vendredi 21 décembre 2012

Homme de guerre : pléonasme ?

En marchant dans les rues de ma ville, il m'arrive de lever le nez sur les plaques de rues, histoire de voir quelles célébrités on y trouve. Comme je suis dans une ville où ça bétonne à mort (logements sociaux, immeubles de standing, hôtels de luxe, immeubles administratifs...), mais où un début de prise de conscience sur l'étalage urbain commence à se faire jour, on remplit les "dents creuses", ces trous urbains entre les maisons ; les pavillons de l'après-guerre avec jardin, dont les habitants partent en maison de retraite ou décèdent, sont démolis et remplacés par des immeubles de quelques étages, à parking bétonné derrière, ce qui fait que le jardin disparaît et la biodiversité qui va avec : hérissons, herbe, fleurs, insectes, escargots, fourmilières...
Les friches industrielles sont dépolluées et on les re-bétonne, ce qui donne de nouveaux quartiers flambants neufs (pas pour longtemps, ça vieillit mal) ! Il faut donc trouver des noms aux nouvelles rues, allées, places. Pas question de tomber dans la facilité comme dans les bourgades des siècles passés : Place du marché, de la Mairie ou encore de la Poste qui étaient et sont les occurrences les plus nombreuses, ne sont plus de mise. Pas plus que les rues des Mésanges, Peupliers, Platanes..., qui sentent à plein nez leur urbanisation ratée et pathogène des années 60 et 70 du siècle dernier ! Enfin, on en a tous soupé des généraux d'empire, des illustres zomes politiques de la 4ème République et des scientifiques, tous mâles, du XIXème siècle. Il faut donc se creuser la nénette, trouver du héros local, secouer les archives et les archivistes, soulever la poussière des armoires et racler les fonds de tiroirs. Eurêka : on trouve Geoffroy de Pontblanc. HOMME DE GUERRE de son état, statut pour la postérité.
 


De cet obscur du 14ème siècle, on n'a trouvé que la date de sa mort et un exploit : il a tué plusieurs anglais dans une rue étroite. Il faut bien cela pour l'édification des générations futures : un chevalier qui tue des anglais avant d'être mis en pièces à son tour. Le promotion du pacifisme ne passe pas par les mecs. Au fait, une FEMME DE PAIX, c'est introuvable dans l'histoire régionale ? Dans le bruit et la fureur de l'histoire et des exploits guerriers masculins, que valent les Jeanne de Lalaing, Jeanne de Laval et Comtesse de Penthièvre, l'une sauvant un mari de la prison, la seconde, femme de goût promouvant les artistes, ou la troisième sauvant son duché des convoitises françaises ! Ah oui, mais ce sont des femmes, et selon une tradition délétère, elles sont effacées de l'Histoire avec de grosses gommes viriles. Pas question de montrer aux fillettes des modèles valorisants : des femmes de tête, de cœur et de pouvoir ! Le destin des femmes est de rester à la ferme pendant que les gars guerroient, chacun son métier, les vaches seront bien gardées. Et faire la guerre, dans leur mythologie, est plus valorisant que d'entretenir la ferme en bon état de marche en attendant leur retour. Donc, dans les noms de rues, on trouve des Geoffroy de Pontblanc, le couteau entre les dents !

Lors de mes recherches, je suis quand même tombée sur une ville de France dont les noms de rues sont tous des noms de femmes : il s'agit de la Ville aux Dames, près de Tours, département d'Indre et Loire. Ses habitants s'appellent des Gynépolitains et des Gynépolitaines. Vivent les Tourangeaux !  5000 habitants, 75 avenues, rues, allées, qui portent presque toutes des noms de femmes, de même que tous les édifices municipaux, depuis 1974, où ces femmes illustres ont donné leurs noms aux lieux-dit, sur décision majoritaire du Conseil Municipal. Un exemple mal connu et à suivre.

Article à lire sur Archives du Féminisme.


6 commentaires:

  1. Géniale cette Ville-aux-Dames ! C'est le village d'Astérix (ou plutôt de Falbala) du sexisme urbanistique (ou son entité).
    Merci pour la découverte ! Ce n'est pas la révolution féministe mais ça réchauffe quand même le coeur d'apprendre ça, mince alors ! Pour une fois !

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    1. Oui, c'est le dernier village qui résiste au sexisme ambiant. Je suis tombée dessus en cherchant les pourcentages noms de femmes attribués aux rues par rapport aux noms de d'hommes ; évidemment, je n'ai rien trouvé ! La France, comme d'habitude planque son sexisme sous un universalisme cache-misère : comment ça compter les hommes et les femmes ? Et puis quoi encore ? Deuxième remarque : il n'en est fait aucune publicité, il faut qu'un site féministe se charge de le mettre en lumière !

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  2. Merci pour la découverte de la Ville aux Dames, même si un tel ilot ressemble un peu à la journée des femmes, un jour par an et tous les autres on continue comme d'hab. ceci dit les avenues aux guerrières (Jeanne d'Arc) aux scientifiques (Marie Curie) et les rues adjacentes aux artistes. mais bon, ne boudons pas notre plaisir.

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    1. Même si c'est assez vrai que les noms de rues suivent l'ordre masculin : guerrière, scientifique, artistes, je ne boude pas non plus mon plaisir pour la trouvaille. Et puis, je suis totalement dans la mouvance anglo-saxonne, je trouve que Jeanne d'Arc est une icône féministe, même si les français-es ne l'aiment pas ; une fois de plus, le dénigrement sexiste n'est pas très loin ?

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  3. Ceci dit, bien à droite la ville et pas une mairesse sur la liste. Nobody is prefect!

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    1. Je ne pense pas personnellement que le féminisme soit de gauche. Le féminisme transcende les partis, comme l'environnement. Il n'y a qu'à voir comment le PS a traité sa candidate en 2007, enclenchant la machine à perdre consciemment. Sans parler des petites phrases sexistes et misogynes pendant toute la campagne. Quand à la mairesse, effectivement, il serait temps que ça vienne.
      Un vrai parti féministe de femmes, peut-être ? Il faut arrêter avec la phrase "On ne gagnera pas sans eux !" On gagnera sans eux et malgré eux.
      http://multitudes.samizdat.net/L-homme-a-abbatre

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