Et puis sont venues, en France, celles qui sortent du silence, celles que la crainte de la puissance de leurs agresseurs, leur statut social muselaient : la statue du commandeur, ex ministre, éminent juriste renommé et consulté, œuvrant en retraite dans le domaine social, insoupçonnable ; l'exégète d'un livre patriarcal "sacré", méprisant les femmes et controversé, mais tout de même, pour pas mal de croyants, faisant autorité dans sa discipline ; un cinéaste adulé et palmé à Cannes accusé par la chanteuse Bjork ; tous sont renvoyés au statut de prédateurs sexuels, quelle évolution ! Les hommes politiques fraîchement élus grâce au dévouement et à la compétence d'assistantes hyper efficaces, professionnelles et diplômées, mais précaires en CDD, et bien mal récompensées de leur excellence pourtant, dans l'ombre du grand homme. D'autres viendront que nous devrons écouter et croire.
Bien sûr, des aigris prétendront que concomitamment, elles viennent de publier et qu'elles ont des livres à vendre, mais moi je les crois ! Ils sont tellement puissants, tellement insoupçonnables ! Elles se sont tues si longtemps que leurs agresseurs étaient assurés d'une totale impunité et pour cela même, autorisés à continuer leur prédation. A ceux qui ne les croient pas : se met-on à hurler à l'agression sexuelle en pleine représentation de Wagner à l'opéra ? Qui pourrait croire qu'un "saint" homme qui prêche la "modestie" aux femmes serait un tel rustre brutal ? Et des artistes, donc ?
Malgré une trentaine de témoignage convergents venant du tout Hollywood, et d'actrices françaises ayant eu affaire avec Weinstein, la justice dit encore qu'il n'y a pas de preuves, et Weinstein va s'en tirer, comme DSK s'en est tiré au pénal, tout en étant curieusement condamné à un fort dédommagement au civil : ainsi va la justice patriarcale des agresseurs. Témoin, témoigner viennent du latin testes, testicules, il faut encore dans certains pays que deux ou trois hommes corroborent le témoignage d'une femme, la malédiction de Cassandre joue toujours en notre défaveur. Les gendarmeries et commissariats de police resteront encore des endroits maltraitants et mal accueillants aux femmes victimes de ces agissements malgré leurs propositions opportunistes*, la caste se défend, elle fait corps pour garder encore un peu ses douteux privilèges, mais le silence est rompu, les femmes parlent et, j'espère, n'arrêteront plus de parler. La terreur est en train de changer de camp. Il FAUT qu'elle change de camp, que les agresseurs ne soient plus jamais tranquilles après leurs forfaits. Il faut qu'ils soient dissuadés d'en commettre un de plus. Et pour cela, il faut que les femmes soient écoutées et entendues. Il faut maintenant que toutes les autres femmes n'aient plus peur d'entrer dans un commissariat et de se faire entendre de la justice. Espérons que le mouvement commencé ces derniers jours ne s'arrêtera plus.
* Je ne présage pas de ce qu'il se passe ailleurs mais c'est un peu des paroles verbales comme dit l'humoriste, et ce n'est pas drôle : insultée deux fois en bas de chez moi jeudi, je suis allée vendredi déposer au moins une main courante que j'ai voulu transformer en plainte : la policière m'a écoutée -rien à dire- mais elle a dû aller demander l'avis de son OPJ, qui a dit non, suggérant que je me tourne vers le Procureur de la République. Pas de main courante non plus : il y avait la queue. Bref, les méfaits masculins plus graves sont tels que les plaintes des femmes sont considérées comme secondaires, qu'on traite quand il reste du temps. Et comme il n'en reste pas... Nous sommes apparemment des sous-citoyennes, nos dossiers sont secondaires, la vertu ne paie pas. Il reste le free-lance.[#AVotreService] De jour comme de nuit, des policiers spécialement formés accueillent les victimes dans les commissariats. pic.twitter.com/DqWz524zEh— Police Nationale (@PoliceNationale) 20 octobre 2017