samedi 26 décembre 2015

Léviathan

" L'industrie porte en elle la guerre, comme la nuée porte l'orage " - Jean Jaurès



Dans ce petit pamphlet de 124 pages -Les échappés Editeur, chez tous les bons libraires - Fabrice Nicolino raconte l'histoire du monde paysan de ces 80 dernières années, de la grande boucherie de 14-18 où mourront des milliers de jeunes paysans d'une France à 80 % rurale, au désastre de la FAO (Food and Agriculture Organisation), organisme des Nations Unies dont la principale occupation est d'éradiquer la faim : malgré l'industrialisation de l'agriculture, son objectif est toujours inaccessible. 900 millions de personnes dans le monde connaissent la faim ! Après la deuxième guerre mondiale, les industriels de l'armement se lancent dans la fabrication de tracteurs et d'engins agricoles, les industries chimiques qui fabriquaient les gaz utilisés dans les camps de la mort combattent désormais les "nuisibles" qui s'attaquent aux récoltes, dont le doryphore amené par les américains en Europe, le DDT fait des merveilles ; et Henri Ford s'inspire de la "disassembly line" des abattoirs de Chicago pour inventer l'assembly line de ses usines de montage de tracteurs et de voitures.

A partir de la Libération, une classe de technocrates va imposer sans aucune concertation démocratique un modèle agricole basé sur la productivité : on bourre les maisons de retraites de paysans "inadaptés" et on met en coupe réglée la nature : la Terre, cette rebelle à mater". Les Jean Bustarret, Raymond Février, Fernand Vuillaume, Michel Debatisse, Edgar Pisani..., tous issus de Polytechnique ou des JAC (Jeunesses Agricoles Chrétiennes) vont imposer d'abord une idéologie, la croyance dans le progrès technique, puis des mesures drastiques : mécanisation, productivisme, remembrements brutaux, disparition des chemins creux et des zones humides, tant et si bien qu'entre 1950 et 1985, 280 000 Km de haies et de talus sont arasés en Bretagne, soit 7 fois le tour de la terre !
Pas une femme à l'horizon, hormis une qui résiste : Rachel Carson, qui invente l'écologie en 1962 avec la parution de son livre Silent Spring, et finit par faire interdire le DDT malgré la guerre implacable que lui mène l'industrie chimique.

Les animaux de ferme aussi sont transformés en machines à produire du lait et de la viande : négation des liens tissés entre éleveurs et animaux, négation des cultures paysannes, négation des besoins des bêtes qui seront parquées sur caillebottis en bâtiments, sans accès à l'herbe, l'air pur et la lumière du soleil. La vidéo de l'INA ci-dessous où l'on voit l'ineffable Raymond Février, parler de la maîtrise des organismes et de la biologie des animaux pour notre propre intérêt, fait froid dans le dos. Jusqu'à la fin grandiose, où le journaliste lui pose tout de même la question qui fâche : peut-on imaginer qu'on applique un jour ces techniques aux humains ?


1970 - Sauver le boeuf par ina

Vaches à hublots, culards, vagins artificiels pour tromper le taureau, insémination artificielle, implacable asservissement reproductif des femelles animales, Docteurs Mengele des animaux à l'INRA, hybris masculine : "avec un père, nous aurons 100 000 fils" (en fait des filles, Raymond, puisque les mâles sont considérés surperflus en élevage !), le Raymond part littéralement en sucette avec sa croyance obscurantiste en ce qu'il appelle "le progrès" qui est en fait un fantastique recul dans notre approche éthique des animaux et de la nature dont nous faisons partie. Aujourd'hui, il reste en France environ 800 000 agriculteurs pour 66 millions d'habitants, la FNSEA, premier syndicat agricole (11 présidents, tous mâles, multipliant les conflits d'intérêts) continue à promouvoir la réduction de ses effectifs de 25 % tous les 10 ans !

L'épuisement de la terre, l'accaparement des nappes phréatiques et des terres agricoles pour produire des céréales et des légumineuses destinées à la consommation animale, le hold-up des semenciers sur les variétés de plantes et de graines induisant l'appauvrissement et la destruction de la biodiversité, le crime contre l'humanité que représentent les nécrocarburants, le suicide massif des paysans partout sur la planète, l'épidémie d'obésité couplée avec 900 millions de mal nourris, le changement climatique qui fait planer sa menace sur la Terre : à quand un sursaut contre ce système financiaro-militaro-industriel ? On ne le voit pas arriver et pourtant, c'est urgent. Némésis attend son heure.

samedi 19 décembre 2015

Noyel

Noël est la fête de la famille hétéro-patriarcale, célébrant la naissance d'un garçon (s'il s'agissait de la naissance d'une fille, la fête n'existerait même pas) et qui offre l'occasion d'un dressage social de grande ampleur.


Ce dessin parodique, codes couleurs genrés inclus, montre que le désordre est semé par les garçons dont le coût social est élevé, pendant que les filles et les femmes nettement moins "turbulentes" (disons-le comme ça :(( elles, paient souvent l'addition, au minimum par les impôts. Exemple : mercredi, je sors de chez moi et bute dans une allée sur un sapin couché en travers, portant encore ses guirlandes et décorations, des paquets-cadeaux enveloppés de papier brillant de toutes les couleurs. En me demandant d'où il peut bien provenir, je jette un œil aux balcons en me disant qu'il est peut-être tombé d'une fenêtre, hypothèse idiote, car je me rappelle soudain que la mairie a "décoré" une placette à quelques mètres de là d'un sapin de 3 mètres avec les mêmes décorations. Je m'y rends et bingo, le sapin est tronçonné à mi-hauteur, il lui manque la tête. Revenant dans l'allée, je vois deux mecs en train de photographier la tête du pauvre sapin. Puis, là je me dis, comme il est plus de 9H, que la sous-succursale de la Mairie sise juste à côté doit être ouverte, c'est le moment d'aller rappeler que je suis la contestaire du quartier. J'ai une réputation à tenir quand même ! Je tombe sur une secrétaire d'une zénitude surprenante derrière un ordinateur, qui me répond qu'elle est au courant, qu'on "s'en occupe" !?! Histoire de rendre service, je lui dis que c'est un coup des mauvais garçons du quartier qui n'ont rien d'autre à fiche que d'emmerder le monde. Et là, rien : bœuf sur la langue, omertà, mer d'huile. Aucune conscience de classe ! On va pas de fâcher avec les mecs, on en a à la maison, tout de même. Comme si c'était antinomique. Fin de l'histoire : ils ont remis ce qui reste du sapin à la même place, il n'est plus que l'ombre de lui-même, il ne mesure plus qu'un mètre cinquante, et les gars du quartier peuvent continuer à vaquer à leurs occupations délétères dans le silence de plomb de la société !

Femme = viande, l'équation gagnante des bouchers-charcutiers

Le syncrétisme de Noël fait qu'il est quasi universellement célébré, et qu'il est devenue une occasion de consumérisme effréné : certains commerçants y font l'essentiel de leur chiffre d'affaires. En plus d'être obligatoire, comme toutes les fêtes religieuses, il se célèbre dans le sang des animaux. Dans les semaines qui le précèdent, les industries de la mort tournent à plein rendement. Rajoutez-y, cet automne, les dizaines de milliers d'oiseaux gazés (canards et oies à foie gras) dans les élevages du Sud-Ouest, car ils ont été détectés porteurs d'anticorps du virus H5N1, déclarés "foyers d'infection" par la grippe aviaire. En pleine COP21, on envoie à la benne des milliers d'animaux sains, dans l'indifférence générale, là aussi. Et puisque pour vendre de la viande, rien ne vaut une femme, voire une femme à poil, on trouve ça sur les sucettes en ville


Et ça aussi : appréciez le jeu de mot "plan crus" qui évoque "plan cul" !


Femmes et viande toujours associées. Animaux fractionnés et consommés en morceaux, femmes assimilées à de la viande -"elle est bonne"-, fragmentées et consommées en morceaux dans les industries de la prostitution et de la pornographie.
Il n'y a pas que Noël, les américains ont à peine digéré et dessoûlé de Thanksgiving, il y a tout de même persistence rétinienne dans le Washington Times (un journal conservateur fondé par Moon, le patron de la secte du même nom) qui attaque la campagne de Hillary Clinton, 25 ans à la Maison Blanche : animalisation d'une femme. Femme dinde, quelle créativité. Ou n'importe quel autre oiseau éteint, puisque l'article évoque la disparition de l'aile démocrate quasi d'extrême gauche (!) de Bill Clinton. Sexisme et spécisme se renforçant pour vilipender une femme politique et la renvoyer à l'altérité et au néant.

Pour contrer ces métaphores et traditions patriarcales, vous pouvez vous inspirer des recettes de ces 5 blogs proposant de la cuisine végane pour vos plats de fêtes. Bon solstice d'hiver, si vous le fêtez !
100 % végétal 
La tarterie de Béné
Antigone XXI
France végétalienne
Merci Vegan

vendredi 11 décembre 2015

"Je l'avais dans la peau" - Jacqueline Sauvage

La Cour du Loir et Cher a confirmé en appel la condamnation à 10 ans de prison ferme de Jacqueline Sauvage, meurtrière de son mari/bourreau de trois coups de fusil dans le dos. 47 ans de sévices : coups, abus sexuels sur elle-même et ses enfants, menaces de mort et finalement, un jour avant le meurtre, son fils, lui même victime du père/bourreau, se suicide par pendaison. Selon le Procureur, Jacqueline Sauvage aurait dû avoir une "réponse proportionnée" aux actes de son mari, "trois coups de feu dans le dos, ce n'est pas admissible" ! Et l'abandon pendant 5 décennies par la société d'une femme battue, c'est admissible, ça ?

Les traumas dont souffrent les femmes battues sont analysés par quantité de médecins et de psychologues. Quelques analyses figurent sur les blogs de mon widget ci-contre. Mais qu'en est-il de l'analyse -politique- des féministes radicales ? Voici ce qu'en disent Ty Grace Atkinson et Andrea Dworkin.

"Je l'avais dans la peau : elle était éperdument amoureuse ". 
"Je dirais que le phénomène de l'amour est le pivot psychologique de la persécution des femmes. L'intériorisation de la contrainte jouant un rôle fonctionnel clé dans l'oppression des femmes (ne serait-ce qu'en raison de leur importance numérique) et étant donné le caractère évidemment grotesque de l'unité politique qui "apparie' l'Oppresseur et l'Opprimée, l'agresseur et l'impuissante, isolant de cette façon l'Opprimée de toute aide politique, il n'est pas difficile de conclure que les femmes doivent par définition vivre dans un état psycho-pathologique spécialement fantasmatique autant vis-à-vis d'elles-mêmes que dans leurs rapports avec la classe opposée.Cette situation pathologique considérée comme l'état le plus désirable* où peut se trouver une femme, est ce que nous appelons le phénomène de l'amour ".
Ty Grace Atkinson -Odyssée d'une amazone

"Elle était devenue sa chose, elle était sous son emprise"
Cannibalisme métaphysique
C'est ce processus que j'appelle le "cannibalisme métaphysique". Il consiste à manger quelqu'un de la même espèce, en particulier l'élément de la victime considéré comme le plus puissant de son vivant, à savoir son imagination constructrice. Ce processus absorbe le libre-arbitre de la victime et détruit la preuve que l'agresseur et la victime sont des semblables. Le principe du cannibalisme métaphysique semble satisfaire les deux besoins de l'homme : gagner en puissance (pouvoir) et décharger la frustration (hostilité).
Une moitié de la race humaine a donc obtenu un certain soulagement psychique aux dépens de l'autre. [...] Les hommes ont envahi l'être de ces individus que l'on défini ensuite comme fonction, ou "femmes", en s'appropriant leurs caractéristiques humaines et en occupant leur corps. Le "viol" originel était politique : on a volé l'humanité d'une moitié de l'Humanité. [...] La distinction masculin-féminin est le commencement du système des rôles où certaines personnes fonctionnent pour d'autres."
Ty Grace Atkinson - Odyssée d'une amazone

"Trois coups de feu dans le dos, ce n'est pas admissible" - Le Procureur de la Cour d'Appel de Blois

" Les hommes ont le pouvoir de propriété. Historiquement, ce pouvoir a été absolu ; refusé à certains hommes par d'autres hommes, en temps d'esclavage ou d'autres persécutions, mais généralement protégé par la force armée et les lois. Dans plusieurs parties du monde, le droit de propriété des hommes sur les femmes et sur tout ce qui provient d'elles (enfant et travail) demeure absolu, et  aucune considération de droits humains ne semble s'appliquer aux populations de femmes captives.
Andrea Dworkin - Pouvoir et violence sexiste

* L'assommoir culturel du Prince Charmant, les dressages hétéro-sexuels permanents dans toutes les productions culturelles ou sous-culturelles (publicité, jeux télévisés et vidéo...), l'injonction patriarcale à "réussir sa vie" sentimentale dans le mariage et la reproduction (tout autre destin est dévalorisé, voire proscrit, surtout le célibat, les célibataires étant taxé.es d'égoïsme !), toutes ces constructions sociales sont au bénéfice des hommes pour avoir à la maison une ménagère gratuite et pour reproduire leurs gamètes de mâles puisqu'ils sont obligés de passer par nous pour avoir une descendance. Mâle, bien sûr, c'est mieux. La contrainte est donc le chemin le plus court pour les obtenir, contrainte individuelle confirmée, réaffirmée sans cesse par la société. C'est ce que rappelle le Procureur de Blois.

Liens :
L'EXPRESS : Une femme battue condamnée à 10 ans pour avoir tué son mari
A signer sur Change Org  : Pétition au Président Hollande pour obtenir la grâce de Jacqueline Sauvage

vendredi 4 décembre 2015

Des hommes rongeant des steaks

Après la traduction du billet de Corey Wrenn « Des femmes riant seules avec des salades », je propose la traduction du deuxième volet : « Men gnawing on steaks » sur son blog Vegan Feminist Network.



" A la suite de mon essai "Des femmes riant seules avec des salades ", un collègue curieux google-ise ce qu'on pourrait considérer comme le contraire : des hommes mangeant des steaks. Ce qu'il a trouvé, et qui s'est trouvé confirmé lors de mes propres recherches d'images sur Google, est le thème répétitif  d'hommes s'agaçant les dents sur une grosse tranche de viande, souvent avec la fourchette et le couteau fermement plantés de chaque côté de leur assiette. 

Le message primordial envoyé par ces images semble être " JE SUIS UN HOMME ; L'HOMME A BESOIN DE VIANDE ". Ses poings bien alignés et leur prise ferme sur les ustensiles sont des codes genrés communs, présentant les hommes aux commandes et au contrôle de leur environnement. 


De façon intéressante, les steaks sont presque toujours montrés crus. L'intention vraisemblable est de montrer la consommation de chair crue par les hommes (un comportement anti-naturel) comme naturelle. Le fait est souligné par l'abondance de photographies qui montrent des hommes consommant le steak directement sans l'aide de couverts, rongeant la chair comme s'ils étaient une espèce carnivore non humaine. A contrario, quand je cherche des images de femmes mangeant des steaks, à maintes reprises, elles sont aux prises avec de la viande crue positionnée au-dessus de leur tête, l'air accablé -personne ne mange la tête à la renverse. Ceci suggère aussi la soumission, une soumission souvent sexualisée à travers leur pose et leur nudité. Quand elles ont des couverts, elles sont davantage montrées les utilisant de manière faible ou peu sûre.



Par dessus tout, les images de femmes mangeant des steaks sont moins nombreuses, car la notion est contraire aux normes de genre. Quand on en trouve, il est clair que la hiérarchie des genres doit être préservée en démontrant que la consommation de chair (un acte de domination et de pouvoir) est moins naturelle et plus maladroite chez les femmes.


La viande est un symbole de masculinité. Donc, les hommes interagissent avec la viande pour démontrer leurs prouesses, les femmes interagissent avec la viande pour démontrer leur soumission. "

Ce billet est reposté simultanément en français sur le blog Vegan Feminist Network.

Corey Wrenn est professeure de sociologie et activiste éco-féministe de la cause animale. Elle anime le Vegan Feminist Network et Human-Animal Studies Images, entre autres activités.

jeudi 26 novembre 2015

La guerre, affaire d'hommes


Les attentats terroristes du 13 novembre à Paris ont fait apparaître le spectre de la femme kamikaze, phénomène minoritaire, mais bien présent dans les territoires contrôlés par les sectes islamo-facistes telles Etat Islamique ou Boko Haram pour ne citer qu'elles : femmes ou fillettes esclaves, envoyées à la mort parce que leur vie est déclarée valoir moins que la ceinture d'explosifs dont ces gourous machistes nihilistes leur ceignent la taille. Ou comme en Tchétchénie, où après une guerre destructrice, il ne reste plus d'hommes à sacrifier. Plus quelques suivistes européennes aliénées, séduites par l'idéologie totalitaire et sectaire des salafistes. Mais une femme kamikaze en France ? L'impensable se serait produit à Saint-Denis, et ce serait une première selon le chœur antique des experts sempiternellement mâles qui commentent les éditions spéciales des chaînes tout info. Une femme kamikaze, my god, mais où va-t-on ? Après plusieurs jours à mouliner la même mauvaise nouvelle, finalement, ce n'était plus aussi sûr : le corps "d'un très jeune homme ou d'une femme" reste non identifié, puis l'enquête progressant, on apprend qu'il s'agit d'une femme, Hasna Aït Boulhacen, mais que sa ceinture d'explosifs se serait déclenchée accidentellement, sans que ce soit parfaitement éclairci. Ce qui est certain en revanche, c'est qu'il n'y a pas eu de femme kamikaze sur le sol français, martèle le spécialiste d'Itélé. Ouf de soulagement du chœur antique masculin. La violence terroriste et nihiliste, le goût pour la mort restent des apanages masculins. Non dits, impensés, sous-entendus, mais universels. Tant que les femmes n'empiètent pas finalement, l'essentiel est sauvegardé. La fâme est toujours la consolatrice mère (ou future) de nos enfants. La "dissonance" est évacuée. Chacun.e dans son rôle de genre, les vaches sont bien gardées.

" L'anthropologie sociale a démontré que faire couler le sang était proscrit pour les femmes, soumises à l'écoulement incontrôlé et souillant du sang menstruel, quand il coule volontairement chez les hommes en raison de leurs activités guerrières ".

 " Les hommes ne sont pas distingués par leur sexe, renvoyés à un neutre réaffirmant la norme du masculin dans l'exercice de la violence ". Fanny Bugnon dans Les amazones de la terreur

Toujours après les attaques à Paris, ToysRus et JouéClub décident de retirer pistolets et mitraillettes de leurs rayons jouets de Noël. Notez l'explication donnée par les marques : ils ressemblent trop à des armes réelles, la police pourrait confondre ! Nulle mention de dressage au virilisme par une société patriarcale préoccupée de fabriquer des mecs qui ne soient pas "des tapettes", mais des gros durs conformes à ce qu'on attend d'eux, machistes et fiers à bras. Non émasculés. Tout entiers dans la sainte trinité en-dessous de la ceinture.
Mais, au fait, qu'en dit la littérature ? 

" Chez nous, il n'y a que l'homme au fusil ou l'homme à la croix. A travers toute l'histoire, il n'y en a pas eu d'autre. "
" La chasse et la guerre sont les deux occupations principales de l'homme. D'un vrai homme. " - In La Supplication - Svetlana Alexievitch.

"La guerre n'a pas un visage de femme" ?

Après qu'elle se soit vu décerner le prix Nobel de littérature 2015, j'ai lu de Svetlana Alexievitch : La fin de l'homme rouge, La supplication -Tchernobyl, chronique du monde après l'apocalypse, et La guerre n'a pas un visage de femme. Soit environ 1200 pages sur les horreurs dont s'est rendu coupable le XXème siècle, siècle du crime industriel par excellence, un bloc de malheur russe. La fin de l'homme rouge est pour moi équivalent, vu le sujet traité, à 2666 de Roberto Bolaño et Les Bienveillantes de Jonathan Littell : ils décrivent tous les crimes d'un siècle qui a industrialisé le processus via la guerre, avec des centaines de millions de morts abattus et enterrés dans des fosses au milieu de forêts en Sibérie ou en Pologne. Les crimes de Staline : purges, dékoulakisation, goulags, puis bourbiers afghan et Tchétchène sont dans les témoignages de La fin de l'homme rouge.

La supplication publié en 1997 : Tchernobyl, la centrale nucléaire qui explose un jour d'avril 1986 en Biélorussie, dans un pays parano préparé, entraîné à se prendre les missiles nucléaires américains sur la figure, mais où la hiérarchie soviétique a été incapable de faire face au désastre nucléaire civil, à tel point que les bunkers de béton, les cachets d'iode et les combinaisons anti-radiations n'ont pas été utilisés ou même sortis de leurs emballages, les liquidateurs, chimistes, physiciens, médecins, simples soldats, témoignent avoir été envoyés à la mort quasi torse nu avec des pelles, des masques en gaze de coton, et beaucoup de coups de vodka derrière la cravate ! Au nom de "il faut sauver la Patrie communiste" -car eux aussi ont été enrôlés pour une guerre, avec triplement du salaire et avantages divers-, dans un pays où la vie humaine n'a aucune valeur, où n'existe aucune opinion publique. Le peuple russe incroyablement littéraire, philosophe, poète, éduqué, mais militarisé, sans esprit critique ou de contestation envers ses dirigeants machistes, puisque le pourvoir est toujours d'essence virile. Bel exemple d'hubris masculine que ce témoignage trouvé dans La supplication :

" J'ai lu quelque part que le personnel des centrales nucléaires traite les réacteurs de casseroles, de samovar, de cuisinières. Voilà de la superbe : nous allons cuire des œufs au plat sur le soleil " !

La guerre n'a pas un visage de femme est de même nature, un recueil de récits de femmes : "Dans l'armée soviétique, près d'un million de femmes ont servi dans les différentes armes. Il y avait parmi elle des tireurs d'élite, des pilotes d'avion, des conducteurs-mécaniciens de chars lourds, des mitrailleurs...", engagées volontaires de la deuxième guerre mondiale pour défendre la Patrie communiste. Une somme de témoignages, pas du tout une critique anthropologique ou sociale, ni a fortiori féministe -ce n'est pas le propos de l'auteure, d'ailleurs un brin essentialiste dans son titre-, en fait, un livre sur l'atrocité de la guerre, mais vue par les femmes qui ne rêvent que de reporter des robes, de rencontrer l'amour et avoir des enfants quand tout sera terminé. Comme rien n'a été pensé pour elles, elles s'entortillent les pantalons trop grands des mecs jusqu'au dessous des bras et elles portent des bottes pointure 46 alors qu'elles chaussent du 37 ! Elles n'en font pas un plat, puisqu'elles sont volontaires pour servir la Patrie ! La guerre est un phénomène total, elle a besoin de bras, de chair à canon, et puisque la vie humaine est abondante sur terre, pas de quartiers, pas d'économies. Une fois les guerres déclarées par les hommes terminées, les femmes sont priées de rentrer au gynécée, reproduire des soldats pour la prochaine.
La "Patrie" (littéralement le pays des pères) est un concept guerrier, bien éloigné des "home", "homeland" (vs fatherland) anglais, du "heimat" (vs vaterland) allemand, de la "maison", termes intimes pour désigner son chez-soi, sa matrie, le lieu où on a vu le jour, où on a passé son enfance. La Patrie est vampire, amatrice de chair et de sang, exigeante, dure, contrairement à la maison maternelle bienveillante où règne la sécurité de l'enfance.

" Les hommes jouent, et le jeu suprême, c'est la guerre " - Pierre Bourdieu. Par hommes vous aurez compris mâles, malgré l'imprécision entretenue par le français.

En guise de conclusion, je vous offre en cadeau bonus, la chanson Les Z'hommes d'Henri Tachan. Notez qu'elle n'a pas été écrite ni inspirée par des féministes radicales à poil dur, ce qui, du coup, la rend totalement casher du point de vue masculin, puisque c'est tellement mieux quand c'est eux qui le disent ! Avec des féministes à poil dur, ou même souple, il y a toujours un doute sur le fait qu'elles seraient incapables de taire un éventuel antagonisme.



Liens supplémentaires : Paola Tabet, anthropologue : les femmes n'ont pas accès aux outils ni aux armes - In La construction sociale de l'inégalité des sexes.
Et sur le blog d'Emelire, Le féminin l'emporte : Le gros mot est lâché.


mercredi 18 novembre 2015

Simone de Beauvoir et les femmes - Marie-Jo Bonnet


Simone de Beauvoir a disparu le 14 avril 1986, il va y avoir 30 ans. Icône du féminisme, elle appartient désormais à l'histoire et aux historien.nes qui feront la critique de son oeuvre et de sa vie. Marie-Jo Bonnet est de celles-ci. Historienne, féministe, co-fondatrice du MLF (Mouvement de Libération des Femmes), du FHAR (Front Homosexuel d'Action Révolutionnaire) et des Gouines Rouges au début des années 70, elle pense que Simone de Beauvoir (SdB) est devenue féministe à 62 ans, et encore, parce qu'elle a été sollicitée par ces  jeunes femmes révolutionnaires et enthousiastes de l'après 68 qui voulaient subvertir la société patriarcale et changer le sort des femmes. Elle publie "Simone de Beauvoir et les femmes" ce début novembre : je l'ai lu, un peu avec effarement, en tous cas pendant la première moitié. Je vais y revenir.

Mais d'abord le contexte dans lequel SdB publie le Deuxième Sexe : 1949, immédiat après-guerre. Les femmes françaises ont voté pour la première fois à un scrutin national en 1945, (Beauvoir vote donc pour la première fois à 37 ans !) droit de vote décrété par De Gaulle car le parlement, truffé de radicaux-socialistes, ne l'aurait jamais adopté. L'avortement est férocement réprimé, le Deuxième sexe paraît dans "une société beaucoup plus misogyne qu'avant la guerre, et qui veille avec une violence sourde au repeuplement de la France en maintenant fermement la vertu de ses femmes".

Simone de Beauvoir a déjà publié 3 romans, dont L'invitée et un essai, avec succès d'estime en librairie, mais sans gagner beaucoup d'argent. Pendant 3 ans, c'est Sartre qui la finance, elle a été exclue de l'Education Nationale en 1943 pour "excitation de mineure à la débauche" (la minorité va jusqu'à 21 ans à cette époque) après plainte de la mère de Nathalie Sorokine (plainte aboutissant à un non-lieu), une de ses élèves avec qui elle a une liaison amoureuse. En 1949, Le Deuxième sexe "ce livre majeur qui aura une influence déterminante sur l'évolution "antinaturaliste" du féminisme contemporain", écrit sur le conseil de Sartre "vous devriez écrire quelque chose sur les femmes", va créer un scandale dès sa parution et être un phénomène de libraire :
20 000 exemplaires vendus en 15 jours, puis des dizaines de traductions dans toutes les langues, "sa célèbre formule "on ne naît pas femme, on le devient" fait le tour du monde, contribuant à saper le mythe de la féminité afin de pouvoir penser l'égalité entre les sexes dans une perspective universaliste". SdeB est désormais une femme indépendante financièrement, et connue (haïe par une partie du public aussi) planétairement.

C'est quoi exactement, le Deuxième sexe ? Selon Marie-Jo Bonnet il est une analyse sociologique de la situation des femmes, où "Beauvoir traite les femmes en types. "La lesbienne", la "femme mariée", la "mère"..., tous définis selon leur rapport à la sexualité". Et le tableau est impitoyable -comme la situation des femmes. Misogyne même, selon MJ Bonnet. J'ai lu le Deuxième sexe à 20 ans, grâce à ma prof de philo qui le vilipendait, d'ailleurs je la remercie ici de m'avoir permis d'exercer mon fort esprit de contradiction, j'y remets le nez de loin en loin. Pour comprendre les griefs de Marie-Jo Bonnet, j'ai relu les 20 pages concernant "la lesbienne" (Tome II, pages 192 à 218 Folio Gallimard), c'est vrai que c'est terrifiant. "Elles se conduisent comme des hommes dans un monde sans hommes", et, cette phrase terrible : "Rien ne donne une pire impression d'étroitesse d'esprit et de mutilation que ces clans de femmes affranchies" . Bigre. Aujourd'hui on qualifierait ça de lesbophobie, minimum.

"Il ne s'agit pas pour les femmes de s'affirmer comme femmes, mais de devenir des êtres humains à part entière. Refuser les "modèles masculins" est un non-sens... les femmes ont à s'emparer des instruments forgés par les hommes et à s'en servir dans leur propre intérêt" - Simone de Beauvoir dans Tout compte fait - 1972

Simone de Beauvoir pense donc que les femmes doivent gagner les mêmes prérogatives que les hommes, qu'elles doivent tendre à l'assimilation selon le slogan "un homme sur deux est une femme", "slogan qui dit bien l'impossibilité imposée par l'idéologie des genres de penser le féminin en dehors du masculin. Et donc les femmes en dehors des hommes ".
" Le Deuxième sexe achève un cycle historique qui a commencé en 1789 avec l'exclusion des femmes du droit de cité. Beauvoir constitue le point de retournement d'une conscience féministe qui cesse de vouloir s'intégrer à une société appréhendée comme extérieure aux femmes, pour se tourner vers la connaissance de soi, à la découverte de ce que les femmes pensent, voient, sentent, aiment et désirent pour le devenir de l'humanité. Et peut-être aussi afin que la Terre retrouve son deuxième pôle agissant ".

Simone de Beauvoir écrivant - Photo par Gisèle Freund - 1948

Biographie critique rosse écrite sous l'angle de son rapport aux femmes et au féminin, basée sur son abondante correspondance et ses mémoires, avec quelques interprétations et jeux de mots psychanalytiques peu convaincants selon moi, la première partie du livre recense les femmes qui accompagnent la vie de Simone de Beauvoir (les hommes aussi : Sartre, Jacques-Laurent Bost, Nelson Algren, ses trois amants), son amitié contrastée avec Violette Leduc, toutes les élèves avec lesquelles elle a des relations intimes, liaisons qu'il lui arrive de partager avec Sartre, et qu'il lui arrive de commenter dans leurs lettres quotidiennes. Beauvoir est bisexuelle, sans jamais le reconnaître. Elle se reconnaît encore moins lesbienne. Ses élèves filles (pas de mixité à l'époque dans les lycées où elle enseigne la philo) tombent amoureuse de l'intellectuelle brillante qu'elle est, seule séduction qu'elle déploie, sans doute à son corps défendant. Sa dernière élève, Sylvie Le Bon de Beauvoir devient sa fille adoptive dont elle fait son héritière. Et ses relations avec sa sœur, Hélène de Beauvoir de Roulet, peintresse à la carrière reconnue internationalement.

La deuxième partie décrivant à partir du début des années 70 l'arrivée du féminisme fondé par les Monique Wittig, Christine Delphy, Christiane Rochefort, Mariella Righini, Marie-Jo Bonnet, Antoinette Fouque, tant d'autres... est en revanche très enthousiasmante : elles vont spontanément chercher Beauvoir qui leur dira tout le temps oui : présidences d'associations, de maisons d'éditions, marrainages divers, Beauvoir les accompagne partout, défile avec elles, en découvrant l'action féministe avec stupeur et enthousiasme, elle qui, décidément ne croyait pas à l'action politique. Selon Marie-Jo Bonnet, SdeB aurait découvert le militantisme féministe vers 62 ans !
Voici ce qu'inventaient ces femmes en 1970, citation d'une interview de Mariella Righini pour le Nouvel Observateur : " C'est un terrain vierge et miné, le nôtre... Marx et Freud n'ont pas tout dit. On veut tout repenser à zéro. Seules. [...] On ne revendique rien à l'intérieur d'un système imposé par les mâles. On veut le foutre en l'air complètement. On veut être à notre tour créatrices.". Le MLF tout en s'inspirant des écrits de SdeB refuse l'assimilation à l'étalon universel masculin, et donc la "femme avec un cerveau d'homme" que veut être Beauvoir.

Après un réquisitoire de 300 pages, l'auteure reconnaît toutefois le rôle prépondérant de Beauvoir dans la prise de conscience des femmes :
" Beauvoir souhaitait devenir immortelle par la littérature. Elle est devenue un mythe, dont l'oeuvre est immense, complexe, et va servir de nouveaux points d'appui au féminisme des années 2000 pour conquérir une légitimité académique à travers la théorie du genre. Or, cette théorie oublie que pour Beauvoir, "devenir femme" était de l'ordre existentiel. Pas une position essentialiste. Unique, elle le fut, sans dépasser le profond clivage entre son cœur de femme et son cerveau d'homme ".

Ce livre propose une vision de Beauvoir. D'autres biographies lui ont été consacrées. Celle de Deidre Bair fait autorité et est très citée par Marie-Jo Bonnet. Le 19 avril 1986, Simone de Beauvoir est enterrée au cimetière de Montparnasse aux côtés de Jean-Paul Sartre : 4500 personnes venues de tous les pays suivent son cercueil et occupent le Boulevard du Montparnasse.

Les citations en caractère gras et rouge sont de MJ Bonnet, celles en gras et violet, de Simone de Beauvoir.

mercredi 11 novembre 2015

Des femmes riant seules avec des salades !

Je vous propose aujourd'hui la traduction d'un billet du blog Vegan Feminist Network " Women laughing alone with salads", blog administré par Corey Wrenn.


" Vous les avez vues des centaines de fois. Vous savez, la dame croquant dans une salade, les yeux brillants. Tête rejetée en arrière avec une jubilation hystérique, elle est surprise par le glorieux mélange de végétaux qui agrémentent son assiette. Le tract promotionnel de votre coopérative locale d'alimentation naturelle en est orné. Le site web de votre chaîne d'épicerie les utilise. Ainsi que les affiches sur les murs de la salle d'attente de votre médecin. Des tonnes d'organisations véganes les utilisent. Zut, je parie que si je vérifie bien, j'en ai probablement montré une pour illustrer un des billets de ce blog au moins une fois.

Des stocks de femmes... assises seules... avec une salade tellement hilarante, qu'elles ne peuvent s'empêcher d'exploser de rire et de délice.

L'absurdité de ces images a attiré l'attention d'Internet, avec pour résultat des imitations : une page Tumblr, et même une pièce de théâtre.

Manger une salade n'est pas particulièrement drôle. Ça induit rarement l'extase. Habituellement, c'est plutôt une expérience difficile consistant à introduire maladroitement des feuilles de laitue ans votre bouche. C'est souvent insatisfaisant : trop ou pas assez d'assaisonnement. En réalité, vous craignez qu'un bout de laitue reste coincé entre vos dents, et ça vous empêche de sourire d'une oreille à l'autre entre chaque bouchée. En général, manger de la salade est une activité ennuyeuse et ordinaire.

Quand votre salade n'arrête pas de faire des plaisanteries :
Mais manger de la salade est une activité de femme, et comme telle, elle doit être accomplie de façon à raconter une histoire particulière qui a une fonction quand on l'observe et la documente.

La théorie féministe végane nous dit que la nourriture -ce que nous mangeons et comment nous le mangeons- est fermement enracinée dans des normes de genre. La consommation de légumes (avec la salade comme omniprésent cliché) est un comportement hautement féminisé. Les codes publicitaires genrés montrent aussi de façon régulière une hyper émotivité chez les femmes. D'où découle qu'elles y sont portraiturées avec des réponses émotionnelles extrêmes et inappropriées. Ces représentations ajoutent l'émotivité, l'infantilité et l'immaturité, à l'habituelle compréhension culturelle de la féminité. Ces images renforcent le statut de subordination des femmes. Apparier des femmes hyper-émotives avec des nourritures hyper-féminisées compose une parfaite iconographie sexiste.


Bien sûr, on m'a opposé l'inévitable argument "les hommes aussi". Vrai, on nous montre des hommes s'excitant légèrement avec des salades, mais soyons honnêtes, ils sont moins fréquemment dépeints riant la tête rejetée en arrière, en sous-vêtements ou enceint.es ! La frivolité genrée de la consommation de salades est terriblement une affaire de femmes.


Quand on nous montrera des hommes -scénario improbable- mangeant une salade, prostrés dans un lit, en string blanc, alors, OK, on en reparle.

Ce billet est reposté simultanément sur le blog du Corey Wrenn. Je l'en remercie.

Corey Wrenn est professeure de sociologie et activiste éco-féministe de la cause animale. Elle anime le Vegan Feminist Network et Human-Animal Studies Images, entre autres activités.

mardi 3 novembre 2015

Témoignage : Il m'a volé ma vie - Morgane Seliman


Morgane Seliman témoigne dans ce petit livre de 230 pages des quatre années d'enfer qu'elle a vécues avec un compagnon violent : coups, humiliations, qui s'abattent dès qu'elle se met en ménage et qu'elle est enceinte, séparation d'avec les amis, copains et parents, employeurs, isolement, négation de la violence, l'histoire courante d'une mise sous emprise, du vampirisme psychologique et du cannibalisme métaphysique (Ty Grace Atkinson) qui caractérisent les abuseurs.

Un vrai Prince Charmant  " :
Capricieux, affectivement immature, pervers narcissique, manipulateur, harceleur, atteint de troubles obsessionnels compulsifs, caractériel, haineux des femmes et de leur corps, intolérant aux refus et à la frustration, instable émotionnel, et bien sûr, irresponsable, le "compagnon" va vite se révéler être ce que tout le monde autour de Morgane sait, mais sans vraiment la mettre en garde, pire "ils étaient fous de joie. Ils pensaient que j'allais avoir une bonne influence sur Yassine" (la femme pansement, béquille) : en fait, un repris de justice violent et instable. Une grossesse non désirée, pain bénit pour la société qui n'a rien de plus pressé à faire que de contraindre les femmes à l'enfermement à la maison et à la reproduction, plus une infirmière "qui utilise la machine se trompe", lui fait écouter les battements de cœur lors d'une consultation pour IVG, après lui avoir passé un savon : "une vraie entreprise de culpabilisation". Vous y rajoutez la volonté de réussir sa vie amoureuse, de se conformer à tous prix aux injonctions patriarcales, et le tour est joué : ça va être une descente aux enfers. Très bien décrite par l'auteure.

La seconde moitié du livre témoigne de la volonté de s'en sortir -une autre sorte d'enfer-, des tentatives, des rechutes, et par dessus tout du manque de professionnalisme, du manque d'empathie, du je-m’en-foutisme des différentes instances chargées du maintien de l'ordre et de la sécurité des citoyens, mais moins des citoyennes enfermées dans le conjugo selon toutes apparences : gendarmes, policiers qui bâclent leurs dossiers et leurs enquêtes, avocats, juges, procureur de la République, personnel pénitentiaire sous influence du pervers, voisins qui ne mouftent pas quand une femme crie, juges d'application des peines... Moi je l'ai pris comme un réquisitoire ! Quelques morceaux d’ignominie :
Les gendarmes : "Quand je leur explique que je veux porter plainte, ils me répondent de les appeler quand je ferai l'objet de violences", alors que le Prince Cogneur lui prend ses clés et son portable juste avant de frapper. "Quand je dis que je souhaite porter plainte, ils m'informent que ce n'est pas possible parce que je n'ai pas de traces (ils ne sont pas médecins, pourtant, que je sache...) et que ça va encore plus énerver Yassine". Le pire et le comble : l'éloignement de la victime, pendant que l'agresseur, lui, conserve le logement, les clés, et...l'enfant ! "Ils sont en train de me mettre à la porte de mon domicile et de laisser un enfant aux mains d'un homme dont ils savent qu'il est violent. L'un d'eux  ajoute même : 
- Pour une fois qu'il est calme... Allez pas nous l'énerver un peu plus !".
Seule une association de femmes parviendra à des résultats : mise à l'écart (puisqu'il semble bien que c'est l'agresseur propriétaire de la femme et de l'enfant qui a TOUS LES DROITS y compris de vie ou de mort sur ses propriétés, croyance obscurantiste au lien biologique du sang oblige) ; le violent est finalement condamné à dix huit mois de prison DONT six avec sursis et mise à l'épreuve Ce qui a pesé dans la balance, ce sont les violences à l'égard des gendarmes au moment de son arrestation ". Les gendarmes ont une ITT plus importante que celle de Morgane. Avis aux maris violents, évitez de cogner sur les flics, ça coûte plus cher ! On se pince.

A la lecture de ce témoignage, il est clair que c'est la société le problème, pas les femmes battues. Tout est fait pour enfermer les femmes dans des "obligations" paradoxales et intenables : non, on n'a aucune obligation de "réussir sa vie" en trouvant un Prince Charmant de fiction, en se mariant et en enfantant, on peut la réussir autrement, non les mecs n'ont pas tous les droits, et non, vous ne les changerez pas, les filles, les hommes ne changent pas, ils sont immuablement tels que la culture les fait, n'essayez même pas !
Outre qu'il est grand public, je conseille la lecture de ce livre à tous les professionnels de santé, de justice et de police, pour que cessent ces mauvaises pratiques institutionnelles de mâle-traitance aux femmes, une bonne fois pour toutes. C'est indigne d'une société évoluée comme la nôtre.

Morgane Seliman et son fils vivent toujours caché.es quelque part, à l'abri de leur compagnon et père qui, lui, est de nouveau en liberté : il peut donc s'attaquer à une autre femme, car il n'a pas d'obligation de soins.

" En France, 129 femmes ont été tuées en 2013 par leur partenaire ou ex-partenaire intime ".

- Toutes les citations du livre sont en caractères gras et rouge -.

" Dans la pathologie de l'oppression, c'est certainement l'agent de l'oppression qui doit être analysé et transformé.C'est lui le responsable du développement et de la propagation du mal. "
Ty Grace Atkinson - Odyssée d'une Amazone

mardi 27 octobre 2015

Inversions patriarcales

"C'est l'oppresseur qui écrit les définitions "
Ty Grace Atkinson - Féministe radicale.
Comme si cela ne suffisait pas, en plus, il les vitriole. Pour les faire s'ajuster à ses besoins de suprémaciste.

Le système patriarcal est un trompe-l’œil, un village Potemkine, une Matrice illusoire, qui nous fait prendre des vessies pour des lanternes, la culture pour la nature, la guerre de tous contre toustes pour la paix, la haine nihiliste pour de l'amour. Le patriarcat pratique l'inversion de ce que notre bon sens nous permet d'appréhender empiriquement, c'est un système politique marchand d'illusions. Il est là depuis si longtemps que, comme dans The Matrix, nous ne le voyons plus : il n'est plus perceptible par notre raison et nos sens anesthésiés par la propagande, l'assommoir culturel multiquotidien : cinéma, théâtre, littérature et la sous-culture de la publicité et des jeux vidéo. Ne le voient que quelques clairvoyant.es qui travaillent à son analyse et à la déconstruction de ses mythes.

De quelques escroqueries patriarcales

Engendrement
Dans la Bible, la "Sainte Trinité" est une procession de mâles : le Fils procède du Père, et le Saint-Esprit procède du Fils. Ils s'engendrent sans passer par les femmes. Ils n'ont pas inauguré le système qui date des dieux antiques : Zeus tire ses enfants de sa tête ou de sa cuisse, pas de son ventre. Il n'y a que les femmes qui font des enfants en les portant dans leur ventre. Les dieux de l'Olympe se reproduisaient ainsi sans passer par les femmes, qui ne produisent, elles, que de simples mortels. D'où l'expression passée dans le langage "sortir de la cuisse de Jupiter" : c'est mieux que de sortir banalement d'un ventre de femme !

Les hommes se reproduisent entre eux, à l'identique, par cooptation. Ils font du clonage, comme le montre ce film publicitaire pour les rasoirs Wilkinson : de l'identique de cauchemar, la négation de la diversité.



Celui qui est recruté, c'est celui qui ressemble le plus au patron. Je l'ai vécu quand je recrutais pour de grosses entreprises : des garçons, tranche d'âge 26-29 ans, sortant tous des mêmes boîtes de prêt-à-penser que le dirigeant de l'entreprise ou que le manager du service, en plus jeune. Jusqu'à la caricature. Conséquence : incapacité à penser, incapacité à prendre des décisions, c'était monstrueux. Le pire, c'est qu'ils se piquent de faire de l'innovation ! L'innovation, c'est interdisciplinaire et métissé : toutes les tranches d'âges, les deux sexes et de la biodiversité. Sinon, ça met sur le marché des produits mort-nés.

Amour (à mort)
"L'amourrrr est enfant de bohème,...
Si je t'aime, prends garde à toi !"
Carmen, Opéra de Bizet, l'opéra le plus joué au monde, le plus populaire, un vrai assommoir culturel.
L'amour est une corrida, ce trésor du patrimoine selon les aficionados qui aiment la mort. A la fin de l'histoire, Don Jose tue celle qu'il aime, la libre Carmen, car elle le quitte. Ça arrive tous les jours en notre 21ème siècle, comme dans les autres avant : ça s'appelle un "drame familial", tellement c'est courant, BANAL et toujours dans le même sens.

Je laisse la parole à Ty Grace Atkinson :
Et l'amour ? Puisque nous parlons de vaches sacrées, finissons-en. Qu'est-ce que l'amour, sinon la rançon du consentement à 
l'oppression ? Qu'est-ce que l'amour sinon du besoin ? Qu'est ce que l'amour sinon de la peur ? ".
La femme essaie instinctivement de se dédommager de ses pertes politiques et de celles qu'entraînent sa définition en fusionnant avec l'ennemi ".
J'opère une distinction entre "amitié" et "amour". L'"amitié" est un rapport rationnel qui demande la participation de deux personnes pour la satisfaction mutuelle des deux. L'"amour" peut n'être ressenti que par une personne ; il est unilatéral par nature, ce qui, avec son caractère relationnel, le rend contradictoire et irrationnel ".
Evidemment, Ty Grace Atkinson parle de l'amour patriarcal, cet " état psycho-pathologique spécialement fantasmatique qui apparie l'Oppresseur et l'Opprimée ", cette "rencontre entre deux névroses" disait Freud (pas spécialement féministe à poil dur), pas de l'amour-comportement/sentiment qui unit dans la majorité des cas les couples de parents mammifères à leurs petits (il y a aussi les oiseaux et les poissons qui ont choisi cette stratégie de l'évolution) pour les faire grandir. L'amour, c'est celui-là, pas la psycho-pathologie passionnelle imposée par le patriarcat. Dans cette dernière définition, on ne peut plus "tuer par amour" !

Religions d'amour
Guerres fratricides, bûchers de juifs et bûchers de la "Sainte Inquisition" -SIC- où ils brûlent des milliers de femmes pendant plusieurs siècles dans toute l'Europe, conversions au fil de l'épée lors d'épopées coloniales meurtrières, razzias, mise en esclavage, transformation des femmes en butin de guerre, pillage des "sauvages" et destruction de leurs trésors archéologiques, coupage de mains (Léopold 1er, roi très chrétien de Belgique dans l'ex Congo Belge), annihilation entière de tribus et d'ethnies, suivie de paupérisation et clochardisation, qui fabriqueront ce qu'on appelle aujourd'hui le Tiers-Monde. Je n'ai jamais entendu un seul prêtre ou imam se repentir des malheurs occasionnés par leurs "religions d'amour".

Ville sainte
Jérusalem, "Ville Sainte" des trois religions révélées. Où elles se font la guerre : multiples "incidents" mortels sur l'Esplanade des Mosquées ou Mont du Temple, destruction permanente par l'état d'Israël de sites archéologiques de l'Islam, gestion à trois et à couteaux tirés des "lieux saints" tels Bethléem ! J'ai entendu un jour un évêque chrétien dire qu'il n'y avait rien de moins chrétien que ces villes d'où les trois religions du Livre tirent leur origine.

Liberté
Surtout celle de s'aliéner ou d'aliéner les autres. Trouvé cet article du journal La Croix sur la conférence des Évêques de France qui critiquent la dernière campagne du Ministère de la Santé dont j'ai parlé dans ce précédent billet. Le slogan de la photo m'a choquée : "libre d'être contre" : contre la liberté de choisir. Tordu comme slogan. Soyons claires : avec une loi sur l'IVG, les femmes qui veulent avoir douze enfants sont LIBRES de les avoir, les autres, elles, ont le choix, lors d'un accident de contraception par exemple, d'interrompre leur grossesse dans le délai imparti par la loi. Même remarque pour les tenant.es du commerce sexuel qui me trollent sur Twitter : la loi sur l'abolition ne leur interdira RIEN. Elles pourront continuer à exercer leur "métier", puisque pour elles c'est un métier comme un autre, leur liberté n'est pas entamée, elles gagnent juste la protection de la loi en cas de coups, violences ou viol, ou même non paiement de leur prestation par le client. La prostitution n'est pas un délit, c'est l'achat de prestations sexuelles qui en devient un. Le mot liberté en patriarcat a toujours été retourné contre celles qui le revendiquent.

Les hommes travaillent, les femmes ne font rien, elles restent à la maison
Combien de fois l'avez-vous entendue celle-là ? Maman ne travaille pas, elle s'occupe de nous, papa est ingénieur à la base militaire de l'Ile Longue (base des sous-marins nucléaires de guerre français, au large de Brest). Maman ne fait rien mais papa prépare la guerre ! 80 % des corvées UTILES de la planète sont accomplies par les femmes : entretien du foyer et de la maison, élevage et éducation des enfants. Mais les femmes ne travailleraient pas ? La réalité, c'est que ce n'est pas du travail marchand, le seul reconnu comme travail : il n'est donc pas comptabilisé dans les PIB mondiaux, il n'est pas rémunéré, il ne fait l'objet d'aucune cotisation. Résultat ? Il est invisible, et au moment de passer à la caisse (de retraite), elles font ceinture. D'où les pensions misérables des femmes. Double peine : elles font très souvent "double journée pour un demi-salaire" (Christine Delphy) : en effet pour "concilier" vie de famille et vie professionnelle, elles assurent la flexibilité de l'économie (qui en a besoin, un comble !) en acceptant des mi-temps généralement dans les basses zones de l'économie et les postes mal payés où les hommes ne vont jamais.
Donc, il n'y a que les hommes qui travaillent ! D'ailleurs pour bien que ça se sache, ils mettent des panneaux sur les lieux pour signaler la chose, ils suroccupent l'endroit, et ils font du boucan. C'est mieux, car on peut douter de l'utilité de ce qu'ils font.


Prince Charmant
Le Prince Charmant, selon les contes pour enfants, aurait pour fonction de tirer la jeune demoiselle de son affreuse condition de souillon (Cendrillon), de la convoitise de son père (Peau d’Âne) ou autres situations toutes plus affreuses les unes que les autres, mais qui peuvent évidemment se produire. Inversion patriarcale ici aussi : aussitôt qu'il l'a élue et épousée, la pauvre Princesse se transforme en ménagère à balai, faisant la vaisselle, la lessive et le repassage pour pas un rond ! Voir définition précédente. Le crapaud qui parle peut être largement aussi plaisant ! Et c'est moins convenu.


Billet librement inspiré des travaux de Mary Daly, notamment de Gyn/Ecology une métaéthique du féminisme radical, de Trois Guinées de Virginia Woolf, de Odyssée d'une amazone par Ti Grace Atkinson, et de l'économiste Marilyn Waring, If women counted.

mercredi 21 octobre 2015

Vous mariez pas les filles, élevez des chats !

Le 19 octobre 2015, France 3 nous a gratifiées d'un excellent documentaire, La santé en France : enquête sur les inégalités, actuellement en replay. Emission sur l'inégalité des citoyen.nes français.es face à la santé : entre hommes et femmes, entre salariés des sous-traitants et salariés des donneurs d'ordres, entre Paris intra et extra périphérique, entre les villes et les campagnes. Puis, cette statistique, au moment où une femme seule, atteinte d'un cancer du sein, abandonnée par le père des enfants, devait faire des arbitrages entre se nourrir elle et ses enfants, ou continuer une chimiothérapie lourde : 

Femmes atteintes d'un cancer  : UNE SUR CINQ est quittée par son mec 
Hommes atteints d'un cancer : UN SUR TRENTE est quitté par sa femme !

Bien énervée par une telle dissymétrie, en plus de toutes les autres dans le mariage, j'ai googlisé les mots-clés "mariez-vous les filles", pour voir, puis après quelques secondes d'ajustement, je suis tombée sur cette chanson de Boris Vian, "Bison Ravi", très drôle et tellement juste, magnifiquement interprétée par Michèle Arnaud, une belle chanteuse anarchiste à voix, qui ar-ti-cu-le, ce qui se fait de moins en moins, et qui n'a fait aucune carrière de chanteuse, vu ce qu'elle balance :


Surtout, vous mariez pas les filles ! 

jeudi 15 octobre 2015

Obsolescence humaine

Une femme-machine démembrée comme publicité pour l'Obs "Supplément féminin" paraît-il, tenue par des courroies bondage, des techniciens autistes partout qu'on peut croiser sur des chantiers en bas de chez soi, ne croisant jamais le regard de personne, téléphone portable extension de leur oreille, machines en libre service partout et pour tout, caisse automatiques dans les supermarchés -les misanthropes peuvent passer une semaine entière sans interagir avec quiconque tout en couvrant leurs besoins vitaux- substitution du travail par le capital, donc des machines, aggravant le chômage de masse : notre environnement se transforme graduellement et sûrement en machine. Le nihilisme -sous couvert d'innovation et de performance- porté par les patriarcaux et leurs agents est en marche.


Cela m'a fait penser au magnifique texte de Gunther Anders, philosophe allemand, un des maris de Hannah Arendt moins connu et moins traduit qu'elle (pour une fois que c'est dans ce sens-là !), que j'ai découvert une première fois dans un roman de Dantec (Cosmos Incorporated) qui le citait. Puis j'ai lu "Nous, fils d'Eichmann " d'où il est tiré : deux lettres ouvertes de Günther Anders "au fils d'Adolf Eichmann, sur la condition humaine d'aujourd'hui, considérée sous l'angle de la catastrophe à répétition, qui entraîne l'obsolescence toujours croissante de l'humain lui-même", selon la quatrième de couverture. Lisez-le.

Citation tirée du chapitre Le rêve des machines : "notre monde actuel, dans son ensemble, se transforme en machine, [.] il est en passe de devenir machine.
Comme la raison d'être des machines réside dans la performance, et même dans la performance maximale, elles ont besoin, toutes autant qu'elles sont, d'environnements qui garantissent ce maximum. Et ce dont elles ont besoin, elles le conquièrent. Toute machine est expansionniste, pour ne pas dire "impérialiste" chacune crée son propre empire colonial de services (composé de transporteurs, d'équipes de fonctionnement, de consommateurs, etc.). Et de ces "empires coloniaux", elles exigent qu'ils se transforment à leur image (celle des machines) ; qu'ils "fassent leur jeu" en travaillant avec la même perfection et la même solidité qu'elles ; bref, qu'ils deviennent, bien que localisés à l'extérieur de la "terre maternelle" -notez ce terme, il deviendra pour nous un concept-clé- co-machiniques. La machine originelle s'élargit donc , elle devient "mégamachine" ; et cela non pas seulement par accident ni seulement de temps en temps ; inversement, si elle faiblissait à cet égard, elle cesserait de compter encore au royaume des machines. A cela vient s'ajouter le fait qu'aucune ne saurait se rassasier définitivement en s'incorporant un domaine de services, nécessairement toujours limité, si grand soit-il. S'applique bien plutôt à la "mégamachine" ce qui s'était appliqué à la machine initiale : elle aussi nécessite un monde extérieur, un "empire colonial" qui se soumet à elle et "fait son jeu" de manière optimale, avec une précision égale à celle avec laquelle elle-même fait son 
travail ; elle se crée cet "empire colonial" et se l'assimile si bien que celui-ci à son tour devient machine -bref : aucune limite ne s'impose à l'auto-expansion ; la soif d'accumulation des machines est inextinguible. [...]
"Le monde devient machine"
Et cela : le monde en tant que machine, c'est vraiment l'Etat techno-totalitaire vers lequel nous nous dirigeons. "

La poétesse féministe américaine Adrienne Rich l'a, elle, exprimé poétiquement dans ces quelques vers :

" A man's world. But finished.
They themselves have sold it to the machines."

in Walking in the dark - Diving into the wreck - Cité par Mary Daly dans
Gyn / Ecology

Pour une analyse féministe de la couv' de l'Obs, allez lire le billet de Patric Jean : La femme sex toy, une bouche, un sexe. Une femme machine -avec tous les stéréotypes aliénants du patriarcat triomphant à propos des femmes.

jeudi 8 octobre 2015

Revue de web : IVG, Auchan, Court-Métrange

Le Ministère de la Santé lance une nouvelle campagne d'information sur l'IVG avec cette affiche : IVG, c'est mon droit !

On peut discuter du visuel, cette épaule de femme tatouée ou marquée, mais on peut aussi trouver qu'elle porte les couleurs des droits des femmes. Il est important de cliquer sur le site IVG.GOUV.FR d'abord pour s'informer, puis pour le relayer auprès des femmes qui peuvent avoir besoin d'informations sur le sujet ; ensuite parce que les anti-choix sont omniprésents sur Internet et que les résultats au mot-clé IVG tapé sur Google affichent en tête les sites de ces ennemis de l'égalité et de la liberté de choix des femmes. Plus vous cliquez et faites cliquer sur le site du Ministère, plus il montera en puissance dans l'algorithme de Google. Un rappel salutaire. Les positions des "pro-vie" et celles des défenseurs de l' IVG ne sont pas symétriques : avec une solide loi sur l'IVG et une bonne application, vous avez le droit d'avoir autant d'enfants que vous voulez, ou de ne pas en avoir ; sans loi, le projet des anti-choix, vous êtes contrainte à la maternité de toutes façons, en bonne santé (physique, mentale, économique..) ou pas. La liberté d'une part, la contrainte, l'assignation à la reproduction de l'autre.

Politique sexuelle de la viande : 

Auchan qui a besoin de promouvoir son rayon boucherie et de vendre sa barbaque s'est fendu du petit film publicitaire ci-dessous :



"De bons produits" (ça reste à démontrer) pour de "bons moments", sauf pour Madame, forcément en cuisine. C'est ça Auchan : le parti-pris pour la goujaterie de l'enfumeur, grilleur de saucisses en plein air, et de ses invités, contre la femme qui cuisine des mets délicats pour ses amis, qu'on invisibilise et ridiculise. D'ailleurs toutes les femmes sont ridiculisées dans ce film. Le faux chasseur qui grille sur les braises impose, sous couvert de mettre les rieurs se son côté, ses saucisses grillées hors de la cuisine, contre les verrines de sa compagne. L'assommoir culturel patriarcal carniste : c'est ça Auchan ! Le (faux) chasseur contre la cuisinière. L'évolution n'a pas de prise sur certains, décidément.


Le festival Court-Métrange a lieu, comme tous les ans à Rennes depuis 12 ans. Je n'y suis jamais allée, donc je ne juge pas la programmation ni le contenu mais le problème ce sont ses affiches sur les sucettes en ville. 2015 : une noyée nue sans tête, couverte de grenouilles

Les années précédentes : une bouche ouverte dans laquelle on entre quelque chose
 











Et quand il n'y a pas de corps de femme, il y a un accessoire évoquant une femme : un escarpin rempli de vers de terre. Je ne suis pas phobique, je n'ai pas de dégoût particulier des animaux mêmes rampants, ni des batraciens, mais ce qui me dérange, c'est que c'est toujours les mêmes codes qui sont utilisés (exploités jusqu'au trognon) : le corps des femmes en morceaux et celui d'animaux pour signifier le dégoût, l'insolite ou l'étrangeté.


Qu'on nous lâche enfin !


vendredi 2 octobre 2015

Enième tuerie aux Etats-Unis

Énième tuerie de masse aux USA dans une petite université de l'Oregon : au moins 10 morts, et plus de 20 blessés. La routine, a déploré Obama. Évidemment, les réseaux sociaux se déchaînent à côté de la plaque comme d'habitude, pour savoir si le tueur aurait dit avant de tirer "Levez-vous les bons chrétiens" : stratégie d'évitement. On se fout de ce qu'il à dit : ces mecs ont toujours une bonne raison, selon eux, de tuer. Ils tuent parce qu'ils sont frustrés et enragés, et que la société trouve que c'est bien comme ça. Pas touche aux couilles des mecs, autrement Causeur et Cie, soutenus par les "Big mamas" du SCUM de Valerie Solanas, -Elizabeth Lévy en est un parfait exemple, elle n'est pas la seule- vont trouver qu'on les dévirilise. Crime contre le saigneur de la terre et de la guerre. Donc, dans les rues quand on se promène, on tombe partout sur ça ou le même genre :












... histoire de montrer qu'il faut les craindre, qu'ils sont de vrais prédateurs qui font régner la terreur. Ce serait l'ordre "naturel" des choses. Elles a bon dos la nature quand on baigne en permanence dans leurs "exploits" multi-quotidiens de délinquance violente, économique, guerrière, sportive, routière... on n'en finirait pas de les recenser. En ce moment, en France, c'est ouverture de la chasse : le seul endroit où ils peuvent en toute impunité se promener avec des fusils au milieu d'enfants et de promeneurs du dimanche. Ouverture de la chasse (notre second amendement à nous !) : fermeture de la nature. Chasseurs : 98 % de mâles, les chasseurs tuent des animaux (en polluant la nature avec du plomb),  pas de quoi fouetter un chat pour autant, les animaux on peut tout leur faire, sans que la société moufte. Ils tuent aussi des promeneurs, des enfants, des gens dans leurs jardin, c'est la faute à pas de chance, et ils se tuent entre eux, bon débarras dans ce dernier cas.
Ce n'est pas la faute des cordes s'il y a des pendus ; évidemment, la limitation de circulation des armes est une solution, mais arrêter d'entretenir et de flatter leurs penchants à la violence me paraît être une sacrée bonne solution aussi. Après tout, le fait que l'accès aux armes soit limité chez nous ne les empêche pas de tuer les femmes : compagnes, épouses, fiancées, enfants, quand elles veulent les quitter. Avec des couteaux ou leurs mains s'ils n'ont pas autre chose. Halte à l'exaltation de leur pseudo-virilité. Halte à la violence masculine qui détruit la société.

J'en entends dans le fond qui chuchotent que les femmes ce ne serait pas mieux, que tout ça "c'est humain", et qu'on n'y peut rien. Des défaitistes conservateurs. C'est beau l'universalisme : tout le monde égal.e dans la saloperie. Il a juste l'inconvénient de poser que l'étalon or, le modèle absolu, c'est l'homme.mâle, et que pour des raisons d'égalité, il faudrait tendre vers ce modèle étalon. Avec des principes pareils, les femmes doivent se mettre à la tauromachie, vraiment, il n'y a pas de raisons. Il est temps que les femmes trouvent leur voie et l'imposent, ou alors c'est la fin de l'aventure humaine sur cette planète !


(Affiche de troupe de théâtre genevoise, où des comédiennes, en 2011, mettaient en scène l'ultra-virilité des cow boys !)