mardi 31 décembre 2019

Ragondins, "nuisibles" et incohérences

Bouteilles plastique PET glissant doucement dans la Vilaine et ses canaux, canettes de bière, bouteilles de vodka, toutes sortes de déchets d'emballages alimentaires certains contenant encore de la nourriture, sacs plastique, mégots de cigarettes en bas de logements où les gens fument à la fenêtre pour ne pas enfumer l'entourage, ou sous les porches des entrées pour ceux qui descendent : que je marche à pied dans n'importe quel quartier, ou que je me gare sur les parkings des zones industrielles ou artisanales que je fréquente, sur les parkings de mes cinémas aussi, sur les bords des routes, je ne vois que des traces dégoûtantes de l'espèce humaine qui décidément mange et boit dehors, à n'importe quelle heure, même l'hiver. J'ai nettoyé pas mal de parkings cet été ; il y a même une zone industrielle qui a été nettoyée par moi seule apparemment, deux étés de suite, mes sacs restant aux endroits où je les avais mis des semaines d'affilée ! La semaine dernière, dans les fossés remplis d'eau, les bouteilles, les canettes flottaient dans l'eau, car nous avons eu des inondations. Un crève-cœur. Personnellement, je ne supporte plus. C'est à un point où si je trouvais un texte de loi permettant d'attaquer la municipalité en justice, je tenterais ma chance. De quel droit mes contemporains m'infligent-ils de me déplacer dans leurs saloperies ?
Je suppose que si j'habitais Tours, Nantes ou Paris, je serais fondée à faire les mêmes remarques ; à Paris, c'est certain puisque, aux parisiens râlant que Paris est sale, Anne Hidalgo répond que ce n'est pas Paris qui est sale, ce sont les parisiens. Je plussoie, ce sont les administrés des villes qui sont sales et irresponsables. Le pire, c'est qu'eux ont des descendants, alors que moi qui ne jette rien, je n'en ai pas, malgré cela je me trouve plus responsable vis à vis des générations futures, s'il y en a.

Pendant ce temps, des battues de chasse, des campagnes de dératisation, de lutte contre les pigeons des villes, contre les sangliers qui ravageraient les récoltes des agriculteurs, voire les plates-bandes en ville, sont organisées par les préfectures et les municipalités pour lutter contre les animaux liminaires. Les animaux liminaires sont les animaux sauvages qui vivent parmi nous : rats, souris, ragondins, pigeons, goélands, pies, corneilles, hérissons, renards et même sangliers..., dans nos villes. Or, nous les nourrissons ces animaux, par nos tas d'ordures, nos emballages de nourriture à moitié pleins, disséminés partout ; ensuite ils sont déclarés illicites, car considérés "sales", vecteurs de parasites, ou de maladies, alors que ce sont des sortes de réfugiés opportunistes qui viennent en ville parce qu'ils y trouvent des ressources alimentaires, et qu'on devrait les considérer comme des résidents temporaires ou permanents. Ils ont mauvaise réputation, d'autant que les élus leur taillent régulièrement des costards pour mieux déclencher contre eux des campagnes d'éradication. Pour éviter qu'ils "prolifèrent" (il n'y a jamais qu'eux pour proliférer bien entendu !) il suffirait de ne pas les nourrir, d'arrêter de jeter des reliefs alimentaires partout, de manger au restaurant ou chez soi, d'éviter de sortir et d'abandonner de la nourriture dehors, et d'arrêter la production de matériel à usage unique.

Le radicalisme suprémaciste humain et l'irresponsabilité citadines sont tels que des pièges à "dératisation" ont été disséminés sur les chemins de halage devant certains immeubles bordant la Vilaine. Je suis allée les retourner avec d'autant moins de remord que ces imbéciles n'ont même pas pris le soin de nettoyer les endroits où ils sont disposés, des détritus que l'espèce humaine y a laissés. Qui est le sale dégoûtant dans l'affaire ? La vertu ne paie pas, Mesdames ; à moi, on ne construit pas de skate parks ni de stades de foot pour calmer mes éventuelles frustrations. Je n'arrive pas à la cheville de certains en matière d'incivilités. Donc, que mes contemporains citadins commencent eux à devenir vertueux.

Un aperçu du malaise : des pièges disséminés au milieu des déchets des humains :


Un sac plastique qui sera à la Roche-Bernard, estuaire de la Vilaine, c'est à dire dans l'Océan Atlantique, dans trois semaines ou trois mois !
De même que les déchets de toute sorte bloqués par les écluses :


Des rubans de sacs plastique accrochés aux racines et aux branches flottant dans la rivière :


Et au milieu de tout ça, plusieurs pièges à rats ou ragondins de deux types différents dont celui-ci :


J'ai choisi mon camp : je ne supporte plus ces exactions. Ces pièges contiennent du poison, ils sont indiscriminants, c'est à dire que des chats, des chiens, de pigeons, des canards, des poules d'eau..., peuvent s'y fourrer et s'y empoisonner.

Outre la nécessité de sévir pour stopper les jets ou dépôts d'ordures dans les espaces publics et de nature (on ne trouve plus de crottes de chiens en ville, c'est donc que c'est possible !), il est temps de donner un statut juridique aux animaux, c'est la seule façon de contrer les exactions arbitraires et incohérentes des humains à leur encontre, de préserver ce qui est encore vivant de l'invasion humaine, de la destruction de leurs habitats en artificialisant, et après, en leur faisant la guerre en déclarant qu'ils y sont indésirables, alors qu'ils en étaient souvent les premiers occupants. Je propose le schéma des auteurs de Zoopolis, Sue Donaldson et Will Kymlicka, philosophes :

Animaux sauvages : nations souveraines (cela les mettrait à l'abri de nos intrusions insupportables)
Animaux liminaires : résidents 
Animaux domestiques : citoyens. 

Je ne vois pas d'autre façon d'arrêter le biocide en cours sous nos yeux. Il est temps d'arrêter cette guerre, temps de leur faire une place en réduisant la nôtre. A moins que nous ne voulions d'une planète où il n'y aurait plus que nous ?
Je souhaite aux amis des animaux, à leurs défenseurs, aux activistes de tous poils, aux autres bienveillants et de bonne volonté, une heureuse année 2020.

VIDEO capturée sur Twitter :)
Vivement 2077, qu'on utilise enfin de vrais moyens industriels définitifs pour nous débarrasser de toutes ces "sales bêtes" qui nous environnent !


jeudi 19 décembre 2019

De l'utilité et du bon usage de la misandrie



Précision pour commencer, vu que certain-es risquent de grimper aux rideaux, la misogynie et la misandrie ne sont pas symétriques, pas plus que le sexisme. Le sexisme ne coule que dans un sens, comme les fleuves : de l'oppresseur vers l'opprimée. Donc, ne vous laissez pas taxer de sexiste envers les hommes si vous êtes une femme : quel que soit votre statut social, vous ne faites pas partie de la classe des seigneurs de la Terre ; à tout moment, un homme, même de statut social supposé inférieur au vôtre, peut vous renvoyer à votre statut de femelle juste bonne à être inséminée et/ou à servir les cafés. A l'inverse, une femme peut être sexiste envers une autre femme en adoptant le comportement et la psyché de l'oppresseur ! De même pour la misogynie : elle fait système politique, elle a un but, tenir les femmes à l'écart de tas d'avantages et même du statut d'être autonome et entier sans avoir un Jules au bras, Jules pouvant en même temps dire tout le mal qu'il pense du mariage et de sa femme, de sa belle-mère..., sans que personne relève la contradiction. La misogynie est "normale" "sociétale", elle est même très bien portée. Avouable. Surtout, elle tue tous les jours dans l'apathie générale, et même dans l'euphémisation ou la minimisation des torts qui nous sont faits. C'est eux qui nous font la guerre, pas l'inverse.

La misandrie n'a pas ce pouvoir puisque ce sont quelques (rares) femmes qui la pratiquent, ces impuissantes, ces "Cassandres" que personne ne croit, dont la parole, soit-elle de vérité, ne porte pas, la misandrie donc, n'a aucune conséquence sociale, sauf à retourner la société -y compris les femmes qui font kibboutz avec l'oppresseur- contre nous. Il faut donc être très affermie dans ses convictions pour l'afficher publiquement. Mais comme m'écrit une de mes abonnées sur Twitter, la misandrie peut sauver des vies. A priori, une misandre n'ira pas croire tous les contes lénifiants dont la société nous abreuve sur les hommes. Elle veillera plus que les autres à sa propre sauvegarde sans la confier au premier "Prince Charmant" venu.

En cette semaine de grève des transports parisiens dues à la Réforme des retraites par le gouvernement Philippe, devant la rareté des trains et la cohue qui s'ensuit, les cadres de la SNCF dûment accompagnés de policiers ont décidé de faire un peu de service d'ordre sur les quais du RER : écartant à l'entrée de certaines voitures les passagers masculins, ils chargent en priorité des femmes. On saura après, par un communiqué de la Responsable de communication de la SNCF, qu'ils laissaient aussi monter les vieux, les handicapés, les femmes enceintes. Par grosse affluence, le frotteur / harceleur, ce lâche opportuniste peut agir en toute quiétude. Donc, merci la SNCF, pour une fois.


Sauf que des cris sont aussitôt poussés par certaines tenantes de la laïcité et des féministes. Comment ? Quoi ? C'est quoi cet apartheid des sexes comme au Japon ? Ou comment aller contre les intérêts de son camp. Il faudrait savoir : où les policiers et gendarmes ne protègent pas les femmes quand elles en ont besoin (dixit toutes les féministes qui luttent contre les violences et le harcèlement) ou quand ils le font, on le leur reprocherait ? Il y a un moment, il faut choisir un positionnement et être cohérente.
Evidemment, je suis contre l'apartheid des sexes, je ne suis pas pour des wagons réservés aux femmes, mais à circonstances exceptionnelles, moyens exceptionnels temporaires. Pendant une grève des transports en commun en Ile de France, on peut adopter des mesures temporaires d'éviction des hommes de certaines voitures. Rappelons qu'ils ne sont pas forcément tous fréquentables, que le violeur, le harceleur, ne porte pas un tatouage sur le front dès sa naissance, et qu'il faut être au minimum circonspecte. Je sais que ce n'est pas dans la doxa, et que pour le coup, déclarer cela est mal porté. Comparez avec plus haut, à propos de la misogynie.

Donc, petit cours de bon usage de la misandrie qui peut vous sauver la vie !

1 - Cultivez votre autonomie, ça vous servira toujours. L'autonomie, c'est la capacité à se mettre en mouvement seule, sans l'aide d'un tiers. Je suis toujours étonnée de voir des femmes de 20 ans, 30 sans, 50 ans et même 60 ne jamais rien faire seules ! Manger au restaurant le midi ou même le soir, se faire une toile au cinéma, aller au théâtre ou au concert, voir une exposition, aller à une manif, elles n'osent pas : il faut toujours qu'elles se trouvent un-e partenaire de sortie. Sinon, elles n'y vont pas. Etre autonome, c'est se prendre en charge, conduire sa voiture seule, avoir le sens de l'orientation, prendre une décision au débotté et la réaliser sans demander la permission à personne. Un voyage, même court, une virée pour participer à une action militante pour la journée..., toutes ces actions augmenteront votre entraînement à l'assertivité. Vous ferez même des rencontres (facultatives, vous pouvez défendre votre solitude) : quand on voyage, ou manifeste seul-e, on marche avec des gens qu'on ne rencontrerait pas quand on est accompagnée, puisqu'être accompagnée c'est réserver l'exclusivité aux gens qui sont avec vous. Ces femmes qui ne trouvent pas leur route ou qui se perdent parce qu'elles laissent Jules conduire, c'est affolant et plus fréquent qu'on ne croit !

2 Il vaut mieux être seule que mal accompagnée :
Sachez que la société patriarcale vous a fait un sévère lavage de cerveau pour 1) que vous vous trouviez un mec, et 2), pour que vous le gardiez. "Les célibataires ? Ces gens ont des maladies" écrivait Flaubert dans son Dictionnaire de la bêtise et des idées reçues. Ce lavage de cerveau n'est pas de même intensité pour les garçons, leurs coups de canifs dans le contrat démontrent que garder Madame ou pas, ce n'est pas leur problème à eux : ils veulent la garder pour le confort, mais sans trop d'efforts. L'obligation vous incombe à vous. "Même pas foutue de me trouver ou de garder un mec" fait partie des punchlines des comiques femmes, ad nauseam. Le pire, c'est qu'elles font rire avec ça. Le piège fonctionne parfaitement : couplé avec peu de confiance en soi, et devoir affronter l'opprobre de la société, il ne faut pas s'étonner qu'elles ne partent que lorsque Jules attaque leurs mômes ou leur chien (rigoureusement SIC, je l'ai entendu dans un coin de lucarne sur le service public il y a une quinzaine). Dites vous que le célibat est tendance. Comme la légèreté environnementale, le minimalisme, la déconsommation et l'agilité professionnelle et adaptative. On n'a plus les moyens. La planète n'a plus les moyens. Même les féministes sont frappées de sidération à ce sujet tellement elles ont peur de l'accusation d'être anti-mecs, l'injure suprême. Pour elles, il y a deux sortes de mecs : les "porcs", diversion commode, et ceux avec lesquels elles vivent, des gars serviables qu'elles remercient de les laisser militer en féminisme ou d'écrire des livres, ce qui perturbe forcément les devoirs domestiques qu'elles doivent par contrat de mariage. Du coup, elles (et pas des moindres, je garde les noms pour moi, mais j'ai été témoin de cas étonnants chez certaines que je n'aurais jamais imaginé dans le rôle ;(( remercient Jules de ses grandes tolérance et disponibilité.

Si malgré tout vous avez le goût du risque et optez pour le conjugo, malgré les avertissements précédents, sachez -surtout si vous avez déjà subi une ou des agressions répétées et mal prises en charge-, que les moments où vous vous êtes le plus en danger seront :
1)  quand vous emménagez chez Jules ou qu'il emménage chez vous ; vous avez du coup tous les deux la même porte de sortie, et s'il veut vous empêcher de sortir, je ne vous fais pas de dessin...
2) quand vous passez devant le maire et le curé : une menotte de plus au poignet, et devant témoins !
ou 3) quand vous "tombez enceinte" expression consacrée (!) : là, vous êtes à sa merci. C'est à ces moments que les violences peuvent commencer.
Il est donc prudent de mettre les choses au point dès le début : vous réserver une pièce à vous comme disait Virginia Woolf ! Un endroit dont vous seule avez la clé, où on frappe avant d'entrer, ça peut même être un box de garage, au pire. Défendez vos prérogatives, ne vous laissez jamais envahir ni par Jules ni par les enfants de Jules.
N'oubliez jamais que, comme disait Andrea Dworkin, la première cellule du patriarcat, c'est la famille, l'endroit où règne le Père Tout Puissant ! Famulus en latin : serviteur, esclave, par extension tous les membres de la maison du Dominus (maître). Les psys disent au moins une chose vraie : il faut écouter le langage. Les femmes passent dans le mariage (et le divorce qui peut s'ensuivre) un marché de dupes : travail/services sexuels et domestiques non rémunérés et non inclus dans les PIB marchands. Services MEPRISES en plus ! Vous lui donnez un statut social rassurant et prometteur, alors que vous, vous allez morfler plein pot de votre choix par vos employeurs, la société, votre carrière et votre future retraite. Sans compter que si vous avez un poste à responsabilité (préfète par exemple) il peut tenter de nuire à votre carrière. Cas extrême ? Je doute.

Si ça tourne vinaigre : détecter la violence et partir.
Je m'inspire de la série de tweets de @JeanHatchet, une féministe sur Twitter, qui dit les choses sans détours elle aussi, ce que j'apprécie chez elle.
Il ne vous frappe pas, mais il jette ou casse des objets dans votre direction pour vous faire peur ?
Il vous parle mal, vous déprécie sans arrêt (même sur le ton de la plaisanterie) en société ou en tête à tête ?
Vous vous sentez stressée et incapable de vous concentrer ? Vous avez l'impression d'oublier des choses et vous sentez déstabilisée par d'incessants changements dans son attitude ? Il vous brutalise puis présente des excuses, alternativement ? Vous avez affaire à un pervers manipulateur.
Il vous montre le poing même sans frapper, en vous traitant de tous les noms ?
Vous vous demandez ce que vous pourriez changer pour le satisfaire ? De vêtements, d'attitude, d'amis, de hobby ? Inutile, ça ne marchera pas parce que c'est lui qu'il faut changer, et il ne changera pas.
Il vous harcèle pour obtenir du sexe ? De préférence dans des moments inappropriés, par exemple quand vous partez au travail ? C'est de la maltraitance.
Abstenez vous de comparer l'avant et maintenant : c'était un faux, une comédie, pour vous attirer dans ses filets.
Pas de culpabilité ni de regrets, vous ne l'avez pas choisi : c'est LUI qui vous a choisie en profitant de votre gentillesse et de votre timidité ; il choisit d'ailleurs tout pour vous, essayez de vous rappeler quand vous avez fait un choix en propre. Vous pouvez partir, vous n'êtes pas fautive du ratage, vous êtes tombée dans un piège.
Oui, malgré vos efforts, vos enfants savent qu'il vous maltraite. Il vous dit qu'il n'est pas violent que tout est de votre faute. C'est un abuseur.
Je rajoute, parce que ça arrive très souvent : il maltraite votre animal. C'est un symptôme : le crime envers les animaux désinhibe la violence envers les humains. Et puis, c'est de toutes façons inadmissible.
Vous avez le droit de chercher de l'aide, vous avez le droit de partir. C'est lui et lui seul qui met des coups de canif dans le contrat, pire, c'était planifié depuis le début.

Prévenez vos enfants (filles et garçons) - Pas de fausse pudeur, dites les choses.
J'ai lu plusieurs fois sur des forums dédiés au sujet "comment avertir ses enfants des dangers qu'elles/ils courent au contact de certains adultes, d'hommes dangereux" : certaines mères ne veulent "tout de même pas faire peur à mes filles avec les garçons, ce serait impacter négativement leur future vie amoureuse". Parce que souvenez-vous, plus haut : il faut s'en trouver un et le garder ! Eh oui, c'est une injonction qui perpétue le servage et accessoirement le malheur, et elle est relayée par les femmes, c'est le tour de passe passe réussi du patriarcat, nous faire croire qu'il n'y est pour rien. Je pense au contraire qu'il faut dire les choses, prévenir : non tous les adultes n'ont pas forcément raison, notamment quand l'enfant ne se sent pas à l'aise dans certaines situations, il a le droit de dire non, stop, et d'aller en parler avec une ou plusieurs personne de confiance, de prendre conseil. Il faut sortir de la bien-pensance : oui la famille ça peut être un endroit sécuritaire chaleureux, mais ça peut être aussi l'endroit du malheur et de la dégradation. Deux faces comme toujours, il faut mettre en garde et être vigilante auprès des enfants, savoir repérer les comportements indiquant qu'elle/il est victime d'un harceleur, d'un incestueux ou d'un pédophile.
La littérature peut aussi rendre de grands services : faites-les lire très tôt Zazie dans le métro : une fille qui dit les mots sans fausse pudeur et qui se défend de façon très assertive. Très empowering et formateur.

"Rien ne changera profondément aussi longtemps que ce sont les femmes elles-mêmes qui fourniront aux hommes leurs troupes d'appoint, aussi longtemps qu'elles seront leurs propres ennemies."

Benoîte Groult



Les femmes ont en effet le malheur de produire par quintaux leurs propres oppresseurs. Autant que ce soit dit. C'était mes propositions au malaise, elles ne sont pas populaires, mais au moins ce sont mes solutions, puisque le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elles n'abondent pas ; il n'est pas de bon ton de s'attaquer au conjugo, ni d'ailleurs à la maternité, ces vaches sacrées. J'ai même lu un tweet à la teneur suivante "mais arrêtez de leur dire de partir, c'est au moment où elles partent qu'elles sont tuées !" Là, je dois dire que j'ai senti l'univers vaciller : no future, le choix ce serait entre rester, battue comme plâtre en attendant une mort lointaine, ou partir et provoquer une mort rapide par Jules interposé.
Si le conjugo était une activité sportive provoquant autant de mortes, des préfets auraient trouvé le moyen de l'interdire ; on écrirait sur les frontons des mairies, comme sur les paquets de cigarettes, "Mesdames, se marier peut tuer ou provoquer des accidents graves".

Bon, après un article comme ça, je vais revêtir une robe de bure, me couvrir la tête de cendres, et me retirer temporairement du monde en demandant l'asile politique aux Clarisses. Elles sont végétariennes : poireaux et carottes bouillies à tous les repas, pas de chauffage dans les cellules. Dans l'intervalle, j'espère ne pas perdre des quintaux d'abonnées sur Twitter. Si vous avez des idées ou de tuyaux supplémentaires qui peuvent être utiles, postez les en commentaires. Le malaise est tel que toute idée est bonne à prendre. Merci.

Lien : Comment les femmes ont détourné avec humour les accusations de misandrie (où j'ai trouvé mes illustrations).

mardi 3 décembre 2019

ADA ou la beauté des nombres - Biographie par Catherine Dufour


Biographie de la Comtesse Lovelace, mathématicienne du XIXème siècle : 1815-1852, publiée chez Fayard Editeur. La couverture est moche, mais la biographie est vraiment très bien.

" En ce 2 janvier 1815, le très célèbre Lord Byron, poète débauché et ruiné, épouse à Seaham Hall, dans le nord de l'Angleterre, la très sage Annabella Milbanke. Il la surnomme la "princesse des parallélogrammes", à cause de son goût pour les mathématiques, assez rare chez les riches ladies. Un an plus tard, dans le bel appartement londonien des Byron-Milbanke, une petite fille vient au monde : Ada. Dans la pièce à côté, Lord Byron, ivre d'opium et de brandy, tire au pistolet sur le peu de mobilier que les huissiers lui ont laissé. Annabella prend son bébé et va se réfugier chez ses parents. Les deux époux ne se reverront jamais. 
Vingt-cinq ans plus tard, Ada Byron, épouse King et comtesse Lovelace, déjà mère de trois enfants, se lance dans l'étude des mathématiques. Elle se hisse en trois ans à un niveau suffisant pour apprécier le travail d'un inventeur génial  : Charles Babbage. Celui-ci vient de mettre au point un énorme calculateur automatique. Ada se penche sur ces rouages complexes lorsqu'une intuition lui vient : et si, au lieu de ne manier que des chiffres, cet engin traitait aussi des symboles ? Elle met son intuition au propre : ce sera la fameuse "Note G", le premier programme informatique au monde. 
Ni Ada ni Babbage ne sauront jamais à quel point ils ont été géniaux. Ada meurt jeune, aussi droguée et endettée que son père. Babbage s'enfonce lentement dans la solitude et l'amertume. C'est son fils Henri qui, conscient du génie de son père, fabrique certaines parties de son calculateur. Hélas, ces prototypes ne convainquent personne. Ils finissent au grenier. 
En 1937, un physicien américain Howard Haiken va faire un tour dans le grenier de Harvard. Il découvre un des prototypes laissés à l'abandon. Il propose à IBM de fabriquer une machine à partir de ces engrenages : Mark I. Celui-ci aura une nombreuse descendance : les ordinateurs. Tous nos ordinateurs. 
En 1950, un mathématicien anglais nommé Alan Turing, celui qui a conceptualisé l'informatique et craqué le code des nazis, s'inspire des travaux d'Ada et baptise un de ses arguments scientifiques L'objection de Lady Lovelace
Grace Hopper, une collègue d'Aiken, dit au sujet d'Ada : "C'est elle qui a écrit la première boucle. Je ne l'oublierai jamais. Aucun de nous ne l'oubliera jamais." En 1978, le nouveau langage informatique du département de la Défense américain est nommé Ada. C'est le début de la reconnaissance. Ada Lovelace cesse, enfin, de n'être qu'une note de bas de page dans les biographies de son père. 
Rien ne prédisposait Ada à devenir informaticienne. Issue de deux très nobles familles, c'est une vraie lady anglaise perdue dans les brumes du romantisme. Pâle, perpétuellement malade, serrée dans des robes de cour aussi coûteuses qu'inconfortables, elle vit coincée entre une mère intraitable et un mari maltraitant. Elle aurait pu dépenser sa brève existence dans des occupations compatibles avec son statut social et son époque : boire du thé, broder des nappes ou mourir des fièvres en Inde. Seul un formidable effort de transcendance l'a poussée à mettre au point sa "Note G". Elle a imaginé l'informatique, elle l'a tirée du néant en un temps où il n'y avait pas encore la moindre trace de modernité. Toute seule avec sa plume d'oie, devant son écritoire râpé. Ada a réussi à marquer notre civilisation autant que Pasteur, Einstein ou Fleming. Elle a bricolé une lampe qui s'est levée comme un soleil sur la seconde moitié du XXème siècle et qui illumine le troisième millénaire, modifiant la forme et le devenir de toute activité humaine. "

Introduction de Catherine Dufour à cette biographie d'Augusta Ada Lovelace, AAL, initiales dont elle signait ses articles, traductions, commentaires et notes, avec la permission de son mari, puisque son nom (et son argent) ne lui appartenaient pas ! Nous sommes dans l'épouvantable XIXème siècle, mâletraitant aux femmes et aux enfants, dont on nie le statut d'êtres humains, qu'on soigne en les empoisonnant, et qu'on éduque au knout.

Étoile brillante, mais surtout filante de la Galaxie Byron, courte vie, 1815 - 1852, carrière idem mais dense, moins de dix années de publications traductions et annotations, Lady Lovelace, bien que sa famille côtoie la Reine Victoria, n'a pas accès aux bibliothèques scientifiques, en tous cas pas à celle de la Royal Society ; Ada Augusta King, Comtesse Lovelace meurt à 36 ans d'un cancer de l'utérus métastasé, mal diagnostiqué et mal soigné, après une longue et douloureuse agonie. Fille d'une mathématicienne qui lui fait donner des cours de mathématiques par Mary Somerville, traductrice et commentatrice des travaux de Laplace, (laquelle est atteinte du syndrome de l'imposteur selon Catherine Dufour qui balance à tout va) et du légendaire poète romantique Byron auprès duquel il est très difficile d'exister, elle fréquente aussi le chimiste et physicien Michael Faraday, ami de l'ingénieur Charles Babbage qui tente de fabriquer un calculateur dit "machine à différences" qui lui donnera bien du fil à retordre avant qu'il lâche l'affaire, mais qui inspirera à Lady Lovelace sa fameuse note G premier programme informatique jamais écrit, basé sur les nombres de Bernoulli. Fin de l'histoire.

La seconde vie d'Ada Lovelace commence en 1937 quand un ingénieur d'IBM, Howard Aiken, retrouve dans le grenier de Harvard la machine de Babbage prenant la poussière. On décide de reprendre les travaux en construisant un computer (calculateur) Mark I ; en relisant les plans et notes de Babbage on retrouve la fameuse "table et diagramme de la note G, le premier programme jamais écrit dans l'article paru en 1843 " Sketch of the analytical engine Invented by Charles Babbage, Esq, by L.F. Menabrea, of Turin, Officer of the Military Engineers, With notes upon the Memoir by the translator AAL ", ses initiales. Augusta Ada Lovelace a littéralement été tirée de l'oubli par des ingénieur-es informaticien-nes (les premières programmeuses sont des femmes) se félicite Catherine Dufour ; l'ordinateur Mark I programmé par Grace Hopper qui invente le compilateur (votre PC, sur lequel vous lisez peut-être ce billet, est un compilateur) dit d'Ada Lovelace : " Elle a écrit la première boucle, je ne l'oublierai jamais ". En 1978, c'est le début de la reconnaissance : le Département de la Défense des États-Unis décide de se doter d'un langage standard ; il lance un concours international remporté par la société française CII, le standard militaire est nommé MIL-STD-1815, d'après la date de naissance d'Ada Lovelace. Puis, avec l'accord du dernier héritier Lovelace, le prénom Ada est donné à ce nouveau langage. Aujourd'hui encore " le langage Ada est toujours utilisé par l'armée américaine, ainsi que dans les systèmes embarqués pour l'automobile, les transports ferroviaires, l'aéronautique et le spatial." Le langage C++ inventé en 1980, langage informatique le plus utilisé de nos jours, est inspiré de ses deux boucles récursives, de sa liste numérotée d'instructions d'encodage, et de ses registres de destination ! La formalisation imaginée par Ada Lovelace irrigue toujours nos serveurs.
Depuis, les hommages et les biographies se succèdent, une plaque est apposée sur sa maison et sa sépulture, qui se visitent désormais.

Tenue de geek en 1836 : " taille serrée dans une ceinture large, à boucle, épaules basses, manches gigot, jupe d'ampleur raisonnable, et décolleté vertigineux d'une robe de satin blanc à tirer les larmes à un glacier " écrit Catherine Dufour. (Portrait par Margaret Carpenter) :


Ou encore coiffure de Princesse Leia, gros papillon dans les cheveux (portrait par Edward Chalon 1838) :


Et bien sûr, AAL inaugure les mêmes mauvaises habitudes alimentaires et de boissons que maintenant, mais de l'époque : cuites au laudanum et à l'opium ! Ça calme, hein, les buveurs de sodas trop sucrés qui n'avez rien inventé ?

A lire, pour la verve de la prose de Catherine Dufour, son parti-pris de parler d'Ada Lovelace avec notre vocabulaire alerte d'aujourd'hui qui convient si bien à cette pionnière infatigable qui refusait la malédiction des femmes, parti-pris aussi de balancer sur les torts faits aux femmes à toutes les époques, le mystère résidant tout de même dans leur capacité à inventer et à montrer du génie alors que tout, absolument tout se ligue contre elles. Pour son optimisme aussi : à mettre entre toutes les mains.

Les citations de l'autrice sont typographiées en bleu et rouge.

Liens :
La première boucle
Depuis 2009 : Le Ada Lovelace Day
How Ada Lovelace's notes on the analytical engine created the first computer program
La fiche Wikipedia de la Comtesse Lovelace