vendredi 30 novembre 2018

Vous vous appeliez Maria Schneider, Jean Seberg, Romy Schneider, Marie-France Pisier...

Elles sont toutes victimes de l'industrie vampire du cinéma, dévoreuse insatiable de chair fraîche.
Préparées au sacrifice sur l'autel du cinéma par une enfance malheureuse avec des parents maltraitants (Maria Schneider, Romy Schneider -juste une homonymie, elles ne sont pas parentes...), recrutées par défaut, elles ne sont généralement pas un premier choix du metteur en scène, elles sont recrutées quelque fois sur un malentendu, parce que l'actrice pressentie à refusé, et comme elles cherchent une porte d'entrée, qu'elles ont le pied mis à l'étrier par un parent insistant (dans le cas de Maria Schneider, c'est son père Daniel Gélin qui fait office), elles sont contentes d'être "choisies" et de fait, sont toutes prédisposées à faire chair à canon, d'autant plus si elles sont très jeunes quand elles rentrent dans la carrière (19 ans pour Maria Schneider quand elle tourne "Tango", film sexe, sans réels dialogues, énorme succès en salle en 1973).  Autant dire qu'elles sont désarmées devant les Bertolucci ou Antonioni, déjà metteurs en scène reconnus et recuits.

La reconversion est quasi impossible : une fois qu'elles ont dilapidé l'argent de leur premier et pharamineux cachet, goûté à toutes les fêtes, s'être détérioré la santé dans toutes sortes d'addictions (à l'héroïne pour Maria Schneider), au sexe, à l'alcool, après une ou plusieurs tentatives de suicide (Seberg, Romy Schneider : réussies, Bardot...) ou qu'elles prennent un peu d'âge, soit elles disparaissent des écrans, ou n'apparaissent plus qu'épisodiquement, remplacées par de plus jeunes et plus tendres, soit elles quittent l'industrie en claquant la porte : Brigitte Bardot, qui est bien la seule à avoir réussi, et avec brio en plus, son repositionnement dans un métier totalement différent. Bardot qui sera une des seules, hors la famille, à donner des coups de mains à Maria Schneider quand elle n'a plus un rond, même pour se payer un toit ; c'est Bardot qui lui paie son loyer. Sororité, solidarité, empathie entre anciennes ayant subi la férule masculine. Je sais que Bardot ne validerait pas mes propos : elle n'est "pas féministe, car elle aime trop les hommes" étant une des ses maximes, totalement hors sujet. Autant son obstination et son combat envers les animaux sont nobles et forcent le respect, autant elle dit des stupidités et tient des propos discutables quand elle sort de son sujet de prédilection où on aimerait qu'elle se cantonne. On ne peut pas être compétent en tout. Je pense toutefois que son (sale) caractère et son impétuosité sont les armes qui lui ont permis de réussir sa sortie et son rebond.

Tu t'appelais Maria Schneider, récit écrit par sa cousine germaine journaliste, Vanessa Schneider, à la deuxième personne du singulier "tu", raconte aussi l'histoire d'une famille d'après la "libération sexuelle" de 1968, -libération qui a surtout profité aux hommes- les addictions à l'héroïne, et au sexe, le maoïsme du père de Vanessa Schneider, les rêves et expériences, parfois délétères, d'autres plus joyeuses, tentées par les enfants de 68, ainsi que leurs désillusions.

" Maria ne prononce pas le mot de misogynie. Maria ne fait pas de politique. Maria constate : "Pour les hommes c'est plus facile, ils sont considérés comme des saltimbanques, des marginaux. Quand tu vois des destins comme celui de Romy ou d'autres, tu te poses des questions." Pause, deuxième cigarette : "Des rôles, j'en refuse beaucoup. Il n'y a pas beaucoup de rôles de femmes dignes. On fait toujours exister une femme par rapport à un homme, par rapport à un couple." Elle ajoute, fataliste : Comme partout, ce sont les hommes qui ont le pouvoir au cinéma." [...] Les producteurs sont des hommes, les techniciens sont des hommes, les metteurs en scène pour la plupart sont des hommes, la presse, ce sont des hommes, les agents ce sont des hommes qui te donnent les scripts, qui t'orientent, qui te conseillent. Ils ont tous des sujets pour les 
hommes. ".



Maria Schneider est morte en 2011 à 58 ans ; sa filmographie compte tout de même 50 films.

Bernardo Bertolucci vient de décéder à 77 ans le 26 novembre 2018, couvert d'honneurs et de prix. Sur le plateau de Tango, il n'adressait jamais la parole à Maria Schneider, il réglait les scènes du film en concertation avec Marlon Brando qui se piquait aussi de mise en scène. Le tournage du Dernier tango à Paris relance la carrière de Brando considéré en 1973 comme acteur sur le déclin. Il avait 48 ans, Maria Schneider 19.
Trauma Tango : la crique du livre par Libération.

Personnellement, hormis la mise en scène hors décors de studio, je n'aime pas A bout de souffle (Godard - 1960) à cause des répliques cavalières, machistes et violentes de Belmondo à Jean Seberg, et de l'éternelle ode aux mauvais garçons qu'est ce film. Il fera toutefois de Jean Seberg une "égérie" de la Nouvelle Vague. Jean Seberg est morte à 41 ans en 1979, retrouvée inanimée dans le coffre d'une voiture, la police conclura à un suicide.

Il serait temps aussi que l'industrie du cinéma qui prétend employer des artistes (et alors, les artistes seraient au-dessus des lois et du Code de Travail ?) adopte la rationalisation des méthodes de recrutement dont tous les services de ressources humaines se sont dotés ; il est totalement archaïque et inadmissible de recevoir une actrice ou un acteur en robe de chambre dans une chambre d'hôtel, fût-elle une suite ! Il est inadmissible de la faire se déshabiller en entretien d'embauche. Une actrice joue la comédie, qu'elle a en général apprise dans une école de théâtre, c'est un métier, et à ce titre, les compétences des actrices devraient être appréciées et évaluées comme celles de n'importe quel autre salarié.

jeudi 22 novembre 2018

La terreur change de camp - #25novembre

Quelques trucs pour se tirer d'affaires, et surtout cultiver son répondant.
Mon billet ne va pas être validé par les féministes libérales, ni par les féministes pop. J'assume.
Évidemment, ce sont les garçons qu'il faut éduquer à ne pas agresser, à ne pas violer, à ne pas se comporter en affreux toujours en train d'exhiber leur virilité toxique et ses différentes manifestations, surtout quand ils sont en groupe, et bien entendu, vis à vis des réputés plus faibles et vulnérables : femmes, gays, lesbiennes, roux, ... La société doit aussi ne plus tolérer le perpétuel incivisme des mâles au motif que boys are boys, boys will be boys, en français, les garçons sont comme ça, on n'y peut rien, maxime de ménagère accablée, sans conscience de classe, que j'ai entendue des milliers de fois. Mais les femmes doivent aussi apprendre à s'aider individuellement elles-mêmes, à se défendre et exercer leur assertivité. La terreur peut changer de camp. D'abord, parce que l'assertivité aussi trouble l'ordre social, elle dérange les rôles attribués aux genres. Une femme qui résiste et riposte est révolutionnaire. 


Selon l'excellente Docteure Muriel Salmona, la sidération de la victime, cette anesthésie incompréhensible par ceux qui pensent ne jamais avoir été agressé-es, s'explique par la rupture brutale du contrat social en un lieu où en principe ça n'arrive pas : dans la rue, quelqu'un -un homme dans 100 % de cas- hurle "SALOPE" en passant près de vous, ou se sort la nouille pour pisser contre un mur alors que vous allez passer. Dans un ascenseur ou une salle de réunion, le mec qui vous croyiez inoffensif vous agrippe le sein ou vous met la main entre les cuisses ; dans une chambre à coucher, le gentil garçon qui vous embrasse vous saisit par le cou et vous bloque, empêchant toute fuite, bien décidé à vous imposer ce à quoi vous ne consentirez pas ; toutes ces circonstances font que pendant plusieurs secondes, voire minutes, voire heures, en fonction de la gravité, de l'éloignement ou de l'intimité du geste, le temps que la victime accommode, réalise ce qu'il se passe, son premier réflexe étant de se figer dans l'incompréhension, l'agresseur va mettre à profit cette période pour pousser son avantage et imposer, ou s'en aller en triomphant.

Dans la rue, ça m'arrive régulièrement : dans le cas du mec qui s'aère paulo contre un mur, je tiens mon spray au poivre et je dis bien fort en passant auprès "alors, on s'aère la nouille ? les chiottes, c'est pour les pisseuses par pour les pisseurs ?", ou autres aménités, à l'inspiration du moment. Le mec ayant parié que les femmes n'ont aucun répondant va se pisser dessus. De toutes façons, il ne va pas vous courir après le zob sorti. Donc, allez-y, c'est un entraînement. Pareil pour les insultes à un mètre ou 10 mètres, moi je réponds, haut et fort. J'ai même couru derrière un, une ou deux fois. J'ai un stock d'insultes humiliantes -traduites de l'anglais, l'anglais est meilleur, plus explicite. Y a pas de raisons. Pour l'exhibo, généralement un lâche planqué dans une haie, qui sort sa bite molle et vous la montre, montrez-lui votre spray au poivre, en disant que vous aussi vous en avez une petite. Gazeuse la vôtre, mais justement, elle pique les yeux. N'attendez aucun secours, les mecs éventuellement témoins se cassent le plus loin possible, les femmes courbent l'échine et se barrent aussi, se pensant, mais quelle grossière, celle-là ! C'est ma faute évidemment : comme dit une de mes sœurs "mais où tu vas comme ça pour qu'il t'arrive des trucs pareils ?". "Mais dans les mêmes endroits en ville, rues, places, chemins de halages... où passent ces misérables, je paie les mêmes impôts qu'eux, bordel".

Dans la rue, les femmes sont généralement encombrées : de poussettes, de téléphones portables, de sacs à provisions, d'enfants, de kilomètres de tissus et de voiles... et elles n'ont toujours pas de poches. Le foulard a toutefois un avantage, bien serré et emboîtant, il permet de coincer un téléphone contre son oreille et de garder les mains libres ! Super, il double la productivité du travail domestique gratuit. De plus, les filles se parent des attributs de la féminité, vous savez ce truc qu'on perd comme un trousseau de clés. Talons aiguilles de 15 cm, jupes entravées... Oubliez la désinformation permanente sur la féminité, celle des féministes pop et des magazines féminins : non la féminité n'est pas puissante, elle est impuissance inculquée, rentrée dans la tête des filles à coups de tatanes, EXPRÈS encore ! Elle ne peut pas vous servir de paravent, ni de bouclier, pas plus que votre portable en disant que vous êtes en train d'appeler votre fiancé, ou qu'un enfant dans une poussette, un foulard signalant votre pudeur, ou un panier à provisions. Ces mecs veulent vous terroriser pour affirmer la suprématie mâle partout, en tous lieux, en toutes circonstances. Ils l'ont petite et sujette à pannes, ils veulent vous le faire payer, même, surtout, si vous êtes une passagère de hasard. Ne comptez pas non plus trop sur la Cavalerie : elle est surtout occupée à défendre les abattoirs des intrusions des, je cite, "extrémistes radicaux véganes", "djihadistes verts qui veulent nous interdire la viande", parole d'activiste pro-animaux. Je dois avoir une fiche S à la DGSI, depuis le temps qu'ils relèvent mon identité ! Traitement à comparer avec celui qu'ils me réservent dans les commissariats : mes plaintes sont rarement recevables, dommages pas assez sérieux, ils ont tant mauvais comportements masculins autrement graves à traiter.


On peut avoir suffisamment d'aplomb personnel pour prendre le RER B ou le métro un vendredi soir de match de footeux ventres à bière, en robe du soir et talons aiguilles, petite pochette à sequins, mais moi, je brouillerais le message : j'y ajouterais un élément discordant, une grosse clé à molette apparente, un pied de biche, ou mieux, un gros gourdin à clous. Le temps que ces andouilles qui perdent des pièces tentent de comprendre si c'est du lard ou du cochon, votre train est arrivé à destination, il se grattent encore l'occiput, ou quoi que ce soit d'autre.

Dans un ascenseur : bon, d'abord, évitez de le prendre avec cet autre ennemi de classe Maître Dupond-Moretti, parce que c'est vrai que ça fout la trouille ! 
Pour le reste, quand arrive une charrette avec 15 mecs dedans (je vous assure, ça m'est arrivé dans des centres d'affaires !) dites que vous allez attendre le prochain métro, vous n'êtes pas pressée à ce point-là. Le temps que les portes se referment, parlez-vous à vous-même et dites distinctement "mais c'est pas possible, c'est une attaque de clones ou quoi, il y a un nid dans le coin ?" Vous allez les entendre gémir, c'est bon à prendre. Les choses se corsent quand vous êtes seule avec un inconnu, ou même un collègue de travail dans un ascenseur. Moi je suis prête à tout (c'est un entraînement, les mecs ne sont pas, n'ont jamais été, ne seront jamais mes amis, je n'ai pas le cœur ni la confiance sur la main en ce qui les concerne) j'ai toujours un spray dans ma poche à portée de main. Paraître une femme castratrice a ses avantages. Ah oui, j'oubliais, très important : FAITES LA GUEULE partout, tout le temps, dans la rue, dans le métro, dans les couloirs de vos bureaux. Les mecs font la gueule, personne ne le leur reproche, faites pareil. Les femmes n'ont pas à sourire tout le temps, être bonnes filles ni bonnes camarades, les femmes ne sont pas les serpillières au service de tout le monde. Les femmes ont des contrariétés, des motifs de faire la gueule, bien plus que les mâles, donc les femmes font LA GUEULE, point. Et par pitié, ne rasez pas les murs, imposez-vous dans l'espace commun, urbain. Raser les murs signale la peureuse, celle que le prédateur remarque. C'est la jungle ? Alors, c'est struggle for life ! Mais écoutez vous aussi : votre instinct vous conseille le demi-tour ? Ecoutez votre instinct.

Évidemment, je ne suis pas en train de vous conseiller la grossièreté (quoique si on est grossier avec vous, vous avez le droit), ni le manque de solidarité : si on attaque quelqu'un-e devant vous, et que vous sentez que vous pouvez y aller, allez-y, volez à son secours, mêlez-vous du sujet, d'autant plus si ça ne vous regarde pas, la société crève de gens qui ne s'intéressent pas à leurs voisins et voisines. Le sujet de ce billet n'est pas la politesse mais l'assertivité.


Au travail :
A l'ombre de l'affaire Tron qui, selon les attendus du jugement qui l'acquitte (le Parquet vient de faire appel du jugement) il régnait à la mairie de Draveil une atmosphère sexuelle, sexiste permanente. Ça nous est arrivé à toutes : allusions graveleuses, sous-entendus, gestes déplacés, pervers manipulateurs qui tentent des trucs. Il n'y a rien de pire que le pervers, quand on en rencontre un, on a du mal à l'identifier. Pourtant il est identifiable : il change de ton brutalement, il fait des ruptures, il teste, il pratique la douche écossaise. Ça glace et fait perdre pied, c'est voulu. Comme en général, c'est un supérieur hiérarchique, l'atmosphère autour de lui est délétère, tout le monde file doux, tout le monde ferme sa gueule, tout le monde à peur, surtout les femmes, les mecs, eux, comme d'habitude, pratiquent l'évitement, la diversion : tu es sûre ? Je n'ai rien remarqué.
Si vous en détectez un, virez-le (si c'est votre petit ami) ou cassez-vous de la boîte -au besoin en signalant ses pratiques à l'Inspection du Travail ! Ils sont incurables, toxiques, ils vont tenter l'emprise et vous rendre malheureuse comme les pierres. Aucun compromis n'est possible.
En entretien de recrutement, exercice parfaitement codifié, on ne peut vous demander que votre CV, votre parcours, vos motivations, et vos prétentions. Rien de plus. Refusez tous les tests projectifs (portrait chinois s'appliquant à vous, rorschach, ...) : ce sont des tests utilisé en psychiatrie et psychanalyse, ils peuvent être déstructurants et débouchent souvent sur des analyses sexuelles hors contexte, ils n'ont rien à faire en RH. Si on vous demande combien est payé votre mari, si vous voulez avoir des enfants, pourquoi vous n'en avez pas eu, toute question personnelle ou d'ordre familial, rangez vos affaires, prenez congé, ou ne donnez pas suite. Ils ne s'amenderont pas, la boîte est sexiste, sans doute raciste et discrimante. Vous cherchez un boulot, pas une situation d'esclave. Utilisez votre période d'essai (elle n'est pas faite que pour les employeurs, tout le monde se teste) pour bien comprendre où vous avez mis les pieds. Pas mal d'entreprises sont cyniques et engagent des femmes parce qu'elles sont réputées moins chères et plus dociles parce que plus vulnérables. Résistez. L'assertivité paie, on vous reconnaîtra comme une femme de tête.


Voilà. Billet pas consensuel du tout. Le consensus, c'est la femme éternellement victime, pire : qui doit retourner au charbon même quand tout démontre que la mine c'est l'enfer. Évidemment, ces conseils sont inspirés de situations qui me sont arrivées, y compris celle du dirigeant pervers qui terrorisait les femmes, surtout celles réputées vulnérables. Je suis partie en tonitruant dans les couloirs, que mauvaise pioche, "je ne suis pas une femme qu'on moleste". Il a été traîné devant un tribunal quelques mois plus tard. Je n'arrive pas à m'ôter de l'idée que j'ai sans doute déclenché quelque chose, montré qu'il n'était pas intouchable. Les femmes ont le droit de se défendre. Quand les mecs seront devenus polis, on envisagera de faire la même chose. En attendant, si vous aimez les raouts attrape-tout (les enfants bienvenus, les hommes bienvenus, ... ;(( dissolvant toute idée révolutionnaire, vous pouvez aller manifester avec #NousToutes samedi 24. Site Internet pour trouver toutes les infos, compte Twitter pour les actualisations. Et  rappelez-vous :

Les femmes, c'est comme les pavés, à force de marcher dessus, on les prend sur la gueule !  
Slogan féministe révolutionnaire des années 70.

Les mecs morts ne sifflent plus les filles dans la rue !

Lien : Un précédent billet sur le harcèlement de rue et comment réagir
La première illustration provient du film Misery (1990), joué par Kathy Bates dans le rôle de l'héroïne, lui-même issu du roman éponyme de Stephen King (1987).

samedi 10 novembre 2018

Illimitisme patriarcal et surpopulation

2, 3 milliards d'humains en 1950 et 8 milliards d'humains en 2025, en l'espace d'une vie, certain-es auront vu quadrupler la population humaine sur une planète aux ressources forcément limitées. D'autant que les besoins humains sont exponentiels : toujours plus d'espaces occupés, d'animaux à viande élevés sur la destruction des forêts, et de terres rares pour nos terminaux et nos batteries !

La surpopulation, c'est toujours les "autres". Emmanuel Macron rappelait récemment dans un discours que l'éducation des femmes africaines était la clé du contrôle démographique sur ce continent. C'est évidemment exact, mais c'est un peu vite dit. Un enfant qui naît dans l'hémisphère sud n'utilisera pas les ressources de trois planètes pour couvrir ses besoins, (s'il dépasse 5 ans, dans certains pays en développement ce n'est pas garanti), ce qui est le cas d'un enfant de l'hémisphère nord, même né de façon "naturelle". Je vous laisse compter le poids en carbone, en comptant tous les déplacements et toutes les transactions, d'un enfant né par GPA, acheté aux Etats-Unis, et ramené en France.
L'espèce humaine si l'on en croit les anthropologues n'est pas si prolifique que ça. Aussi, pour qu'elle atteigne un tel succès en matière démographique, il a fallu contraindre les femmes à la reproduction par différents moyens : viols, viols de guerre, viol conjugal, mariages forcés et précoces, patrilocation éloignant la mariée de sa famille maternelle d'origine pour qu'elle n'ait pas de possibilité de retour en cas de mauvais traitements par exemple, poigne de fer des religions patriarcales prescrivant le mariage et la maternité comme seul destin pour les femmes, et bien sûr prohibition de tout moyen de contrôle des naissances et de l'avortement. Voici ce qu'écrivait Françoise d'Eaubonne sur le sujet en 1978 dans Ecologie et Féminisme :

Aperçu de la politique française 

" On ne peut guère mettre en parallèle le fait qu'en 1850 l'humanité atteignait son premier milliard et qu'en 1846, à peine cinq ans plus tôt, notre pays voyait se fonder l'Alliance nationale qui proposait de développer l'aide sociale "afin d'accroître la population", le problème démographique pour les rares théoriciens qui le posaient, se limitait à la reproduction des classes pauvres, à la fois "dangereuses" et nécessaires ; l'avare de Dickens, Ebenezer Scrooge, parle de la mort d'un enfant ouvrier comme "diminuant l'excédent de population"*. Le problème est donc un problème de classes ; les riches oscillent entre le besoin qu'ils ont de main d'oeuvre pour servir des intérêts du patronat et les idéaux patriotiques, et la crainte de voir les prolétaires se multiplier de façon menaçante ; attitude reconduite aujourd'hui par les pays d'économie développée face au tiers-monde. Nulle part n'apparaît le problème du rapport des forces entre sexes, et même l'explosion du féminisme de 1848 n'en fait aucune mention. Ici encore, comme nous le verrons si souvent, la lutte de classes occulte et gauchit la lutte des femmes pour leur libération. C'est dire qu'à plus forte raison personne ne se doute encore que les problèmes de population à l'échelon des pays s'inscrit dans une perspective autrement vaste, et qui ne va pas tarder à devenir planétaire, démasquant brutalement l'oppression de sexe et la surfécondation millénaire, universelle, internationale, due au régime de patriarcat qui va suffoquer l'espèce humaine à tous les niveaux par son ultime avatar, le capitalisme. 

Parmi les causes les moins examinées de la persistance des conflits armés et de leur relation avec le régime capitaliste, on peut signaler non seulement la compulsion agressive, superstructure née avec la dominance mâle et les premières fortifications de Jéricho (contemporaines de l'appropriation agricole), mais encore le frein contraceptif exigé par l'accroissement exponentiel. Joseph de Maistre, de la façon la plus déplaisante, mais non sans véracité, a décrit ce caractère, pour lui, "divin" du perpétuel déluge de sang -comparable dans ce système de surfécondation et d'accroissement illimité, aux bienfaisantes menstrues de l'organisme féminin. Là où l'homme ne considère en la femme que la "matrice" au sens mécanique du terme qui désigne les machines fabriquant des machines semblables, la mise à la ferraille de cette surproduction ne peut être que le conflit armé. 
C'est pourquoi la guerre n'est pas uniquement le résultat des rapports de force entre les propriétaires privés des différentes sources de production ; si elles s'accomplissent -de plus en plus paradoxalement, puisque le dévoilement des motifs économiques s'effectue très tôt- avec la complicité des victimes, c'est d'une part grâce au besoin de rompre avec l'intolérable quotidien de l'ennui qu'organise le pouvoir de profit, et de l'autre par la nécessité collectivement et obscurément ressentie de réprimer une démographie anarchique, absurde, dont le contrôle a échappé aux femmes et dont les hommes ne connaissent pas la maîtrise puisqu'ils en ignorent le problème

La Première Guerre mondiale ouvre une brèche dans la population française : un million et demi de morts. Entre cette guerre et la suivante, les naissances n'équilibreront pas les décès annuels. La fameuse loi de 1920 votée par la Chambre bleu horizon contre l'avortement et la contraception porte, jusque dans son excès nataliste, la marque de l'idéologie patriarcale ; la seule contraception totalement interdite est féminine. Les préservatifs masculins restent en vente libre, sous la restriction hypocrite de publicité défendue, ce qui était aisément tourné par la métaphore d'"article d'hygiène". Malgré la loi, comme on sait, l'avortement clandestin multiplia en France ses ravages, entraînant par dizaines de milliers maladies, accidents, cas de stérilisation,  morts. Il n'est pas indifférent de savoir que le taux des naissances après s'être relevé à la Libération, où les femmes, comme tout le pays, crurent à un véritable renouveau politique, tomba à nouveau pour se retrouver en 1968, année des barricades, au même chiffre exactement qu'en 1920. 

En 1945, le Général de Gaulle avait émis le vœu de voir la population française s'augmenter de 12 millions de naissances. Le Parti communiste, loin de protester, devait dix ans plus tard renchérir sur ce natalisme imbécile en s'opposant violemment à une législation de la contraception, et en foudroyant le malheureux Derogy, auteur de ce libre impie, Des enfants malgré nous. Entre temps, avait été publiée en 1946 la liste des produits abortifs interdits pas décret, et en 1953 la loi Bleu horizon avait été incorporée dans le Code de la santé publique, avec l'appui enthousiaste du très pétainiste Ordre des Médecins (dont beaucoup refusaient d'anesthésier l'avortée, même involontaire, en cours de curetage à vif.)
En 1962, le Général de Gaulle revenu au pouvoir revint également à la charge : cette fois-ci il souhaitait que la population française atteigne 100 millions. 
[...]
L'année suivante, c'est Michel Debré qui invoquait la compétition démographique en reprochant au pays ses pauvres petits 48 millions d'habitants à côté des 50,5 de l'Italie et des 55,5 de l'Allemagne de l'Ouest. A la même époque, dans le seul hôpital de Grenoble, nous révèle Elizabeth Draper (Conscience et contrôle des naissances) qu'il était établi que 61 % de 1197 femmes enceintes l'étaient contre leur volonté


En février 1969, au moment où un congrès de savants réunis au Musée de l'Homme déclarait que le monde entrait dans une période irréversible de destruction écologique (ce que confirmait U Thant, [homme politique birman, 3ème secrétaire général des Nations Unies de 1961 à 1971] et tandis que l'affolement commençait à se manifester avec les travaux du Club de Rome, le gouvernement français relève les allocations familiales et abaisse le prix des transports familiaux ; mesures sociales heureusement trop futiles pour combattre le décroissance de la natalité. Après le combat soutenu de façon virulente par les mouvements de libération, parallèlement à des projets réformistes comme celui de la loi Neuwirth, l'avortement devient légal le 14 novembre 1974, après diverses mesures assouplissant la législation de la contraception. [La presse patriarcale parle alors de "berceaux vides", "700 000 français de moins en 1974", et la "diminution non moins affolante des mariages des jeunes" nous menaçant d'une "catastrophe économique et sociale sans précédent".] la société capitaliste et industrielle, dernier stade du patriarcat, se sent menacée au cœur par la diminution de la natalité sur ses territoires d'origine même si la démographie mondiale lui est problème ; la révolte collective des femmes en ce qui concerne leur destin individuel a projeté brutalement sur la scène politique le conflit cru privé ; en se réemparant du "produit de son travail" en domaine biologique, à savoir la procréation, le sexe féminin, en dehors de toute lutte de type féministe-passéiste pour l'insertion d'une société faite sans les femmes, prouve que le véritable pouvoir se trouve entre ses mains ; et que pour citer Spengler, si l'homme fait l'histoire, la femme est l'histoire. 
[...]
la destruction des sols et l'épuisement des ressources signalées par tous les travaux écologistes correspondent à une surexploitation parallèle à la surfécondation de l'espèce humaine. Cette surexploitation basée sur la structure mentale typique d'illimisme et de soif d'absolu (qu'il s'agisse de profit matérialiste ou d'idéologie religieuse ou politique) qui est un des piliers culturels du système mâle, s'est d'autant plus facilement et librement exercée en l'absence de la cogestion féminine, toujours considérée comme un frein et un alourdissement à cause de ses aspects conservateurs, anti aventuristes, anticompétitifs, et antiviolents (jusqu'à l'apparition d'une contre violence féminine comme l'écoguerilla antinucléaire). 

L'appropriation patriarcale de la fertilité terrestre a donc bien abouti, directement, à la destruction des ressources par surexploitation, comme l'appropriation patriarcale de la fécondité à la surpopulation mondiale ; ces deux motifs fondamentaux du patriarcat auront persisté à travers tous les régimes économiques pour déboucher sur le capitalisme industriel meurtrier et sur-polluant, en maintenant à chaque époque l'oppression des femmes et la hiérarchie sexiste. 
Le profit est le dernier visage du pouvoir, et le capitalisme le dernier stade du patriarcat."
Françoise d'Eaubonne - 1978 - Ecologie et Féminisme - Réédité en en 2018

Le sujet de la surpopulation ayant été traité jusqu'à maintenant par des gens peu recommandables, il est indispensable de préciser que la seule façon de lutter contre la surpopulation est l'empouvoirement des femmes**, leur émancipation et autonomisation via l'école, le collège, le lycée et l'université pour toutes celles qui en ont le désir et s'en sentent les capacités, un libre choix de leur destin, le mariage et la maternité n'étant plus considérées comme leur assurance-vie, mais au contraire en faisant une carrière dans le domaine souhaité, secteur marchand ou non marchand, procurant la capacité de vivre dignement de ses activités en y trouvant la créativité, l'accomplissement et l'épanouissement personnel. Evidemment, tous les moyens de contraception doivent être mis à leur disposition, et l'avortement dépénalisé partout, est en accès libre et gratuit dans les meilleurs conditions médicales. Et ce sur l'ensemble de la planète, sans restrictions. Ces outils sont très puissants, la preuve c'est que les résistances à l'autonomie des femmes sont nombreuses et omniprésentes. Les femmes doivent choisir d'avoir ou non des enfants, le nombre d'enfants qu'elles veulent, sans que personne ne leur dicte quoi que ce soit. Le pouvoir procréateur remis sans restriction  aux femmes, c'est notre seule chance de survivre en tant qu'espèce. Que les hommes se taisent enfin. Ils ont fait assez de dégâts.

Les caractères gras sont de mon fait, les caractères agrandis sont les soulignés de Françoise d'Eaubonne. 

Liens : Au croisement du féminisme et de l'écologie, l'écoféminisme
**L'empouvoirement c'est prendre le pouvoir sur sa vie 
Faites des parents (kins, proches), pas des bébés ; tous les terriens, animaux inclus sont parents proches" - Anthropocène, Capitalocène, Plantationocène, Chthulucène, faire des parents - Par Donna Haraway 

* On peut se poser la question de savoir si la natalité en France -1,9 enfant par femme- qui rajoute 140 000 primo demandeurs chaque année au solde incompressible de chômeurs et précaires- n'est pas voulu pour maintenir des salaires bas, une population de salariés précarisés mais dociles, et des propositions néo-libérales de rogner sur les cotisations sociales, renommées fort à propos "charges sociales".