jeudi 30 août 2018

Point zero : Propagation de la révolution par Silvia Federici

Accumulation primitive et exploitation des femmes : 
l'angle mort des analyses de Marx.

Après le succès mondial de Caliban et la sorcière, paru en 2004, dont la traduction française en est à sa deuxième édition, les Éditions iXe ont eu l'excellente idée de traduire cette compilation de textes publiés entre 1974 et 2012 par Silvia Federici, universitaire féministe marxiste. La pensée de l'auteure évolue avec les développements de la mondialisation en partant du mouvement Wages for housework des années 70 aux États-Unis. Le mouvement est déclenché par les coupes budgétaires faites dans les aides sociales aux USA, aides sociales dont les femmes sont toujours les principales récipiendaires.


" Mon engagement dans le mouvement des femmes m'a amenée à prendre conscience que la reproduction des êtres humains est au fondement de tout système économique et politique, et que si le monde continue de tourner, c'est grâce à l'immense quantité de tâches ménagères, payées et non payées, effectuées par les femmes. " écrit-elle dans la préface. Tout en reconnaissant qu'au départ, en bonne beauvoirienne, le statut de femme mariée et de mère n'était certainement pas sa tasse de thé à elle. L'accumulation primitive de capital qui permet d'investir dans la révolution industrielle s'est faite sur le travail de reproduction sociale non payé des femmes -et non inclus dans les PIB qui ne comptabilisent que l'emploi salarié et posté des hommes, emploi qu'il faut distinguer du travail non payé, comme le travail ménager ou le bénévolat, pour ne parler que de ces deux exemples : c'est la thèse de Sivia Federici. Qui plaide du coup pour un salaire ménager : Wages for housework.

" Comme d'autres féministes avant nous, nous découvrions que la cuisine tenait lieu pour nous de bateau négrier, de plantation, [et que nous étions] traitées en grandes dames coolies ". Mise en parallèle avec l'accumulation primitive selon Marx : le pillage brutal des colonies.

Le travail non payé, donc invisible, des femmes toutefois, est compensé par différentes aides : allocations familiales, pensions de réversion des veuves, et même RSA ; le problème, c'est qu'elles ne sont pas universelles, qu'elles sont souvent instrumentalisées pour stigmatiser les récipiendaires comme "parasites" de la société, un comble ! Et qu'en cas de "crise" ou "récession", elles peuvent servir de variables d'ajustement budgétaire. L'accès des femmes à l'emploi de type masculin -pas toujours gratifiant ni libérateur, reproche Federici- va se faire massivement dans les années 50, 60 et suivantes, aujourd'hui ce sont les femmes sans emploi à l'extérieur qui sont minoritaires ("maman ne travaille pas, elle s'occupe de nous", selon la légendaire formule) ; de fait, le capitalisme a fait son beurre du travail non payé que les femmes n'ont plus le temps de faire puisqu'elles ont un emploi à l'extérieur, en l'externalisant dans le secteur marchand sous forme de services payants : restauration hors domicile, tous les emplois du care, et même les papouillages maternels sous forme de soins bien-être, remise en forme et autres clubs de gym où on prend soin de son corps soi-même puisque plus personne d'autre ne le fait. Le capitalisme fait feu de tous bois, décidément. Ce qui est gratuit au sein du foyer et compte pour rien dans les PIB marchands, devient tout d'un coup production de richesses faisant du PIB quand il est externalisé, produit à l'extérieur de la sphère familiale. Mais ce sont toujours les femmes qui s'y collent à la cuisine, au care, et aux papouilles : ce sont les 12 ou 13 métiers exercés par les femmes en emplois marchands postés.

" Progressivement, le féminisme en est ainsi venu à se confondre avec la promotion de l'égalité des chances sur le marché du travail -de l'usine au conseil d'administration-, avec la promotion de l'égalité hommes-femmes, avec un processus de transformation de nos vies et de nos personnalités visant à les adapter à nos nouvelles tâches productives. " En propageant l'idée que l'emploi à l'extérieur est libérateur, et surtout que le combat, c'est le partage égalitaire des tâches ménagères, pire "la conciliation" des tâches ménagères avec une carrière professionnelle. Évidemment, les hommes, pas fous, et surtout habitués à être servis par les femmes de la famille, ne se précipitent pas pour contribuer. Eux, ne concilient rien du tout. Échec sur toute la ligne. D'ailleurs, toujours contre la ligne réformiste du féminisme, Silvia Federici, cohérente, est contre l'intégration des femmes dans les armées.

Je ne suis pas pour un salaire maternel ou ménager : les femmes sont suffisamment enfermées dans le conjugo et la maternité pour qu'on en rajoute. Pour moi, ce qui n'est pas payé n'a pas à être réalisé. Personnellement, je ne travaille plus pour la peau (dans mon cas, il s'agit de bénévolat puisque je me suis tenue pour des raisons politiques hors de l'exploitation domestique). L'exploitation des femmes est, et a toujours été la grande affaire du patriarcat. En théorie, la proposition de Federici, de rémunérer le travail domestique des femmes tient sur le papier, elle est même séduisante. L'histoire nous enseigne toutefois que les théories idéologiques sont dangereuses et/ou vouées à l'échec. Il y a certainement des règles comptables différentes à trouver pour calculer les PIB (Produits Intérieurs Bruts), de façon que les richesses produites retombent plus universellement et équitablement sur les femmes. Cet instrument de mesure de la richesse est de toutes façons dépassé : ils additionne des richesses produites par la destruction de ressources non, ou lentement renouvelables, sans proposer de compensation, il ne mesure plus qu'une fuite en avant mortelle, dont les femmes et la nature en ont toujours été les victimes. Une croissance effrénée et sans limites dans un monde fini est vouée à l'effondrement.

Qu'est-ce qu'un bien commun ? La terre, l'eau, l'air, sont des biens communs, mais aussi les espaces numériques et les services sociaux, les bibliothèques, le produit collectif des cultures passées, la biodiversité. Ils sont notre patri/matrimoine commun, ils n'ont pas à être marchandisés.

La mondialisation : une guerre économique contre les femmes 

De 1974 à 2012, la pensée de Silvia Federici évolue vers la critique de la mondialisation engagée dans les années 80. Le FMI et la Banque Mondiale promeuvent un capitalisme sans frein continuant, c'est son mouvement naturel, la destruction et l'expropriation des communs, en l'occurrence des terres, -75 % des agriculteurs de la planète sont, de fait, des agricultrices de subsistance- au nom d'une industrialisation agressive et productiviste basée sur l'exportation de la guerre, le néocolonialisme, et une notion obsolète du développement. L'aide alimentaire des pays du Nord qui suit généralement les guerres et les catastrophes dites "naturelles", pays du Nord qui y écoulent leur produits agricoles subventionnés, achèvent de ruiner les agricultures vivrières des pays aidés en les rendant dépendants des importations. Silvia Federici dit clairement que les ONG qui distribuent l'aide alimentaire sont désormais un rouage essentiel de la machine de guerre néocoloniale. Après les avoir chassées de leur lopins de terre, le premier commun, pour créer une nouvelle classe de prolétaires, le travail reproductif des femmes du Tiers-monde est cette fois détourné au service de l'hémisphère nord, dont les femmes n'assurent plus le travail de reproduction sociale. Petites bonnes, nounous s'occupant de nos vieux, ou pour l'emploi marchand, ouvrières à bas coûts des maquiladores mexicaines, ou des industries textiles du Bangladesh (maquilisation de l'emploi posté selon Federici), on voit ainsi naître une nouvelle classe de prolétaires à la limite de l'esclavage, pour nous fabriquer des T-shirts à 5 euros.

Mais les femmes résistent formidablement depuis toujours à l'expropriation des communs, à la commercialisation de l'agriculture et à la marchandisation du monde. " Partout dans le monde, les femmes sont en première ligne pour sauver et replanter les forêts et dénoncer leur surexploitation... les femmes sont prêtes à tout pour arrêter les bûcherons." Elles sont aussi à l'origine des mouvements tels Green Guerilla aux USA, ou celui des femmes ghanéennes qui font pousser en ville, où elles ont été chassées, toutes sortes de légumes, sur le moindre trottoir ou plate-bande de la capitale. " La terre est le substrat matériel des activités de subsistance assurées par les femmes, dont dépend la sécurité alimentaire de millions de gens sur tous les continents. " Il va toutefois falloir passer à la vitesse supérieure : l'épuisement concomitant des femmes et des ressources de la nature, car invisibilisées, menace ce que les hommes ont appelé une "civilisation" humaine. Pour pouvoir continuer à faire société, donc "civilisation", il va falloir prendre en compte le socle sur lequel elles ont prospéré jusqu'à maintenant, la reproduction sociale assurée par les femmes et les richesses fournies jusqu'ici "gratuitement" par la nature.

" La privatisation complète de la reproduction date de l'avènement du capitalisme et elle a maintenant atteint un seuil destructeur. Il faut absolument inverser la situation pour que nos vies cessent enfin d'être dévalorisées, émiettées. "

Silvia Federici ( 1942), universitaire, est marxiste autonome. Elle propose donc une lecture marxiste et matérialiste du féminisme (lutte des classes, la classe sociale hommes exploitant la classe sociale femmes). Ce recueil de textes, très abordables, est indispensable pour se faire une culture politique et une conscience de classe. Le livre est publié chez iXe. Critique : j'ai dû faire ma propre photo du livre tellement la couverture noire avec flash blanc au milieu rendait illisible le sous-titre, sur tout ce que j'ai trouvé sur Internet : avis aux éditeurs, travaillez le graphisme de vos couvertures.

Les phrases en caractère gras et rouge sont des citations de l'auteure.

vendredi 17 août 2018

Billet crade - En guests : les mecs et leurs comportements dans l'espace public

Il y a manifestement une loi canonique qui interdit aux hommes de nettoyer derrière eux. C'est en dessous de leur statut de saigneurs de la Terre. Les "lieux festifs" des villes (Rennes et Nantes, les endroits où je passe, mais ailleurs certainement), c'est ainsi qu'elles nomment les endroits où elles mettent un banc, une chaise Bouroullec à Rennes, une table de pique-nique..., sont jonchés de leurs canettes 33 cl ou bouteilles de bière, emballages alimentaires, verres PET cristal, serviettes en papier, mégots et capsules métalliques qui jonchent leur passage. Ils ratent les poubelles ! Sur les bords de rivière notamment, où ces déchets filent directement dans l'océan. Ils posent, d'après mes observations, leurs contenants à l'endroit exact où ils cessent de consommer. Vu qu'on est une espèce proliférante, alors qu'on reproche aux autres de l'être, nos ordures prolifèrent avec nous.
Les mères de familles abandonnent leurs pailles et boites de compote à tétines en plastique destinées à leur marmaille à peu près aux mêmes endroits. A un moment, il va falloir choisir entre pondre et disséminer ainsi nos saloperies partout, même dans l'espace. Je ne sais même pas pourquoi j'emploie le nous, puisque je ne suis pas concernée, hormis par les nuisances !

Mettez des mecs ensemble, au travail ou en fête, l'endroit devient immédiatement inhospitalier. C'est une sorte de génie qu'ils ont en propre, qui n'appartient qu'à eux. Les édiles municipales, des femmes en l'occurrence, puisqu'on a des femmes maires, malheureusement de première génération, héritières, qui donnent des gages à leurs mentors, elles bétonnent autant qu'eux, les femmes maires donc s'arrachent les cheveux : le problème actuel, c'est COMMENT LES EMPÊCHER DE PISSER CONTRE LES MURS, ces incontinents buveurs de bière ? Solution trouvée par Rennes, Paris (il n'y a qu'eux qui mettent le dispositif sur leur site) et Nantes : ceci, très classieux.




N'importe quelle autre espèce qui se comporterait de la sorte serait immédiatement vouée aux gémonies, elle perdrait son statut ; les mecs eux peuvent se comporter n'importe comment, incivilement partout, la question c'est comment "accompagner", leur étoile brille, inaltérable, au firmament patriarcal. Rien ne les atteint, c'est proverbial.

L'uritrottoir, c'est son nom, la solution proposée est désespérée, le remède est pire que le mâle. Vous ne savez plus comment lutter contre leur incivilité ? Vous l'accompagnez ! Personne n'a le droit d'uriner dans la rue, sauf les mecs. Eux ont le droit canonique de se sortir la nouille dans l'espace public, à la vue de toutes. Je préfère prévenir, n'ayant pas moi, d'intérêts dans la Firme, j'en vois un faire ça, je fous la zone. J'ai de l'imagination, et je peux mettre plusieurs fers au feu en même temps, comptez sur moi. Quand j'ai une envie, je rentre à la maison, ou je bois un café ou un verre en terrasse pour profiter des toilettes. Pas eux. Les bars ne leur servent qu'à se charger la vessie, pas à la décharger. C'est une loi d'airain, faite spécialement par eux, pour eux.

S'il leur arrive de nettoyer, c'est uniquement avec des gros engins. L'invention masculine majeure, c'est le process industriel. Chapitre A, B, C, D. Sous-chapitre Aa, Bb, Cc, Dd. Alinéas Aa1, Aa2, Aa3 ; Bb1, Bb2, Bb3, je vous laisse compléter en éparpillant. Vous pouvez descendre très bas dans la fragmentation patriarcale, jusqu'à la perte de vue de l'objet ou objectif final, il n'y a pas de mal, plus c'est fragmenté, meilleur c'est. Ils passent du monisme totalisant à la fragmentation comme vous vous faites la vaisselle, sans difficulté. Si vous avez travaillé dans ou avec un "service qualité" SIC (le patriarcat et ses démarches, c'est foutage de gueule et trivialisation, voire annulation du vocabulaire et du sens des mots), vous comprenez instantanément et exactement ce que je veux dire. Le process, rien que le process, tout le process. Dieu est process.

Donc, ils sortent leurs grosses machines qui ont coûté très cher ; du coup, il faut les amortir : balayeuses, souffleurs, tondeuses à gazon (qui déchiquettent les saloperies plastique sur leur passage, et enterrent les bouteilles de verres, empirant le ravage), élagueuses, camions poubelles, à peu près tout ce qui a une allure phallique, même de loin, et qui fait un potin d'enfer. L'idée, c'est la puissance et la fureur. La grosse machine est le prolongement de leur phallus. Agressions permanentes contre la nature, tontes rases, élagages en topiaires alors qu'on a besoin d'ombre avec la montée des températures, ils flinguent et violent tout ce qui passe à portée : le silence, la nature, les arbres, le chant des oiseaux, votre tranquillité ; ça fait de la poussière, ils sont d'ailleurs les premiers à se la prendre dans les naseaux, mais ça fait partie du PROCESS. Et c'est un état d'esprit.

C'est fait grossièrement ? Ca débarrasse les feuilles biodégradables mais pas les mégots et capsules incrustées dans l'herbe ? C'est pas nous, "c'est les jardins". Oui, parce que les tâches sont parcellisées aussi entre différents employés : ne mélangeons pas les torchons (à balais et cannes préhensiles) et les serviettes pétaradantes ! Toujours la fragmentation.

Normalement avec des baltringues pareils, on ne devrait plus encombrer trop longtemps les autres espèces ni la planète. On est mâle barrées.

L'idée qu'ils sont inaptes (et par extension tout le monde) à nettoyer est tellement ancrée, figurez-vous que le Puy du Fou, ce parc de loisirs de chouans vendéens exploiteur d'animaux, a eu l'idée du siècle : dresser des corbeaux à ramasser les mégots. Je vous jure. Ca semble plus facile dans ce sens-là : le corbeau est plus intelligent que le mâle de l'espèce humaine : on peut lui apprendre à faire des trucs. Et il les fait ! C'est désormais démontré, le propre de l'homme, c'est son inaptitude cognitive, il est en dessous des oiseaux.

Le premier mâle de l'espèce humaine qui vient m'expliquer qu'il a un gros cerveau, que c'est parce qu'il mange de la viande, ou qui se pousse du col au-dessus des autres espèces, je lui conseille de numéroter ses abattis, s'il veut les retrouver au paradis des différents dieux qu'il a créé à son image, tellement il se trouve beau et intelligent. Escroc.

Il semble qu'un petit mouvement se dessine de joggeurs et promeneur-euses, munis de sacs poubelles et de bâtons préhensiles, qui ramassent les déchets sur leur passage. Des associations aussi ; moi je vois surtout des femmes, main droite gantée d'un sac plastique, ramassant les bouteilles pour les mettre dans la poubelle la plus proche, quand elle n'est pas éventrée, répandue par des imbéciles alcoolisés et parasites. La recommandation de mes parents "on doit laisser l'endroit aussi propre en sortant qu'on l'a trouvé en entrant" n'a même plus cours, puisque tous les espaces de nature sont sales et vandalisés par la proliférante et irresponsable espèce humaine, qui pourtant étrangement, ne se pose jamais la question de l'avenir de sa descendance à qui elle laissera, si les comportements ne changent pas, un dépotoir en guise de ressources où puiser. 

mardi 7 août 2018

Appel des femmes du mouvement écologie - féminisme révolutionnaire

En ces temps de Jour du dépassement, Earth Over shoot day, de période de canicule européenne sans précédent, je vous propose ce texte de 1974, déposé en août à la Conférence mondiale sur la population de Bucarest, texte publié dans la foulée par Charlie Hebdo, que j'ai trouvé dans les appendices d' Ecologie et féminisme de Françoise d'Eaubonne, réédité cette année et publié lui aussi en 1974. Il y a 44 ans. A quelques détails près, il pourrait être écrit aujourd'hui.


Appel des femmes du mouvement écologie-féminisme révolutionnaire 

ATTENDU que le plus grand péril qui menace aujourd'hui dans un avenir très proche notre planète et l'humanité présente ce double aspect : surpopulation globale et destruction des ressources tant agricoles que minières ;
ATTENDU que si le péril de destruction des ressources affecte davantage les pays d'économie développée, ceux en voie de développement ne s'en acheminent pas moins vers le même abîme dans la course au développement industriel ;
ATTENDU que les pays d'économie développée ressentent plus profondément le mal de la concentration urbaine et les autres ceux de la surpopulation, mais que tous sont, à titre divers, sous le coup de la même catastrophe finale dont la menace est encore occultée par la répartition inégale et inique des dernières richesses ;
ATTENDU que le camp capitaliste (de monopole ou d'état) s'apprête à succomber à la pléthore et à l'asphyxie et que l'autre qui végète dans la carence n'envisage pas d'autres routes que celle qui a fait du premier ce moribond ;
ATTENDU que ces diverses observations révèlent une société malade et démentielle qui, même dans ses efforts révolutionnaires, changent DE système, mais jamais LE système, et ne remet jamais en question les structures culturelles profondes : morale du travail, appropriation, expansion, compétition meurtrière, le tout basé sur une HIERACHIE DES SEXES et division de leurs intérêts, fondant le schéma patriarcal universel et la cellule familiale ;
ATTENDU que la Chine qui a tenté d'aller plus loin dans un effort sincèrement contestataire ne l'a fait qu'au prix d'un absolu mépris des réalités sexuelles et individuelles aboutissant à castrer l'être humain, mâle ou femelle, et emprunte la même route industrielle qui reconduit l'erreur universelle de la société ;
ATTENDU que le monde du capital a dévoilé son hypocrisie en proclamant la campagne antinataliste..., au tiers-monde tout en nous contestant, rognant, légalisant et manipulant notre droit le plus essentiel : à la procréation et à son refus ;
ATTENDU que la naissance d'un seul enfant en pays d'économie développée équivaut à un déséquilibre écologique (surpollution et destruction des ressources) 20 à 25 fois supérieur à celui d'un enfant du Chili ou du Bangladesh, et que l'informatique nous prédit, si rien ne change, LA MORT PAR FAMINE DE 500 MILLIONS D'ENFANTS DE 0 à 13 ANS D'ICI L'AN 2010 (donc non encore nés), et que cette menace écologique et démographique est l'aboutissement DIRECT de ce qui, dans l'antiquité, fonda le patriarcat par ces deux appropriations :
      La fertilité (agriculture devenue propriété mâle)
      La fécondité (découverte de la paternité)
      Entraînant donc le système mâle, dont le capitalisme n'est que le dernier stade, à surexploiter et surpeupler la terre sans considération de la terre ni des femmes ;

NOUS, FEMMES DU MOUVEMENT ECOLOGIE-FEMINISME REVOLUTIONNAIRE, nous déclarons : 

a) Notre résolution de prendre en main, avec le contrôle de notre destin, celui de la démographie, en solidarité avec nos sœurs du tiers-monde, et notre volonté de traquer et combattre à tous les niveaux le système patriarcal universel qui cimente par notre oppression TOUTES LES AUTRES ;
b) Notre résolution particulière de combattre par tous les moyens l'instauration insensée de l'industrie nucléaire de fission destinée non à remplacer certaines sources d'énergie, mais à alimenter la guerre et le profit et exigeant un société policière ;
c) Notre DECISION (à titre de premier avertissement) de proclamer et organiser une grève de la maternité d'UN AN MINIMUM dans les pays d'économie développée, pour la grande majorité de nos signataires qui sont en possibilité de procréer et d'encourager les femmes des autres pays à nous imiter afin de manifester leur pouvoir, indispensable pour la continuation de l'espèce et de l'Histoire, qu'aucune loi ne peut leur retirer. 

NOUS EXIGEONS :
L'arrêt du pillage des biens de la VIE dont nous sommes les détentrices, le stoppage de l'inflation démographique qui recoupe si bien le mépris de notre condition, de notre volonté, de notre dignité ; la limitation du "travail" producteur d'inutilités et de pollution ; le reboisement maximal effectué grâce aux masses de travail ainsi dégagées ; la destruction ou l'arrêt des criminelles centrales nucléaires remplacées par les "énergies douces" qui décentraliseront les sources de production et donc le pouvoir ; la fin définitive de toute industrie de guerre, et surtout l'ABOLITION TOTALE ET IRREVERSIBLE DU SEXISME ET DU PATRIARCAT.

Mouvement Ecologie-Féminisme Révolutionnaire
(Cet appel déposé au congrès de Bucarest en août 1974, a déjà reçu un millier de signatures)
(Publié par Charlie-Hebdo)