jeudi 30 juin 2011

Scènes de la vie ordinaire en entreprise et.... à l'Elysée















En ces temps de remaniement ministériel rendu obligatoire par la nomination de Christine Lagarde à la tête du FMI, où un homme va la remplacer à la tête du Ministère des finances réduisant d'autant la place des femmes dans ce gouvernement ultra-conservateur, inégalitaire, foulant aux pieds les règles élémentaires de la parité, il n'est pas inutile d'insister sur la façon dont on ne pardonne jamais rien aux femmes, dont la compétence est toujours sujette à caution. Détail amusant : nous avons toutes entendu lors de la nomination de Mme Lagarde il y a trois ans à Bercy, les mêmes hommes, sempiternels piapiateurs commentateurs de l'actualité prétendre que Bercy était devenu au fil du temps un ministère mineur, inintéressant pour les carriéristes politiques mâles. Sous-texte : un ministère bien bon pour une bonne femme, dont la carrière serait forcément mineure, toujours traitée comme salaire d'appoint du ménage ! Curieusement, depuis ce matin, il est redevenu STRATEGIQUE puisque c'est désormais un homme qui l'occupe !

La discrimination des femmes dans les entreprises est rarement frontale, mais au contraire, sournoise, feutrée, elle s'exerce à bas bruit, à tel point que la plupart du temps elle est niée même par les femmes qui la subissent. L'anecdote qui suit est réellement arrivée il y a quelques mois dans une des entreprises où j'ai fait un passage : il s'agit d'un bureau d'études (BE) en mécanique et électronique -ou mécatronique. Dirigeants hommes : un mécanicien ENSAM et un électronicien, ingénieurs tous deux. Activités : Recherche et Développement (R&D) et sous-traitance -placement de techniciens et ingénieurs chez des clients industriels. Inutile de préciser que les femmes étaient cantonnées aux postes de secrétaire, comptable et chargée de recrutement, sans oublier la femme de ménage ! J'y suis ingénieure commerciale dans cette marée d'hommes au pouvoir.

Surprise, un jour de réunion je rencontre une jeune femme parmi les mécaniciens en sous-traitance ; elle est placée chez un des clients industriels du BE depuis 4 mois à la satisfaction de tous, client inclus. Son contrat s'arrêtant, on la replace illico chez un autre client, toujours comme mécanicienne. Là, les choses se gâtent : le nouveau client n'est pas du tout content de sa prestation au bout d'une quinzaine de jours et demande son remplacement. Qu'elle ait donné entière satisfaction durant sa première mission et qu'elle soit médiocre dans la seconde ne donne lieu à aucune interrogation ni aucune contre-enquête, on ne lui laissera pas une deuxième chance ! Le dirigeant du BE ne se pose pas plus de questions (ce genre de prestations est sujet à délits de sale gueule et à toutes sortes de pollutions culturelles et comportementales, un seul mécontent ne suffit évidemment pas à juger objectivement un cas !), il entame donc une procédure de licenciement. La procédure est très avancée (lettre recommandée, entretien, la mécanicienne se cherche un autre travail), quand surprise, le premier client repasse un ordre et ... redemande sa mécanicienne préférée ; mieux, il subordonne sa commande à la délégation de cette employée !

Cela ne la ne la sauvera pas : la procédure de licenciement est tellement avancée que le dirigeant ne souhaite pas l'arrêter. Il préfèrera alléguer une fausse explication au client, un mensonge : « sa » mécanicienne ne travaille plus pour le cabinet, sous-entendu bien sûr, de sa propre
initiative ! Il va falloir accepter quelqu'UN d'autre. Une de perdue, dix de retrouvES ! Et puis surtout, on reste entre hommes, les femmes, les clients n'en veulent pas, ne leur pardonnent rien, cooptons donc la médiocrité masculine ! La chargéE de recrutement s'est exécutée sans piper mot : elle a licencié la mécanicienne et s'est cherché UN mécanicien -et je vous assure que c'est un vrai boulot de patience. L'anecdote m'est arrivée aux oreilles par la secrétaire venue me la raconter un soir que son patron n'était pas là, en rasant les murs.

A l’Élysée, le Président de la République peine à aligner trois mots d'anglais, à Bercy une parfaite anglophone est remplacée par un ministre ne parlant pas l'anglais indispensable à ce poste, j'espère tout de même que le judoka machiste David Douillet lui, le parle l'anglais : mais j'y pense, ce n'est pas la peine, il est en charge d'un ministère aussi IMPORTANT qu'inutile : les français résidant à l'étranger. Et c'est les femmes que ces fucking monoglots (je parle de ceux en charge de défendre les intérêts du pays auprès des instances internationales) taxent d'incompétence ?

vendredi 24 juin 2011

Rosita Isa

Crédit Image : INTA Instituto Nacional de Tecnología Agropecuaria où on peut voir en faisant un petit scroll down une vidéo de la craquante Rosita Isa entourée de trois hommes, prouvant que l'élevage, c'est affaire d'hommes !

On n'en a pas trop parlé en France, car ce sont des argentins qui ont commis cet exploit, mais l'exploitation et le parasitage des vaches à traire vient de faire un saut quantique ! Les argentins viennent de faire naître une génisse clonée avec deux gènes humains qui vont permettre de lui traire du lait dont la composition est proche de celui d'une.... femme. S'y ajouteraient deux protéines : la lactoferrine et la lysozyme qui le rendraient plus digeste et intéressant pour les humains. Il faut rappeler que le lait de vache est destiné à son veau et le lait de femme à son bébé, et que nous sommes deux espèces différentes, n'en déplaise à l'agrobusiness laitier qui veut nous en faire consommer en usant de toutes sortes de diktats. Il va bien sûr falloir attendre que Rosita Isa soit en âge de procréer pour l'inséminer et lui faire faire un veau pour constater in vivo la nouvelle qualité de son lait.
Il va sans dire que son veau lui sera retiré dès la naissance pour lui prendre son précieux lait : pas question de laisser  Rosita Isa faire connaissance avec son petit, ni tisser des liens émotionnels et affectifs mère/enfant comme c'est le cas dans n'importe quelle maternité, les chercheurs auront besoin de son lait, donc le veau est un obstacle. La souffrance des deux individus mère et enfant ne sera pas prise en compte.

Différentes techniques d'élevage (et pas vétérinaires comme j'ai entendu la philosophe Sylviane Agacinski dire en prenant position contre la Gestation Pour Autrui qui n'est rien d'autre que l'exploitation du ventre des femmes les plus pauvres par des riches en mal d'enfant) sont depuis longtemps expérimentées d'abord sur les animaux, lesquels sont depuis toujours nos laboratoires :
Stimulation ovarienne
Banques de sperme
Fécondation in-vitro
Tri, sélection et implantation d'embryons
Mère porteuses ou gestation pour autrui
Et enfin clonage.

Dolly, la première brebis clonée voit le jour en 1996. Bien que le nombre exact soit inconnu, aujourd'hui, il y a des milliers d'animaux clonés (porcs, et vaches notamment). Outre le fait qu'en clonant on appauvrit la biodiversité, les animaux clonés vivent moins longtemps et ont des problèmes de santé pendant la gestation, mort de l'embryon et de la mère porteuse, à la naissance : à l'INRA 25 à 30 % des animaux nés vivants meurent avant la fin du sevrage, et s'ils survivent au sevrage, les veaux présentent un métabolisme et une physiologie altérés. Il y a aussi controverse sur "l'âge" de l'animal cloné : ses cellules auraient l'âge de l'animal parent cloné, mais nous n'avons pas assez de recul, une vache vivant entre 25 et 30 ans en moyenne, hors élevage intensif bien sûr. Il y a également des problèmes de comportement : chez les vaches porteuses de clones -les clones naissent toujours de mère porteuses, les mises bas se font par césarienne, les vaches ne se préparant pas à la mise bas (isolement du troupeau), la parturition ne se déclenchant pas normalement. Tout cela met en danger la survie de la mère porteuse. Sources ICI.
Le clonage présente donc de nombreux problèmes de santé animale et d'éthique.

Mais les questions de santé animale et d'éthique vis à vis des animaux seront évincées au profit de questions de santé humaine : on préfère étudier les risques de consommer leur lait et leur viande.La FDA (Food and Drug Administration) a elle décidé qu'ils étaient sûrs pour la santé des américains.

Il est donc utile de rappeler ce que dit le Traité d'Amsterdam -extension du Traité de Rome fondateur de l'Europe- signé en 1997, entré en vigueur en 1999 : les animaux sont des êtres sensibles qui éprouvent des émotions comme la peur, la joie de vivre et celle d'échanger avec leurs congénères et leurs petits, la souffrance et l'angoisse devant la mort. Il en découle que la PAC Politique Agricole Commune (45 % du budget de l'Europe) exige des éleveurs que leurs pratiques tiennent compte des besoins comportementaux des animaux qu'ils élèvent. Les directives concernant ces animaux évoluent donc en permanence en s'inspirant du Traité d'Amsterdam.

Les animaux sont comme nous (?) doués d'empathie. La preuve :



Trois liens supplémentaires : La campagne Osez le clito d'Osez le Féminisme, le clitoris c'est politique chez Patric Jean, et un troisième lien vers un blog de dessins Sous la blouse qui pose les bonnes questions sur les gestes des soignants en apprentissage.

samedi 18 juin 2011

La violence routière, le machisme au volant, ça suffit !

Qui a dit qu'il y aurait un avant et un après l'affaire DSK ? Les pires manifestations du machisme à la française ne désarment pourtant pas. On a vu la levée de boucliers conduite par une poignée de députés ultra conservateurs dont Jacques Myard compulsif anti tous progrès humains, contre le projet du gouvernement de leur propre bord politique : supprimer les avertisseurs de radars ; il fait partie de ceux qui ont demandé la démission de Madame Bachelot Ministre de leur Majorité parce qu'elle s'est prononcée pour le mariage des homosexuels ! Déni du droit à l'égalité pour les homosexuels, sans doute aussi pour les femmes, mais permis de conduire égale permis de tuer. Et voici où leur démagogie électoraliste nous conduit :

Une femme, présidente de la Ligue contre la Violence Routière s'oppose à leur oukases machistes, contre la violence routière qui tue et pour le droit à se PARTAGER la route, contre la loi du plus fort, de celui qui a la plus grosse (caisse, bagnole, moto) et qui considère avoir le droit de conduire égoïstement plus vite sans qu'on vienne les lui casser, parce que LUI sait conduire -mais pas comment se conduire ; des sites fleurissent sur Internet pour la stigmatiser, blogs pourvus de "gros engins", plus d'ignobles pages sur Facebook. La Présidente de la Ligue contre la Violence Routière est visée par des menaces de mort selon le journal 12 - 13 de France 3 du 17 juin.

Elle répondait au questions des lecteurs du journal le Monde dans un chat du 11 mai dernier, où elle disait en substance que "la casse du permis à point est la première cause de la hausse de la mortalité routière", que
75 % des conductrices/teurs ont leurs 12 points et que 90 % des conductrices/teurs ont entre 10 et 12 points. C'est donc une poignée d'automobilistes minoritaires, "ceux qui font beaucoup de kilomètres" selon le député UMP du Rhône Meunier, mais plus certainement ceux qui commettent beaucoup de dépassements de la vitesse autorisée, qui ont exigé (et obtenu) le retrait du projet d'enlèvement des avertisseurs de radars ! Madame Perrichon demande toute la transparence sur les éventuels conflits d'intérêts des députés anti-avertisseurs de radars : COMBIEN DE POINTS leur reste-t-il sur leurs permis ?
Chiche ! Alors, combien de points vous reste-t-il, député Myard ?

mardi 14 juin 2011

Inégalité de traitement dans les Ressources (in)humaines


Décidément, gagner beaucoup d'argent, c'est le statut dû aux hommes par la société ! Ces derniers jours, où que j'aille, -lecture d'un lien proposé par un tweet sur mon compte Twitter, lien vers des news américaines la plupart du temps-, sur Yfrog, ou, plus grave, dans mes affaires privées, mes boîtes électroniques, comptes, sous-comptes derrière des passwords et des log in, je rappelle que je paie un abonnement de service Internet tout de même, je tombe sur sur le même cabinet de recrutement annonceur ICI qui plombe ma lecture par une publicité agressive, sous forme d'animation Flash, recrutant des consultANTS, managEURS, directEURS marketing, commerciAUX, juristes, salaires proposés entre 45 000 euros et 120 000 euros (!), et je vous le donne en mille, rien que des mâles blancs 36 - 45 ans dans les visuels ! Partout où je navigue, ils me traquent, ils me donnent de la conjonctivite, ils me suivent à la trace, ils détectent mon adresse IP, puisque c'est en français que je sois. Je les ai même vus sur l'écran d'accueil de deux forums végétariens, les hébergeurs de ces forums se réservant le droit pour se payer, d'y insérer aléatoirement des publicités. Ce n'est plus un plan media, c'est carrément de la pollution !

Je n'ai malheureusement pas les moyens de capturer le visuel déroulant Flash qui me persécute depuis plusieurs semaines, donc je ne peux pas le montrer ; et insérer un lien vers les sites qui hébergent leurs publicités est inutile car ils en changent plusieurs fois par jour.

Pour faire bonne mesure, un site d'emploi ICI auquel je suis abonnée m'envoie un lien ; notez qu'ils ont fait la même campagne pour les 21 régions françaises ; où trouve-t-on aujourd'hui des gens payés 80 000 euros par an et, surtout ces vacances de postes ne sont généralement pas publiées sur un vulgaire job board pour demandeur-e-s d'emploi, ces postes sont COOPTES, cooptation mafieuse, généralement masculine, où l'on recrute sur une appartenance et pas sur une compétence :
on se paie vraiment notre tête ! Ils ont toutefois posté mon commentaire sans le modérer. Mais sans aucun changement dans le visuel de l'annonce car ils sont assurés de l'impunité.
Mais que font la police et la Direction du travail ? La France, ses lois votées et non appliquées, ses politiques et leurs rodomontades, c'est juste pour faire comme si ? Personne ne dit JAMAIS RIEN ?

Livrée à moi-même, j'ai évidemment réagi plusieurs fois chez l'annonceur/cabinet en fulminant dans sa boîte bien anonyme "contact" et chez mon portail en le menaçant de réviser ma position de fidèle cliente, en leur rappelant à tous que le code du travail interdit la mention d'un sexe dans une offre d'emploi et qu'il est donc prudent d'ouvrir toute vacance de poste aux deux sexes, ainsi qu'à tout autre "différent", couleur, ethnie, handicap, lieu de naissance,... Que les deux, annonceur et diffuseur de l'annonce sont incriminables !

En pure perte pour l'instant, je reçois des réponses hors sujet. Il me prennent pour une imbécile en prime ! Au pays des droits de l'homme, les femmes sont destinées aux basses zones de l'économie, aux mi-temps et aux salaires très inférieurs à 45 000 euros, éternelles variables d'ajustement, selon leur rhétorique et leurs visuels publicitaires !
C'est énervant à un point ! Et bien sûr, devant un tel assommoir, les femmes n'osent pas candidater ni protester ! Après ils s'étonnent de ne pas recevoir assez de candidatures de femmes. Bande d'hypocrites !
Voici un rappel du Code du travail :article L 123-1 (dit Loi Roudy juillet 1983) :
"...nul ne peut : a) Mentionner ou faire mentionner dans une offre d'emploi, quels que soient les caractères du contrat de travail envisagé, ou dans toute autre forme de publicité relative à une embauche, le sexe ou la situation de famille du candidat recherché...."

Voici ce que dit l'article L122-45 du Code du Travail :
"Aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son patronyme ou en raison de son état de santé ou de son handicap."

Les sanctions prévues sont lourdes : 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende ( Art 225-2 du code pénal).

Crédit image : le site en lien. Je sais que l' illustration est moche, mais je choisis de l'utiliser quand même : ce coffre-fort positionné au niveau du ventre, ça fait rétention anale en diable, et c'est bien représentatif du monde de l'entreprise au masculin :((((

mercredi 8 juin 2011

Konrad et Martina

Vous évitez un pavé sur deux en marchant sur les trottoirs ? Quand vous changez de route pour aller au travail, vous lui attribuez les vicissitudes et insuccès de la journée ? Vous remettez superstitieusement la même petite veste rouge vieille de 15 ans pour vos rendez-vous cruciaux, donc vous vous croyez un peu folle et les autres se moquent de vous et de vos  rituels encombrants ? Excellente nouvelle, vous êtes absolument
normal-e : voici une histoire de Martina, l'oie cendrée de Konrad Lorenz grâce à qui il découvrit et décrivit le phénomène d'imprégnation chez les oiseaux. Ou comment les animaux nous apprennent des choses passionnantes sur nos comportements humains.

"Je n'oublierai jamais une expérience qui m'a fait comprendre combien la fonction de base de l'apprentissage de l'itinéraire d'un oiseau ressemble, en ses effets, à la formation complexe d'un rite humain par la culture. J'étudiais à ce moment-là une jeune oie cendrée que j'avais élevée dès l'oeuf et qui avait transféré sur ma personne tous les comportements qui s'adressent normalement aux parents. C'est un phénomène assez curieux qu'on appelle imprégnation et que j'ai décrit avec plus de détails dans mes autres livres, ainsi que cette oie cendrée elle-même, Martina. Dans sa prime jeunesse Martina avait acquis une habitude bien ancrée : j'avais essayé, lorsqu'elle fut capable de monter sans aide un escalier, à l'âge d'environ une semaine, de la faire venir chaque soir à pied dans ma chambre à coucher au lieu de l'y porter. Les oies cendrées n'aiment pas beaucoup qu'on les touche, cela les effraie, et l'on fait donc bien de leur épargner si possible tout contact physique. Il y a dans le hall de notre maison d'Altenberg, à droite de la porte, un escalier d'honneur qui mène à l'étage supérieur. En face de la porte se trouve une très grande fenêtre. Lorsque Martina, me suivant docilement de près, entra pour la première fois dans le hall, elle fut effrayée par l'entourage inhabituel et, comme tous les oiseaux, elle se dirigea vers la lumière, ce qui veut dire qu'elle courut, à partir de la porte, tout droit vers la fenêtre en me dépassant, car j'avais déjà le pied sur la première marche de l'escalier. Elle s'arrêta un instant devant la fenêtre, puis après avoir retrouvé son calme, elle revint à moi et me suivit sagement à l'étage supérieur. Le même manège se répéta le soir suivant, avec la différence que Martina raccourcit un peu le détour vers la fenêtre et qu'il lui fallut moins de temps pour se calmer. Pendant les jours qui vinrent, cette évolution continua, le séjour près de la fenêtre fut complètement supprimé et l'oie ne donnait plus l'impression d'avoir peur. Cependant, le détour vers la fenêtre prenait de plus en plus le caractère d'une habitude et il était drôle de voir comment Martina se dirigeait d'un pas décidé vers la fenêtre et, à peine arrivée, faisait demi-tour sans s'arrêter, pour marcher d'un pas aussi décidé vers l'escalier et le monter. Le détour routinier vers la fenêtre devenait de plus en plus court, l'angle de 180 ° devenait de plus en plus aigu, et après un an, il ne restait que l'habitude de ce détour qu'un angle droit : l'oie venant de la porte, au lieu de monter du côté droit, longeait la première marche jusqu'au coin gauche et se tournait brusquement sur sa droite pour monter.



Alors, il arriva un soir que j'oubliais de faire entrer Martina à l'heure habituelle et de la conduire dans ma chambre. Lorsque je me souvins d'elle, le crépuscule était déjà tombé. Je courus vite à la porte et, lorsque je l'ouvris, l'oie se pressa peureusement par la fente, entre mes jambes, et courut contre son habitude devant moi, vers l'escalier. Et voilà qu'elle fit une chose encore plus contraire à ses habitudes ! Elle ne prit pas le chemin habituel, mais le chemin le plus court : sans faire le mouvement habituel en angle droit, elle mit le pied sur le côté droit de la première marche et commença à monter en "coupant" obliquement la spirale de l'escalier. Mais, arrivée à la cinquième marche, elle fit quelque chose de réellement bouleversant : elle s'arrêta subitement, son cou s'allongea, signe de grande terreur chez une oie sauvage, et elle sortit ses ailes de leur repli, prête à s'enfuir. En même temps, elle poussa le cri d'avertissement.  Je crus qu'elle allait s'envoler. Mais elle hésita un instant, fit demi-tour, redescendit les cinq marches et exécuta d'un pas pressé, comme quelqu'un qui doit accomplir une mission très importante, le détour primitif vers la fenêtre. Ensuite, elle monta à nouveau, cette fois conformément à l'usage primitif, tout à fait à gauche. Arrivée sur la cinquième marche, elle s'arrêta et se retourna, puis se secoua et salua, deux comportements que l'on observe régulièrement chez les oies cendrées lorsque la peur fait place à l'apaisement. J'en croyais à peine mes yeux. Je n'avais aucun doute sur l'explication à donner à ce que je viens de raconter : l'habitude était devenue une coutume que l'oie ne pouvait enfreindre sans être saisie de peur.
[.....]
L'ethnologue, en lisant mes récits, pensera peut-être à la "pensée magique" de nombreuses populations primitives. Encore très vivaces chez l'homme civilisé, elle oblige la plupart d'entre nous à de dégradantes petites sorcelleries, par exemple toucher du bois pour conjurer le mauvais sort, ou jeter trois grains de sel répandu par-dessus l'épaule gauche, etc.
[.....]
Tous ces phénomènes sont, en effet, reliés entre eux en ce sens qu'ils ont une racine commune : un mécanisme de comportement d'une évidente utilité pour la conservation de l'espèce. Il est en effet très utile pour un être vivant, s'il ne comprend pas les relations causales, de pouvoir s'accrocher à un comportement qui s'est montré une ou plusieurs fois capable de mener au but désiré, ou d'être inoffensif. Lorsqu'on ignore quels détails sont responsables d'un succès ou de l'absence de danger, on fait bien en effet de les observer tous, avec une obédience d'esclave. Le principe "on ne peut savoir ce qui arriverait autrement" s'exprime nettement dans de telles superstitions."

In L'agression - Chapitre V - Habitudes, cérémonial et magie - Konrad Lorenz - Champs / Flammarion
Image Oies cendrées sauvages - Crédit photo : Yves Dubois Free.fr

Un autre conseil de lecture, qui n'a rien à voir avec le sujet ci-dessus pour celleux qui ne l'ont pas encore lu : Le bûcher des vanités de Tom Wolfe. Grand roman noir américain, il raconte la chute inexorable d'un puissant financier blanc : la bourse et les conflits raciaux, l'argent, la politique, la presse, la justice, tout y est. De la belle littérature américaine protestataire comme on l'aime, féroce, ricanante et drôle. Je l'ai lu en 2009 en pleine crise financière, juste pour me consoler. Publié en 1987, il revient en pleine actualité, tellement il est universel.

mercredi 1 juin 2011

Pique-nique chez les Cro-Magnon



En l'occurrence Cro-Magnon était situé 10 Downing Street à Londres, sur la pelouse de la résidence de David et Samantha Cameron, respectivement Premier Ministre Britannique et son épouse !


Obama flips burgers for troops par itnnews
Lien avec photos : Les first ladies servent les salades pendant que Dave et Barrack s'occupent des grillades.
" Deux des plus puissants leaders du Monde -Barack Obama et David Cameron- ont cuit un repas roboratif de saucisses, côtes d'agneau et hamburgers lors d'une garden-party à destination de 150 vétérans anglais et américains des guerres d'Irak et Afghanistan, selon un communiqué de presse.
Le menu reflétait les forts liens transatlantiques entre les deux pays, selon le Daily express. Il y avait des saucisses anglaises, des côtes d'agneau du Kent et des pommes de terre Royales de Jersey avec des hamburgers américains fait avec des tranches de pain. Au dessert, fruits d'été et glaces.

Obama et Cameron ont tout pris en charge comme des maris ordinaires lors de n'importe quel pique-nique d'été. Ils ont monopolisé les barbecues pendant que leurs épouses servaient les salades. Les first ladies durant le pique nique souriaient et bavardaient au soleil, tout en servant des salades de choux rémoulade, tomates mozzarella et laitue romaine" selon le rapporteur de presse.

Aux hommes la viande (à l'extérieur, et en soufflant sur les braises uniquement, la cuisine restant le lieu immémorial des femmes) et aux femmes les salades, les sourires et les bavardages.

J'ai entendu la semaine dernière, un biologiste faire la promotion dans quelques émissions de télévision d'un livre sur les pratiques sexuelles de différentes espèces animales : il parlait notamment d'une variété de tortues dont la caractéristique est que Monsieur est un véritable obsédé sexuel, pendant que Madame ne veut même pas entendre parler de la chose. Mon biologiste appelait cela une "co-évolution antagoniste" en parlant du mâle et de la femelle de cette espèce -qui, en passant, a quand même réussi à se maintenir pendant des millions d'années et arriver au même moment de l'évolution que nous !  Je me demande si notre espèce ne pourrait pas être décrite de la même manière : manifestement Monsieur et Madame ne mangent pas du tout les mêmes choses, donc nous n'aurions pas le même métabolisme, les mêmes estomacs, ni les mêmes intestins ? Plaisanterie à part, ça prouve que la nourriture c'est de la culture et que les stéréotypes genrés s'y perpétuent depuis la nuit des temps. Et ce sont les dirigeants (éduqués) de ce monde qui les cautionnent ! Il serait peut-être temps d'arrêter de montrer des hommes se taillant la part du lion pendant que les femmes, dont on sait maintenant qu'elles se sont contentées des restes répugnants qu'on leur laissait pendant des millénaires, et ensuite de manger debout dans la cuisine après avoir servi les hommes, elles, mangent des salades ! Mettons fin au dualisme chasseur/cueilleuse, devenons tous cueilleuses (la viande ne provient plus de la chasse depuis longtemps, mais de fermes industrielles hors-sol à haute densité d'animaux), mettons-nous aux graines et aux légumes et légumineuses locales et de saison, ça va changer nos perspectives. On est au XXIème siècle et à 7 milliards sur la planète, on détourne des terres cultivables et des plantes nutritives protéagineuses qu'on transforme en agro-carburants pour remplacer le pétrole, l'eau commence à manquer, et ça chauffe ! Malgré la récession économique en 2010, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de façon considérable.

Actualisation 5/6/11 : Je rajoute le lien vers un article signalé par Helihah dans le début des commentaires, article critiquant (épistémologie) l'androcentrisme de l'ethnologie, de l'anthropologie et de la sociologie, toutes sciences humaines qui ont été d'abord étudiées par les hommes. Malgré quelques coquilles, il est passionnant.
L'anatomie politique de Nicole-Claude Mathieu - Catégorisations et idéologies du sexe.