jeudi 26 septembre 2013

Vache à traire

L'entrepreneur de travaux publics-bétonneur Ramery veut diversifier ses activités : la construction de centres commerciaux, c'est marrant cinq minutes, mais comme ça sature le territoire et contribue à la France moche, il faut envisager autre chose. Une de ses diversifications, c'est le traitement de déchets via sa filiale Ramery environnement (repeinte en vert sur le site) ; la sous-filiale Carbiolane fait de la méthanisation de déchets organiques. Elle  n'est pas la seule, Veolia a aussi son département de méthanisation d'effluents industriels : brasseries, abattoirs, pardon, agro-alimentaire, terminologie moins brutale. D'ailleurs, chez Veolia, la documentation s'appelle "De la pollution à l'énergie". Mais apparemment le seul traitement de déchets organiques existants, ça fait petit bras ! D'où sans doute l'idée d'en FABRIQUER, pour passer à la vitesse supérieure ?



Le dossier est sujet à controverse : même le Ministère de l'écologie n'y retrouve pas ses veaux ! Devant l'opposition de l'opinion publique au projet (une étable industrielle de 1000 vaches -plus 750  veaux- et une unité de méthanisation pour traiter le pipi et les bouses), le ministère de l'écologie préconise 3 scenarii au choix (accrochez-vous) :
- un atelier de 1000 vaches laitières sans unité de méthanisation.
- une unité de méthanisation sans atelier de vaches laitières.
- un atelier de 500 vaches laitières avec unité de méthanisation.
Ces trois scénarii sont faux-cul au possible : en effet, dans le premier, Ramery est éleveur (très éloigné de son métier d'origine et de son projet), dans le second scénario, Ramery est industriel de la méthanisation (plus dans ses cordes), dans le troisième, c'est moit-moit, le Ministère joue les Ponce Pilate, il ne s'oppose pas -dans les deux premier cas- et ne tranche jamais dans le 3ème. Mais Ramery qui a fait ses comptes, veut ses mille vaches où RIEN. Moi et les voisins du site, on serait plutôt pour RIEN. NOTHING. NADA.

Imaginez, dans un département, la Somme, où les troupeaux comptent en moyenne 80 vaches (un troupeau de 80 vaches, c'est déjà bien impressionnant !) et où le maximum c'est 200 bêtes, 1000 vaches (ou même 500), c'est le saut quantique industriel ! Imaginez 1000 vaches dans des bâtiments, nourries aux tourteaux de soja argentin ou brésilien, ne sortant JAMAIS pour aller à l'herbe, traites TROIS FOIS  par jour, vêlant 7 ou 8 fois (il faut qu'elles aient un veau pour produire du lait), veau enlevé dès le lendemain de la mise bas, puis envoyées froidement à la réforme (à l'abattoir) après 8 lactations (huit vêlages, je traduis, car c'est comme ça qu'ils causent), c'est Orwell chez les vaches. Même si ça se fait déjà ailleurs à l'étranger, ça n'est pas une raison, on n'est pas obligés de suivre.


Déjà que vache laitière en pâture, ce n'est vraiment pas une sinécure, imaginez l'enfer concentrationnaire en bâtiment ! Outre l'aspect maltraitance aux animaux, cela produit des montagnes de déchets qui iraient donc alimenter un méthaniseur, lequel produirait des déchets ultimes (digestat de méthaniseur) qu'il faut épandre quelque part. C'est la loi actuelle : la surface d'épandage doit être proportionnelle à la taille du troupeau. La Baie de Somme est toute proche : site remarquable, réserve d'oiseaux, site touristique préservé : les deux sont incompatibles.

Dans ce projet, le lait devient un sous-produit du méthane : c'est pour produire du méthane qu'on fait vêler des vaches à marche forcée. Ramery projette de racheter les fermes des agriculteurs qui partent à la retraite ou cessent leur activité : Ramery prétend que le métier d'éleveur n'a d'avenir que comme sous-traitant aux ordres d'un industriel de la méthanisation. Selon Ramery, les vaches-machines sont des esclaves productrices de veaux et de lait pour enrichir un industriel du méthane et chauffer des habitations de riverains qui têteront le lait de vaches-chauffage. Il y a un moment où il faut dire les choses crûment : les représentants du Patriarcat sur terre n'auront jamais cessé d'améliorer leur concept-phare, l'exploitation des vaches à traire qui passent à portée.

Une association de riverains et d'opposants lutte contre ce projet de cauchemar : Novissen organise une manifestation samedi 28 septembre 2013 à 14 H à Drucat, près d'Abbeville (80). Ils espèrent y compter leurs sympathisants. Si vous habitez dans les parages, ou même plus loin, ce serait bien d'aller les soutenir. Vous pouvez aussi signer et faire signer leur pétition NON à la ferme-usine géante près d'Abbeville, suivre leur compte Twitter ou celui d'Agir pour l'Environnement, et poster votre soutien sur les réseaux sociaux dont vous êtes membres. Les animaux vous disent merci du fond du cœur !

Liens : Agir pour l'environnement : Libérez la vache qui pleure
Car au départ de Paris (L214, très ponctuels) Départ Gare de Lyon, ramassage Gare de l'Est

"Au fond de ma révolte contre les forts, je trouve du plus loin qu'il me souvienne l'horreur des tortures infligées aux bêtes".
Louise Michel - 1830/1905 - Anarchiste, écrivaine, féministe.

samedi 21 septembre 2013

Vouivre

Vouivre, Guivre, Gesvre, Sèvre, Vaisvre, Vivre, Vobera (celtique), Vipera (latin), Vuipre, Wiwer (alsacien) Nwyvre (breton), Wyvern (anglais),  : femme-serpent, femme-dragon. Mélusine. Lorelei.


Créature, divinité des eaux, des fontaines, des lacs, des grottes souterraines, femme associée au monde souterrain et à la terre nourricière, serpent terrestre que l'église chrétienne a associé au mal, à l'instar des  femmes qu'elle a associées au péché :




Femme aux cheveux flottants, vieille, chatelaine, Mère Lusine, ondine, Dame Verte, fée des eaux, escarboucle du dragon et des connaissances secrètes.


Force tellurique, puissance de germination de la Terre.

Difficile de ne pas penser qu'elle a inspiré l'artiste qui a créé la sculpture, en  voyant cette déesse endormie (sleeping goddess) du Lost Garden of Heligan en Cornouailles (Cornwall) :



Le repère mythologique de la Vouivre, ce sont les grandes déesses primordiales, celles d'avant le dieu unique, mâle et barbu des hommes, la déesse solaire qui a été contrainte de laisser sa place en se réfugiant dans la nuit et dans les grottes souterraines. Elle est de tous les époques et de toutes les géographies : Tiamat, la babylonienne, Isis l'égyptienne, Echidna la Scythe, Médée la Caucasienne, Eurynommé et Delphyné les Pélasges, Lamia la Lybienne, les Gorgones grecques, Epona la Gauloise, Niou-Koua la Chinoise, Jörmungandr la Scandinave et Coatlicue l'Aztèque : toutes terrestres et serpentines, défendant leurs trésors au fond des océans, des grottes et des sources. Et attendant des jours meilleurs ? Qui sait...
Avertissement sans frais : sa colère et sa revanche ne sont peut-être plus si éloignées.

"De source en fontaine, de lac en rivière; de brume en puits d'enfer, la Vouivre vole, nage, tourbillonne. Certains pensent qu'elle est une personnification des eaux souterraines ou apparentes ; d'autres disent que la Loue ou l'Areuse, rivières capricieuses, sont la Vouivre en personne qui inonde villes et villages, et change à son gré le cours de son lit. Dans certaines légendes, elle menace de provoquer un déluge qui inondera un jour la terre, si les hommes attisent sa colère.
On la rencontre dans les étangs dont les eaux glauques lui assurent un refuge. Elle hante les prairies inondables, ces lieux appelés la vaivre, la vesvre, la vavre. Elle habite les sources intermittentes, ces endroits appelés combe, fontaine ou parfois trou de la Vouivre.  Elle affectionne les résurgences comme dans le récit du Pot Bleu. Sa mort entraîne l'assèchement des lacs et la disparition de l'eau."
In "L'oeil de la Vouivre" récits mythologiques par Edith Montelle - Editions de l'Est.

Je suis tentée de mettre en conclusion de ce billet, ce court texte, extrait du récit épique de Monique Wittig, Les Guérillères, texte qui propose une contre-mythologie, féministe celle-ci.

"Elles disent qu'elles ont la force du lion la haine du tigre la ruse du renard la patience du chat la persévérance du cheval la ténacité du chacal. Elles disent, je serai la vengeance universelle. Elles disent, je serai l'Attila de ces féroces despotes, causes de nos pleurs et de nos souffrances. Elles disent, et quand par bonheur toutes voudront se rallier à moi, chacune sera Néron également et mettra le feu dans Rome. Elles disent, guerre, à moi. Elles disent, guerre, en avant. Elles disent qu'une fois qu'elles auront les armes à la main elles ne les abandonneront pas. Elles disent qu'elles secoueront le monde comme la foudre et le tonnerre." Les Guérillères. Monique Wittig. 

samedi 14 septembre 2013

Laïcité

En Italie, où l'état entretient un rapport particulier avec le Vatican,
7 gynécologues sur 10 se déclarent "objecteurs de conscience" vis à vis de l'IVG. En Russie, Poutine qui a bien compris que son pouvoir séculier était mieux garanti par l'obscurantisme religieux qui promet le bonheur dans un hypothétique au-delà en échange de l'acceptation de votre sort ici et maintenant, s'allie au Patriarcat de Moscou pour justifier sa politique étrangère et imposer ses lois les plus répressives vis à vis des homosexuels. En Arabie Saoudite, état religieux, vous ne pouvez pas célébrer les fêtes chrétiennes puisque les religions sont clivantes : chacune détient "LA" vérité, vous vous soumettez ou vous mourez, ou minimum vous rasez les murs, encore bien heureux qu'on vous laisse vivre.


La laïcité, ou la sororité/fraternité anonyme :
le retour du religieux est un échec de la fraternité.

Quel système vous garantit le droit de pratiquer votre culte sans se recommander d'aucun ? La laïcité. Dans l'intimité, vous pratiquez votre religion, dans l'espace public vous vivez en bonne entente avec les autres citoyens qui n'ont pas plus que vous l'obligation de justifier ou non d'appartenir à une communauté religieuse. Savoir, croyance et opinion sont clairement scindés et renvoyés chacun à leur espace. La laïcité vous garantit que "la loi est la même pour tous, que le fait d'être croyant ne vous ouvre pas des droits à des statuts particuliers, ou des dérogations à la loi " (ni d'ailleurs ne vous prive de vos droits parce qu’embrassant une religion ou adhérant à une croyance), dit Caroline Fourest dans une éclairante interview où elle rappelle que le danger vient de l'intégrisme catholique et que l'extrême-droite détourne la laïcité pour faire avancer ses idées. Dans l'agora de délibération qu'est le Parlement, pour fabriquer une loi, un représentant qui a des convictions religieuses doit passer par un argumentaire rationnel qui invoque l'intérêt général, sans référence à un argument d'autorité d'inspiration religieuse.

L'excellente Dounia Bouzar, anthropologue, spécialiste du fait religieux, qu'on voit régulièrement à C dans l'air sur France 5, propose ses solutions de bons sens pour l'application du Code du travail dans le cas de revendications religieuses.



Et puis, Carine Delahaie, porte-parole de Femmes Solidaires, parle de féminisme et de laïcité : "Le féminisme, c'est un mode de pensée et de vie fondé sur l'égalité. Aucune religion ne prône ce discours". Elle rappelle que "le relativisme culturel n'est rien d'autre que du racisme dans ce qu'il représente de pire". C'est dire "qu'une femme qui n'est pas de la même culture que vous, peut ne pas avoir les mêmes droits que vous...", ou encore que "les femmes qui sont d'un autre pays que le nôtre n'ont pas le cerveau assez bien formé pour comprendre ce que nous sommes capables de comprendre" ! Difficile, en effet, de faire plus raciste qu'en défendant le différentialisme culturel.

Voilà, je crois que ce hors-série de Charlie Hebdo est très complet sur une notion de plus en plus attaquée, alors qu'on croyait le combat définitivement terminé. Il fait un état des lieux, en France comme à l'étranger. Il souligne les entorses historiques à la laïcité en France, tel le statut concordataire d'Alsace-Moselle et l'exception de l'enseignement privé. Il rappelle que les Printemps arabes se sont faits contre des autocrates, mais aussi contre des sociétés étouffantes où les coutumes et l'arbitraire religieux dictent le quotidien.  Je n'ai fait qu'un très court résumé de ce dense numéro que je vous recommande.

Quatrième de couv '
"A quoi bon défendre la laïcité ? Ça fait belle lurette que la République a gagné le combat contre ces curetons qui rêvaient d'imposer leurs vues au pays ! 1905 ! Depuis, 1905, le match est fini. Que peuvent encore quelques fous de Dieu contre l'invincible et éternelle laïcité ? Laissons-les revendiquer ce qu'ils veulent, ils se fatigueront tout seuls... Un bâtiment qu'on n'entretient pas tombe en ruine, un muscle dont on ne se sert plus s'atrophie, une idée dont on ne se rappelle pas le sens sera oubliée. La laïcité, c'était hier encore le boulevard neutre sur lequel un croyant pouvait croiser un athée sans lui taper dessus. Et inversement. C'est devenu un chemin envahi de ronces sur lequel on ne rencontre plus grand monde, à part les taupes du Front National. Elles minent le terrain. Comment expliquer que la laïcité, qui nous paraît si vieille, est en réalité une idée nouvelle en France et dans le monde ? En demandant simplement à ses défenseurs : la laïcité, c'est par où ?"

mardi 10 septembre 2013

Diane, Chasseresse de violeurs



État de Chihuahua, Mexique : Ciudad Juarez, 2 millions d'habitants. Depuis la fin des années 90, début des années 2000, la ville de Juarez a la douteuse réputation de capitale mondiale du crime contre les femmes. Les chiffres sont incertains : entre 400 et 4 000 pour la période de 93 à 2003. Ce qui est certain en revanche, c'est que des corps de femmes sont régulièrement trouvés dans les sables du désert, et que des dizaines de femmes ont disparu sur le chemin de leur travail, sans qu'aucun signalement aboutisse à les retrouver. Ville frontalière entre Nord du Mexique et sud des Etats-Unis, Juarez est représentative de la mondialisation économique : des maquiladores (manufactures) à la recherche de main d’œuvre meilleur marché qu'en Europe ou qu'aux USA, attirent des jeunes femmes en quête d'émancipation économique, de liberté, hors du sacro-saint mariage et du foyer où les maris cognent, dans un pays où la violence machiste maritale est considérée comme "habituelle". Ces maquiladores sont dans des zones industrielles éloignées du centre ville, mal desservies par des bus, et les ouvrières doivent faire des kilomètres pour aller travailler -et retour- dans des zones mal éclairées en bordure du désert. Vous rajoutez la frustration masculine de voir "Bobonne" échapper à son destin de ménagère mal mariée, assommée d'enfants, gagnant à la force du poignet son pouvoir de dire NON au tellement désirable mariage-horizon ménager indépassable pour les femmes, ou de se barrer à la première (ou la cinquantième) gifle !

Pour compléter le tableau, le pays est affligé des pires cartels mafieux du crime, la police est totalement corrompue, donc inefficace, le gouvernement fédéral (le Mexique est une fédération d'états comme sa puissante voisine, les USA, et sa constitution est quasi copiée/collée de l'américaine) est impuissant dans son exercice de police dans l'Etat de Chihuahua, qui a son gouverneur et ses propres services. Quelques indices laissent aussi à penser qu'un ou plusieurs tueurs en série venant de la ville américaine voisine, El Paso, Texas, auraient sévi à la charnière des années 90/2000. Maris cogneurs au sud du Rio Grande, sociopathes au nord ! On a aussi parlé de meurtres "récréatifs" des barons des puissants cartels du crime. Bref, quand la société se désintéresse du sujet et que la police ne fait pas son travail, TOUS les criminels opportunistes peuvent venir déposer des cadavres de femmes, y compris des victimes de violence conjugale, sur les collines et dans le désert où on les retrouve après des mois, inidentifiables.  Si le sujet vous intéresse, deux enquêtes très documentées sont disponibles sous les titres suivants (dont j'ai tiré les informations ci-dessus) : La ville qui tue les femmes - Enquête à Ciudad Juarez de Marc Fernandez et Jean-Christophe Rampal ou encore Des os dans le désert de Sergio Gonzalez Rodriguez, tous trois journalistes enquêteurs. Gonzales Rodriguez devient d'ailleurs un des personnages du dernier roman de Roberto Bolaño, 2666, chef d’œuvre absolu racontant un siècle criminel, le 20ème siècle, qui vient mourir dans le désert de Sonora, avec ses multiples cadavres de femmes à l'aube du 21ème. J'ai lu les trois et je les recommande : ils sont dans toutes les bonnes bibliothèques !

Mais où veux-je en venir avec ma Diane Vengeresse ? 


Il se trouve que la police du Mexique et celle de l'Etat de Chihuahua qui n'avaient guère remué leurs gros derrières (gros comme le Mexique) à propos de ces crimes, viennent d'enregistrer deux meurtres commis par une femme de Juarez sur deux conducteurs de bus. Une balle dans la tête à chacun, au motif que ce seraient des violeurs impunis. Elle revendique s'appeler "Diana", et des mails sont parvenus aux médias, provenant de "Diane la Chasseuse de chauffeurs de bus", sans qu'on puisse prouver qu'il ne s'agisse pas d'un hoax (canular) opportuniste ! "Moi, et d'autres femmes, avons souffert en silence, mais nous ne pouvons plus rester tranquilles désormais", disent ces mails. "Nous avons été victimes des chauffeurs des équipes de nuit sur la route des maquilas. Je suis l'instrument de la vengeance pour de nombreuses femmes" ajoute-t-elle.

Bon, le meurtre et l'assassinat sont punis par la loi. Nulle ne peut se faire justice, on est d'accord. Mais quand l'état, dépositaire régalien des fonctions de police et de justice, chargé de la sécurité de TOUSTES ses citoyen-nes regarde ailleurs après de tels crimes, il est forcé que cela arrive. Et des chauffeurs violeurs terrorisés, des femmes soulagées, et la police corrompue bien emmerdée, c'est quand même bon à prendre. C'est vrai que pour une telle série de meurtres perpétrés dans l'apathie générale, il y avait de quoi vraiment s'énerver ! Voilà où on arrive quand les élémentaires service de police et de justice ne fonctionnent plus !


Liens :
Diana chasseuse de chauffeurs de bus, instille la peur et le respect à Ciudad Juarez - Guardian -en anglais
I am Diana the Hunter and I take revenge for sexual assaults by bus drivers on female passengers - Daily mail -en anglais.
"Diana la chasseresse" venge les victimes de viol - News Republic -en français.
12 cas de viols examinés par la police pour tenter de trouver la suspecte parmi les victimes - La Presse Canada -en français. On examine les cas de viol juste pour trouver la coupable présumée de meurtres de violeurs. Bravo, la police mexicaine !
Une cavalière surgie de la nuit : Zorra !

jeudi 5 septembre 2013

Appel citoyen contre l'incitation au viol sur Internet

Incitation au viol sur un site de coaching en séduction
Signalement publié sur internet par une dizaine de blogs le 05/09/2013

Nous, militantes féministes et citoyennes, avons récemment dénoncé un site de coaching en « séduction » appelé Seduction By Kamal comme incitant au viol.
Seduction By Kamal est un site d'apprentissage des techniques de « pick up artist », à savoir « artiste de la drague ». Il s'agit de techniques de 
« drague » et de conseils en matière de sexualité. Le site est géré par la société SBK Coaching, et génère du profit grâce à la vente de livres numériques (« e-books »).
L'indignation s'est focalisée sur un article violent en accès libre et gratuit. Intitulé « Comment Bien Baiser : les 3 Secrets du Hard SEXE », il nous apparait en réalité comme une incitation au viol, particulièrement toxique en raison de l'aspect éducatif du site. 
Nous estimons que les propos sont explicites : pour bien « baiser », l’important est de ne pas tenir compte du consentement de sa 
« partenaire ». Une capture d'écran est conservée ici. Les extraits les plus choquants sont cités ci-dessous, dans la lettre au Procureur, ainsi que chez la blogueuse Diké.
Cet article a été écrit par Jean-Baptiste Marsille, rédacteur web, auto-entrepreneuret écrivain. Le directeur de publication du site se fait appeler Kamal. Il ne s’agit pas d’un petit blog isolé. D'après son créateur, ce site reçoit 20 000 visiteurs par jour, le chiffre d’affaire de la société
« SBK Coaching » est de l’ordre de 10 000 euros par mois. Sa page Facebook est suivie (« likée ») par près de 17 000 personnes. Nous notons aussi que les frais de fonctionnement du site semblent peu élevés, compte-tenu des avantages fiscaux de la Pologne par rapport à la France, et du caractère dématérialisé des publications électroniques vendues. Malgré de multiples sollicitations depuis octobre 2012, Kamal n’a jamais réagi. L’article était toujours en ligne à l'heure où nous écrivons cette lettre. 

Depuis 2012, cet article a également été signalé en vain au Ministère de l'Intérieur. Pourquoi la loi n’est-elle pas appliquée ? Est-ce un problème managérial (manque de moyens pour traiter tous les signalements) ou un problème culturel (mauvaise formation et sensibilisation des agents du Ministère à la misogynie en ligne et à la culture du viol) ?

Nous joignons donc à cette tribune une plainte au Procureur de la République concernant le délit d'incitation au viol en ligne sur la page signalée. Appel aux autorités et aux acteurs du web : stopper la misogynie en ligne

Ceci dit, notre objectif n’est pas de nous focaliser sur ce seul type de site Internet à la marge, mais sur l'ensemble de la misogynie globalement répandue sur l'espace Internet, et trop tolérée.
De nombreux agresseurs et leurs complices se sentent autorisés, en toute impunité, à exhiber sur Internet leurs infractions misogynes (viol, agression, non-assistance à personne en danger, recel de médias à caractère pédo-criminel...). Leurs victimes sont réduites au silence ou humiliées à l'échelle planétaire, subissant la reproduction perpétuelle de leurs agressions sur les réseaux sociaux. 
Comment les Internautes peuvent-ils encourager un tel laxisme envers des criminels, et une telle sévérité envers les victimes ? Certainement à cause d'un amalgame toxique entre sexualité et violence érotisée (culture du viol) combinée à une mauvaise appréciation du sexisme sur Internet, perçu à tort comme “virtuel”.  
Or le sexisme en ligne n'a rien de virtuel : le harcèlement subi par des personnalités connues comme par des adolescentes anonymes (ou qui auraient voulu le rester), le racolage des mineures par les pédo-criminels ou les proxénètes, l'omniprésence des images de femmes hypersexualisées et objectivées, dans les contenus personnels, journalistiques, culturels et commerciaux – clichés parfois pris à l'insu du sujet, l'humour sexiste qui alimente la tolérance envers le sexisme, les discours vindicatifs, stéréotypés et dégradants à l'égard des femmes, tout ceci est bien réel.
Ailleurs, sur le web anglophone notamment, des voix se sont élevées pour exposer l'ampleur de la misogynie sur Internet, et exiger des actions concrètes pour y mettre fin. Ainsi la campagne #FBRape a permis un début de dialogue avec Facebook, dans le but d'améliorer les systèmes d'identification et de modération des discours de haine misogyne

Côté français, l'incitation à haine, à la discrimination ou à la violence est interdite par la Loi sur la liberté de la presse, article 24. Nous exigeons que l’alinéa 7 soit appliqué, à savoir que l’incitation à la violence en raison du sexe, de l’orientation sexuelle ou du handicap soit réellement pénalisée. 
Nous demandons également une modification de l’alinéa 6 de cette même loi (concernant l'incitation à la discrimination et à la haine) pour qu'il soit étendu au sexisme. Actuellement, seules sont concernées les discriminations et la haine motivées par des raisons ethniques, raciales ou religieuses.
Enfin, nous appelons les pouvoirs publics à mettre en place une plateforme dédiée au signalement de sites misogynes, à la sensibilisation des acteurs du web sur le sujet, et à l'accompagnement des victimes de discrimination, de haine ou de violences misogynes sur Internet.

Nous appelons également les entreprises du web ou présentes sur Internet à mettre en place des pratiques éthiques pour lutter contre le sexisme sur Internet, en coopération avec la société civile.
Collectif féministe et citoyen 

Plainte au Procureur

Paris, le 05/09/2013
Lettre R.A.R.
Monsieur le Procureur de la République,

Nous, citoyennes, tenons par la présente à vous signaler les faits délictueux visés par l’article 24 de la Loi sur la Liberté de la Presse qui punit de "cinq ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ceux qui (…) auront directement provoqué, dans le cas où cette provocation n’aurait pas été suivie d’effet, à commettre l’une des infractions suivantes : les atteintes volontaires à la vie, les atteintes volontaires à l’intégrité de la personne et les agressions sexuelles définies par le livre II du code pénal".

Sur le site Seduction By Kamal, cette page (URL : www.seductionbykamal.com/comment-bien-baiser - capturesd’écran ci-joint) intitulée "Comment Bien Baiser : les 3 Secrets du Hard SEXE" constitue une apologie du viol et une incitation à la violence contre les femmes. Quelques extraits explicites :

• "Montrez-lui qu’elle n’a pas vraiment le choix" 

• "Attaquez sa poitrine" 

• "créer rapidement une image du mec qui sait ce qu’il veut et qui l’obtient quand il veut". 

• "vous décidez [...] tout est entre vos mains (ou vos cuisses devrais-je dire)" 

• "perdre tout contrôle de la situation est un "turn on" majeur pour les femmes". 

• "appliquez-vous à aller en profondeur et à ne stopper la cadence que quand VOUS le décidez ! Elle se plaint ? Pas pour longtemps ! C’est un phénomène naturel de rejet de l’autorité, mais une fois cette barrière franchie, elle s’abandonnera à vous et vous demandera de la défoncer [...] c’est ça en fait la véritable notion du fameux "BIEN BAISER". 

• "Imposez votre puissance". 

• "Donnez des ordres et soyez inflexible. Ne lui demandez pas gentiment si, éventuellement, vous pourriez avoir une fellation et éjaculer dans sa bouche… La décision est prise, retirez-vous et faites la descendre vers votre sexe afin d’affirmer votre posture." 

• "Si seulement vous saviez combien de femmes rêvent de se faire démonter par un inconnu au chibre géant". 

• "Cette méthode est relativement efficace quand on rencontre une inconnue qui nous ramène chez elle. Si elle en arrive là, c’est sans doute parce qu’au fond, ce qu’elle veut, c’est tirer un coup." 

• "Ne lui demandez pas si vous pouvez la pénétrer comme un animal sauvage, faites-le !" 

• "il vous suffit [...] de laisser parler vos envies, sans vous restreindre. Prenez le contrôle du rapport sexuel et pensez que votre masculinité passe par des coups de boutoir infligés." 

• "ne vous refusez rien". 

Nous avons signalé ce lien à internet-signalement.gouv.fr sans aucune conséquence concrète.

La présente faisant valoir ce que de droit.

Copie à
Monsieur Manuel Valls, Ministre de l'Intérieur
Madame Vallaud-Belkacem, Ministre des Droits des femmes, 
Madame Christiane Taubira, Garde des Sceaux, Ministre de la Justice
Haut Conseil à l'Egalité entre les Femmes et les Hommes
Observatoire des Inégalités
Le Monde
Le Figaro
Médiapart
Rue 89
Libération
Les Nouvelles News
Slate
Fédération Nationale Solidarité Femmes