout comme cela que ça se passe. Selon Valerie Solanas (écrivaine underground d'un dazibao radical controversé, mais vraiment très bien), les hommes sont des êtres frustrés, donc enragés, et, en l'occurrence, leur frustration et leur rage s'expriment par la violence infligée à plus faibles qu'eux, ou réputés tels. Cette violence s'exprime aussi contre leurs congénères, mais ce n'est pas le sujet de ce billet -et franchement, je m'en bats les paupières avec des battoirs. Vous conviendrez que cette deuxième affiche de film (aussi en ce moment sur vos écrans, et qui pollue la sucette Decaux en bas de chez moi) "Gangster squad" paraît lui donner raison :

Trois mecs avec des guns phalliques partout, et une "créature" qui fait potiche disponible, à moitié à poil, en bas à droite, le mec plus ultra de la "culture" plombante et viriliste du tout venant hollywoodien. Moche et médiocre. Violent, prétentiard et macho. Je serais un mec, disons normalement pacifique, je lacèrerais l'affiche, pour diffamation. Mais bon, quelque part, ça doit les arranger et les "valoriser", cette iconographie !

Je sais, maltraiter et tuer des animaux, c'est permis. Enfin, dans une certaine mesure : aux corridas, où ils vont pour se marrer ; la chasse "récréative", histoire de se retrouver entre mecs au grand air, et de siffler quelques verres après ; et dans les abattoirs, car il faut bien manger, dit monsieur Prudhomme (voir lien ci-dessous des Cahiers antispécistes). Alors, voilà :

«Il existe un lien entre les tortures et les abus sur les animaux et les violences commises sur les personnes. Il est important que la police et les services sociaux prennent ce problème au sérieux et forment leur personnel. Cela pourrait faire toute la différence entre la vie et la mort ».

« Certes, nous l’avions compris – les personnes qui battent leurs enfants battent aussi leurs chiens, et ceux qui battent leurs chiens battent aussi leurs enfants - tout est lié ».
(Ben Click, Chef de la police de Dallas, Département de police du Texas).

C'est beaucoup moins étudié en France, pays conservateur, à l'universalisme prude qui cache en réalité un sexisme/racisme implacables. Mais j'ai deux copines qui sont allées en 2010 soutenir Doumia, Golden retriever, battue et maintenue en état de sous-nutrition par son propriétaire pendant des années, dont, pendant le procès, le tribunal avait reçu les témoignages de l'épouse et de sa fille : il les battait aussi. Cela se passait en juin 2010 à Nantes.

Chronologie d’importantes recherches sur les cruautés sur animaux et les violence sur les personnes :

"1966 – Hellman et Blackman ont établi que la cruauté envers les animaux, de même que la pyromanie et l’énurésie nocturne font partie de ce qu’on nomme la « triade homicide », trois comportements dont la manifestation dans l’enfance peut préluder à un comportement criminel à l’adolescence ou à l’âge adulte.
1977 - Rigdon et Tapia ont fourni la première description claire du phénomène et la première étude systématique sur des enfants ayant commis des actes de cruauté sur des animaux. Étude qui définit le tortionnaire type d’animaux comme étant masculin, d’intelligence moyenne, avec un comportement anti-social précoce et un passé infantile prédisposant à des actes graves de négligence, de brutalité, de refus et d’hostilité.
1980 – Felthous a étudié deux groupes de malades mentaux masculins, l’un avec un comportement agressif, l’autre avec un comportement cruel envers les animaux. Le second groupe avait de grandes probabilités d’avoir eu un père alcoolique, d’avoir provoqué des incendies, d’avoir souffert d’énurésie au-delà de cinq ans et d’avoir été séparé du père."
(La suite sur ce lien Facebook).

Il serait temps, pour mieux combattre les violences infligées aux femmes, d'étudier les liens qui existent entre les différentes voies de faits, de détecter les comportements violents chez les délinquants en croisant les données, dans le respect des lois et des principes de la démocratie bien sûr, d'arrêter de se réfugier dans la négation de "la maltraitance organisée et non questionnée"(dernier §). Si on peut ainsi rigoler sur le sort infligé aux femmes dans les productions culturelles et publicitaires, et le minimiser dans les "faits divers" des journaux, il s'agit ni plus ni moins d'une atteinte à la sécurité des femmes, à leur liberté, à leur vie. C'est une façon de les considérer et de les traiter abusivement en sous-citoyens. Quand à ceux qui opposent les causes, ils se trompent : le sort fait aux animaux questionne et concerne notre humanité. Tout progrès humain est profitable, donc bon à prendre, puisqu'il apaise la société et que ça profite à tout le monde.

Trois liens : Tueur en série et cruauté animale, un lien évident
La relation entre maltraitance animale et violence sur les personnes ne peut plus être ignorée.
Violence sur les animaux et les humains - Cahiers antispécistes.

Actualisation 15/2/13 : 
Lien en anglais "Son nom était Reeva Steenkamp"
La façon dont les médias anglo-saxons traitent l'affaire Steenkamp/Pistorius fait scandale : hypocrisie, manque d'empathie pour Reeva Steenkamp, minimisation des violences, mépris de la victime non nommée mais qualifiée de "fiancée de" et transformée en objet, exaltation des exploits du meurtrier Oscar Pistorius - Reeva Steenkamp était engagée dans la lutte contre les violences faites aux femmes.
Voici la couverture incriminée du SUN du 15/2/13 :

10 commentaires:

  1. Oui ce "on ne tue pas les animaux SEULEMENT les femmes" ressemble à une profession de foi, à un avertissement, une menace, tout cela dans la plus grande légalité en plein espace publique.
    En plus c'est mensonger puisqu'en effet, ils tuent les deux : animaux et femmes.
    Si on plaçait une affiche avec une femme qui affirmerait tuer les hommes, ce serait considérer comme du terrorisme.
    Leur terrorisme à notre encontre est, par contre, considéré comme tout ce qu'il y a de normal.
    Inadmissible.
    Agissons.

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    1. Oui, ces violences, c'est du terrorisme ou l'équilibre de la terreur. C'est arrivé à Valerie Solanas : elle a une phrase malheureuse dans son ouvrage, mais rien de comparable en quantité à ce qu'à dit lors de multiples interviews Norman Mailer au sujet des femmes, et bien ça a été la curée ! Que Normal Mailer grrrrand hénaurme écrivain américain exprime son mépris des femmes devant des micros et des journalistes, pas de problème, c'est du Norman Mailer, mais une femme qui dirait son mépris d'un système masculin qui l'a forcée à la prostitution et à la mendicité, c'est impossible à entendre pour le patriarcat ! En enfer, illico.

      @ Sylphe : j'espère que tu ne les vois plus, ces imbéciles ?

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    2. @ hypathia : Non heureusement, je ne vois plus ces types (qui n'ont jamais été des amis de toute façon), mais je ne les ai pas oubliés pour autant.

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  2. Cette affiche me rappelle qu'un jour, deux types m'avaient dit que c'était normal que les femmes soient plus mal traitées que des chiens puiqu'elles étaient moins que des chiens.

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  3. Ancien soixantehuitard j'ai toujours considéré que le féminisme était passé à côté de quelques occasions. C'est depuis peu que les féministes pensent aux hommes pour les appuyer dans leur combat. Mais vous avez perdu du temps. Il n'y a qu'une seule humanité et vous priver de notre appui était une perte d'efficacité.
    J'ai dit

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    1. Nous priver de votre appui ? Je dois mal lire : quand des hommes se sont-ils exprimés ou s'expriment-ils (à part quelques rares militants bien identifiés), je parle ici d'hommes de la rue, d'hommes pas forcément célèbres, se sont-ils élevés contre ces violences multi-quotidiennes faites aux femmes ? Où s'expriment-ils ? A part des artifices de vocabulaire pour tenter de minimiser, de disqualifier le crime, de dévaloriser les victimes, je ne vois rien. Et ce serait encore notre faute : nous ne serions pas allées vous chercher ? Nous n'aurions pas été assez séduisantes pour vous faire nous rejoindre ? Mais le féminisme est un combat de femmes, dans une grande solitude et l'opprobre de la société engluée dans des habitudes paternalistes, en nous allouant de petites aumônes contre un grand mépris général. Ce n'est pas à nous de venir vous chercher, c'est aux hommes de bonne volonté et conscients des torts causés aux femmes de nous rejoindre, en toute humilité. Et c'est aux femmes que revient de mener le combat pour leur émancipation-libération.

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    2. Hypathia a tout dit, mais je ne résiste pas à l'envie de commenter la conclusion du post de Jeanmi : "J'ai dit" ! Dieu-le-mâle a parlé et nous a révélé la parole sacrée, nous femmes n'avons plus qu'à nous incliner et réserver un accueil triomphal dans le mouvement féministe à nos sauveurs les hommes... mdr

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    3. On imagine dans le même genre, les blancs américains proposant leur aide aux noirs se battant pour leurs droits civiques en 1950 - 1960, disant, les gars on sait faire aussi bien voire mieux que vous ! Et même si des blancs se sont battus à leurs côtés, c'était bien un combat de noirs, personne ne le leur a disputé !

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  4. Merci, Hypathia, pour vos articles, que je lis toujours avec un grand intérêt.
    @ jeanmi,
    Les féministes ont manqué des occasions ? De se faire récupérer ? De se taire ? Vous évoquez 68, je me souviens moi des 2 décennies suivantes 70-80, durant lesquelles certaines militantes qui avaient eu la naïveté de croire qu'elles pouvaient lutter avec des hommes soi-disant féministes, se retrouvaient sans voix, soit parce que ces hommes considéraient que la question féministe était trop complexe pour être laissée aux femmes, soit parce qu'ils leur faisaient comprendre que cette question, aussi importante soit-elle, ne pourrait être posée que lorsque celles de classe seraient résolues. Quant aux hommes de la rue, il se contentaient de ricaner, de nous traiter de malbaisées ou de nous lancer des menaces.
    On ne peut pas lutter contre un pouvoir qui vous opprime avec ceux qui exercent ce pouvoir.

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    1. Incontestable : "On ne peut pas lutter contre un pouvoir qui vous opprime avec ceux qui exercent ce pouvoir". Merci de votre passage et de votre commentaire ;))

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