mercredi 13 mars 2019

Fièvre aménageuse - Suroccupation urbaine masculine

Cette semaine, histoire de faire monter mon taux de cortisol (oui, la même hormone de stress que produisent les cochons qu'on trimballe aux abattoirs et qui fait que leur viande part en eau dans la poêle des carnistes),  je suis allée à une réunion de "concertation" de mon quartier à propos de travaux, commencés il y a deux mois tout de même ! Mais comme ça grinçait dans le coin qu'on nous prend pour des quiches en "aménageant" dans le dos des usagers-habitants, donc, bam, "réunion de concertation". Mieux vaut tard que jamais.

Bien m'en a prise. J'ai pu me refamiliariser avec le technolecte des techniciens et des urbanistes.

Quelques mots ou expressions-clés en gros caractères, réellement entendus et fidèlement transcrits : valoriser. Foin de tous ces champs à vaches, rabines empierrées et boisées datant d'il y a deux siècles (ce qu'on appelle rabine dans l'Ouest est une allée empierrée bordée d'arbres, conduisant à un château), bras de rivières, étangs, mares, ronciers, dont personne ne profite car ils ne les connaissent même pas. Mettons des panneaux pour indiquer les cheminements bordés d'éclairages doux, posons des enrobés au pin histoire de laver plus vert (? peut-être que c'était au pain d'ailleurs, on ne sait jamais, c'est la même phonétique, mais je n'ai pas demandé), avec doublage de piste pour skateurs, rollers, (activités de mecs dans 80 % des cas), vélos... Mettons en valeur la nature qui n'y arrive pas toute seule. Dès qu'on la laisse se démerder, elle part en sucette : friches, ronces, engoncements inextricables tels que lome ne peut plus accéder, une vraie catastrophe. D'ailleurs, comme l'a dit un aménageur : la biodiversité s'appauvrit dès que la main de l'homme n'agit plus ; bigre, on se demande même comment le monde a pu prospérer sans nous, avant nous. On sait que c'est le contraire : la nature revient quand l'immense homme laisse la place après avoir rendu le lieu inhabitable pour lui, Tchernobyl est un parfait exemple du retour des bêtes et des plantes quand on leur a laissé le champ libre. Et puis, c'est quoi la nature, sinon une construction sociale, une terraformation permanente depuis l'avènement de l'anthropocène / capitalocène ?

Dans le cadre des ces aménagements on va faire appel à des porteurs de projets : qui une ferme permacole, qui des pâtures sur lesquelles faire paître des vaches. Sur un millier d'hectares, c'est bien le diable si on ne peut pas valoriser 10 hectares de terres agricoles, en compensation de tous les hectares vitrifiés sous les projets immobiliers, d'aménagements, ou encore de pelouses artificielles d'entraînement de foot : en effet pour obtenir une homologation internationale, il faut une taille critique de terrains d'entraînement. Il n'y a personne dessus ? Mais on s'en fout : le but c'est faire du chiffre, et pour cela il faut acquérir une homologation internationale. Ça ne profite qu'à des mecs ? Alors là, je pousse mémère : il n'y a PERSONNE pour souligner le fait. Pas plus celui qui a posé la question : "vous n'avez pas peur avec vos "enrobés" de faire appel d'air aux quads, motos, scooters déjà largement présents sur le site ? C'est des mecs qui font des tours de squads, motos ou scooters sur un site bucolique, mais motus, personne ne moufte. Le technicien municipal marchait sur des œufs : oui, effectivement, on nous signale des incivilités. Super, incivilités : il a le mérite de ne pas désigner les perturbateurs. Boys are boys, boys will be boys, apathie ménagère générale, coma dépassé. On ne va quand même pas se fâcher avec les mecs en appelant un chat un chat, puis la police. D'ailleurs, la police c'est des mecs aussi, donc, on tourne en rond.

Une autre attitude révélant l'impensé qu'est la multiplication humaine : des gens sensés, compétents, de plus de 70 ans, sachant instruire des dossiers, se demandant à voix haute pourquoi on a besoin de toutes ces routes, parkings, projets d'urbanisation (locution usuelle pour désigner les cages à lapins empilées partout sur les périphéries des villes) au bord de leurs jardins pavillonnaires ? Ils ont tous fait 3 enfants, 9 petits-enfants et 27 arrières petits-enfants et ils se demandent POURQUOI on a besoin de logements ! La génération des trente Glorieuses est décidément bien inconsciente, elle a brûlé la chandelle en irresponsable, consommé sans états d'âme, s'est étalée en mitant l'espace ; quand ils sont nés, ils étaient 2,2 milliards sur terre, aujourd'hui on est 7,7 milliards, plus de trois fois plus, ET ils se demandent POURQUOI on a besoin de tous ces logements ? Mais parce qu'ils ont fait de la cuniculture tiens ! C'est un monde ça, une telle inconscience. Bon, même pas la peine de hucher, je suis de toutes façons inaudible. Il n'y a pas pire sourd que qui ne veut pas entendre. 

Une note optimiste tout de même : quand je suis partie, la première tellement je n'en pouvais plus, c'était le noir absolu ; pas d'éclairage, les réverbères étaient éteints, et pas de lune. Incapable de retrouver mon chemin sur une allée bordée de parkings, j'ai dû retourner demander qu'on me raccompagne avec une lampe de poche. Au moins dans le coin, les oiseaux dorment tranquilles, les animaux nocturnes peuvent chasser et s'apparier en paix. Pourvu que ça dure.
 

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