dimanche 9 janvier 2011

Women are heroes !


Les femmes sont des héros ! Enfin, c'est de l'Anglais : la traduction française pose un léger problème. Si on féminise, ce qui est normal, on obtient les femmes sont des héroïnes et là, gratte-nerf habituel, il se produit un léger glissement sémantique, héroïne n'a pas exactement le même sens que héros. Autant en anglais, tout colle bien puisque héros (hero) va tout de suite prendre le neutre, ce troisième genre (it) qui positionne la langue en mode ternaire et la sort de la binarité qu'impose la langue française et qui la corsète. En français le féminin héroïne est connoté, il fait pâle faire-valoir du héros mâle. Encore un mauvais coup du masculin l'emporte (prenez un héros plus 49 héroïnes et méchant tour de passe-passe, on a à cause d'une règle de grammaire idiote 50 héros !), et du masculin qui a fait main basse sur l'universel ! J'en ai déjà parlé.

Allons donc pour héroïnes, il faut l'imposer : oui, toutes les femmes sont des héroïnes à part entière ; faire double journée (pour un demi salaire et une demi-retraite) en gardant une redoutable efficacité dans l'hémisphère Nord, trouver à manger, cultiver la terre et nourrir une nombreuse famille dans l'hémisphère Sud pendant que les hommes font la guerre entre eux d'abord, et aux femmes ensuite -traitées qu'elles sont en butin de guerre et en chair à viol quand la guerre devient totale- vivre dans des favelas au milieu de la violence des gangs, des guerillas et des narco-trafiquants dans des quartiers abandonnés par la police et l'armée en Amérique du Sud, trouver de nouveaux modes de cultiver la terre en Inde pour contrer les puissants laboratoires de génétique végétale et les entreprises de l'agro-business dirigées par les hommes, défendre leurs logements et leurs quartiers contre les spéculateurs/prédateurs immobiliers au Cambodge, s'organiser entre elles en Afrique pour créer et diriger leurs propres commerces et industries, continuer à vivre et élever des enfants pendant que les maris en Moyen-Orient et Extrême-Orient vont travailler dans des pays étrangers à statuts de demi-esclaves, s'organiser pour faire progresser la cause des femmes auprès des Organisations Internationales et des gouvernements, s'imposer et réussir comme dirigeantes dans les pays ruinés sous de désastreuses gouvernances mâles, résister à l'assommoir de la misogynie, du sexisme et de la persécution..., oui pas de doute, les femmes sont des héroïnes.

Le film : on trouvera la bande annonce ICI et la description du projet et la présentation de l'artiste ICI.  Sans oublier le site de l'artiste JR, photographe français de réputation internationale.

Le film soutenu par Amnesty International sort le 12 janvier au cinéma ; il a obtenu le Prix de la Semaine de la Critique à Cannes 2010.

14 commentaires:

  1. Quelle bonne nouvelle ce film !

    J'espère qu'il sera projeté un peu partout en province. Etrange quand même qu'il ait été conçu en anglais alors que son réalisateur est français ... Peut-ête est-ce pour lui donner un caractère international.

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  2. Je ne sais pas...
    je ne crois guère plus en l'héroïsme des femmes qu'en celui des femmes... je constate leur affreux servage surtout et le manque de force qu'elles déploient parfois pour s'opposer à l'insupportable. Voilà pourquoi il est utile de parler et de s'organiser à mon avis, au sein même des organisations traditionnelles afin de faire avancer le monde sur ce terrain là.
    Bonne journée!
    (ex bric à brac baroque)

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  3. Désolée, je voulais dire "guère plus à l'héroïsme des femmes qu'à celui des hommes"...

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  4. Superbe et généreux projet ! J'aime beaucoup ! Par contre je me pose des questions sur amnesty et son véritable souci du respect des droits des femmes depuis l'affaire Gita Sahgal. Lire ici : http://www.wluml.org/fr/node/6455

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  5. @ Héloïse : le film est français quand on regarde la fiche technique, les producteurs (Arte France / Canal + entre autres) sont français et un film porte la nationalité de son ou de ses producteurs. Il parle toutes les langues dont l'espagnol puisque les femmes qui participent sont surtout issues du monde en développement ; le titre est en anglais sans doute pour une meilleure distribution internationale, l'anglais étant plus "vendeur" que le français !
    @ Bettina : je vois que tu es de retour avec ton blog ! Bien d'accord avec toi, on montre toujours les femmes dans des situations dramatiques dans lesquelles elles assurent vaille que vaille le quotidien sans se plaindre ; le contraire de nous : moi, je suis révoltée et il est hors de question que j'assure le quotidien, aussi je me considère une privilégiée alors que ma situation est assez semblable à celle des femmes de ce pays, c'est à dire celle d'un citoyen de seconde zone pouvant se contenter de ce que les mecs lui laissent. Mais ce film est utile car il montre du positif.

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  6. @ Euterpe : je réponds en deux liens :

    http://www.amnesty.org/en/who-we-are/our-people/international-executive-committee

    http://www.amnesty.org/en/who-we-are/our-people/international-secretariat-directors

    Il y les photos, comme cela on peut compter !
    Amnesty est une grosse ONG qui comme toutes les grosses ONG fait l'impasse sur certains dossiers pour mieux en promouvoir d'autres, cela s'appelle de la diplomatie. Greenpeace fait pareil dans un autre combat. Et bien sûr, elle est d'essence masculine.

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  7. Je viens d'entendre sur France Inter une présentation de ce film. Il s'agirait selon le chronoqueur d'un film sur l'héroïsme des femmes des pays pauvres. Alors soit le chroniqueur en question a volontairement déformé le sujet du film, soit il s'agit bien d'un film sur l'héroïsme exclusif des femmes des pays pauvres. Auquel cas, je flaire l'arnaque et j'entends déjà le "Vos gueules, les Occidentales nanties".

    Pour illustrer le courage de ces femmes, les viols qu'elles subissent et la monoparentalité (matroparentalité, si l'on veut être lucides) qui conduit à la pauvreté sont mises en avant. Parce qu'ici, le viol n'existe plus et la matroparentalité est un phénomène marginal, peut-être ...

    Du coup, je me méfie: un film sur les femmes réalisé par un homme occidental empli de compassion (surtout si ça concerne des femmes de pays méprisés)... mouais. J'attends de voir, peut-être as-tu des infos plus précises sur le contenu, mais au cas où, je sors mon arme fatale, le girlcott ! Plus mon blog, si on se fout de nous ouvertement ...

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  8. Oui, de retour, je ne pouvais pas rester les bras ballants plus longtemps... plaisir de bloguer avec vous quand même!

    Par rapport au sujet, j'aurais tendance à me méfier, comme Héloïse, car je crains le discours victimaire qui se retourne en "ces héroïnes des temps modernes", tatati, tatata, et pendant ce temps-là, "les femmes européennes, taisez-vous, vous êtes bien heureuses de pouvoir..." je ne sais pas quoi (parce qu'ils faudrait venir voir comment j'ai fait le grand écart pour être une épouse, une mère, une pro, un écrivain des temps modernes, les gars... j'y ai laissé qqs plumes quand même sûrement bien qu'encore vive...)
    Bref, prudence, je préfèrerais que les hommes parlent d'eux-mêmes et de leurs propres conduites s'il vous plaît, qu'ils fassent leur portrait... Là ça ferait vraiment évoluer le truc... on verrait qu'ils glandent plus, tout simplement. Ils nous raconteraient leur journée et on rigolerait...
    Je vais l'écrire le bouquin si ça continue... Pour faire comme JR, le créateur de ce film à mon avis suspect et un peu "bien pensant". transformer les esclaves en héros, moi je veux bien les filles, mais quelque part, y a arnaque, non?
    Mais peut-être que je suis un peu méfiante effectivement... chatte échaudée craint aussi l'eau froide... si je puis me permettre, en souriant bien sûr.

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  9. @ Héloïse : le film sort le mercredi 12 janvier : il faut donc le voir avant de juger. Il est en pleine promotion d'où les articles dans la presse, à la radio, à la télé, quoique ça m'étonnerait que ce soit une promo à l'instar d'un blockbuster américain ! Il parle effectivement des femmes du Tiers-monde et de leur héroïsme face à un quotidien difficile, mais la bande annonce et la fiche technique du film auxquels je te renvoie sont clairs sur le sujet... et mon billet aussi. Il succède à une expo-photo sur des murs (voir le lien JR) et à un livre mentionné dans les liens. Ceci dit, comme je l'ai déjà fait une première fois pour un film de Coline Serreau, je fais un billet pour un film avant visionnage et un après visionnage (si je réussis à le voir mais je ne vois pas pourquoi !) et si je trouve à redire, je redis. Il a un parti-pris artistique et un parti-pris pour les femmes du Tiers-Monde, il a été primé à Cannes. Il n'est pas forcément inattaquable, mais il faut le voir avant. Ce sera avec plaisir que je lirai ton billet sur le sujet. Et je ne vois pas personnellement pourquoi on mettrait les femmes en concurrence. Des femmes pauvres et maltraitées, j'en connais plein ici, même si ce n'est pas le même genre de pauvreté et qu'elles ont l'impression que la situation est normale alors que nous savons qu'elle
    ne l'est pas !

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  10. Elles ont l'impression que leur situation est normale parce qu'on ne cesse de leur dire qu'ailleurs ce serait pire pour elles. Et c'est une manoeuvre très habile à la fois pour faire taire toute revendication ici et faire croire que là-bas, les rues sont peuplées de barbares misogynes (contrairement aux hommes civilisés d'ici qui ne tuent, n'exploitent et ne violent jamais). Elle est là, la mise en concurrence malhonnête (car, en vrai,les hommes partagent partout la même misogynie et les femmes ses désastreuses conséquences).

    J'attends évidemment de lire ce que tu en penses avant de chercher une salle et j'irai probablement le voir comme j'ai visionné finalement "La cité du mâle". Je connais tes positions sur la question, j'ai confiance ;)

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  11. Merci d'avoir signalé ce film que j'essaierai d'aller voir, et je lirai ton billet post-visionage avec intérêt.

    J'ai une remarque linguistique: si l'Anglais comporte effectivement un genre neutre à l'inverse du Français, le mot "hero" est bien du genre masculin et a, de même qu'en Français, son pendant féminin "heroine", mot qui a à peu près les mêmes connotations que "héroïne". Donc dire que "women are heroes" provoque le même choc initial en Anglais qu'en Français. L'existence du genre neutre est appréciable, mais en pratique elle ne dispense pas la langue anglaise des mêmes débats que nous, malheureusement...

    Je découvre ce blog et je compte bien y revenir!

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  12. Stéphanie, merci de ton intérêt pour ce blog :))) "Hero en anglais est peut être masculin sauf qu'il n'a pas de forme masculine : si tu veux vraiment préciser le sexe (ou genre) tu dois dire male hero ou female hero, si je ne m'abuse. Je trouve la langue anglaise plus spéciste (it pour désigner les animaux sauf les familiers -pets) et moins sexiste que le français à cause de son genre neutre. Mais cela s'arrête là ! Le sexisme et la gynophobie sont communs à toutes les sociétés, hélas.

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  13. Je découvre ce blog et m'étonne de la polémique sur le titre de ce magnifique film qu'aucune des blogueuses ne semble avoir vu.
    Le titre en anglais a un sens difficilement traduisible à mon sens : "Women are heroes" sous-entend, les femmes sont vraiment des héros comme les mecs. Les femmes sont des héroïnes n'aurait sans doute pas la même connotation.
    Je signale un forum sur ce point de langue : http://forum.wordreference.com/showthread.php?t=453665
    Courez-voir ce film !

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  14. @ Senga : effectivement, ce magnifique film sort dans un étonnant silence !
    ""Women are heroes" sous-entend, les femmes sont vraiment des héros comme les mecs." : c'est bien le problème, l'étalon or de tout héroïsme, de tout universalisme c'est encore et toujours les hommes ! Il faut imposer le féminin. Merci de votre intérêt. Et bien d'accord, il faut aller voir ce film en salle !

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