vendredi 5 octobre 2018

Le massacre des innocents - Les oubliés de la République


Deux enfants tués par semaine, un enfant violé toutes les heures, 73 000 cas de violences identifiés par les forces de police, 300 000 enfants et mineurs pris en charge par les services sociaux. 


Edité à compte d'auteures, vendu sur Amazon, écrit par Françoise Laborde, journaliste, et Michèle Créoff, spécialiste de la protection de l'enfance, ce livre est un manifeste. Les enfants ne font pas de lobbying, ils sont dépendants de leurs familles, ils ne sont pas représentés dans les assemblées où se décident les lois, ils n'ont pas de comptes Facebook ou Twitter pour faire de l'activisme.

Les maltraitances aux enfants sont un sujet féministe car " on est au même endroit. Les violences faites aux femmes trouvent leurs sources dans les mêmes causes : le huis clos familial et la domination patriarcale ", selon un des anciens enfants maltraités devenu militant de la cause des enfants retirés à leurs familles et confiés à l'ASE (Aide Sociale à l'enfance).
" La condition féminine et la condition enfantine se rejoignent face à la toute puissance maritale et paternelle ". Malheureusement, les féministes se concentrent surtout sur les viols incestueux et les mutilations sexuelles.

Il est toutefois indispensable de préciser que les mutilations sexuelles et génitales, les mariages précoces et forcés, le voilement des fillettes, sont des maltraitances à enfants. Imposer le voile à une fillette, c'est lui signifier qu'elle n'aura pas la même autonomie que ses frères qui eux vont en débardeurs et en shorts, et lui imposer très jeune un stigmate, la désigner comme objet de convoitise sexuelle. C'est une sexualisation précoce et une violence.

Résistez au chant des sirènes patriarcales !

Non la maternité, le mariage, une famille, ce n'est pas forcément que du bonheur, et avoir des ovaires et un utérus, c'est seulement une option, il n'y a aucune obligation de s'en servir.
Se marier et avoir des enfants, c'est renoncer pour une femme à son identité dans le premier cas, et à son autonomie, dans le deuxième cas, double peine au final. Vous en prenez pour 20 ans, incompressible. Un enfant n'est pas une béquille à la solitude, ni un pansement sur vos plaies existentielles, il ne compensera pas une enfance malheureuse, il ne fera pas un bon compagnon, au moins au début quand il faudra le nourrir et s'en occuper toutes les deux heures, jour et nuit ! Un enfant, c'est exigeant et tyrannique, avant d'être aimant. Clairement, ils sont tous facistoïdes, pour moi.

Choisir un compagnon, futur père de votre enfant, à un arrêt de bus (un des cas cité dans le livre !) et se faire mettre enceinte un mois après, est une stratégie pourrie. Certains hommes n'ont pour affirmer leur statut social que leur rôle de père : ils seront tentés d'exercer leur tyrannie (de père tout puissant, c'est écrit dans la Bible, vous ne pouvez pas lutter !) auprès de Bobonne et de ses enfants. Cela donnera un dictateur familial qui se vengera de toutes ses frustrations professionnelles et existentielles sur vous et vos enfants ! La société leur promet ce statut depuis le Néolithique : ils ont le droit de régner, de droit divin, sur un troupeau de femelles : sœurs, mère, épouse, maîtresses, filles, nièces...
La vie vous offre des tas d'autres opportunités : la légèreté, l'autonomie, l'action, une ou plusieurs carrières passionnantes, car les femmes savent se trouver des vies consécutives, au contraire des hommes qui ne font en général qu'une carrière linéaire, des compagnons ou des compagnes d'autant plus léger-es qu'illes seront de passage -ou permanents-, sans le poids de la (m)paternité. Et puis, 8 milliards d'humains sur une planète à bout de souffle devant nos besoins illimités et notre responsabilité limitée, franchement, est-ce bien raisonnable d'en rajouter ?

Ce livre-manifeste répertorie les principaux "faits divers" ayant percé l'atonie de la société devant le sordide des situations d'enfants battus à coups de barres de fer et de poings, douchés à l'eau glacée, enfermés dans des caves, des petits martyrs que personne ne détecte -ou ne veut détecter- la famille "c'est que du bonheur" étant la croyance la plus répandue dans notre espèce prisonnière de ses histoires édifiantes. Mais fausses : en témoignent Noa, bébé de deux mois, décédé d'un trama crânien infligé par les poings de son père ; Bastien décédé à trois ans en 2011, étouffé dans le tambour de la machine à laver en mode essorage ;  Marina, 8 ans et un physique de petite boxeuse victime des coups de ses parents, de l'indifférence du voisinage, et des institutions pourtant chargées de la protéger ; Mandolina, 3 ans, victime de la folie maternelle, noyée, jetée à l'eau dans un sac plastique ; Inava, dont l'âge au moment du décès est incertain, tuée par son père frustre et marginal, dans l'indifférence de sa mère à mentalité d'esclave ; Pierre et Jean, handicapés à vie, reclus dans une cave pendant des années puis échappés par leur seule volonté, les inspecteurs de l'ASE n'ayant rien trouvé à redire au sous-sol où ils étaient logés ; et Sarah, violée à 11 ans par un adulte, mais dont le viol ne sera pas reconnu par le tribunal correctionnel de Pontoise, dont le procès provoquera le débat sur l'âge minimum du consentement à une relation sexuelle. Débat qui a abouti finalement à une loi mal rédigée. Status quo ante.

Ce dernier cas montre que nous sommes un pays fanatique de la natalité, ayant à peine évolué sur la contrainte à la sexualité et à la reproduction pour les filles ; la famille est toujours sanctuarisée, le père "biologique" est toujours tout puissant ; des familles ayant gravement démérité, convaincues d'incapacité et de maltraitance, gardent toujours la primauté sur leur progéniture devant des familles d'accueil ou toute autre personne désireuse d'adopter, selon les fameux et ridicules "liens du sang". C'est pathétique : il est évident que le parent, c'est celui, celle qui protège, élève et construit. Fût-ille une parfait-e inconnu-e, mais qui procure les soins de base et la sécurité. Les enfants ont besoin de sécurité, et de stabilité, avant tout. Les trimballer de familles d'accueil en famille biologique au gré des réhabilitations et des déménagements des uns et des autres, n'est en aucun cas STABILISANT ni ne peut favoriser une scolarisation sereine débouchant sur un diplôme. Rappelons que 40 % des SDF sont d'anciens enfants de l'ASE, balancés dans la vie, généralement sans diplôme, sans pécule, à 18 ans, parce qu'ils sont majeur-es et qu'ils sont considérés devenus adultes. L'aide sociale à l'enfance, c'est 44 000 euros par an et par enfant, le prix de la scolarité d'une grande école ! Tout ça pour en arriver là.

Le livre, en conclusion, propose des solutions de bons sens (dont l'adoption simple : il y a plein de familles désireuses d'adopter dans ce pays et pas d'enfants à adopter !) pour améliorer la prise en charge de ces enfants victimes de l'acharnement de leurs parents : à les mettre au monde d'abord, puis à les délaisser et/ou maltraiter ensuite, conséquence de leur irresponsabilité et de leur obéissance à des injonctions patriarcales immarcescibles. Vous pourrez aller signer ce Manifeste pour une protection de l'enfance contre les violences familiales et d'état sur le site Amazon dans les commentaires sur la page de l'ouvrage. A lire par tous, mais particulièrement si vous êtes éducateurs, professionnel-les de l'enfance ou soignant-es, infirmières, médecins, assistants sociaux, et professionnels de justice.

Si des enfants maltraités passent par ici :
ne restez pas seul-es, repérez une personne de confiance dans votre entourage : institutrice, infirmière scolaire, voisin ou voisine bienveillante... et parlez-lui ! Ou appelez le 119 enfance en danger, la plateforme gratuite dont le numéro n'apparaîtra pas sur la facture de téléphone de vos parents. Elle répond 24 H sur 24. Personne n'a le droit de vous battre, de vous parler mal, ou de vous imposer des situations qui vous mettent mal à l'aise. Les adultes n'ont pas tous les droits. Même conseil si votre père tape votre mère : c'est une violence contre vous, vos frères et sœurs, et votre mère. 

Et les adultes, si vous avez des doutes sur un voisin ou une voisine, par pitié, appelez la police, la gendarmerie, et signalez ! Il vaut mieux les déranger pour rien que de découvrir un matin que vos voisins ont tué un enfant à coups de barre de fer !

" L'enfant n'appartient ni à ses parents, ni à la société, mais à sa liberté future " Bakounine

Cette semaine, l'Iran des Mollahs a pendu une jeune femme de 24 ans : Zeinab, enfant mariée de force à 15 ans, violée ensuite, puis battue par son mari. A 17 ans, elle tue son bourreau. Torturée en détention, selon Amnesty International, puis condamnée à mort, Zeinab Sekaanvand a été pendue le 2 octobre 2018, afin que nulle n'ignore la loi de fer des mâles, éleveurs du Néolithique, pour les filles et femmes : appartenir à un homme, pour le pire, puis reproduire ses gamètes d'oppresseur et de parasite de toutes les vaches à traire qui passent. Repose en paix, Zeinab, tu as refusé le statut d'esclave, tu es une héroïne ; tu as débarrassé la planète d'un bourreau, d'un pédophile et d'un parasite. Nous ne t'oublierons pas.

Les phrases en caractère gras et rouge sont des citations du livre.

7 commentaires:

  1. Le pire c'est que ce ne sont pas les parents maltraitants qui sont condamnés par la société, non celles qui sont montrées du doigt et injuriées sont celles qui refusent de procréer afin de ne pas exposer un enfant à un monde de violences... Faire souffrir un enfant n'est pas jugé scandaleux par la société, mais refuser de faire souffrir, oui ! Au contraire, dans les cas d'enfants maltraités, ce sont les enfants qui sont jugés coupables et non les parents : "Tu dois pardonner à tes parents" "Il y a pire que toi" "Tes parents ont cru bien faire" "Quoi qu'ont fait tes parents tu leur dois respect et obéissance car ils t'ont mis au monde" "S'ils t'ont maltraitée c'est qu'ils avaient de bonnes raisons de le faire et c'est toi le monstre"etc et tout ça accompagné d'éclats de rire... Ce sont des choses que j'ai entendues. Et c'est vrai que la cause des enfants est l'une des moins défendues, moins encore que la cause des femmes. Le mythe du bonheur familial est très vivace.... Je conseille sur ce sujet ce livre de Jean-Christophe Lurenbaum : Naître est-il dans l'intérêt de l'enfant ?

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    1. C'est comme avec les femmes : toujours coupables en face du dominant. "Quoi qu'on fait tes parents tu leur dois respect et obéissance, car ils t'ont mis au monde" : comment mieux refuser d'entendre la parole d'une enfant maltraitée ? Et comment mieux enfermer les victimes dans un cercle infernal de déresponsabilisation du maltraitant et de culpabilité pour la victime ? C'est infâme.
      Merci pour le lien :) Je vais creuser...

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    2. Est-ce que vous auriez quelques titres de livres à conseiller pour commencer à se forger une culture féministe ? Il y a tant d'ouvrages que je ne sais pas trop par où commencer ;) Je sais aussi que les féministes radicales sont peu traduites en français, or je ne lis pas couramment l'anglais...

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    3. Il y en a déjà pas mal dans la side bar de mon blog à droite (clic droit, ouvrir dans un nouvel onglet :)) et il y a une rubrique Delphy dans mon nuage de libellés, une rubrique Ti Grace Atkinson et une Solanas et Kate Millet, il suffit de cliquer dessus par le clic droit. Et comme tout n'est pas forcément bien rangé -mon blog a 9 ans, les rubriques se sont additionnées- il y a plein de rubrique à explorer dans ce nuage de points. Tout est en français. Commencez par Delphy, L'ennemi principal, c'est une base. Puis Millet : la politique du mâle. Dworkin est de plus en plus traduite, prochain livre à sortir en janvier 2019, Intercourse (le coït dans un monde d'hommes) que je viens de relire et que je chroniquerai en temps voulu !

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    4. Je vous remercie :) Et cela me fait plaisir d'apprendre que les écrits de Dworkin sont en cours de traduction pour certains !

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  2. Des années que je vous lis avec intérêt, mais le "ils sont tous fascistoïdes" en parlant des enfants, et le "20 ans incompressibles"... ça me dégoûte. "Un enfant c'est exigeant et tyrannique" quand il exprime son besoin de manger, de dormir, ou tout autre besoin??
    Je ne comprends pas comment on peut dire ça ET déplorer le fait que les enfants soient maltraités??
    On n'est pas obligée d'avoir des enfants, mais quand on en a, ce n'est pas forcément pour de mauvaises raisons et non, on ne renonce pas forcément à son identité.

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    1. Un enfant est terriblement conformiste, j'ai eu des neveux petits, j'en ai entendu des questions intrusives auxquelles il est difficile de répondre quand on est adulte et qu'ils ont de 3 à 6 ans. Je maintiens les 20 ans incompressible, j'entends sans arrêt des parents chouiner alors qu'illes ont fait leurs choix. Pour la perte d'identité, elle concerne le mariage, la perte d'autonomie est consécutive à la maternité "Se marier ET avoir des enfants, c'est pour une femme renoncer à son identité ET à son autonomie", la suite logique de ma phrase est respectée, mais vous avez raison, ça n'a pas l'air clair je vais rajouter dans un cas et dans l'autre ! Il va sans dire qu'il y a perte d'autonomie pour les pères aussi, mais moindre, ils sont moins impliqués. Moins de 10 % des femmes, malgré la loi qui le leur permet, ne transmettent pas leur nom de naissance à leurs enfants, 50 % des noms de famille disparaissent tous les 25 ans, Le Monde fait régulièrement des articles sur le sujet en pure perte, ça remplit des colonnes, c'est tout. Dans pas longtemps, tous le monde va s'appeler Martin ! Mais je dis ça, je ne dis rien. Si "tout le monde n'a pas des enfants pour de mauvaises raisons, ce que j'admets, on attend encore les raisons pour lesquelles tout le monde en a, en revanche. Moi, on m'a demandé sans arrêt -y compris en entretien d'embauche, tout est bon aux patriarcaux pour recaler une candidature de femme- "pourquoi vous n'avez pas d'enfants "? Jamais on en somme ainsi les gens qui ont des enfants de dire "pourquoi ils en ont ?". Double standard comme toujours, on n'y échappe pas. Merci de votre commentaire et de votre fidélité.

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