jeudi 13 mai 2010

Verbatim 2

Fait incontestable, la langue française est sexiste, dans son vocabulaire, dans sa construction grammaticale, dans ses absurdes règles comme le masculin l'emporte sur le féminin auxquels s'accrochent quelques fossiles (mâles et femelles) capables de nuire encore un bout de temps.
En voici quelques exemples lus ou entendus au hasard.

"Sylvie Goulard, vous êtes député européen "...
Madame Merkel, le Chancellier d'Allemagne et Madame Lagarde, le Ministre des finances, Martine Aubry, le premier secrétaire du Parti Socialiste... C'est vrai que même les assistantes, toujours des femmes dont la fonction ne prend JAMAIS le masculin, précieux bras droit du patron (qui n'a que deux bras gauches) ne veulent plus être traitées comme des meubles ! Il n'y a plus que l'ONU et le Parti Socialiste qui ont des secrétaires, non meubles meublants.*


Les femmes n'étant pas légitimes, le féminin non plus du coup, donc le masculin prévaut. A moins que ce soit l'inverse : le féminin n'étant pas légitime, les femmes non plus.

"Entreprise leader dans son domaine, exportateur de machines outils vers les pays de l'Est...", très courant voire permanent dans les textes d'offres d'emploi qui ignorent systématiquement d'appliquer le féminin aux adjectifs qui qualifient entreprise, compagnie, société, noms féminins. La faute aux philistins et aux béotiens qui y sévissent ? Ou tentative d'éliminer le féminin non légitime, encore
une fois ? Entendu récemment aussi dans le même style :"la banque centrale européenne, émetteur de monnaie".

L'offre recherche évidemment un "homme de terrain", "un véritable homme de dialogue"* ( on n'est jamais à l'abri de tomber sur un avec de faux bijoux de famille) ou encore un "homme de conseil et de décision" ; c'est contradictoire mais on n'est plus à cela près ! Il faut aussi qu'il parle le Brésilien, l'Américain ou l'Afghan : candeur des français habitant un pays unifié par une langue, ignorant que les brésiliens parlent Portugais, colonisation oblige, les Américains (Etats Unis) l'Anglais et les Afghans, plusieurs langues et dialectes mais en majorité l'URDU. Mais je m'égare.

Après s'être fait agresser, elle s'est fait violer par un individu dans un parking souterrain !
La curieuse construction grammaticale IMPLIQUE la participation volontaire de la victime. Un vrai programme politique pour le coup : certains prétendent même que les femmes violées l'ont bien cherché ! Et le mot individu tombe opportunément comme stratégie d'évitement ?
Comparer avec le "she has been raped" (elle a été violée) de l'Anglais qui préfère toujours la forme passive et est tellement plus précis.

Tomber enceinte : extrêmement répandu, je me suis toujours demandé comment ont pouvait ainsi associer maternité et chute ? Vieille idée judéo-chrétienne du péché de chair forcément commis avant d'être enceinte ? L'anglais dit to get pregnant : devenir enceinte tout simplement.

"En 2009, un homme sur deux vit en ville" ! Entendu sur France 2 un soir ; pendant une grosse poignée de secondes, je n'ai rien compris à la phrase et je me suis demandé dans un brouillard total OU vivaient les femmes ?

Péjorer, minorer, médire, au besoin diffamer, nous couper les jarrets pour nous empêcher d'avancer ou de courir, la langue (idioma) est un programme politique destiné à nous affaiblir, nous aliéner, nous ostraciser.

Je vais laisser le dernier mot à Jules Michelet, non que j'abandonne mon ministère de la parole à un mâle qui en aurait hérité en naissant juste parce qu'il est un homme, ou que je cherche une nécessaire confirmation masculine pour étayer mon propos, mais si c'est moi qui le fais, je vais m'énerver (je m'énerve facilement sur les sujets d'injustice et de haine des femmes) : "C'est d'une impiété extrême d'avoir fait du mot con un mot vulgaire". Merci Jules.

* Secrétaire est le nom du métier, même s'il a été supplanté par assistante.
* L'expression très courante encore dans les offres d'emploi est prohibée par le code du travail et le code civil, n'en déplaise aux employé-e-s qui sévissent dans les services de ressources inhumaines et qui prétendent qu'il faut lire "homme avec une grand H !" (????) SIC.

10 commentaires:

  1. Autre chose : la "collecteuse d'herbes" ou "cueilleuse de simples" ou "ramasseuse de plantes médicinales", bref je ne sais pas comment traduire ce terme qui existe dans le monde germano-scandinave pour désigner ces vieilles femmes qui, au moyen âge s'y connaissaient en simples et fabriquaient des remèdes à base de plantes dit "remèdes de bonnes femmes" en francais, se traduit traditionnellement en francais également : "sorcière". Parole de traductrice.

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  2. Oui, sorcière, trouvé opportunément pour remplacer "médecienne" lorsque les hommes ont voulu rationaliser la médecine (qui a oublié médecienne et donné médecin !) et donc en chasser les femmes pour prendre leur place de soigneuses et guérisseuses où elles étaient en majorité.
    Je crois que j'avais trouvé mention de cela quand je l'ai lu dans le petit livre de Françoise d'Eaubonne : Le sexocide des sorcières Fantasme et réalité chez l'Esprit Frappeur Editeur

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  3. "médecienne" ! C'est pas mal...dommage que, bien entendu, au dessus de la traductrice, il y a des bonhommes qui paient et donc qui veillent. Sans quoi je nommerais beaucoup de choses autrement. Mais maintenant on ne brûle plus les empêcheuses de machiser en rond, on leur coupe les vivres, c'est plus efficace.

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  4. Je remarque aussi que le masculin tend à se généraliser pour désigner quelque chose ou quelqu'une de féminin et dont la forme féminine existe (je ne parle même pas ici des quelques rares féminins qu'il faudrait "inventer").

    L'autre jour, à la radio, Martine Aubry disait avoir été directeur (de je ne sais plus quoi tant ce déni à visage linguistique m'a heurtée) ...

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  5. @Euterpe : le commentaire "bécasse" a disparu je ne sais pas où, désolée. Mais j'aurais pu le mentionner dans mon premier verbatim sur les femmes animalisées... Bécasse ou idiote, nom d'oiseau péjoratif comme linotte.

    @Heloïse : C'est tout le sujet de mon post : le féminin disparaît dans la langue des journalistes, des politiques et des commentateurs, c'est absolument dingue ! Aussi, je prétends que ces formes de discrimination du féminin vont de pair avec un appauvrissement de la langue, donc de la pensée.

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  6. anthropopotame16 mai 2010 à 19:40

    Bonjour Hypathie.
    Vous oubliez des postes à responsabilité qui n'existent qu'au féminin: nounou, nurse, sage-femme.
    La masculinisation que vous dénoncez n'est elle pas le signe qu'apparaît une nouvelle forme de neutre?

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  7. Oui, le "je remarque aussi" voulait dire "je remarque comme toi" ... me suis mal exprimée, j'avais bien compris le sujet de ton billet ;)

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  8. @ Anthropopotame : nounou, est une onomatopée, donc UN ou UNE nounou, sans problème ; nurse est un mot anglais (a nurse, the nurse) il n'a pas de genre ; sage-femme est un piège : le mot femme de sage-femme réfère à la parturiente dont s'occupe la personne (homme ou femme) sage et savante qui l'assiste et pour un moment encore ce sont les femmes qui font les enfants, donc on dit UN ou UNE sage-femme, ou encore un homme sage-femme ; la sage-femme est un homme dans certains hôpitaux et cliniques. Comme disaient les sages-femmes quand on a dû accueillir des garçons dans la profession et qu'on s'est demandé comment les appeler : "s'ils veulent exercer notre métier, qu'ils acceptent d'en porter le nom" ! Ce qui fut fait.

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  9. @ anthropotame (2) : le français n'a pas de neutre, c'est le problème. Et comme le neutre est indispensable, c'est le masculin qui a pris le neutre dans la langue française ! D'où son impossibilité à parler le féminin universel ! A nurse, an engineer, a midwife ne spécifient jamais leur genre. Pour préciser vous devez dire a male nurse, a female engineer or a male midwife !

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  10. En tout cas moi je traduit "Statthalterin" par stathouderesse parce que normalement en fr. on dit stahouder pour un homme et gouvernante pour une femme mais je n'aime pas cette traduction qui prête à confusion.

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