vendredi 20 juillet 2018

Craignez-les !

Du 25 au 29 juillet se dérouleront, comme tous les ans, les "fêtes" de Bayonne. Après les fêtes de San Fermin à Pampelune, en Navarre espagnole, presque à chaque fois entachées d'agressions sexuelles, voire de viols. Le jugement clément de 5 violeurs de la Meute à la San Fermin 2016 (La Manada en espagnol, ainsi qu'ils s'étaient nommés) a suscité des manifestations dans toute l'Espagne au mois d'avril dernier.
Lâchers de bouvillons et de vachettes affolées dans les rues, que les hommes défient en courant parmi elles et affrontent au besoin pour montrer qu'ils sont les plus forts : toutes ces fêtes se terminent par des "spectacles" de corridas, pour qu'on sache urbi et orbi que l'homme terrasse la bête. C'est pathétique. Pour l'instant, silence du côté des féministes, qui ne dénoncent que les affaires d'agressions sexuelles de ces rassemblements masculins, la dénonciation de la violence étant laissée aux associations anti-corrida et de protection animales actives des deux côtés des Pyrénées. On se demande bien pourquoi : ces faits sont le fait d'hommes -et de jeunes garçons qu'on dépouille de leur empathie pour leur apprendre la cruauté vis à vis de jeunes veaux, pratiques connues sous le nom de novilladas et de becerradas. Il faut que ça saigne, il faut qu'on les craigne ! Et il n'y a pas que dans le Sud de la France : déterrage de blaireaux et de renardeaux, comme ci-dessous dans une autre région française, les renards et blaireaux étant déclarés "nuisibles" par le Top Model de la Création pour justifier le massacre, pendant que la biodiversité disparaît. Pour que nul n'en ignore, ils publient leurs exploits et s'affichent avec leurs trophées comme tout serial killer qui se respecte, enfin, selon la légende dont regorge la littérature policière.
Ces fêtes où les femmes sont spectatrices plus qu'actrices, sont truffées et imprégnées d'exploits masculins (beuveries et incivilités en majorité) : elles sont évidemment des manifestations de virilité. Les femmes qui se croient bienvenues (c'est le discours officiel) sont évidemment juste tolérées dans ces espaces, où il peut à tout moment leur être signifié par une main au cul, une bite à l'air, voire plus, une agression sexuelle ou un viol, que la rue appartient aux mecs, que le bain dans le sang animal est leur occasion à eux. Lacrymogènes, incendies de voiture et agressions sexuelles, les incidents de la "fête des bleus" sur les Champs Elysées, qui ont été dévoilés plusieurs jours après, et bien à contre cœur par une presse unanime dans le consensus sur la grande fête footballistique, relèvent des mêmes pratiques : les filles, vous êtes tolérées dans un rituel masculin, ne venez pas vous plaindre après, si vous aviez une jupe trop courte, ou une jupe d'ailleurs, si vous aviez un coup dans le nez, ou même si vous traversiez la place au mauvais moment !

Je crois illusoire de vouloir revendiquer en tant que femme, une participation apaisée à ces joutes masculines. Elles sont par définition des compétitions entre hommes, compétitions entre hommes et bêtes, et dans ce dernier cas, il y a des morts, et ces morts, ce sont les bêtes. Quand je lis la revendication de fêtes de San Fermin sans violences de la part des féministes, je constate qu'il n'y a que les ONG de protection animale pour rappeler que la revendication de non violence doit aussi inclure les animaux, victimes qu'aucune autre voix ne défend !

Corps de femmes consommables dans la prostitution et le viol, corps de bêtes pièces bouchères envoyées à l'équarrissage pour les jeux masculins, violence et torture aux animaux, violence aux femmes dans la prostitution et le viol : San Fermin, fête patriarcale de la mort, banquet masculin empoisonné. Je ne vois pas comment on peut croire que ces lieux seraient des lieux de sécurité pour les femmes et tout ce qui n'est pas EUX, comme EUX. Je ne vois pas comment on peut tolérer des effusions de sang et de violence sans frein sur des bovins et demander la sécurité pour soi. Il est temps de voir le continuum de la violence masculine. Et assez de formules d'ancillaires que les femmes s'échangent en elles : "vous savez bien comment sont les garçons", "boys are boys" qui essentialisent les hommes et noient le poisson ; si nous sommes plus calmes, ils peuvent l'être aussi, c'est une question de volonté et d'éducation. Il est temps d'être et de rester ferme sur les principes.

Il est temps de sortir de la sidération et de la résignation devant les mauvaises actions des hommes ; le déni ne mène nulle part, pas plus que la revendication d'avoir une part apaisée en tant que femme  dans ces lieux où se jouent des guerres rituelles et symboliques. La torture et la mise en pièces d'un animal -y compris devant des enfants- ne sont pas des actes sociaux anodins. La mort d'un animal dans l'arène ou dans les espaces dits sauvages par des chasseurs témoignent qu'ils font régner la terreur. Et c'est bien le message envoyé. Nous sommes entre nous, nous sommes cruels et méchants : animaux, femmes, garçons doux ou garçons gays, vous n'êtes pas les bienvenus dans nos lieux d'entresoi viril, où nous confisquons par ailleurs les espaces publics et médiatiques, les espaces de nature à notre seul profit. Vous pouvez en être les victimes collatérales. Celles et ceux qui s'y aventurent prennent leurs risques. Toutes vos marches blanches sans slogans ni inscriptions, tous vos polluants lâchers de ballons n'y pourront jamais rien.

La seule réponse possible est le refus obstiné de ces méfaits virils, se mettre en travers de ces exactions contre des animaux qui ne font plus le poids, la réponse est le renvoi dans les poubelles de l'HIStoire de ces traditions viriles d'un autre âge. Les femmes y ont déjà gagné leur place. En face des chasseurs, les défenseurs des animaux sont en majorité des refusantes et des défenseuses. C'est en ces lieux-là que les femmes ont toute leur place à prendre.

" Les pratiques de la virilité sont incompatibles avec le maintien de la vie sur la planète ".
Kate Millett - La politique du mâle.

7 commentaires:

  1. La prédation est un droit ,mais le sadisme est un crime .

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    1. D'accord avec votre deuxième partie de phrase, mais pas d'accord avec la prémisse : le droit est une construction sociale typiquement humaine, obtenue après une exigence et des luttes sociales, la prédation n'en fait pas partie. La prédation est peut-être pour les animaux une loi de nature pour les mâles humains, c'est une construction sociale admise sous le nom de "tradition". Rien à voir avec le droit hormis que ce sont deux constructions sociales antagonistes. A nous de lutter pour que le droit déclare que la prédation masculine contre des animaux devient partout illégale.

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  2. C'est aussi une spécialité du sud. Au nord, les virilos s'attaquent plutôt aux mammifères marins, apparemment.

    Aujourd'hui je suis en deuil de la Femen Oksana http://www.liberation.fr/france/2018/07/24/oksana-chatchko-mort-d-une-femen-desabusee_1668516. Sa mort m'attriste horriblement.
    La sensibilité féminine résiste mal à la barbarie masculine.

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    1. Merci pour l'info qui m'avait échappé ! Je partage.

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  3. merci pour le partage ! C'était une très trés grande féministe. Une femme d'exception. Elle me manque déjà terriblement :'(

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  4. Quand je lis un article comme le votre, j'ouvre "Après l'Histoire" de Philippe Muray, car la réponse ne manque pas de s'y trouver:
    "Aucune argumentation, aucune défense de la chasse ne prévaudront jamais contre ceux qui ont décidé de la proscrire, comme ils sont résolus à éliminer les corridas, le pouvoir masculin, la carie dentaire, les fumeurs de cigarette, la notion de vie privée et quelques autres résidus, d'ailleurs heureusement de plus en plus rares, des temps antiques, c'est à dire de la réalité […]
    C'est en vain que l'on essaie parfois de faire l'éloge de la chasse ou de la corrida comme mise en scène de la canalisation puis de la soumission par l'homme des forces de la Nature. Homo festivus reste de marbre devant de telles explications. Le chaos tortueux et contradictoire de la Nature, pour commencer, ne le concerne plus que comme espace touristique à visiter en toute sécurité […] Terminé les panoramas des campagnes françaises qui sentaient la sueur des hommes et leur antique labeur, vive les parcs à thème et les "bulles de verdure" qui ne sentent rien du tout que le parfum de la Vertu, c'est à dire de la Technique."

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    1. Merci de votre passage et de votre commentaire citant un personnage réactionnaire pratiquement inconnu, en faussant mes propos, comme toujours avec les fabrications patriarcales. Je suis contre le festif patriarcal donnant le change, où les femmes croient faussement être les bienvenues, la société spectaculaire, dont font partie les corridas et les expéditions punitives de la virilité toxique. La suite "pouvoir masculin, carie dentaire, corrida, fumeurs de cigarettes, dénote une mise à niveau triviale de sujets différents noyant le poisson : tout se vaut, ne changeons rien, habituelle prose réactionnaire. Le patriarcat et ses tenants sont bloqués dans l'espace-temps au Néolithique, crispés sur les pires "traditions" masculines, même une majorité de femmes est tétanisée devant ces stupidités qui devraient être reléguées depuis longtemps dans les poubelles de l'histoire.

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