Adélaïde (Ada) Lovelace - 1815-1852 - Premier programmeur de tous les temps, elle invente le premier algorithme (une suite d'instructions à plusieurs paramètres qui toutes exécutées dans le bon ordre permet d'obtenir un résultat), trouvé dans ses notes, et destiné à être exécuté par une machine. Au début, personne ne sachant qui elle était, on la présumait fiancée ou maîtresse de l'ingénieur Charles Babbage dont elle contribuait aux travaux, jusqu'à ce qu'on trouve sa formule mathématique ! Le diminutif de son prénom est donné au langage de programmation ADA, conçu pour le Ministère de la Défense américain entre 1977 et 1983, par CII Honeywell Bull.
Grace Hopper - 1906-1992 - Dite la Sauterelle (grasshopper en anglais), surnom donné par ses camarades. Scientifique mathématicienne et amirale de la US Navy. Conceptrice du premier compilateur en 1951, et du langage COBOL (langage de programmation indépendant pour les machines) en 1959. Elle popularise les termes "bug" et "débuguer", et laisse son nom à un super ordinateur Cray.
Ann Caracristi -1921-2016 - Scientifique spécialiste de la cryptanalyse : elle travaille sur les messages de l'armée japonaise en 1942, et sur des applications de crypto-analyse pour ordinateurs. Elle est nommée Directrice adjointe de la NSA, l'agence nationale américaine de sécurité, entre 1980 et 1982.
Hedy Lamarr - 1914-2000 - Actrice, productrice et SCIENTIFIQUE mathématicienne américaine - Conçoit un code de brouillage de fusées sur 88 différentes fréquences, code encore utilisé aujourd'hui sur les systèmes GPS et Wi-Fi Bluetooth.
Les Women Code breakers de Bletchley Park, (code breaker : aujourd'hui on dit hacker) Milton Keynes, Buckinghamshire (sud UK) pendant la 2ème guerre mondiale. Elles étaient 9000 (80 % des 12000 personnes qui travaillaient dans ce service de renseignements), ces premières codeuses qui travaillaient à casser le code d'Enigma, la machine qui cryptait les messages radio du IIIème Reich et de l'armée allemande (149 milliards de milliards de probabilités changées toutes les 24 H) : à ce titre, elles ont participé à la Victoire des Alliés en 1945. Priées de rentrer chez elles en gardant le secret défense sur leurs activités pour le MI6 de l'Intelligence Service britannique, elles ont littéralement été effacées de l'histoire pendant 70 ans. Parmi celles qui travaillaient dans l'équipe d'Alan Turing :
Joan Clarke - 1917-1996 - Mathématicienne, cryptologue, elle travaillait à Bletchley Park sur la machine Enigma, qui codait les messages radio stratégiques de l'armée allemande. Son rôle auprès de Turing dans le film Imitation Game est tenu par Keira Knightley : sortie janvier 2015.
Et
Mavis Batey - 1921-2013 - Crypto-analyste - Code breaker
Margaret Rock - 1903-1983 Crypto-analyste - Code breaker
Elles ont inspiré la minisérie britannique Enquêtes codées, où, démobilisées, tenues au secret (officiellement, elles étaient secrétaires !) même vis à vis de leur famille, elles tentent de mener une vie de ménagères soumises quand des meurtres se produisent, elles se remettent au travail pour tenter de trouver des "patterns", sortes de séquences répétées dans les comportements humains des meurtriers. Excellente série de 2 saisons pour l'instant.
Les programmeuses américaines de l'ENIAC, premier ordinateur entièrement électronique (leurs ancêtres étaient électro-mécaniques) "Turing complet", programmable pour résoudre tous problèmes calculatoires. Le codage était considéré comme subalterne, donc confié à des femmes, les hommes préférant le hardware : résistances, tubes à vide, condensateurs, câblage et soudures de la machine. Comme quoi, tout est relatif, en fonction des époques et du prestige accordé au poste de travail ! Quand un poste de travail s'anoblit, les hommes l'investissent et l'industrialisent, renvoyant à l'oubli les premières à avoir fait le travail de défrichage. C'est même une sale habitude.
Betty Jean Bartik (à gauche sur la photo) - 1924-2011- et Betty Holberton -1917-2001- en étaient parmi les 6 premières programmeuses. Elles sont bien oubliées aujourd'hui, effacées de l'HIStoire, alors qu'elles ont inventé les technologies modernes de l'information.
Irène Greif - Première femme à obtenir un doctorat en informatique au MIT. Rencontre en 1964 son premier ordinateur qui ne parle qu'en langage machine à base de 0 et de 1. Son domaine de recherche sera l'interface homme-machine. Autrement dit, c'est grâce à elle si nos ordinateurs d'aujourd'hui sont accessibles à tout le monde.
Dorothy Vaughan - 1910-2008 - Mathématicienne du groupe de calcul de la NASA, puis responsable du programme informatique de la mission Mercury Friendship 7. Elle dirige le groupe des 30 mathématiciennes programmeuses en Fortran, langage machine pour l'ordinateur IBM de la Nasa qui produit les calculs intermédiaires du premier vol spatial Mercury en 1962.
Margaret Hamilton 1936- Mathématicienne, informaticienne. Responsable de projets pour la NASA. Ingénieure génie logiciel, elle dirige le service qui développe le programme embarqué pour les missions Apollo et Skylab. C'est à elle qu'on doit l'expression software engineering. En photo ci-dessus devant la totalité du programme embarqué de la mission Apollo : des dizaines de milliers de lignes de code !
Evidemment, cette petite liste n'est pas exhaustive : il en manque. J'accepte toutes suggestions. Les hommes ne sont pas plus destinés ni légitimes que nous à la programmation software et il est important que les femmes y investissent leur génie et leur sensibilité, c'est une question de démocratie. Laisser toute la place aux hommes dans des technologies qui engagent notre avenir est une faute. Je termine par une citation du Feminist Cyborg Manifesto de Donna Haraway : The INFORMATICS of DOMINATION : nous sommes engagés dans la mutation transition d'une société organique et industrielle vers une société d'information polymorphe travail/jeu qui peut s'avérer mortelle si nous n'y prenons garde. Dans une tentative épistémologique et politique, le graphique ci-dessous (en anglais) donne un aperçu du changement de domination en train de s'accomplir sous nos yeux :
Representation Simulation
Bourgeois novel, realism Science fiction, postmodernism
Organism Biotic Component
Depth, integrity Surface, boundary
Heat Noise
Biology as clinical practice Biology as inscription
Physiology Communications engineering
Small group Subsystem
Perfection Optimization
Eugenics Population Control
Decadence, Magic Mountain Obsolescence, Future Shock
Hygiene Stress Management
Microbiology, tuberculosis Immunology, AIDS
Organic division of labour Ergonomics/cybernetics of labour
Functional specialization Modular construction
Reproduction Replication
Organic sex role specialization Optimal genetic strategies
Biogical determinism Evolutionary inertia, constraints
Community ecology Ecosystem
Racial chain of being Neo-imperialism, United Nations humanism
Scientific management in home/factory Global factory/Electronic cottage
Family/Market/Factory Women in the Integrated Circuit
Family wage Comparable worth
Public/Private Cyborg citizenship
Nature/Culture Fields of difference
Co-operation Communications enhancement
Freud Lacan
Sex Genetic engineering
labour Robotics
Mind Artificial Intelligence
Second World War Star Wars
White Capitalist Patriarchy Informatics of Domination
The mode is the message - The code is the collective
Très bon article, c'est important de rendre leur visibilité sociale et historique aux femmes. Un phénomène encourageant dans le monde du livre est que de plus en plus de femmes, et d'hommes, écrivent sur des sujets féminins ou sur des destinées de femmes illustres tombées dans l'oubli. J'en répertorie pas mal sur mon blog, il y a des perles à foison !
RépondreSupprimerMerci ! De ton passage et de ton commentaire. Evidemment qu'il faut donner de la visibilité aux femmes excellentes, mon blog sert à ça. Les femmes ont besoin de modèles de femmes qui les ont précédées, et pas des Mères Thérésas ! Ces femmes existent : autant les sortir de l'invisibilité où les ont ensevelies les patriarcaux. Et c'est plus gratifiant à écrire comme billet qu'un de plus sur les malheurs des femmes. Même s'il faut aussi en écrire. Merci encore. Et puis, comme c'est une de mes industries, je connais un peu. Autant me servir de mes connaissances ;))
SupprimerMerci pour cet article. Je suis toujours surprise de me rendre compte à quel point ces personnes ont été éclipsées, de nos livres, de nos écoles, de nos mémoires...
SupprimerUn commentaire hors sujet comme souvent dans mon cas : ... Le journal de 13 hs sur France inter aujourd'hui : ... On y parle d'un homme battu par sa femme pendant 5 minutes (bon , c'est triste mais sans commune mesure avec le nombre de femmes battues dont on ne parle pas) ... DSK sort pénard du tribunal , 2 minutes ..... La loi pour l'abolition de la prostitution , 20 secondes ..... Un médecin qui soigne les femmes violées en Afrique et qui doit être protégé par des militaires pour travailler , 10 secondes ............... Les chiffres que je t'indique sont subjectifs bien sûr mais c'est ça l'impression que j'en ai eu , c'est à dire l'importance accordée à chaque sujet par la radio qui refléte bien le degrés d'importance accordé dans l'inconscient colléctif à chacun de ces sujets ...................... Bon , c'est mal expliqué mon histoire , mais ça m'a frappé toutes ces infos en un même journal et le temps accordé à chaque sujet ...................... Voilà , je voulais te le dire comme çà ...................... Preuve par l'info de l'emprise inconsciente du paternalisme sur l'inconscient colléctif .
RépondreSupprimerLes médias de service public (télés, radios) sont en effet lamentables en matière de unes et de temps d'antenne. C'est également vrai du privé. Il est toujours plus urgent de parler de l'épaisseur de neige dans les stations de ski et du beau ou mauvais temps pendant les vacances d'été. On nous prend pour des gogos et des gogoles, j'en suis bien d'accord !
SupprimerÉvidemment le fait de subir l'oppression et les violences est une constante dans l'histoire des femmes, encore aujourd'hui on en est pas sorti et il faut continuer à le dénoncer mais le vécu des femmes ne saurait se réduire à cela, même des femmes qui en apparence rentraient dans le moule se sont débrouillées pour retrouver un certain contrôle sur leur destin !
RépondreSupprimerOu des femmes qui ne rentrent pas dans le moule et contrôlent aussi leur destin ! :)) J'ai en effet la faiblesse de penser que pour contrôler son destin quand on est une femme surtout, il vaut mieux ne pas obéir aux injonctions de la société : on s'évite ainsi un paquet d'ennuis. Ce pauvre Jean-Jacques Goldman (oui, j'ai une dent contre) et sa chanson "La vie par procuration" est typiquement le retournement de tous les concepts de bon sens. On peut nettement être célibataire et ne pas s'emmerder dans la vie, et ce, sans frotter de couverts en argent. Il y a des tas d'aventures autres à tenter dans la vie. Vraiment.
SupprimerBrilliant and important post. Much more research is required.
RépondreSupprimerStanislaw Ulam. "Adventures of a Mathematitian. Manhatten Project. Los Alamos. Most of the actial calculations were carried out by women, often spouses of the physicists. This sort of thing spread to Stalin's Russia when women were dragged in to do H-bomb calculations. Many women were taught maths to a fairly high level (before entering a life of drudgery & being called 'computers':)
Thank you for commenting : women are often pioneers before being sent back into the shadow and finally oblivion.
SupprimerCarrefour nous embête tous les jours avec ses pubs destinées aux femmes consommatrices : je n'ai pas de remord en ce qui les concerne !
RépondreSupprimerJ'ai bien aimé Imitation Game aussi : il n'est effectivement pas féministe, mais il a le mérite de parler de ce pauvre Turing qui a lui aussi été effacé de l'histoire pour cause d'homosexualité, et il montre au moins quelques deux ou trois women codebrakers (dont l'importante Joan Clarke, encore plus effacée que Turing), et rien que ça, c'est déjà leur rendre hommage à toustes ! Honnête film qui fait comprendre les débuts de l'informatique. Contente d'avoir permis d'apprendre quelque chose à ton compagnon :)) Et puis ces femmes, il faut en faire la promotion, c'est important.