lundi 29 février 2016

Thérèse Clerc "Le voyage a été si beau !"

Née en 1927, Thérèse Clerc s'est éteinte à 88 ans le 16 février 2016. Féministe "canal historique" du deuxième féminisme, celui du MLAC -Mouvement pour la Libération de l'Avortement et de la Contraception-, celui des années 70, de "mon corps m'appartient".


Elle a plus de 40 ans et 4 enfants (elle se morfond d'ailleurs épouvantablement dans le conjugo, l'ai-je entendue un jour témoigner) quand elle découvre le mouvement et devient... lesbienne. Comme quoi, le conjugo et la maternité mènent à tout à condition d'en sortir ! Thérèse Clerc n'était pas ce qu'on appelle polie, avec un vocabulaire châtié : elle disait "les bonnes femmes" tout en étant solidaires d'elles. Je l'ai entendue un soir dans un coin de télé perdre patience quand un mec lui a dit qu'il n'y avait pas de grandes femmes dans l'histoire ni dans la littérature, elle a semblé perdre pied puis la moutarde lui montant au nez : "oui, moi j'aimerais bien savoir tout de même qui a inventé la gomme a effacer les femmes de l'histoire" ! Ou comment clouer le bec aux importuns. Clairement, elle n'était plus dans l'air du temps, celui des "féminismeS" au pluriel, donc un combat forcément divisé : "inclusif" (?), "intersectionnel", "islamique" (sans rire), "catholique" (sans rire bis), celui du relativisme culturel, celui de #HeForShe, Lui pour elle (au secours les mecs, on n'y arrivera pas sans vous !), celui où les femmes mettent leur point d'honneur à "concilier", Thérèse Clerc vient du féminisme de combat, utopique, subversif, où tout était ouvert et possible, où avoir un utérus était juste une potentialité, on n'était pas obligées de s'en servir. Celui du néo-malthusianisme aussi (à ne pas confondre avec le malthusianisme) celui du planning familial et de l'arrêt de l'épuisement du potentiel des femmes dans la maternité. Une époque récente, les années 60-70, mais une époque révolue. Hélas.

Symptôme : alors que tous les grands médias traditionnels, de Libération au Monde en passant par l'Humanité et le Nouvel Obs, se sont fendus d'un article hommage, je n'ai rien trouvé dans les Nouvelles News ! Osez le féminisme s'est contenté du minimum syndical : un tweet. Et encore, je me demande si ce n'est pas parce qu'elles on vu passer les miens terriblement endeuillés. Avant la loi Weil, Thérèse de Montreuil , militante féministe, pratiquait des avortement clandestins dans un immeuble de la ville, et comme la cause n'avançait pas "on est devenue grossières comme des porte-faix", témoigne-t-elle ! Bref, plus vraiment le féminisme si poli d'aujourd'hui.

Avançant en âge, et après avoir créé la Maison des Femmes de Montreuil, cette combattante est allée porter la voix des "vieilles", ces femmes dont la société ne veut plus, ne voit plus, parce qu'elles ne sentent plus assez bon les hormones, cet âge dont elle disait qu'il est celui de la grande liberté. " La société ne s'occupe plus de nous, mais nous, on s'occupe de la société ! " Elle a fondé les Maisons des Babayagas sur le modèle des béguinages, puis l'Unisavie, une université populaire dédiée au vieillissement et à la transmission des savoirs. On la voit témoigner dans le film de Sébastien Lifshitz (2012) "Les invisibles" où elle parle de son expérience de lesbienne. Cette femme était solaire, au plein sens du terme. Et comme ce qu'elle disait fait tellement de bien à entendre, voici un fichier audio d'une interview par France Info, pour réécouter sa voix et son bel optimisme. Dans les dernières minutes, elle parle même d'écologie !



Je n'aime et je ne veux transmettre que la subversion " - Thérèse Clerc



Lien supplémentaire : Thérèse Clerc, Antigone aux cheveux blancs -Editions des Femmes

dimanche 21 février 2016

Héganisme : le véganisme pour hommes !

Le mot "héganisme" n'est pas arrivé en France me direz-vous. Quoique. On est fins prêts en tous cas. Mardi 16 février 2016, France 5 diffusait "Un monde sans viande" plutôt prometteur. Sauf que. C'est parti en couilles dès les premières cinq minutes. Le documentariste est allé s'acheter un steak végétal chez Sojasun (lien non sponsorisé, même si c'est un voisin de Noyal Sur Vilaine) et en a fait l'analyse. Ce steak végétal est à base de soja, sorte de haricot, donc une légumineuse très protéinée, mais qui a la réputation de contenir des isoflavones, un ersatz végétal d'hormones femelles. Bon pour les femmes de plus de 50 ans, mais mauvaises, très mauvaises pour les hommes et les enfants prépubères et même pubères, dixit le journaliste ! Nous y voilà : le steak de soja est soupçonné de déviriliser les hommes. S'en est suivie une pénible bataille de chiffres et de milligrammes entre une diététicienne défenseuse des couilles des mecs, et la Cheffe de produit de Sojasun qui défend elle son produit et dit que, pas du tout, son steak de soja contient moins d'isoflavones que le prétend la diététicienne. Après le film, durant le débat, le médecin pro-viande a affirmé que les isoflavones sont inoffensives et même plutôt bonnes pour la santé. Mais le mal était fait, à mon avis. Le végétarisme et le véganisme sont perçus comme une menace pour la virilité, comme l'explique Corey Wrenn sur son blog Vegan Feminist Network, dont je vous propose cette semaine la traduction du billet :
 What is Heganism ?

Crédit photo : Salon - Forget vegan, he's hegan (en anglais)

"Héganisme. Oui, c'est bien quelque chose. C'est le véganisme... pour les hommes. "Héganisme" réfère généralement au "rebranding ", à donner une autre image de marque aux traditionnels concepts véganes, afin qu'ils conviennent à la consommation masculine. Mais pourquoi ?  

Le mouvement végane est truffé de 101 variations différentes du véganisme, toutes avec la même intention : vendre et faire rentrer des cotisations. C'est le marketing des associations demandant à ses équipes "comment pouvons-nous nous démarquer sur cette tendance ? Comment pouvons-nous nous distinguer du reste des autres ? Comment pouvons-nous les faire acheter ici et pas ailleurs ? " Les distinctions de genre servent généralement les intérêts capitalistes et ils le font en maintenant les différences et les inégalités. Spécialiser les produits par genre suppose que les ménages ne doivent plus se contenter d'un seul produit qui peut être partagé (et les produits destinés aux femmes coûtent souvent plus cher). Le produit bleu et industriel pour lui, le produit rose fleuri (plus cher) pour elle. 

Genrer est aussi l'occasion d'ouvrir un plus large marché aux produits. Le stigmate féminin est enlevé, ainsi les hommes peuvent les consommer plus confortablement ; mais ce faisant le stigmate ne disparaît pas, il est seulement renforcé. Comme pour "Guy-et"*, Dr Pepper10 et la lotion Dove men care (pour hommes), genrer le véganisme travaille à protéger la masculinité en ostracisant, en renvoyant à l'altérité ce qui est féminin. Qu'est ce qu'il y a de mal à faire un régime, boire du soda sans sucre, ou manger végane ? C'est que ce sont les stéréotypes de ce que les femmes sont censées faire, et les femmes sont le groupe le plus détesté et le plus dévalorisé de la société. Pour que les hommes y participent, il faut enlever le stigmate féminin en créant une alternative "masculine". 


Faire venir plus d'hommes au véganisme est important pour la santé du mouvement végane et pour la santé des garçons et des hommes -la plupart ne consommant pas assez de fruits et légumes. Mais l'inclusion des hommes ne doit pas se faire aux dépens des droits des femmes.
Crédit photo : The advertiser. 

La masculinité est largement définie par ce qu'elle n'est pas -et elle n'est pas féminine. Cela marche de la même façon avec le spécisme** : nous définissons l'humanité comme n'étant pas animale, et donc l'humanité est supérieure par comparaison. On pense aussi qu'elle est l'une des racines de l'hétéro-sexisme  : la masculinité est définie par l'ostracisation de ce qui est féminin. En d'autres termes, différencier les personnes en groupes et les placer dans une hiérarchie qui soutient ces différences nourrit une discrimination structurelle. La distinction huile les roues de l'oppression.


Dans mon livre, A rational Approch to Animal Rights, j'explore le thème du nouveau packaging des espaces véganes. Parce que le véganisme est tellement féminisé, il est considéré comme une menace pour le patriarcat et donc dévalorisé. En réaction, les organisations qui le défendent adoptent le langage du patriarcat pour mieux "vendre" le véganisme. Au lieu de rester ferme sur une opposition féministe radicale à l'oppression patriarcale, les véganes refont l'emballage du véganisme en le présentant comme "sexy" et montrent les femmes comme objets destinés à la consommation des hommes. PETA est probablement la plus détestable association à cet égard, et sa position dominante dans le mouvement signifie qu'elle influence une norme de protestation pornographique. Les  femmes véganes ne sont plus facteures de changement, elles sont juste un autre goût "exotique" destinée à être servi sur un plateau au patriarcaux. Ce Tumblr "Galerie hégan" en est littéralement un exemple : les images sont inspirées de la pornographie.

Il y a un réel danger à aggraver les attitudes sexistes dans l'activisme pour les droits des animaux non humains. Le mot "Héganisme" est inutile et insultant. Est-ce qu'un espace végane féminin est si répugnant que les hommes doivent s'en dégager et occuper un espace séparé pour y participer ? Si oui, nous devons remplacer et réévaluer notre approche. Aussi longtemps que le mouvement soutiendra la haine des femmes, il ne peut pas raisonnablement attendre de son public qu'il arrête de haïr les animaux non humains.

Le héganisme est une tactique qui se sabote elle-même. Si les activistes soutiennent la notion que le véganisme est "juste pour les femmes" et que les hommes seront stigmatisés s'ils y participent sans la façade de la masculinité pour les protéger, cela rend un mauvais service au mouvement. Au lieu de s'accommoder du patriarcat et du capitalisme pour être entendu.es, les activistes doivent au contraire incorporer une approche féministe à l'antispécisme. De cette façon, tous les intérêts sont pris en compte et un groupe ne sera pas diminué ou exclu au bénéfice d'un autre. Les capitalistes vont inévitablement argumenter que genrer le véganisme c'est simplement nourrir le marché, mais ils créent simplement un marché de cette sorte : "LEGO se résout finalement à créer des jouets pour les filles" (en anglais chez Feminist Frequency). Un marché basé sur l'oppression, un marché qui fonctionne sur des groupes divisés selon la ligne pouvoir contre impuissance, et ce ne sera pas un espace conduisant à la libération. "
Dr Corey Wrenn est professeure de sociologie, membre de l'Association Sociologique américaine, section Animal et Société. Elle anime le blog Vegan Feminist Network.

* "Guy-et" : jeu de mot intraduisible en français formé de "diet" : régime, et de guy : mec, soit régime pour mec.
** Le spécisme est un préjugé, une attitude ou un biais envers les intérêts des membres de notre propre espèce, contre les membres des autres espèces.
J'ai préféré le mot francisé épicène végane à l'anglais vegan, -ce sont eux qui ont inventé le mot. En français on peut aussi écrire végétalien.

Edit : Le documentaire de France 5 comportait aussi une visite dans les laboratoires de Beyond Meat, une corporation étasunienne qui tente de cultiver de la viande en éprouvette, un autre cauchemar carniste ; en attendant l'avènement de la viande de culture, leurs steaks végétaux sont fait pour donner le change, oubliant qu'on ne devient pas forcément végéta*ien pour manger des substituts de viande, sauf si on craint de mettre à mal virilité des hommes ? On n'en sort pas.

Ce billet en français est publié simultanément sur le site Vegan Feminist Network.

samedi 13 février 2016

La Terre des Pères

Je vous propose cette semaine la traduction de quelques définitions du dictionnaire à malices (Wickedary) de Mary Daly, philosophe, théologienne et féministe radicale. Inutile de préciser qu'elle ne fait pas dans la politesse vis à vis du patriarcat. Mais au moins, elle restaure son pôle féminin à l'humanité.


La Terre des Pères 
Un amalgame de toutes les nations sous dieu et la loi de ses papocrates : société sadique, royaume des fous ; territoire pour toujours étranger aux Femmes Sauvages, aux animaux, à toute nature, à nos sœurs et nos ourses ancestrales.

La Foi de nos Pères 
Hideux hymne exaltant la foi depuis longtemps disparue en la Terre des Pères ; ode pervertie à une foi morte qui est parodie patriarcale et retournement de la Foi Païenne holiste.

Famille, Patriacale
(dérivée du Latin familia : domestiques et servants d'une maison) ; archaïque : un groupe de personnes au service d'un individu, c'est à dire... plusieurs esclaves...) : unité primaire d'une société sadique consistant en esclaves aux services domestiques et sexuels du maltraitant à leur tête.
Commentaires patriarcaux :
" Cet ordre [de la société domestique] inclut la primauté du mari sur la femme et les enfants, la complète soumission de la femme et son obéissance volontaire " Pie XI.
" Les femmes et les jeunes maîtresses des hommes sont les compagnes de leurs jeunes années et les infirmières de leur vieillesse "- Francis Bacon.

Famille des hommes
La "Famille de l'Homme" ; la "famille humaine" ; le monde des hommes, la société où les femmes n'existent pas.
Commentaire patriarcal :
"[L'Eglise Catholique se concentrera] sur le monde des hommes, la famille humaine entière, ainsi ce monde pourra être régénéré selon les desseins de Dieu et atteindre sa plénitude" - Jean-Paul II.

Fembot
Robot femelle ; le rôle archétypal imposé aux femmes sur la Terre des Pères : but non exprimé, finalité de la socialisation dans la féminité patriarcale : la femme totale.

Feminitude
Etat idéalisé de la servitude des femmes  : FÉMINITÉ

Dooming the doomers
Dessin de Jane Caputi, illustratrice du Wickedary

Spinster *: Fileuse au rouet
Une femme dont l'occupation est de filer la laine au rouet ou au fuseau, de participer au mouvement spiralant de la création  ; une qui a choisi son Moi, qui définit son Soi par libre-choix, sans relation avec les hommes ou les enfants, une qui s'Auto-identifie ; une derviche tourneuse, tournoyant dans un nouvel Espace / Temps.

Spinning : Filer au fuseau
Création Gyn / Ecologique ; dé-couvrant le fil perdu de la connexion à travers le Cosmos et réparant ce fil durant ce même processus, pirouettant et tournant les fils de la Vie sur l'axe de l'Etre-Soi de la fileuse ; une giration dans le sens contraire des aiguilles de l'horloge du temps des Pères, s'éloignant dans toutes les directions de la Marche à la mort du Patriarcat.

* Spinster en anglais : fileuse au rouet, devenu par extension le sexiste et misogyne "vieille fille". Dans ce contexte, Mary Daly lui redonne son sens de fileuse de laine au rouet outil tournoyant, fille autonome, fille célibataire ne dépendant d'aucun homme, créatrice de mondes dont les objets célestes tournoient sur leurs orbes. 

vendredi 5 février 2016

Pornification : De la folie des grandeurs au cinéma porno


" Le cinéma est impitoyable. Le porno est pitoyable. Les deux veulent toujours de nouvelles chairs fraîches à exposer, des innocences à sacrifier et à vénérer ".

Elle s'appelle Karin Schubert, et vous la connaissez même si son nom ne vous dit rien. Elle jouait le rôle de la reine d'Espagne dans le film La folie des grandeurs de Gérard Oury (choisie après un casting féroce très bien raconté), récemment rediffusé (janvier 2016 sur France 2 un dimanche
soir ?) à la télévision : film sexiste, film de mecs, avec Yves Montand à contre-emploi dans un rôle comique de valet, Louis de Funès en grand d'Espagne radin, et les actrices femmes, rôles secondaires valorisant les personnages masculins : Sapritch dans le rôle d'une vieille duègne laide et prude, gardienne des vertus de la reine, et Karin Schubert donc, présentée comme une ravissante idiote blonde à accent teuton, toutes deux prétextes aux joutes entre Don Salluste et son valet, une comédie librement inspirée du Ruy Blas de Victor Hugo. Cette comédie franchouille de 1971 fera plus de 5 500 000 entrées, apportant notoriété et fortunes diverses à ses acteurs (surtout) et actrices. Dont les destins vont diverger en fonction de leur genre, puisque le cinéma est cannibale pour les femmes.

J'ai lu Pornification de Jean-Luc Marret - Editions Intervalles. Sous la forme d'un roman, il raconte le parcours, la gloire puis la déchéance de Karin Schubert dans le siècle qui invente avec la contre-culture et la libération sexuelle post-mai 68, le cinéma érotique populaire post Emmanuelle -" Le summum de l'intellectualisme prétexte à galipettes, c'est Emmanuelle "- des salles de quartiers qui fermeront inexorablement avec l'apparition du standard VHS développé par JVC rendant la pornographie consommable à domicile, cassettes immédiatement suivies par Internet, le destin de ses actrices évoluant vers l'abattage de la pornographie accessible aux masses, où les capitalistes mâles de cette autre industrie de la viande se font des couilles en or. Ce sera le destin de la blonde Karin, étoile filante du cinéma, née en 1944 dans les décombres de la guerre à Hambourg, maltraitée par son père alcoolique incestueux, mais qui a la foi (protestante et germanique) en une saine sexualité, qui pense que la nudité n'est pas sale, que c'est la façon dont les gens la regardent qui l'est. Karin est blonde, donc elle sera la victime toute désignée des hommes vampires et équarrisseurs de blondes, consommateurs de chair fraîche. Mais Karin Schubert rêvait d'autre chose que la carrière de secrétaire trilingue que lui permettait son diplôme fraîchement obtenu.

Elle croit en la chance, et puisqu'elle part s'installer à Rome après le succès de La folie des grandeurs, elle espère tourner des films avec les metteurs en scène du cinéma politique italien des années 70, les Rossi, Scola, Bertolucci..., mais elle a un accent allemand, lui oppose-t-on, ou avec les allemands Fassbinder, Herzog, Schlöndorff..., sauf que les femmes n'ont aucune chance d'avoir de la chance dans un système broyeur qui la mènera d'Italie, où elle fait l'essentiel de sa carrière dans de médiocres films italiens populaires, à l'Espagne, dans la porno industrie où Karin Schubert, à bout de ressources, rentre à l'âge où les autres actrices en sortent habituellement. On la suit même lors d'une pénible et angoissante virée en Iran dans le lit du Shah, "queutard" consommateur de blondes contre la promesse de financement d'un film, après un examen médical et gynécologique minutieux et dégradant. La turpitude des puissants n'a pas de limite ni de frontières. Autant vous prévenir, c'est une descente aux enfers à laquelle nous assistons. La pseudo-libération sexuelle des soixante-huitards s'est en fait transformée en victoire patriarcale, asservissant les femmes dans une sexualité à leur service, celles qui refusent étant taxées de prudes coincées. Attention, je ne dis pas qu'il ne fallait pas fiche en l'air cette triste sexualité honteuse du conjugo, mais tout de même, il faut reconnaître que les patriarcaux gagnent toujours.
" Le Kapital est à ce point supérieur qu'il s'approprie ceux-là mêmes qui prétendaient s'en affranchir. Les censures, reliques du passé 
s'allègent ? Le commerce en profite."

Karin Joubert a aujourd'hui 72 ans, et même si la fin du roman la présente apaisée, en Allemagne, au milieu d'animaux, (dont elle s'est dans la réalité toujours entourée, animaux compagnons, remparts contre les saloperies que la société des hommes inflige aux femmes), la réalité est sans doute moins douce. Après avoir gagné pas mal d'argent -avec des cachets en chute libre en fin de carrière-, vite dépensé en fêtes cocaïnées (il faut tenir dans la violence de la pornographie où elles sont enfilées en gros plans par tous les bouts !) et en frais de clinique de désintoxication pour son fils héroïnomane, en avoir fait gagner  mille fois plus aux capitaines des industries du cinéma et de la pornographie, il est plus que vraisemblable qu'elle vive aujourd'hui sous le seuil de pauvreté, et/ou enfermée dans une maison de santé.

Jean-Luc Marret est spécialiste de sécurité et de terrorisme : il est chercheur à la Fondation pour la recherche stratégique, Pornification est son deuxième roman.


Porno-actrice : " Je suis l'ange de l'individualisme de masse, celle qui va jusqu'au bout de soi, de la destruction des valeurs bourgeoises, comme on disait dans les années 60, quand j'étais belle et jeune !... Et vous savez ce que j'ai trouvé au bout de tout ça ? Au bout de l'affirmation de soi, de l'authenticité et de la libération du corps ? ! Le narcissisme... Le trafic d'êtres humains !... L'exploitation de la femme par l'homme !... Rien d'autre que ça !!... Au-delà de la morale, il n'y a rien... Rien que de la sauvagerie, rien que de la barbarie... "

Liens supplémentaires :
Une autre critique chez Cultural Gang Bang : Pornification d'une femme.
Un résumé de sa filmographie "eurosploitation" chez Vodcaster : L'étrange destin de Karin Schubert
Les citations en rouge sont tirées du roman.