Hybristophilie * ou Scélérophilie
Définition : syndrome d'attirance (sexuelle) envers une personne ayant commis des actes de violence. Autrement appelé syndrome de la rédemption, ou syndrome Bonnie and Clyde. Les femmes seraient attirées par les mauvais garçons et les hommes odieux. Ce que moi, faute de référence et de mot à ma disposition, j'appelais (ayant repéré cette attitude de certaines femmes à 'aider' puis s'allier aux pires criminels), jusqu'à maintenant le 'syndrome de l'assistante sociale'. J'en ai entendu parler la semaine passée lorsque l'ex-compagne de Cédric Jubilar a parlé au Parisien et livré qu'elle a reçu la confidence que ce dernier a bien tué sa femme, ainsi que le modus operandi, témoignage sans doute affabulatoire. Une psychiatre sur un plateau de télévision explicitait la notion.
Cela succédait à l'information que Nordhal Lelandais avait été jugé en catimini en correctionnelle pour violences sur sa nouvelle compagne, mise enceinte au parloir et ayant fait de l'assassin sériel 'un heureux papa'. L'information m'a scotchée. L'enfant est à peine né que 'l'heureux papa' se livre à des violences sur sa femme, au parloir, devant l'enfant, circonstance aggravante. Ce genre de nouvelle, hélas assez courante, laisse pantoise. Pourquoi des femmes, souvent violentées, violées, battues par le mâle de l'espèce humaine, n'ont-elles rien de plus pressé à faire que de se précipiter dans la carrière de visiteuses de prison, et de se mettre en ménage, d'épouser des tueurs sériels comme Lelandais ou Guy Georges (insaisissable tueur de l'Est Parisien aux sept victimes femmes des années 90), marié il y a des années en prison avec sa visiteuse ? Ou Charles Sobhraj, 81 ans, tueur sériel des années 70, sorti de sa prison de Katmandou en 2022, qui a passé la bague au doigt à la fille de son avocat népalais, fille de 44 ans sa cadette ?
Pourquoi, quelles explications historiques ou protohistoriques peut-on donner qui conduiraient à une tel comportement d'oblation, ou au contraire de toute-puissance 'je vais le changer' ? Pourquoi un tel masochisme chez les femmes ?
Les femmes, éternelles vaincues de l'histoire, fait avéré que pas mal d'entre nous ont du mal à reconnaître, préférant montrer des femmes puissantes ou prétendues telles, ce que nous peinons à constater au vu des faits d'actualité et des comportements délictueux et criminels des hommes contre les femmes.
Les femmes ont été échangées comme des bêtes de somme pour faire société (Claude Lévi-Strauss, Françoise Héritier, anthropologues) ; les femmes ont été les premières lettres de crédit avant l'invention de la monnaie (David Graeber), livrées à d'autres hommes, d'autres villages ou tribus, séparées à tout jamais de leur milieu familial (Nicole-Claude Mathieu), échangées contre services, même encore à naître ; les femmes ont été razziées, enlevées, traitées en butin de guerre (voir les traces sur les tableaux et sculptures dans tous nos musées) ; il a fallu survivre à l'oppression, et aux crimes commis contre nous. Il a fallu adhérer à l'oppresseur, courber l'échine, se faire douce et obéissante pour quémander un peu de pitié, un peu de répit, deux ou trois jours, mois ou années, de survie supplémentaire ; il nous a fallu mendier notre vie et accepter les enfants qu'on nous a mis de force dans le ventre par le viol ou le mariage forcé. Et ce n'est pas fini : les femmes de République Démocratique du Congo (RDC) subissent aujourd'hui les raids de factions armées, héritage des génocideurs du Rwanda. Les Gazaouies accouchent sous les bombes et dans les gravats, dix sept mois après le début des hostilités et des bombardements en représailles du 7 octobre 2023, victimes des guerres des hommes. Les filles de Chibok enlevées en 2014, puis asservies durant des années, forcées à la reproduction par la secte islamiste Boko Haram ; les femmes Afghanes contemporaines, privées d'école et d'université, forcées d'épouser leurs vainqueurs (mot qui ne prend aucun féminin, au passage), les moudjahidin barbus hirsutes de l'islam sunnite radical des Talibans, privées de liberté d'aller et venir, et de se choisir un destin.
Quelle psyché se fabrique-t-on avec une telle histoire, avec une telle persistance dans les offenses et crimes que nous avons subis et subissons encore tous les jours ? A part adhérer à l'oppresseur, voire même prévenir ses désirs, je ne vois pas. Certaines femmes ont refusé de se soumettre, elles l'ont en général payé de leur vie : Jeanne d'Arc par exemple, traitée en sorcière et brûlée vive, pour que chacune sache ce qu'il en coûte de se révolter contre le sort commun. Elizabeth Première, elle, était reine, et elle savait ce que les maris peuvent faire à leurs épouses, puisqu'elle était fille d'Henri VIII et d'Ann Boleyn décapitée à la hache pour prétendue infidélité. Elle s'est donc bien gardée de prendre un mari et de faire 'poulinière', malgré les nombreuses 'propositions d'étalons' qui lui furent faites, et elle a eu raison. Mais pour une souveraine qui tient tête, combien durent plier ?
Nous avons donc dû nous fabriquer une adhésion aux diktats de l'oppresseur. Une reddition totale : c'était cela ou mourir. Notre histoire des rapports de sexe est une histoire violente. A mon avis, courant sur plusieurs millénaires, cela laisse des traces indélébiles dans la psyché, qui aboutissent même à une castration métaphysique et psychique des femmes (Mary Daly), à un masochisme durable. Sans compter une adhésion pleine et entière à l'injonction du vainqueur, à force de se l'entendre répéter : la mission SACREE des femmes, à laquelle pas mal adhèrent encore aujourd'hui, en sacrifiant toute autre forme de créativité et de destin, produire les générations futures et répliquer les gamètes de l'oppresseur et sa 'culture' hostile et guerrière de chenapan violent, ayant-droit frustré incapable de résister à ses 'pulsions' ainsi que disent les psys molosses du patriarcat. En renouvelant ses troupes. Avec comme conséquence mortelle, en plus du lourd tribut payé par les femmes sur leur vie et leur santé : la surpopulation mondiale qui pourrait bien finir par un backfire, un effet thanatogène qui nous remettrait à notre place ; la nature qui a horreur du déséquilibre pourrait bien remettre de l'harmonie dans son ordre en corrigeant notre espèce.
En résultat de ce qui précède, nous avons donc des femmes, visiteuses de prison qui s'amourachent de criminels violents, de féminicideurs, de haineux des femmes, de héros noirs et délétères, l'ayant prouvé par leurs actes. Je l'explique de cette façon, n'en trouvant pas d'autre, même si ce n'est pas politiquement correct.
L'humeur quotidienne des femmes devrait être la colère, mais forfaiture ultime, la société la tolère très mal chez nous.
J'ai entendu cette semaine une femme dire sur France Inter que "les femmes devraient s'autoriser la colère" : on en est là, c'est inouï. Les hommes foutent le feu, mettent des pays, des îles, des quartiers à sac, brûlent des écoles et des bibliothèques, c'est à peine si la société s'indigne. Pauvres bouchons : ils sont brimés et opprimés, entend-on dire les paroissien-nes qui fleurissent les sacristies et autels patriarcaux. Toutes sortes d'explications psychologisantes sont invoquées à leur rescousse et pour leur défense. Les femmes qui, elles, sont les plus mâle-traitées par la société, qui subissent des actes violents et dégradants que les hommes leur imposent en permanence, devraient peut-être s'autoriser la colère ? Pas possible ? Et encore il y a du progrès dans une telle phrase, parce que la colère des femmes est un quasi tabou ! Pour ma part, je suis en colère, et je me fiche bien qu'elle soit autorisée ou non par la société. Elle me sauve la vie tous les jours. Et j'espère ne pas être la seule.
Je n'ai jamais éprouvé ce besoin de voler au secours de la forteresse assiégée, les hommes, comme les autres femmes de leur entourage, proche ou lointain. Je n'ai aucun syndrome de l'assistante sociale. Ils se mettent dans les ennuis ? Ils n'ont que ce qu'ils méritent si cela leur retombe dessus. Non, ce qui sied bien aux femmes, y compris dans pas mal d'associations féministes, c'est la plainte de la survivante qu'on y entend et valorise, jamais la colère. Je sais de quoi je parle. J'ai milité quatre ans dans une telle association. Il ne fallait jamais l'ouvrir, jamais dire un mot plus haut que l'autre, ne jamais désigner les pièges dans lesquels elles étaient tombées, et surtout ne jamais mettre en garde les suivantes ou les victimes, tout proches de retomber dans la même ornière. Trop douloureux à entendre. J'étais surveillée en permanence par l'œil de Moscou, soupçonnée de possibles dérapages. Pas touche aux mecs, on en a eu à la maison, on s'est fourvoyées, on s'est gâché la vie avec eux (il y avait des cas dramatiques), mais pas question de le dire. J'ai porté ce malaise pendant quatre ans en étant sollicitée pour toutes sortes de courbettes aux financeurs dont la plupart ne me plaisaient pas, et me suis juré de ne jamais y retourner. Agir en free-lance est plus dans mes compétences et goûts, et c'est efficace aussi. Bien que je comprends que l'action collective est indispensable.
Je termine ce billet par cette citation, parole que je trouve désaliénante et libératrice du regretté David Graeber qui nous a quittées précocement (je l'adorais, il nous reste ses livres, lisez-le !), à la fin de Dette, 5000 ans d'histoire : nous serions en dette de la vie à nos ancêtres et prédécesseurs en cette vallée de larmes où les êtres humains sont odieux entre eux, où les hommes ont domestiqué et asservi les femmes, et nous aurions obligation de leur fournir des descendants en remerciement ! Etant donné qu'on ne m'a pas demandé si je voulais 'ce beau cadeau de la vie', et même si, chanceuse, j'ai eu des parents décents que je remercie pour cela, ne comptez pas sur moi pour rembourser quoi que ce soit. Je n'ai contracté aucune dette envers qui que ce soit.
" Puisque nul n'a le droit de nous dire ce que nous valons, nul n'a le droit de nous dire ce que nous DEVONS. "
David Graeber.
Une infographie vaut mieux que mille mots
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* Il semble qu'il y ait le pendant de l'hybristophilie féminine chez les hommes, l'enclitophilie, attirance des hommes pour les femmes criminelles. Qui me paraît être une rareté, ou correspondant à la manie de notre époque passionnée d'égalité, de trouver des équivalences ou des symétries dans les comportements des femmes et des hommes. Outre que les hommes ne sont pas construits socialement comme nous, et que le panel de femmes en prison est tout de même très limité, j'ai du mal à voir une quelconque symétrie, et je suis en peine de citer un seul cas.
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